3-1936/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2006-2007

22 MARS 2007


Évaluation de l'aide budgétaire


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION SPÉCIALE « MONDIALISATION » PAR

MMES ZRIHEN ET LIJNEN


AUDITIONS


1. Introduction

Depuis quelques années, l'éventail des moyens d'action en matière d'aide au développement s'est enrichi d'un instrument supplémentaire, à savoir l'aide budgétaire.

Cette technique consiste pour un donateur à mettre à la disposition d'un pays en développement une somme forfaitaire qui est destinée, non pas à un projet bien concret, mais à un programme préalablement défini et dont l'affectation relève de la structure institutionnelle du pays bénéficiaire lui-même.

Les moyens sont inscrits au budget global du pays en question et mis en paiement par le ministère des Finances local. C'est la raison pour laquelle on parle « d'aide budgétaire ».

La commission a estimé opportun de donner suite à la proposition faite par les services de l'aide au développement du SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au développement, d'entendre une série de personnes familiarisées avec cette matière.

Il s'agit des personnalités suivantes:

— M. Robrecht Renard, professeur, Universiteit Antwerpen;

— dr. A. Geske Dijkstra, Universiteit Rotterdam;

— M. Jean-Louis Lacube, Commission européenne — Europaid, Office de coopération;

— M. Bernard Lebrun, CTB-Niger;

— M. Johan Debar, attaché à la direction générale de la Coopération au développement;

— M. Gérard Karlshausen, président de la Plate-forme belge CONCORD, chargé des questions européennes au CNCD — 11.11.11.

2. Auditions du 27 novembre 2006

2.1. Exposé introductif de M. de Crombrugghe de Looringhe Évaluation spécial de la coopération au développement

L'orateur expose que, de nos jours, la coopération bilatérale gouvernementale que non gouvernementale s'efforce d'allouer ses ressources limitées à des interventions les plus pertinentes possibles, avec un souci d'efficacité et de durabilité. La coopération belge n'y fait pas exception. Cependant, des engagements globaux viennent orienter leur action.

Aujourd'hui, les deux principaux cadres internationaux qui balisent nos efforts de coopération sont la Déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide, et le Consensus européen, deux avancées réalisées en 2005.

La déclaration de Paris, qui s'inscrit dans le prolongement des Objectifs du millénaire, fait du développement une responsabilité partagée entre pays partenaires et donateurs, les premiers esquissant des objectifs et les seconds étant invités à fournir les moyens nécessaires pour les atteindre. Les donateurs s'engagent à coordonner leurs interventions.

La forme la plus avancée d'harmonisation nous est donnée par le consensus européen de 2005 visant à fédérer l'UE et les États membres autour de valeurs et d'objectifs communs en matière de coopération et accordant à l'UE un leadership de fait pour réaliser une complémentarité entre les efforts de l'Union et ceux des États membres en matière de développement.

L'aide budgétaire est l'un des instruments visant à transformer l'aide internationale en aide effective au développement.

C'est de cela qu'il s'agit aujourd'hui. Qui dit plus d'aide budgétaire, dit aussi mécanismes de contrôle, plus alertes et plus efficaces. Les parlements, tant chez nous que dans les pays partenaires, ainsi que les organisations de la société civile présentes en Belgique et dans le Sud, ont clairement un rôle à jouer à cet égard.

L'idée de base de cette réunion fut, d'une part, l'importance croissante donnée à l'aide budgétaire par la coopération belge et, d'autre part, les résultats d'une grande évaluation conjointe menée par 25 donateurs qui ont uni leurs efforts pour faire le point sur l'aide budgétaire. Une note réalisée par Mme Nele Degrauwe de la CTB en donne un résumé.

Les intervenants successifs vont éclairer 5 facettes de l'aide budgétaire, et l'orateur fera lui-même une synthèse en tant qu'évaluateur.

Le professeur Robrecht Renard présentera un exposé sur la naissance de l'aide budgétaire et ses caractéristiques.

Le professeur Geske Dijkstra formulera des observations critiques à partir d'une évaluation que la coopération néerlandaise a réalisée de sa propre aide budgétaire et de l'évaluation commune clôturée cette année.

M. Jean-Louis Lacube parlera de l'expérience de l'UE en matière d'appui budgétaire.

M. Johan Debar commentera le Vade-mecum de l'aide budgétaire belge.

M. Bernard Lebrun parlera de l'expérience sur le terrain, par exemple au Niger.

Ensuite, M. Gérard Karlshausen lancera le débat en exposant le point de vue des ONG sur l'aide budgétaire.

2.2. Audition du professeur Robrecht Renard, Universiteit Antwerpen

L'intervenant indique d'emblée que, selon lui, l'aide budgétaire générale est un instrument nouveau intéressant en matière d'aide au développement; elle complète les formes d'aide existantes.

Elle est d'autant plus importante que les flux financiers résultant des promesses des donateurs, dont même des petits pays comme la Belgique, sont en augmentation.

Il existe plusieurs définitions plus ou moins larges de l'aide budgétaire.

Selon l'une d'elles, il s'agit de la mise en commun délibérée des moyens de l'autorité bénéficiaire et de ceux du donateur.

On voit donc apparaître des flux financiers composites générés par des moyens provenant, par exemple, de la Belgique, de la Banque mondiale, de la Commission européenne, ainsi que des moyens budgétaires propres du pays bénéficiaire, ce qui réduit sensiblement la visibilité et la traçabilité de l'aide extérieure.

Il s'agit d'une aide anti-intuitive, en ce sens que chez nous, on part du principe que la transparence totale du parcours de l'aide est la meilleure garantie de qualité.

Toutefois, il y a eu de nombreuses plaintes dans le secteur de l'aide au développement en raison d'immixtions excessives d'un trop grand nombre de donateurs.

En ce sens, l'aide budgétaire constitue une bonne réponse.

On part parfois du principe que l'aide budgétaire est une alternative à l'aide traditionnelle, c'est-à-dire celle englobant les projets dirigés par le donateur et les programmes d'ajustement structurel.

Le soi-disant échec de l'aide concerne surtout les pays pauvres très dépendants de l'aide, qui sont essentiellement situés en Afrique sub-saharienne.

En soi, cette perception est erronée. L'aide est toujours utile parce que sans elle, la situation aurait été pire. Une étude empirique étaie cette constatation.

Un autre point mis en lumière par l'étude est qu'une bonne politique et un contexte institutionnel de qualité constituent des éléments bénéfiques.

Les critiques à l'encontre de l'aide classique visent tant les donateurs que les pays bénéficiaires.

On reproche aux premiers de considérer à tort que tout ce qu'ils font eux-mêmes est meilleur.

Les donateurs sont excessivement chers et bureaucratiques. De plus, ils fragilisent les autorités locales en imposant leurs propres procédures et ne collaborent pas suffisamment entre eux.

On reproche aux seconds l'absence d'un appareil étatique solide.

En effet, il n'y a pas de responsabilité ni de maîtrise des projets au niveau national (national ownership). En vue de remédier à cela, les donateurs imposent des réformes, souvent avec arrogance. L'incohérence de leur mode de négociation les empêche à certains moments d'intervenir de façon suffisamment stricte.

Ces deux critiques apparemment contradictoires expliquent les maigres résultats des programmes d'ajustement structurel.

Mais pourquoi alors l'aide budgétaire fonctionnerait-elle mieux ?

Les arguments théoriques (voir diapo 11) consistent à dire que le pays est supposé être capable de déterminer lui-même sa politique (ownership).

Le pays peut présenter son propre agenda par le biais des PRSP (Poverty Reduction Strategy Papers).

Ce nouveau type d'aide met en outre très nettement l'accent sur le renforcement institutionnel de l'État. C'est pourquoi il prévoit une assistance technique au niveau des ministères et des autres organes centraux de l'État.

L'aide budgétaire doit s'inscrire dans un dialogue politique à propos des réformes nécessaires qui sont généralement un sujet politique sensible.

La pression est donc exercée en douceur, ce qui suppose que les donateurs aient adopté entre eux la même ligne de conduite.

De cette manière, une nouvelle forme de conditionnalité harmonieuse voit le jour. Cela signifie que des négociations ont lieu sur des réformes dont on pressent l'amorce dans le pays bénéficiaire. Il s'agit de persuader le pays bénéficiaire à s'engager contractuellement à respecter certaines obligations.

Le résultat final est que l'on canalise davantage de moyens par le biais des autorités. Dans certains cas, ce renforcement du rôle des autorités peut déjà être utile en soi, sans qu'il doive nécessairement y avoir d'effet supplémentaire. De cette manière, il est possible d'agir plus efficacement dans des domaines tels que l'enseignement et les soins de santé.

Le deuxième effet (indirect) est crucial. Il s'agit de l'amélioration de l'administration. La clé du succès est que le pouvoir en place ait un minimum de volonté politique et que le pays en question ait un minimum de capacité institutionnelle.

Sans la volonté politique, il est inutile d'entreprendre quoi que ce soit.

Quand il y a une volonté politique bien affirmée, on peut courir le risque.

C'est le pari que les donateurs font toujours.

La condition qu'ils mettent est qu'il doit s'agir d'une aide prévisible et souple qui vient en temps opportun.

Il est évident que lorsqu'une aide est promise, le pays bénéficiaire doit pouvoir compter dessus.

Les flux financiers des donateurs servent en effet en partie à couvrir les dépenses courantes du bénéficiaire.

Une harmonisation s'impose tant au niveau administratif que sur le plan du dialogue politique.

La sélectivité et la fermeté sont indispensables dans le dialogue politique. Elles sont à l'origine de l'expression « risque calculé » qui est basé sur la constatation que les formes d'aide traditionnelles n'ont donné que des résultats mitigés.

Cette nouvelle approche est un instrument complémentaire, non exclusif.

Agir sur l'élément institutionnel est un processus complexe, parce que cela suppose de soutenir le changement plutôt que de le forcer. L'opération est d'autant plus complexe qu'elle mobilise des dizaines de donateurs.

Si l'initiative s'avère fructueuse sur le terrain, elle traduit une grande avancée.

En dehors de l'aide budgétaire, les donateurs disposent aussi d'autres instruments, qui dépendent du degré d'immixtion et qui vont de la sélectivité à la « conditionnalité discordante ».

La préoccupation de l'orateur est donc de réaliser un équilibre avec d'autres instruments.

Au niveau de la coopération belge, une discussion a été lancée à propos du type de projet répondant à cette nouvelle forme d'aide.

Celle-ci convient à un donateur de taille moyenne, comme la Belgique, mais impose des exigences très élevées.

Une telle aide nécessite notamment une collaboration plus étroite avec les Affaires étrangères, en raison des aspects politiques et institutionnels.

Sans doute requiert-elle aussi une adaptation des procédures internes au sein de la DGCD et de la CTB.

Elle suppose également une adaptation des mécanismes de contrôle interne, comme l'inspection des Finances.

Autrement dit, sous la forme d'une boutade: elle demande aussi une bonne gestion de la part du donateur.

2.3. Audition du Dr A. Geske Dijkstra, Université de Rotterdam

L'intervenante explique que son exposé portera sur les évaluations, pas uniquement les évaluations collectives de tous les pays donateurs de la CAD, mais aussi les évaluations ponctuelles auxquelles elle a elle-même collaboré.

Elle cite parmi celles-ci l'aide-programme (terme générique désignant l'aide non rattachée à des projets) et donne comme exemples l'aide à la balance des paiements et l'allégement de la dette, mais aussi les premières formes d'aide budgétaire.

Elle a également été associée, dans une moindre mesure, à l'analyse de la CAD.

Enfin, elle a elle aussi mené sa propre étude dans les années '90.

La question portait sur l'affectation de l'argent qui parvenait directement aux finances publiques du pays donataire.

Ces fonds s'avéraient d'une très grande utilité, aussi bien pour la stabilisation (la plupart de ces pays connaissaient à l'époque un déficit budgétaire et cette aide directe les préservait de l'inflation), que pour la croissance économique.

La conclusion générale fut que les pays ne réalisent que les projets qu'ils avaient de toute façon l'intention d'entreprendre. Le reste est purement esthétique: des mesures sont prises sur le papier mais ne correspondent pas vraiment à ce que souhaitent les donateurs.

La communauté des donateurs en a déduit qu'il fallait être plus sélectif et examiner la volonté politique de ces pays (= promouvoir davantage l'ownership).

On a également analysé l'efficacité des réformes proprement dites: que se passait-il lorsque les pays répondaient quand même aux demandes de privatisations, etc.

Pour les 20 pays concernés par l'étude, il s'est avéré qu'une multiplication des réformes n'était pas toujours la meilleure solution.

Les donateurs ne doivent donc pas formuler de conclusions à la légère.

Autre sujet: les conditions d'octroi de l'aide et les conditions de procédure qui s'y rattachent.

On a examiné l'impact positif et négatif sur l'aide à la balance des paiements.

Ces pays avaient souvent un système centralisé de répartition des devises étrangères.

En tant que donateur, il était possible d'exercer une influence positive en demandant que les devises soient dorénavant vendues aux enchères.

Ce système pouvait aussi avoir l'effet inverse si les pays en question disposaient déjà d'un marché des changes plus libéralisé, et si c'étaient les donateurs qui imposaient des règles complémentaires pour certains flux d'importation.

Cette étude permet également de déduire des aspects positifs et négatifs pour l'aide budgétaire.

Il peut être positif d'attirer l'attention sur les systèmes budgétaires en général, et sur leur amélioration, plutôt que sur l'affectation des moyens du donateur en question, ou, en d'autres termes, sur le micro-management.

En ce qui concerne les évaluations CAD, on peut affirmer que leurs conclusions vont dans le même sens que celles de l'étude de l'oratrice.

En ce qui concerne les flux financiers, on peut dire que, dans les 7 pays en question, l'aide budgétaire a eu des effets positifs sur l'aide au développement en général, par exemple en matière de flux d'allocations (visant à couvrir aussi bien les investissements que les dépenses courantes) du budget. Les pays ont pu utiliser ces flux financiers avec plus de flexibilité. Les secteurs sociaux ont également reçu plus d'argent, mais il n'a pas encore été prouvé que cela ait contribué à améliorer le processus d'alphabétisation ou la lutte contre la pauvreté.

La stabilisation est un point difficile, parce que cet objectif était déjà atteint dans de nombreux cas. La plupart des pays n'ont plus de déficit budgétaire.

Toutefois, comme une dégradation des conditions politiques peut rapidement mettre fin à l'aide budgétaire, la prévisibilité n'était pas optimale. Ce qui met naturellement la stabilité en péril.

En ce qui concerne la rationalité et la sélectivité, il s'avère que les donateurs sous-estiment souvent les risques politiques (appui de la population, longévité variable des gouvernements, guerres, etc.).

Il est apparu que les donateurs avaient une approche très diversifiée de l'analyse des risques au niveau du budget et de la corruption.

Mais la plupart d'entre eux vérifient si le pays a conclu un accord avec le FMI.

Le dialogue politique (+/- la conditionnalité) est plus efficace en cas de stabilité politique, sinon les donateurs ont trop peu d'influence.

Une grande partie de l'aide est maintenant liée au PSRP. Les premières versions des PSRP mettaient fort l'accent sur les secteurs sociaux. L'aide partait donc dans cette direction, en reléguant le secteur économique au second plan.

S'agissant des avancées au niveau institutionnel, la volonté politique est déterminante. En général, ce sont les ministères des Finances qui ont le contrôle de cette matière et les ministères bureaucratiques de cette espèce ne sont pas trop proches de la politique. Paradoxalement, c'est précisément grâce à cela que de nombreuses améliorations sont apportées.

Auparavant, un rapport du FMI était la condition sine qua non.

Nous voulons aujourd'hui plus de sélectivité, or le FMI n'est pas sélectif. Tous les pays pauvres concluent sans cesse de nouveaux accords avec le FMI. Cela tient au fait que le FMI joue le rôle de gardien pour tous les donateurs et qu'un accord avec le FMI est une garantie d'afflux de fonds apportés par les donateurs, principalement au niveau de l'aide budgétaire. Il apparaît pourtant actuellement que le sceau du FMI ne revêt plus une importance décisive pour l'aide aux projets.

Mais le FMI est aussi un créancier qui a tout intérêt à voir arriver de nouveaux programmes pour que les anciens prêts puissent être remboursés. Dans la pratique, les critères de gouvernance ne sont pas aussi importants que les conditions préalables.

Un graphique nous montre la conséquence de cette situation (voir annexes).

Pour tous les pays à revenus moyens et faibles, on a analysé l'évolution de la mise en œuvre de critères de gouvernance tels que l'efficacité des pouvoirs publics, la démocratie, la qualité de la réglementation, la lutte contre la corruption, etc.

Le graphique montre d'une part l'état d'avancement de la mise en œuvre d'une série d'accords avec le FMI. Les lignes représentent les pays qui n'ont conclu aucun accord ou qui n'en ont conclu qu'un seul durant une période de 10 ans.

Ces pays affichent de meilleurs résultats en matière de gouvernance, car ils ont besoin de moins d'argent du FMI ou parce qu'ils sont mieux organisés. Par contre, dans les pays qui ont conclu 2 ou 3 accords, la qualité de la gouvernance ne va pas en s'améliorant.

On peut en conclure que subordonner l'éligibilité d'un pays à un accord du FMI est sans doute un facteur qui nuit à la qualité de la gouvernance.

C'est surtout le cas en Amérique du Sud, mais les systèmes sont très disparates.

Les conditions budgétaires sont largement utilisées pour influer sur les systèmes budgétaires, mais ce ne sont pas les seuls éléments qui entrent en jeu. En fait, tout continue comme dans les années '90, la Banque mondiale fixant parfois jusqu'à 150 conditions. Ces conditions concernent un large éventail de domaines, tels que l'environnement, les soins de santé, l'énergie, l'enseignement, etc.

Mais, il y a aujourd'hui plus de conditions qui accordent une importance déterminante aux performances ultérieures. Une plus grande responsabilisation est accordée, mais cela ne signifie pas qu'il y a moins d'indicateurs de processus.

Le fait d'axer davantage l'évaluation sur les résultats obtenus a aussi généralement pour conséquence qu'une partie de l'aide budgétaire n'arrive pas étant donné que le pays en question voit son aide réduite s'il ne remplit pas les conditions.

Officiellement, les conditions pour l'aide budgétaire sont fondées sur les stratégies de lutte contre la pauvreté. À cet égard, on peut se demander dans quelle mesure ces stratégies tiennent compte des besoins locaux, étant donné qu'elles sont souvent élaborées par des consultants. De plus, elles sont formulées dans des termes très généraux. Elles ne sont donc pas d'un grand secours si l'on veut réaliser des applications concrètes.

Dans ce contexte, les donateurs appliquent encore très souvent le micro-management.

En résumé, on peut affirmer que les effets à long terme de l'aide budgétaire ne sont pas encore clairement identifiés.

On a certes déjà constaté des effets positifs sur le plan du management public financier et de l'efficience allocative (différence entre dépenses courantes et dépenses d'investissement).

La sélectivité est trop peu appliquée, surtout en ce qui concerne la gouvernance et la volonté politique de lutter contre la pauvreté.

Dans la pratique, l'aide budgétaire n'est donc pas prévisible, car dès que se produit un événement important aux yeux des pays donateurs, ceux-ci ferment le robinet.

Enfin, il y encore trop de conditions détaillées, qui constituent autant d'ingérences dans les processus et la politique des pays en développement.

L'aide budgétaire devrait être une des modalités de l'aide, qui mettrait nettement l'accent sur l'amélioration des systèmes budgétaires mêmes.

2.4. Audition de M. Jean-Louis Lacube, Commission européenne — Europaid, Office de coopération

L'orateur annonce qu'il va parler de choses un peu plus pratiques que ses prédécesseurs, soit la mise en œuvre de l'aide budgétaire.

Il veut répondre à la question que l'on se pose sur les attentes de la Commission européenne par rapport à l'aide budgétaire.

Quelle est par ailleurs l'aide budgétaire dans l'ensemble de l'aide européenne ?

Il voudrait, pour cela, prendre deux exemples concrets: le Rwanda et le Burundi.

Il voudrait voir ensuite quels sont les acquis et les différents chantiers qui restent à explorer en matière d'aide budgétaire.

Il y a d'abord l'avantage que l'on espère retirer de l'aide budgétaire. Il s'agit de disposer de moyens de contrôle renforcés, puisque les dépenses en matière de projets soutenus se font à travers les mêmes outils que ceux utilisés par les autorités nationales pour les dépenses effectuées sur leurs propres ressources, par le biais de techniques comme les contrôles, le monitoring, etc.

L'on voit en plus apparaître en filigrane le rôle de la Cour des comptes européenne et du Parlement européen.

En mettant nos moyens à l'intérieur des ressources de l'État aidé, l'on veut ainsi renforcer les institutions nationales, en les obligeant à rendre des comptes, et ainsi obtenir une meilleure utilisation de ces ressources.

Ce qui importe, ce n'est pas tellement la stratégie nationale, mais comment cette stratégie doit être traduite en actions, et comment ces dernières vont pouvoir être financées dans le temps.

Le système assure une meilleure cohérence entre le financement des dépenses courantes et les investissements. C'est là un acquis de l'aide budgétaire.

Il y a plus d'attention prêtée au résultat obtenu. L'aide budgétaire doit être crédible et justifiée, autant pour les contribuables européens que pour les bénéficiaires.

Concrètement, il importe plus pour une maman au Burkina Faso de savoir qu'elle peut mettre ses enfants à l'école, plutôt que d'apprendre qu'on prend des mesures théoriques pour l'amélioration du système d'éducation.

La réduction des coûts de transaction est possible pour autant qu'on exige une coordination des bailleurs de fonds, de sorte qu'ils ne demandent pas chacun un reporting, une comptabilité séparée, etc.

Par ailleurs, ils doivent avoir un droit de regard sur les finances publiques du pays bénéficiaire.

Quant à l'historique de l'aide budgétaire, il faut remonter à la période des réajustements structurels à la fin des années '80.

En 1989, il y avait un programme d'importation au Sénégal, tout en maintenant de l'aide sous forme de projets inscrits dans des politiques sectorielles.

À la fin des années '90, la vision sur l'aide structurelle a évolué. Un certain nombre de constats sur l'efficacité déficiente de l'aide ont amené à tester certains types d'aide, en particulier au Burkina Faso, et également le schéma de réduction de la dette multilatérale qui proposait au pays aidé de présenter des programmes de réduction de la pauvreté. Aujourd'hui, l'aide budgétaire est devenue un instrument qui doit répondre à la fois à l'évolution des appuis aux aides structurelles et à l'appui aux stratégies de réduction de la pauvreté. Elle peut également être employée pour appuyer des aides sectorielles.

Sur les slides, on voit que les ACP étaient les plus grands bénéficiaires.

Dans les aides sectorielles, il y a surtout l'appui à des politiques d'éducation et de santé, mais aussi les stratégies axées sur la libéralisation de l'économie, le commerce, les réformes administratives, voire même des réformes du secteur financier.

Le système implique qu'on ne contrôle pas la destination de l'argent versé. Il faut donc trouver d'autres moyens de contrôle.

Pour pouvoir assurer ceci, il y a d'abord des critères d'éligibilité rigoureux (pas dans n'importe quel pays).

Le cadre macro-économique est important pour garantir que le budget du récipiendaire soit effectivement exécuté, et que les politiques envisagées soient soutenables dans la durée, et non influencées par des données macro-économiques telles qu'un endettement excessif, un taux de change qui risque d'évoluer de façon négative ou une inflation exagérée.

Il faut enfin savoir quel type de politique l'on va appuyer. Les PSRP rentrent dans cette politique, mais aussi les politiques sectorielles crédibles. En ce qui concerne la Commission européenne, elle tend à établir des programmes pour au moins 3 ans, et un système de décaissement basé sur des tranches fixes et variables mélanges où l'on lie les performances aux décaissements.

Les tranches fixes portent en moyenne sur 50 % des dépenses envisagées. En termes de performance, l'on a reproché à la CE un manque de prévisibilité liée aux tranches variables. Mais ces tranches ne sont décaissées en moyenne qu'à hauteur de 70 %, ce qui couvre à peu près 85 % des montants à décaisser prévus.

En plus, cela est annoncé au ministère des Finances de l'État bénéficiaire, au moment où il fait sa programmation.

Un enseignement important est l'utilisation de cadres conjoints avec les autres bailleurs de fonds. La Commission participe à ces cadres de partenariat mis en place.

Il en découle aussi certains problèmes, comme l'absence des partenaires des institutions de Bretton-Woods à la discussion de certains projets, sauf en tant qu'observateurs. Ceux-ci s'engagent en général moins que les autres, mais les choses évoluent positivement.

La coopération et la coordination avec d'autres partenaires, comme les pays membres de la communauté européenne, s'amplifient.

L'aide budgétaire devenant plus ciblée, il faut se rendre compte que le rôle des Cours des comptes nationales devient plus important.

Certains pays n'ont pas les moyens de s'offrir pareille institution. Aider ces structures-là, — pour autant qu'elles existent —, est difficile pour la CE. Il s'en suit que les partenariats avec les états européens individuels sont d'autant plus intéressants.

Le Rwanda est un bon exemple: c'est un pays qui a bénéficié d'une réduction de la dette multilatérale, qui disposait d'un PSRP. L'on y a élaboré une stratégie sur trois ans. Plusieurs bailleurs de fonds se sont regroupés au sein de systèmes de coordination renforcée. Le gouvernement joue son rôle et pilote parfaitement les évolutions.

L'UE a fait beaucoup de progrès dans ce pays au niveau des systèmes de mesure de leurs performances, et au niveau de la mise en œuvre de leur stratégie de réduction de la pauvreté, aussi bien dans la gestion des finances publiques que dans l'utilisation de certains indicateurs dans des secteurs comme l'éducation de base et la santé.

Un slide montre ces indicateurs. Ce sont ceux qui sont fréquemment utilisés par le FMI. Au niveau des finances publiques, ceci est surtout lié à l'allocation des budgets, à la façon dont le budget est exécuté, au contrôle qui s'exerce pour les secteurs prioritaires.

Il y a enfin quelques indicateurs sectoriels mis en évidence.

Souvent, il y a des indicateurs sectoriels, comme le taux de scolarisation ou de couverture vaccinale, éclatés par sexe. Ici on ne l'a pas fait parce que le taux de scolarisation au Rwanda pour les filles est très élevé. Pour les garçons, il l'est moins, non en fonction d'une volonté du gouvernement, mais par suite des événements du génocide, qui ont provoqué une hécatombe chez les garçons.

Au Burundi, les conditions ne sont pas remplies comme au Rwanda. Le pays n'est pas encore complètement sorti du conflit, et il y a toujours des difficultés d'aboutir à un accord avec les rebelles. Leur réintégration dans l'armée coûte très cher. Il faut garantir une stabilité politique en termes de sécurité des personnes et des biens. Ceci ne signifie pas qu'on ne peut pas encore intervenir. On l'a fait, mais en prenant plus de risques. L'aide budgétaire n'y est pas directe. C'est un des seuls pays avec un système de change administré. Ce sont des systèmes de coordination poussée avec des bailleurs de fonds, accompagnés d'autres opérations, qui ne se prêtent pas à l'aide budgétaire, mais qui doivent néanmoins se réaliser, qui rendent l'aide possible, et laissent entrevoir des perspectives meilleures au niveau de l'aide.

L'on ne devra pas se lancer pour autant dans des aides budgétaires dans tous les pays sans distinction, mais discerner quand il y a un minimum de sécurité, et qu'on peut dès lors concerter certaines initiatives, avec un gouvernement engagé. C'est en ce faisant qu'on peut avoir une coordination forte avec la BIRD, et que les choses peuvent avancer. Au Burundi on a réussi à faire avancer les programmes basés sur des performances, dans le secteur concret de l'éducation et la santé. Bien sûr, on a plus de difficultés qu'au Rwanda, avec un niveau de statistiques moins évolué, mais on a provoqué un mouvement qui portera ses fruits.

Quelques autres éléments intéressants sont à mentionner: on s'aperçoit qu'on a donné plus de latitude au gouvernement dans l'utilisation des ressources, mais il reste difficile de mesurer l'impact de l'aide budgétaire dans la mesure où il y des facteurs externes qui peuvent avoir autant d'effet que les appuis apportés. Il y a eu le déclenchement d'un processus où le gouvernement porte plus d'attention au résultat, et où les ministères techniques (éducation, santé) coordonnent mieux leurs actions avec le ministère des Finances. Il reste le problème de l'isolement de la Commission européenne, quand elle fait pression pour que l'on utilise davantage des indicateurs de résultat, comme le taux de scolarisation, de vaccination..

Des évolutions vers la prise en compte de ce genre d'indicateurs au niveau des OMD, va probablement exercer une pression autant sur le gouvernement que sur les bailleurs de fonds.

Le dialogue critique sur le financement avec le gouvernement reste parfois encore difficile. Cela prendra du temps, mais grâce à l'aide budgétaire, l'on aura un levier pour changer les finances publiques.

Une plus forte coordination est nécessaire.

Quelques points critiques sont:

— les OMD prennent plus d'importance aujourd'hui que les PSRP;

— il faut se préoccuper de la prévisibilité de l'aide à plus long terme (3 ans est une limite inférieure); nos politiques accepteront-ils des engagements plus longs, avec des conditionnalités plus « softs » sur des périodes intermédiaires ?

— de plus en plus, on pousse vers une gestion décentralisée vers les régions, les districts etc.;

— notre système budgétaire n'est pas encore assez perfectionné pour faire face à cette évolution;

— la lutte contre la corruption dans sa totalité s'impose;

— le renforcement du parlement et de la cour des comptes sont nécessaires; il n'y a pas mieux placée pour aider une cour des comptes qu'une autre cour des comptes; des aides par la commission européenne ne sont pas si efficaces;

— le rôle de la société civile;

— la qualité des statistiques; il y a trop de risques à insérer des biais pas parfaitement fiables;

On ne peut pas non plus utiliser un seul indicateur pour détourner l'attention des autres.

2.5. Audition de M. Johan Debar, attaché à la direction générale de la Coopération au développement

L'intervenant souhaite présenter une approche théorique de la politique belge en la matière.

D'un point de vue historique, il faut souligner que la Belgique est arrivée tardivement sur la scène de l'aide budgétaire, par comparaison avec la Commission européenne, la Grande-Bretagne ou les Pays-Bas.

Au même titre que la France et l'Allemagne, la Belgique fait partie d'un groupe de pays qui ont été plus lents à développer ce nouvel instrument.

En 2005, le ministre a décidé d'amorcer un mouvement de rattrapage, ce qui a eu pour effet que 6 de nos 18 pays partenaires appliquent actuellement de tels programmes. Le Mali rejoindra ce groupe de pays au début 2007. Parmi ces sept pays, on compte six dossiers d'aide budgétaire sectorielle et un dossier d'aide budgétaire générale (le Mozambique).

L'aide sectorielle concerne principalement l'enseignement, les soins de santé et l'aide aux autorités locales.

Pour le ministre, ce mouvement de rattrapage visait non seulement les budgets en général, mais aussi la conclusion d'une convention avec la ministre du budget.

Jusqu'en 2004, chaque dossier d'aide budgétaire devait être approuvé préalablement. Le nouvel instrument suscitait une certaine méfiance.

On a finalement opté pour une période d'essai s'étendant de 2005 à 2007, durant laquelle plus aucune approbation préalable ne serait nécessaire. La coopération au développement a donc eu les coudées franches pour développer ce nouvel instrument, à concurrence d'un volume de l'ordre de 15 à 20 % de la coopération bilatérale.

Une évaluation sera effectuée en 2007 pour déterminer si l'administration de la Coopération au développement a été à même de gérer ce risque majeur (présumé).

L'accord en question a fait l'objet d'un vade-mecum qui esquisse le cadre de la politique à mettre en œuvre.

Le premier volet de ce vade-mecum définit les critères auxquels les dossiers doivent répondre, tandis que le second volet fixe les procédures et les moments où des contrôles doivent être effectués.

Il convient de rappeler que l'on travaille toujours sur la base de programmes sectoriels développés dans les pays concernés ou de programmes de lutte contre la pauvreté. Les fonds transitent par le Trésor.

Des variantes existent et, parfois, il arrive que des donateurs dérogent aux procédures habituelles de gestion des finances publiques.

On travaille toujours avec plusieurs donateurs, pour des raisons liées aux frais de transaction pour le partenaire.

Chaque dossier implique un engagement pour plusieurs années. Jusqu'à présent, la période standard est de trois ans, mais il faudrait peut-être envisager des périodes plus longues, en tenant compte notamment des remarques formulées par M. Lacube.

L'idée centrale est d'instaurer un dialogue politique en prévoyant des moments de concertation sur les programmes soutenus, compte tenu des besoins des partenaires en la matière.

Pour chaque dossier, on procède d'abord à une analyse des risques.

On recherche avant tout des pays ayant une stabilité et une volonté politique suffisantes (political commitment) pour mettre en œuvre un programme, ainsi qu'une capacité minimale pour en assurer la gestion.

L'accent est mis sur la volonté politique. Quant à la capacité, on peut toujours la développer au moyen d'investissements.

Ces deux composantes sont traduites en six critères, étant entendu que chaque dossier soumis au ministre doit être évalué en fonction de ces six critères.

Il y a la qualité de la stratégie de réduction de la pauvreté. La politique nationale de lutte contre la misère, ou bien le programme sectoriel soutenu, sont évalués en fonction de la qualité, de l'ouverture, de la qualité de gestion des fonds publics et de la volonté du ministre de réformer les finances publiques locales, de la présence d'une politique macro-économique saine (mesurée dans la pratique selon les normes du FMI), de la capacité minimale (mesurée suivant un critère aussi universel que possible, à savoir l'indicateur CPIA de la Banque mondiale) et, enfin, de la présence d'au moins un autre donateur bilatéral.

Le deuxième volet du vade-mecum traite des procédures (+/- 50 pages).

Les principaux points à relever sont qu'il s'agit d'une coopération bilatérale — avec la participation de la CTB — et que la gestion est décentralisée une fois que la décision a été prise par le ministre belge. La libération des tranches et l'évaluation sur la base des critères sont assurées par le représentant local.

Contrairement à la Commission européenne, la Belgique travaille avec des tranches fixes. En effet, il n'est pas intéressant pour un petit donateur de travailler avec des tranches variables étant donné que l'incitant induit par une tranche variable serait négligeable.

Un quatrième aspect important est l'audit externe.

Un cinquième point est le dialogue politique (= responsabilité des ambassades, éventuellement soutenues par des experts spécialisés recrutés par le biais de la CTB dans le secteur même ou parmi des spécialistes en matière de finances publiques).

Il a été décidé d'instaurer une période d'essai jusqu'à la fin de l'année 2007, après quoi une nouvelle phase de négociations s'ouvrira avec le SPF Budget sur la base d'une évaluation qui débutera au début de l'année prochaine.

L'intervenant espère que l'on n'imposera pas de période d'essai supplémentaire, mais que le nouvel instrument « aide budgétaire » sera accepté comme un instrument à part entière.

Par ailleurs, le fonctionnement du système soulève plusieurs questions.

Tout d'abord une question fondamentale qui est de savoir comment améliorer la prévisibilité en tant que donateur. Il s'agit d'un élément essentiel de la politique des donateurs. Si l'on veut communiquer en temps opportun le montant de l'aide qui sera octroyé, cela implique qu'il faut le faire avant que le pays partenaire ne confectionne son budget, mais aussi qu'il faut verser effectivement le montant qui a été annoncé et ce, de préférence au début de l'année budgétaire. Jusqu'à présent, la Belgique n'est pas une très bonne élève à ce niveau. Si nous sommes l'un des pays donateurs qui ont des problèmes à cet égard, c'est à cause de la lenteur de nos procédures décisionnelles.

Une deuxième question est de savoir quel est le rôle d'un petit pays donateur. Cette question s'est posée lorsque l'on a défini les paramètres de l'aide à apporter au Mozambique, à l'occasion d'une réunion qui a rassemblé dix-huit donateurs autour du thème de l'aide budgétaire générale. Qu'en est-il d'un pays donateur comme la Belgique, qui contribue pour moins de 1 % à l'aide budgétaire ? Sa présence a-t-elle un sens ? Ne serait-il pas préférable qu'elle intervienne par le biais de la Commission européenne ou en qualité de cofinancier par l'intermédiaire d'un autre pays donateur bilatéral.

Une troisième question se rapporte à la conditionnalité politique. L'aide budgétaire apportée à un pays comme l'Ouganda pourrait poser problème parce qu'une partie des pays donateurs ont récemment réduit leur aide au motif que le président Museveni en était à son troisième mandat. Est-il légitime de suspendre une aide budgétaire d'une telle manière ? La Belgique n'est pas encore allée aussi loin. Elle doit d'abord effectuer un mouvement de rattrapage. En ce qui concerne l'aide budgétaire sectorielle (la majeure partie de l'aide belge), la conditionnalité politique n'a aucun sens. On peut éventuellement l'envisager pour l'aide budgétaire générale.

Le quatrième point se rapporte à la question de savoir ce qu'il faut faire dans les pays en situation de post-conflit, comme le Burundi et le Congo. Ils ne satisfont pas ou ne peuvent pas satisfaire aux conditions du vade-mecum. Dans certains secteurs, l'engagement à long terme est difficile à évaluer.

De plus, il s'agit généralement de pays dans lesquels l'État doit être reconstruit, un processus qui, fondamentalement, requiert des moyens en provenance de donateurs. D'où la question de savoir comment résoudre un tel problème. Peut-on accepter de courir un tel risque ? L'une des constatations auxquelles l'évaluation GPS a donné lieu est que les donateurs ont trop tendance à séparer l'aide budgétaire du contexte des projets en cours.

Il y a trop peu d'interactions entre l'aide budgétaire et les projets que nous réalisons.

La Belgique est un des pays qui n'optimisent pas les chances de réussite de l'aide budgétaire en tirant les leçons des projets. Ce feed-back n'est organisé qu'avec beaucoup de difficultés.

2.6. Audition de M. Lebrun, CTB Niger

L'intervenant expose une étude du cas précis de l'aide que la Belgique apporte au Niger, par l'intermédiaire de la CTB.

Le Niger est un pays qui compte 14 millions d'habitants, qui est 4 fois plus grand que la France et dont 90 % du territoire est occupé par un désert.

Son niveau de développement est le plus faible du monde.

L'indice d'alphabétisation n'atteint pas 20 %, la corruption y est très importante, l'environnement évolue négativement et la croissance démographique est très forte (3,3 % par an).

Il y a une précarité de l'existence (faim) bien sûr liée à la sécheresse, ce qui fait qu'elle peut varier au niveau du lieu d'impact d'année en année, suivant les endroits où les puits sont vides.

La gouvernance y est faible. Les procédures prévues sont pourtant excellentes. Elles sont toutefois mal respectées, soit par méconnaissance, soit par l'incapacité de modifier les habitudes existantes.

Les compétences humaines au niveau local sont clairsemées, ne fût-ce que parce que les gens ne sont pas en place à l'endroit qui convient à leurs capacités.

Les communications sont difficiles (pays très grand et désertique) et l'administration est trop centralisatrice (ancienne colonie française).

L'éducation est soutenue par la Belgique dans le contexte d'un plan décennal qui a débuté en 2002. On est donc à mi-parcours.

Il y différents points d'intérêt prévus. D'abord fournitures d'école, envoi d'enseignants, fourniture d'équipements.

Ensuite, la qualité (curricula, programmes, la formation initiale et continue des enseignants), la scolarisation des filles (actuellement la moitié filles par rapport aux garçons), l'introduction des langues nationales dans le curriculum (actuellement le français, mais ça pose problème).

Tout se fait dans un cadre partenarial, déterminé en 2003, avec 25 partenaires financiers et, essentiellement, techniques (ONG internationales ou organismes multilatéraux comme l'UNICEF et la FAO). Le chef de file est la France, qui coordonne les activités des partenaires et assure la coordination avec les ministères.

Il y a des aspects positifs dans ce contexte: l'annuaire statistique et la carte scolaire existent. Dans un domaine comme l'éducation, c'est un élément capital pour pouvoir travailler correctement. Le PDDE (Programme Décennal de Développement de l'Éducation) a fait l'objet d'un rapport de mise en œuvre très correctement fait, de sorte qu'on sait où on en est par rapport aux prévisions du PDDE. Il existe en outre un cadre de dépenses à moyen terme. C'est le seul ministère qui travaille dans un cadre pareil. On espère pouvoir aider par cette méthode les autres ministères, notamment celui des Finances.

Il y a des avancées timides, mais non négligeables en matière institutionnelle. De même en matière de décentralisation, notamment au niveau local. Cela donne surtout ses effets pour les écoles.

Une stratégie de réduction de la pauvreté est en cours de discussion, en vue de sa remise en état. L'on peut s'appuyer notamment sur les témoignages directs des nigérians, qui n'ont pas peur de s'exprimer, — contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays — sur leurs conditions de vie.

Par ailleurs, l'administration fonctionne. Elle est fiable quant à ses rapports.

Dans l'enseignement proprement dit, l'on rencontre divers problèmes: il y a une défaillance importante, et dans les 5 écoles normales dans le pays, l'on n'a pas encore trouvé le rythme correct pour atteindre un nombre suffisant d'instituteurs formés. Il y a toutefois une nette amélioration.

La motivation des enseignants est relativement faible dans la mesure où les deux tiers des enseignants sont des contractuels. Ceci découle d'une décision de la BM d'imposer comme condition pour la poursuite de l'aide, l'arrêt de tout recrutement dans la fonction publique. Il se fait que les contractuels ne reçoivent que 60 $ par mois.

Malgré les efforts entrepris, les infrastructures sont insuffisantes. L'on se débrouille avec ce qu'on appelle des « classes paillote », càd des classes construites par les parents en début de rentrée scolaire, qui seront ensuite détruites lors des pluies qui commencent au mois de juillet. Il y a peu de matériel scolaire eu égard aux besoins et les examens ne se déroulent pas sans fraude. Cela s'est amélioré à cause de la nouvelle situation. L'école n'est pas une valeur aux yeux des parents qui sont dans une situation de survie.

L'aide budgétaire au programme décennal de développement se traduit par une intervention d'un fonds de l'aide, qui couvre environ 1/3 des besoins. Ledit fonds est soutenu par une lettre d'entente qui couvre à peu près un tiers du fonds commun.

Le fonctionnement de ce dernier est expliqué dans un manuel.

Les partenaires financiers sont, outre la France, aussi la Belgique, le Danemark.

La Belgique donne une aide sectorielle non ciblée. La Grande-Bretagne et l'Allemagne sont prêts à investir dans ce fonds, mais de façon mesurée. La BM veut investir dans un autre fonds commun qui fonctionne d'une façon un peu différente par rapport à celui-ci: il s'agit d'une initiative parallèle qui s'appelle « fast track » pour les pays les moins développés.

En ce qui concerne la coopération belge, il existe une convention pour l'ensemble de la coopération, signée en 2003. Il y a une convention spécifique pour l'appui budgétaire signée en août 2005. Il y en a une autre de mise en œuvre, signée en janvier 2006 entre la DGCD et la CTB, qui prévoit la mise en place d'un expert chargé des aspects techniques, surtout au niveau du suivi des aspects financiers, et surtout des appuis techniques aux actions du PDDE.

Il ne suffit en effet pas de vérifier si les procédures soient correctement respectées, mais aussi de savoir comment l'argent est utilisé.

La collaboration entre l'expert technique et l'attaché à la coopération est primordiale, essentiellement pour le dialogue politique. En effet, il y a toujours des discussions entre les partenaires et le gouvernement, auxquels l'expert ne peut faire face tout seul.

Au niveau du budget, la participation belge au fonds commun est de 8 mio EUR, à répartir sur une période allant de 2005 à 2008.

En décembre 2005, 2 mio EUR ont été versés, en tant que « ticket d'entrée ».

À partir de 2006, il s'agit d'un million par semestre. On aurait dû verser 1 mio EUR en juin, mais cela ne s'est pas fait. Il y a en effet une condition à respecter: chaque année, un rapport technique et financier est exigé du ministère local, qui est discuté en session conjointe.

On demande également le respect du manuel d'exécution, contenant notamment une clause importante sur l'audit annuel.

Les résultats de l'audit de juin 2006 sont décevants, en tant qu'ils portent sur la participation des donneurs autres que la Belgique durant les années 2004-2005.

Il y a eu un problème au niveau de la chaîne de décision, comme des imputations budgétaires fantaisistes, des procédures non respectées lors des passations de marchés, ni lors des réceptions, ou encore des surfacturations et dépenses injustifiées.

Les partenaires ont eu une réaction ferme mais mesurée, comme la suspension des versements prévus, dont celle de la Belgique, le gel des fonds communs (1,5 mia CFA, soit 2,5 mio EUR), demande d'un audit sur les 6 premiers mois de 2006, donc en ce compris sur ce que la Belgique avait donné, demande de réparation du préjudice financier (remboursement de la somme indûment utilisée, demande de sanctions contre les coupables de malversations, et enfin la révision des modalités de mise en œuvre du fonds commun).

Les réactions du gouvernement ont été diverses: remplacement du ministre défaillant, poursuites contre les personnes impliquées, dont deux anciens ministres, en passant par une procédure exceptionnelle contre ces deux anciens ministres par la cour de Justice, dont la Belgique finance la formation des juges.

Le remboursement dans le fonds commun a été accepté par le gouvernement. Une première tranche devrait être versée dans les jours qui viennent.

Il y a eu mise en place du comité de suivi, prévu dans le manuel d'exécution.

L'audit complémentaire est terminé, il y a un début de dialogue et une volonté de transparence de la part du nouveau ministre.

Les choses évoluent: il y a une demande du MEBA (Ministère de l'Education de Base et de l'Alphabétisation) de libération des fonds, pour la rentrée scolaire. Une discussion entre partenaires a été entamée il y deux mois et demi, qui a abouti à la signature d'un protocole réglant le dégel du fonds commun.

Deux problèmes, qui ne correspondent pas à la notion d'appui budgétaire y sont réglés (contrôles a priori, avis de non-objection et contrôle des services rendus, surtout au niveau de la fourniture de matériel).

En conclusion, l'on peut affirmer que le jeu normal des procédures a été respecté: audit, réaction des PAF (Performance Assessment Frameworks) et réaction correcte du gouvernement. Le contrôle ex-post s'est révélé un puissant levier pour la mise en place d'une bonne gouvernance, et ceci a fait l'effet de l'équivalent de notre marche blanche dans la société civile. Par ailleurs, le gouvernement s'en trouve tétanisé, par peur de mal faire et des poursuites lancées en conséquence.

Les autorités locales ont été responsabilisées, et ont assumé leurs responsabilités.

Enfin, il faut être capable de déceler et de gérer le risque en tant que donateur.

2.7. Audition de M. Gerald Karlshausen, président de la Plate-forme belge CONCORD, chargé des questions européennes au CNCD-11.11.11.

L'orateur affirme qu'en général, le principe de l'aide budgétaire est bien accueilli par les ONG de développement et plus en général les organisations de la société civile, car il implique plus de cohérence entre les politiques des bailleurs de fonds et un souci de renforcer la capacité des États à remplir leurs obligations en matière de service aux populations et de promotion du développement durable.

Toutefois, l'aide budgétaire suscite aussi des questions et des craintes que l'on peut regrouper en 3 catégories:

a) L'aide budgétaire implique une gestion correcte des fonds par les états bénéficiaires. Or, comme viennent encore de le montrer les journées du développement organisées à Bruxelles par la Commission européenne, il n'existe pas de réel accord sur une définition commune de la « bonne gouvernance », au-delà des grandes pétitions de principe. Dès lors, l'aide budgétaire peut se convertir rapidement en un nouveau levier pour imposer aux gouvernements du Sud de nouvelles conditionnalités liées à une définition de la gouvernance, pourtant définie unilatéralement par les bailleurs.

Faire dépendre de larges pans des budgets des états du Sud de financements extérieurs, c'est donner un large pouvoir aux bailleurs étrangers. Que se passera-t-il si l'aide budgétaire à un pays est supprimée pour de bonnes ou moins bonnes raisons ? Certes, tout le monde s'accorde à souhaiter une gestion transparente et efficace des moyens financiers dont disposent les états. Certes les bailleurs, dont la Commission européenne et le gouvernement belge, insistent sur l'appropriation du concept de gouvernance par les gouvernements partenaires et sur l'engagement de ne rien imposer. Dans la pratique, on constate que les choses vont parfois autrement: dans le processus de programmation du 10e FED actuellement en cours, il apparaît de plus en plus que les aspirations des gouvernements ACP (qui ne préfèrent ne pas parler de leurs sociétés civiles) pâtissent souvent des priorités définies, à Bruxelles notamment, en matière de gouvernance.

Les organisations de la société civile plaident pour qu'un large débat sur la gouvernance s'instaure qui doive enrichir à la fois les approches et expériences du Sud, notamment africaines, et provoquer une analyse critique des lacunes du Nord, notamment européennes, en matière de gouvernance. Or, bien avant que ne s'ouvre réellement ce débat, la gouvernance telle que définie par les bailleurs de fonds semble déjà devenir une nouvelle conditionnalité. Ceci renforce la crainte de voir l'aide budgétaire se convertir en un instrument de cette conditionnalité.

b) La deuxième interrogation concerne la place de l'aide budgétaire dans le cadre général de la coopération au développement. Les politiques de développement reposent ou devraient reposer sur des programmes qui mobilisent la solidarité entre acteurs du Nord et du Sud, que ceux-ci soient publics ou privés. L'aide budgétaire ne doit pas se substituer à cette dynamique. Elle peut en être un complément. Mais elle ne peut remplacer la mise en œuvre de programmes spécifiques qui sont porteurs de relations entre acteurs du Nord et du Sud. Il existe des doutes quant à l'opérationalité réelle de l'aide budgétaire et de son lien avec les processus concrets de luttes contre la pauvreté. Il semble que les retombées de l'aide budgétaire soient trop peu décentralisées, se concrétisent peu dans des actions proches des populations là où justement la société civile pourrait être directement concernée. Un pays peut avoir un bon taux d'exécution de son budget pour la santé ou l'éducation sans que les populations n'en voient beaucoup de résultats concrets.

Les apports des donateurs doivent dès lors continuer à financer directement des programmes concrets, certes dans le cadre des politiques définies par les États du Sud, mais qui donnent plus de visibilité à la coopération et permettent une participation d'une plus grande gamme d'acteurs du Nord comme du Sud. Cette visibilité et cette participation sont aussi nécessaires pour convaincre le citoyen européen de poursuivre et d'accentuer son soutien aux politiques de coopération au développement. Celles-ci sont en effet plus porteuses d'« éducation au développement » que les techniques d'aide budgétaire, plus invisibles et impersonnelles.

Enfin, et c'est sans doute la préoccupation première de la société civile, l'aide budgétaire, c'est un peu la bouteille à encre. On dit qu'une augmentation de l'aide budgétaire suscite une augmentation de la démocratie. C'est loin d'être vérifié. L'aide budgétaire manque de transparence à tous les niveaux et sans celle-ci, il est impossible à la société civile, et pire encore, aux parlements, de jouer leur rôle d'accompagnement, de critique, de proposition.

Il est un peu court de renvoyer la responsabilité de cette situation aux seuls gouvernements du Sud. Il faut aussi une transparence accrue de la part des donateurs: quelles sommes sont véhiculées par leurs aides budgétaires, vers qui et pour quoi faire ? Il faut se demander comment mieux associer les sociétés civiles du Nord et du Sud à la définition des « stratégies de pays ». On sait que cela se passe actuellement de façon fort insuffisante. La question se pose avec plus d'acuité en matière d'aide budgétaire. Cela commence en Europe où les bailleurs devraient ouvrir une réelle concertation et nouer un profond partenariat avec les organisations de la société civile autour des priorités de l'aide budgétaire. Ceci afin que ces organisations puissent apporter leurs réflexions et expériences mais aussi afin qu'elles puissent en discuter avec leurs partenaires de la société civile du Sud.

Cette transparence doit bien sûr et avant tout concerner les sociétés civiles du Sud. Quant à la bonne gouvernance, celle-ci doit avant tout signifier que les institutions sont responsables devant les citoyens. Ceci implique plusieurs orientations en matière de mise en place de l'aide budgétaire:

— que tout le processus soit transparent et que des mécanismes associent la société civile du Nord comme du Sud à toutes les étapes. L'aide budgétaire aurait ainsi à apprendre des mécanismes du « budget participatif » mis en place par diverses municipalités du monde et qui associent les citoyens à la définition et à l'évaluation des priorités budgétaires;

— que les organisations de la société civile ne soient pas seulement vues par les gouvernements et les bailleurs de fonds comme des opérateurs chargés de mettre en œuvre les actions financées par l'appui budgétaire dans le cadre de cahiers des charges à la définition desquels elles n'ont pas été associées;

— a contrario, que la société civile ne se substitue pas aux Parlements (à qui revient en premier lieu la fonction de contrôler l'utilisation de cette aide budgétaire). La faiblesse des parlements dans certains pays du Sud peut donner à la société civile un rôle de substitution qui n'est pas le sien. C'est au contraire en favorisant les échanges entre parlementaires et acteurs de la société civile que chacun doit trouver sa place.

— mais que pour cela tant les parlements que les organisations de la société civile disposent des informations et de programmes de renforcement des capacités, définis en concertation avec eux et qui leur permettent de jouer pleinement leurs rôles.

Ces recommandations concernent aussi bien les bailleurs de fonds étrangers que les gouvernements nationaux bénéficiaires d'aide budgétaire car il serait dommageable que les premiers renvoient dos à dos gouvernements et sociétés civiles du Sud en les priant de se débrouiller pour assurer une gestion transparente, efficace et démocratique de l'aide budgétaire.

3. Discussion

Le président rappelle les pratiques de prêts d'état à état, qui existe en Belgique depuis longtemps. Ces transferts de fonds étaient censées contribuer au développement. On a vu incidemment combien cela a contribué à l'endettement.

Est-ce que l'aide budgétaire n'est pas en quelque sorte un aveu de l'échec de ces prêts, et une volonté de remplacer un instrument par un autre ? Et ce faisant, ne change-t-on pas de conditionnalité, sans aboutir à des effets escomptés sur le long terme en matière de développement durable ?

Il est en effet contradictoire de parler d'un côté de développement durable et de se limiter par ailleurs à des périodes de 3 ans pour réaliser ces objectifs. Si même dans nos parlements occidentaux on n'est pas capable de vérifier ces systèmes, même après analyse par la Cour des Comptes, comment peut-on dès lors supposer que les parlementaires des états du Sud y parviennent ? Comment va-t-on rendre l'outil opérationnel à tel point que le suivi des opérations financières soit rendu possible par les parlementaires nationaux du Sud ? Il se demande si cette procédure n'a pas été introduite par les bailleurs de fonds avec des intentions louables, mais très improvisée, et sans donner aux bénéficiaires du Sud les instruments leur permettant d'accompagner ce système de gestion ?

Combien de fois, par le passé, n'a-t-on pas retrouvé aux ministères des finances des pays du Sud, un délégué du FMI au poste de celui qui était supposé définir les guidelines. De la sorte, beaucoup de pays étaient sous tutelle en matière de confection de leurs budgets et de la gestion des finances, et se trouvaient malgré tout encadrés par le FMI.

Maintenant, l'on prétend changer fondamentalement de système en mettant en place une coordination des bailleurs de fonds, tout en égratignant quelque peu le FMI et la BM. Mais la question reste entière de savoir si le travail en devient plus fiable. Quelle est la qualité des statistiques fournis. pour avoir analysé la qualité des statistiques anciens qui n'avaient d'autre objectif que de pénaliser l'état aidé, ou de faire de la complaisance pour l'aider malgré tout, selon les objectifs propres aux IFI, le président doute de cette qualité.

Il pense particulièrement au Congo, où l'une ses étudiantes, brillante en statistiques, lui expliqua qu'elle avait comme instruction au ministère des finances d'« arranger » les budgets de sorte que, lorsque les experts du FMI arrivaient, les statistiques correspondaient à ce qu'on attendait, afin que l'État congolais puisse continuer à bénéficier de ces fonds, qui servaient finalement à être injectés dans des circuits de corruption.

Au Rwanda, il a étudié lui-même la question, et se dit convaincu que M. Lacube doit avoir connu des pratiques pareilles, qui ont aidé, pendant les deux années précédant le génocide, à tronquer l'ensemble des budgets avec la complaisance du représentant résidant de la BM, et que les fonds en découlant, étaient systématiquement détournés pour préparer le génocide.

Il insiste donc pour qu'il y ait une révision des méthodes et instruments existant au moment du génocide. A-t-on mieux organisé l'information de la société civile, ainsi que celle des parlementaires et des politiques en charge de ces instruments ?

Ceci est d'autant plus important par rapport à l'intervention récente de M. le Commissaire Michel, — et qui fut très médiatisée —, pour annoncer un fonds d'appui commun UE/BEI pour réaliser les infrastructures des pays ACP principalement.

M. Maystadt a récemment encore insisté sur le fait que la BEI était un bailleur de fonds extrêmement important, capable d'apporter plus de capacité de financement pour le développement que n'importe quelle autre institution de par le monde.

Quelles étaient les coordinations entre les opérations autour de l'aide budgétaire, et ce genre d'autre instrument qu'on semble vouloir mettre en place à la BEI, qui semble ainsi constituer une certaine défiance vis-à-vis des institutions internationales comme le FMI et la BM ?

Un dernier problème lui paraît subsister. Il prend l'exemple du Mali pour l'illustrer. Ce pays a voulu opérer une décentralisation. Par ailleurs, le Congo a envisagé de décentraliser davantage en créant de nouvelles provinces. Comment l'aide budgétaire va-t-elle être articulée par rapport à ces volontés de donner plus de capacités aux entités décentralisées nouvelles, pour permettre aux populations des régions de déterminer quels sont leurs besoins primaires et immédiats ?

M. Francis Cordiat (CNCDF-France) se pose des questions au sujet du statut légal du vade-mecum. Par ailleurs, en analysant les critères, on constate qu'il y a toute une série d'éléments manquants, notamment le renforcement de la capacité, dont les plans nationaux sont un aspect, mais qui ne se retrouvent pas dans ledit document.

Il y a aussi la participation de la société civile qui pose problème.

M. Bruno Dujardin, professeur de Santé publique à l'ULB, pose une question sur les évolutions au Mali. Il a pu y constater les efforts de la coopération belge tendant à mettre en place l'appui budgétaire dans le domaine de l'éducation et de la santé.

Le problème se situe au niveau des instruments d'accompagnement. Le gros risque réside dans le fait que l'aide budgétaire renforce le niveau central, ce qui va à l'encontre de la mise en place de la décentralisation.

Un autre problème réside dans le fait que la coopération belge n'est pas toujours à même, de par sa propre centralisation excessive, d'accompagner la décentralisation et l'appui budgétaire sur le terrain.

Que prévoit-on dans le futur proche pour résoudre ce problème afin d'éviter des échecs dans l'instrumentation du nouvel outil ?

M. Johan Bruylandt, attaché de coopération au développement belge, constate que l'aide budgétaire est une dépense. Il demande quel est le budget prévu pour couvrir cette dépense. Quant on sait la façon rudimentaire dont certains pays confectionnent les budgets, il se pose des questions. Comment réalise-t-on pratiquement ces budgets, et comment réalise-t-on les ressources pour le fonctionnement de l'État. Quant à la décentralisation, le problème se pose également en termes de ressources pour répondre aux besoins des populations au niveau le plus décentralisé.

Mme Han Verleyen (11-11-11) a entendu parler d'une période d'essai 2005-2007 et se demande ce qu'il adviendra ensuite. Qui évaluera cette période d'essai: le contrat de gestion conclu entre la CTB et la DGCD est-il un instrument approprié à cet effet ? Que pouvons-nous espérer après une telle période d'essai, tant sur le plan institutionnel que politique ?

M. Joseph D'jombakodi, (Union des originaires du Congo en Belgique) se soucie de la corrélation pauvreté/corruption dans les différents pays du tiers-monde concernés.

M. Lacube désire d'emblée défendre la Belgique et son système de prêts d'état à état.

Ceci a été le fait d'un contexte particulier, où on ne se posait pas la question de savoir s'il y avait des budgets dans les pays récipiendaires ou pas; il n'y avait même souvent pas d'argent pour payer les salaires des fonctionnaires locaux.

Ces opérations sont à considérer dans le cadre spécifique de leur époque. Il s'agissait de stabiliser la situation et surtout de remettre de l'argent dans une machine qui ne fonctionnait plus. Il a vécu ces prêts puisqu'il était au Zaïre à l'époque. Le même genre d'opérations existait à la BM et au FMI, et d'autres encore. Il se réfère à l'intervenant qui se demandait à quoi bon aider s'il n'y a pas de budget. Il se fait qu'à cette époque-là, on était dans ce cas. Il fallait faire tourner la machine. Maintenant, après 10/15 ans, le contexte a évolué. Par rapport aux dires du délégué de CONCORD, il faut confirmer que l'aide budgétaire n'est pas une panacée. Cela ne remplacera pas des projets bien ciblés, ni le rôle des ONG.

Il cite comme exemple le cas d'une activité dans laquelle l'État n'a pas de véritable fonction. Lui redonner un rôle là-dedans n'est pas nécessairement une bonne chose.

Par contre, dans les activités comme la santé, l'éducation ou la justice, l'État a une fonction vis-à-vis des citoyens.

Ensuite, l'on ne peut pas insister assez sur la transparence: c'est le maître-mot.

Au moment où il était chef de délégation au Bénin, les députés lui faisaient remarquer que le budget était illisible. Il est important, quant on parle de réforme budgétaire, de prendre en compte cette dimension. Elle consiste à éviter une incompatibilité totale entre la demande du gouvernement et les contingences des gens qui doivent prendre les décisions.

Cela deviendra encore plus important dès qu'on s'intéressera aux aspects de la décentralisation.

S'il n'y a pas de démocratie, il ne peut y avoir d'aide efficace.

Il faut donc imposer à un État la tâche d'organiser les flux financiers de façon décentralisée. Il faut que cela marche également à ce niveau-là. Quand les maires gèrent mal, il y a un danger d'implosion du système.

En ce qui concerne la BEI, il y a des ressources importantes, et il salue l'initiative qui a été prise.

On s'est rendu compte, en mettant de l'argent dans la lutte contre la pauvreté que dans les pays qui se sont dotés d'une Poverty Reduction Strategy, il y a des performances relativement bonnes, et des taux de croissance relativement élevés, par exemple au Ghana.

On se rend compte dans ces pays-là que les problèmes se posent à un autre échelon ou secteur, par exemple l'énergie. On commence à avoir certaines difficultés. Dans l'exemple cité du Ghana, il y a des problèmes de fourniture d'énergie. On ne pourra faire venir l'initiative privée, parce que les investissements dans ces secteurs, comme par ailleurs aussi le transport, n'ont pas suivi. On s'est préoccupé de la lutte contre la pauvreté, et on a oublié de continuer le reste.

Dans des cas pareils, le rôle de l'aide budgétaire sera de faire en sorte que l'environnement général pour les investissements qui seraient financés par la BEI (et d'autres bailleurs de fonds européens) soient appropriés.

Au Ghana, qui a un taux de croissance de 6 %, et qui peut aller au delà, on voit un blocage.

Dans les fournitures de service, on a parlé de la santé et de l'éducation, mais il faudra intégrer la dimension de services à rendre aux entreprises privées, pour qu'elles se développent.

Il y a une coordination à organiser.

Mme Dijkstra souhaite réagir. Elle souligne que toute coopération au développement comporte des risques.

C'est pourquoi les évaluations sont difficiles. Autrefois, de nombreuses initiatives étaient prises pour encourager des projets et des prêts bilatéraux étaient accordés à cette fin.

Nous ne nous trouvons pas face à une alternative: des prêts ou des dons.

Le problème des projets, c'est qu'ils bénéficiaient souvent d'une aide conjointe. Chaque pays favorisait ses propres entreprises et installait dans les pays bénéficiaires sa propre logistique, ce qui affaiblissait la capacité de ces pays à planifier leur propre développement et à mettre en place une structure financière.

Certains projets fonctionnent bien, mais ils doivent s'accompagner d'une aide budgétaire, pour laquelle il faudra à nouveau opérer une distinction entre aide sectorielle et aide générale.

Dans le cas d'une aide budgétaire sectorielle, les fonds sont certes attribués à l'autorité centrale, mais les conditions s'appliquent à un secteur particulier.

L'aide budgétaire générale est un bon moyen d'alimenter ces budgets.

Dans ce cas, il est possible de faire d'une pierre deux coups.

Les budgets des pays en développement n'étaient pas bien conçus. Par exemple, il y avait un poste « Enseignement/Salaires et autres ». Personne ne savait ce que couvrait la partie « autres ».

L'aide budgétaire, combinée à une assistance technique, permet de délimiter clairement l'affectation des fonds au moyen d'un système de classification plus limpide.

Nous savons, à présent, quelles sommes sont allouées à l'enseignement fondamental et aussi aux diverses régions.

Un contrôle externe est également prévu. C'est une bonne chose tant pour les donateurs que pour le pays en question.

Le professeur Renard souhaite réagir à la remarque concernant les prêts entre États. L'intervenant précédent a fait référence aux prêts relevant de l'aide liée, qui ont été un échec dans la perspective du développement proprement dit.

L'aide budgétaire n'est, au contraire, liée en aucune manière. C'est une caractéristique essentielle de ce type d'aide.

La majeure partie de l'aide budgétaire, qu'elle vienne de donateurs bilatéraux et certainement de la Belgique ou encore de la Banque mondiale, dans une mesure de plus en plus importante, revêt la forme de dons. Il s'accorde à dire avec M. Lacube que les paiements à court terme sous forme d'aide budgétaire ne peuvent pas être assimilés à l'aide budgétaire proprement dite.

La nouvelle forme d'aide budgétaire essaie de mettre davantage l'accent sur la relation entre les donateurs et les autorités du pays bénéficiaire.

Dans le cadre du soutien à des projets, les donateurs ont trop souvent tendance à contourner ces autorités. Cette formule ne fonctionne pas suffisamment dans les pays dépendants de l'aide.

Dans le cas des programmes d'ajustement structurel, les donateurs essaient souvent de mettre les autorités sous pression. Or, la nouvelle approche budgétaire est plus subtile: les autorités sont responsabilisées, mais subissent néanmoins aussi des pressions. C'est un procédé subtil qui s'apparente à un pari intéressant à tenter, en combinaison avec d'autres instruments.

Ensuite, il veut revenir sur un point soulevé par les ONG. Quel est réellement le rapport entre cette nouvelle forme d'aide et la forme traditionnelle qui passait par les ONG ? Tout le monde s'accorde à reconnaître que ces deux formes d'aide sont complémentaires. Il ne saurait être question de supprimer l'aide fournie par le biais des ONG, mais il serait quand même intéressant, à titre d'exercice, d'essayer de déterminer le bon équilibre entre ces deux formes d'aide.

Son hypothèse de travail est que la Belgique achemine une trop grande partie de l'aide publique par des canaux indirects.

En Belgique, la proportion entre l'aide fournie via les ONG et l'aide publique est relativement importante.

L'équilibre entre les deux systèmes doit être testé de manière empirique. Il pense en tout cas que les ONG ont un problème qui tient au fait qu'elles se sont développées dans un monde où les donateurs les téléguidaient sans impliquer aucunement les autorités du pays bénéficiaire. À présent que les cartes ont été redistribuées, les ONG doivent trouver un nouveau rôle à jouer. Plusieurs ONG belges sont en passe de trouver leur voie, mais c'est un processus délicat.

M. Debar souhaite apporter quelques précisions concernant sur le statut du Vade-mecum. Il s'agit en fait de la résultante d'un accord entre le ministre du Budget et le ministre de l'Aide au développement. Le but était d'éviter, pendant la période d'essai, d'avoir à soumettre chaque dossier au ministre du Budget avant que le ministre de la Coopération au Développement puisse l'approuver.

La question a été posée de savoir ce qui allait se passer après la période d'essai du nouveau système.

C'est difficile à prédire. Le nouveau système doit faire l'objet d'une évaluation préalable, qui est en cours de préparation et qui débutera en février 2007. Les procédures seront examinées à la lumière des résultats obtenus. L'année prochaine, le ministre de la Coopération au Développement négociera avec son collègue du Budget en fonction des résultats.

Quelques suggestions ont été faites concernant la décentralisation parce que le budget de l'État central est trop abstrait et qu'il renforce la centralisation. Deux expériences sont réalisées dans les procédures en cours en vue d'y remédier. Il s'agit tout d'abord des public initiative tracking services, consistant à établir la part de l'argent versé qui atteint les projets à la base.

La première année, à peine 20 % de l'argent parvenait au groupe cible. Au fil du temps, et après la publication des résultats, 90 % de l'argent est désormais transféré du ministère au niveau local. Les basket funds et les programmes sectoriels sont plus nombreux. La Belgique s'est engagée dans un de ces programmes en Tanzanie.

Un autre est en préparation en Ouganda, qui prévoit que le Ministry of local governments cédera aux autorités locales une plus grande partie des subsides qu'il gère et ce, à la demande insistante des donateurs. Des accords seront passés au sujet des critères auxquels les autorités locales doivent satisfaire. Comment doivent-elles faire rapport de leurs activités et comment exercer un contrôle ?

Tout cela doit avoir pour résultat que l'aide budgétaire permette davantage de transferts au profit des autorités locales.

M. Karlshausen revient sur deux points importants. Il s'agit de la place que doivent occuper ces organisations dans la société civile.

Dans le débat qu'on mène actuellement, on part de l'idée que l'aide budgétaire paraît un concept intéressant et qu'il faut l'adopter.

Il lui semble toutefois fondamental de ne développer cette technique que si on développe en parallèle un débat approfondi sur la gouvernance et sur la décentralisation. Ces deux concepts sont intimement liés.

La gouvernance ne doit pas être celle qui soit importée à l'origine par les bailleurs de fonds et puis appropriée par les pays bénéficiaires, mais une gouvernance conçue et construite ensemble. L'exemple du Niger le montre bien. Si l'on veut que les bénéfices de l'aide budgétaire arrivent à la population, c'est à travers les mécanismes de décentralisation que cela doit avoir lieu. C'est là qu'il y a un rôle à jouer pour les ONG du Sud, comme celles du Nord. La notion ONG couvre dans son esprit les associations de la société civile en général (mouvements de femmes, de paysans, de consommateurs, ...).

C'est sur le terrain que l'aide budgétaire apporte des bénéfices. Si on ne réussit pas à avancer sur ce plan avec une gouvernance partagée, et l'élaboration d'une gouvernance décentralisée, il est à craindre que le concept ne rende pas les profits qu'on espère en retirer.

Il partage avec M. Lacube l'intérêt pour la transparence. Mais il faut démontrer qu'elle ne doit pas seulement venir des gouvernements du Sud, mais qu'elle concerne aussi les autres acteurs, en ce compris les ONG, tout comme les institutions qui apportent les fonds. L'on ne ressent pas par exemple de la part de l'UE le désir d'apporter toute la transparence voulue, ni au point de départ, ni au point d'arrivée de l'aide budgétaire.

M. de Crombrugghe de Looringhe fait observer deux choses.

La première est que la coopération au développement est intrinsèquement un domaine à risque, quelle que soit la technique employée. Il faut effectivement faire un calcul des risques. Ce calcul doit permettre de décider si l'on entre dans ce circuit ou pas pour un pays précis.

La deuxième est qu'il ne s'agit que d'un instrument, et non d'un but en soi. S'il est bien utilisé, il renforce la capacité des autorités publiques. Vu les montants croissants de l'aide, il faut vérifier l'efficacité des critères.

Elle est présentée comme très technique, assortie à des conditionnalités. On les vérifie. Mais outre leur aspect politique, leur traduction est relativement technique. Il se dit satisfait qu'on a développé l'aspect politique dans ce débat. Il s'agit de l'implication des parlements ainsi que des sociétés civiles. L'on souhaite donc de la transparence au niveau de l'aide budgétaire. C'est un aspect qui n'avait peut-être pas été mis assez en évidence dans l'évaluation conjointe.

M. Tanguy Biolay du Bureau d'étude ADE de Louvain-la-Neuve trouve qu'il résulte du débat deux ingrédients essentiels, c'est-à-dire la qualité du dialogue politique et le développement des capacités institutionnelles du bénéficiaire.

Il y a d'abord l'exigence de l'unicité du dialogue; on n'a plus de dialogues séparées, mais un dialogue du bénéficiaire face à un ensemble de bailleurs de fonds (BM-CE-autres partenaires).

Ceci est une donnée plus riche, mais mise en danger par deux problèmes.

Le premier est neuf: c'est la montée en puissance de nouveaux bailleurs de fonds (like- minded donors), qui n'ont plus la même approche et permettent aux partenaires de jouer sur deux tableaux.

L'autre est la différence de vues entre les like-minded donors sur un certain nombre de points, notamment les enjeux du commerce international et les priorités relatives à la poursuite d'un certain nombre de biens publics, comme la sécurité et l'environnement.

Un deuxième point important est le développement de capacités institutionnelles.

Il y a d'une part des capacités pour utiliser ses instruments de politique économique, et notamment son budget, pour conduire sa politique dans le sens de ses objectifs convenus.

Il y a d'autre part les capacités à participer au dialogue politique, et à le conduire de la manière la plus fructueuse possible.

Certains donateurs ont des pratiques intéressantes par rapport au premier aspect, par exemple la CE. Lorsqu'elle consent de l'aide budgétaire, elle l'associe toujours d'une fraction de +/- 6 % destinée aux facilités pour soutenir l'appui institutionnel. On constate que l'emploi de ces fonds n'est pas optimal. La demande en est relativement réduite. Peut-on en faire dès lors une conditionnalité ?

Le deuxième aspect concerne l'appui aux partenaires pour formuler les demandes et participer avec une compétence technique suffisante au dialogue sur la politique avec les donateurs; celui-ci n'est pas du tout institutionnalisé.

Il est pourtant un type d'appui qui mobiliserait toutes les parties prenantes. Il lui semble qu'il y a là une lacune dans la situation actuelle.

M. Paul Olamba (ASBL CIERD) rappelle que, souvent, la coopération au développement est aussi un outil de la politique étrangère d'un pays, qu'il s'agisse de la Belgique ou de l'Union européenne. Quel est le lien qu'on pourrait établir entre le fait que la coopération est utilisée de telle façon, et le fait de l'échec de la politique du développement ?

M. Thomas Mambo pose une question sur l'ajustement structurel. Il s'agit d'une politique de contrainte imposée aux états du Sud. Cette politique mène à des coupes dans le budget de l'éducation. D'autre part, les programmes d'assistance obligée soutiennent l'état. Il y a là une contradiction. Ne serait-il pas préférable de supprimer les programmes d'ajustement structurels, ce qui aiderait les états, puisque ces programmes tuent l'état en diminuant sa capacité financière. N'est-il pas contraditoire que d'un autre côté, l'on appuie des programmes d'aide budgétaire pour soutenir l'état, tandis ce que de l'autre, l'on maintienne les ajustements structurels ?

Mme Han Verleyen souhaite soutenir la suggestion du professeur Renard, qui charge les ONG de rechercher un nouveau rôle à jouer. D'un autre côté, il ne faut pas sous-estimer l'expérience des ONG, même en matière d'aide budgétaire. À titre d'exemple, les ONG belges soutiennent déjà des organisations partenaires du tiers-monde, en ayant recours à des mécanismes de contrôle analogues en matière de comptes et de transparence des budgets à l'égard de leurs donateurs.

Elle convient néanmoins que les ONG belges doivent rechercher, en concertation avec leurs partenaires du sud, des thèmes et des agendas communs.

L'exigence de la transparence et de la capacité d'analyser des budgets considérables, est un élément important à cet égard, tant pour les donateurs que pour les associations partenaires.

Le président demande ce qu'il en est des APE. Les membres de cette commission ont été interpelés par le fait que le membre de la Commission européenne qui est en charge de ce dossier soit le commissaire du Commerce, et non celui de la Coopération au développement. Quand on posait la question des moyens à dégager pour ces accords, on s'apercevait qu'ils seraient pris sur le FED, et donc sur les moyens du volet coopération au développement. Est-ce que cela ne dénote pas un manque de cohérence entre les instruments qu'on met en place, et les moyens qui sont alloués à cette nouvelle politique ? L'on discute ici de moyens à mettre en œuvre dans les toutes prochaines semaines. Travaille-t-on bien dans un objectif de développement durable et de coopération ? N'est-il pas aberrant que pour les pays du Sud, l'on mette tellement d'instruments incohérents en œuvre ? L'on voit ainsi arriver pas mal d'outsiders, comme dans le domaine de la conditionnalité. Malgré les objectifs louables, il pense que ces intruments nouveaux ne sont pas suffisamment placés dans leur contexte général de façon préalable.

M. Lacube se rappelle qu'à un moment donné, le commissaire européen précédent en charge du commerce, avait fait le constat que les discussions sur les APE ne pouvaient pas continuer positivement si elles n'étaient pas repositionnées par rapport à la coopération au développement. Il ne s'étonne pas de la réticence d'un pays négociateur qui constate une perte de recettes suite à ces accords. Il comprend que ce pays demande une compensation. Ce qui est compliqué pour la commission, c'est de savoir sur quel budget il faut imputer ces compensations, afin que cette intervention ne soit pas considérée comme contraire aux accords de l'OMC.

Il en est ainsi de l'Afrique de l'Ouest qui a monté une union douanière avec mise en place de tarifs extérieurs, etc. Dans ce cas-là, on pouvait demander légitimement, compte tenu du contexte international, d'aider ces pays dans la mise en place d'un système qui leur permettrait d'améliorer leurs systèmes d'échange commerciaux, en abaissant les tarifs douaniers entre eux. Effectivement, il faut qu'à un moment donné, ces recettes douanières ne soient plus excsssifs. En attendant, il faudra trouver des compensations. Il a en mémoire quelques exemples de pays qu'il connaît qui ont mis pas mal de temps à monter des schémas de TVA, e.a. des pays comme la France avec ses deux ministères compétents, donc des contextes où notre logique dépasse les possibilités.

Il y a des collègues de la DG Commerce qui pourraient mieux expliquer ce phénomène, e.a. pourquoi on mettrait des conditions à l'aide budgétaire à certains pays, pour pouvoir conclure des accords de partenariat avec ces pays. Ce serait la catastrophe totale. Ce serait utiliser un instrument d'aide à des fins plutôt politiques. Il y a là un danger qui consiste à forcer la main à certains pays, sous la pression d'un calendrier.

Il faut bien regarder comment on peut aider ces pays à faire en sorte que cela ne soit pas plus dur pour eux que de recevoir de l'aide au développement. C'est sur cela que travaille la Communauté européenne aujourd'hui.

La responsabilité est bien celle du commissaire du commerce, s'agissant de négociations. Il relève ce qu'a dit M. Tanguy Biolay, c'est-à-dire que la montée en puissance d'autres bailleurs de fonds présente des dangers. Non pas parce que leurs conditions sont différentes, mais parce que l'on fait miroiter vers ces pays des possibilités de financement. Mais cela ne peut se faire que pour un pays qui n'a plus de dettes internationales comme le Ghana. Il peut se tourner alors vers les banques. Il pourrait, en ce faisant, se trouver dans 5 ans dans la même situation que celle dans laquelle il était il y a 15 ans, c'est-à-dire endetté à outrance. L'aide pourrait y échouer. Il ne dit pas cela pour l'empêcher de se tourner vers de nouveaux bailleurs de fonds. Mais pour éviter des erreurs qui ont été faites dans le passé.

Mme Dijkstra souhaite évoquer les conditions qui doivent bénéficier à la population. Il y a « conditions » et « conditions »; toutes ne se valent pas. C'est pourquoi les donateurs devraient poser moins de conditions. Tout le monde souhaite que les objectifs du millénaire pour le développement puissent être atteints, mais on s'entend moins quant à la manière d'y arriver. La Banque mondiale formule parfois des recommandations trop détaillées, en fixant par exemple la manière dont certaines instances doivent coopérer dans un pays, en leur imposant de convenir d'une répartition des tâches ou en déclarant que le parlement doit adopter une loi déterminée en vue de décentraliser l'enseignement, alors qu'on ne sait pas si la solution est bien celle-là, etc.

Tout cela plaide en faveur d'une limitation des conditions.

En Tanzanie, on a procédé à une évaluation de l'aide budgétaire, indépendamment de l'évaluation exposée précédemment. La méthodologie était identique. Dans ce pays, les rapports sont trimestriels, en raison du volume de l'aide. La transparence est donc plus grande, mais elle est accueillie avec indifférence au sein du Parlement tanzanien. L'on espère un changement de mentalité pour qu'il y ait une réelle demande de transparence. Les organisations représentatives de la société civile pourraient, elles aussi, interpeller leur parlement sur ce point.

Le professeur Renard souhaite formuler deux observations supplémentaires. La première concerne les déclarations de M. Tanguy Biolay à propos du manque de capacité des pays à dialoguer sur le plan politique. C'est peut-être le cas, mais plusieurs donateurs ont pris des initiatives en vue de renforcer cette capacité, notamment dans un pays d'Afrique de l'Ouest, où la Banque mondiale finance, sans aucune obligation de lui rendre compte, trois anciens ministres des Finances d'autres pays afin d'aider le ministre des Finances local dans le dialogue avec la Banque mondiale et le FMI.

Il y a également des donateurs qui paient des experts indépendants comme le DEFID anglais DEFID pour suivre tout le processus du dialogue politique, ce qui permet d'obtenir de bons résultats.

Certains pays et certaines organisations régionales comme l'OUA et, au sein de celle-ci, le NEPAD, jouent un rôle de plus en plus important, dans une sorte de pear-review.

La deuxième observation de l'intervenant est que l'échec relatif de l'aide s'explique en partie par la complexité certaine des objectifs poursuivis par les donateurs.

Ce qui permet d'espérer, c'est que la perception que les donateurs ont de leurs propres intérêts a considérablement changé au cours des dix dernières années, avec la fin de la guerre froide et l'apparition d'une nouvelle perception selon laquelle les États fragiles constituent une menace en soi pour la sécurité et la prospérité du monde et, plus spécifiquement, de l'Occident. Francis Fukiama, l'un des principaux commentateurs politiques aux États-Unis, affirme que c'est là que réside la plus grande menace pour la prospérité de l'Occident.

Les pays occidentaux ont donc, de plus en plus, tendance à considérer les efforts de développement comme étant dans leur propre intérêt.

M. Lacube désire encore répliquer sur ce point.

Il est d'accord de ne pas avouer l'échec de l'aide. Par rapport à la situation de l'Afrique, il y a quelques années, la plupart des plus grands pays africains avec le plus de population, étaient hors aide (Soudan, Nigéria, etc). Seule 30 % de l'Afrique était concernée.

Si on n'est pas concerné par les pays en conflit, il est difficile d'être efficace avec l'ensemble de l'aide. On ne peut avoir que des résultats ponctuels seulement.

M. de Crombrugghe de Looringhe conclut en disant qu'on n'a pas abordé la question de l'importance du cadre international. Or, nous travaillons dans un contexte qui évolue très rapidement.

Vue « de l'intérieur », la déclaration de Paris inclut un consensus, dans la mesure où elle précise clairement que la coopération au développement relève désormais d'une responsabilité partagée. Les pays partenaires établissent leur propre agenda et, si nécessaire, ils le font de manière collective dans le cas de grandes alliances économiques. Dans le même temps, les donateurs s'engagent à soutenir cette politique.

C'est dans ce cadre que se situe l'instrument de l'aide budgétaire.

Le deuxième cadre est celui de l'Union européenne, où, dans les limites du consensus européen, nous nous engageons toujours plus loin sur la voie du leadership de la Commission européenne en matière de politique de coopération au développement.

Bien que ce domaine de compétences n'ait pas encore été confié à la Commission, le consensus européen a permis, par le biais d'une étape intermédiaire, de s'engager à travailler dans une plus grande complémentarité. Du fait de cette complémentarité, l'instrument de l'aide budgétaire a perdu son uniformité et se prête désormais à différentes approches.

Les intérêts nationaux et la tradition ou la situation d'un État membre en tant que donateur bilatéral peuvent entraîner un déplacement des priorités.

La discussion a aussi explicité la responsabilité des donateurs, aussi bien que des bénéficiaires. L'instrument de l'aide budgétaire est à responsabilité partagée. Pour être mis en œuvre, il a besoin d'une part, de transparance au niveau des états bénéficiaires, mais également au niveau des donateurs.

Un instrument ne peut servir qu'une fonction à la fois. Si on a des difficultés à démontrer la chaîne logique allant de l'aide budgétaire générale jusqu'à l'allègement de la pauvreté, on constate qu'une aide budgétaire générale, assortie d'une politique et un minimum de bonne gestion, peuvent mener à une meilleure gestion des finances publiques de même qu'une aide budgétaire sectorielle peut mener à un renforcement de l'administration et à la fourniture de services au niveau sectoriel.

Par ailleurs, la responsabilité des donateurs est aussi de s'assurer d'une certaine prévisibilité. Le gros risque de l'aide budgétaire pour les états partenaires, est qu'il n'y ait pas cette prévisibilitée et que l'aide ne vienne pas en renforcement au bon moment, pour renforcer une politique budgétaire des états, mais que d'autre part, comme les donateurs utilisent des critères conjoints, mais pas vérifiés assez fondamentalement pour s'assurer de leur efficacité, ces aides comprennent un risque important pour les pays bénéficiaires si à un moment quelconque les donateurs bloquent brutalement leur aide, pour une raison qui leur est propre. Cette aide peut repésenter un pourcentage important du budget de ce pays et son interruption peut avoir des conséquences en proportion.

Il y a donc bien une responsabilité partagée.

Le rôle de la Belgique dans ce contexte, en fonction du vademécum adapté à la situation dans notre pays, est d'agir concrètement en fonction de contextes où les donateurs sont multinationaux. La société civile peut réagir dans un sens favorable.

Le rôle de la Belgique avec sa taille et ses capacités d'allocation de fonds réduites, dans un concert international de donateurs, n'est pas négligeable. Ce débat doit encore être approfondi. Dans certains cas, la CTB nous a donné l'exemple: même si nous sommes petits, nous pouvons agir utilement dans un contexte d'aide budgétaire, comme au Mozambique ou au Niger. La Belgique donne une aide technique qui — de surcroît — renforce les capacités de dialogue politique, qui est considéré comme capital pour la réussite de l'aide.

Là où la Belgique est présente, elle renforce les processus généraux.

4. Votes

Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 6 membres présents.

Les rapporteuses, Le président,
Nele LIJNEN. Olga ZRIHEN. Pierre GALAND.

ANNEXE 1 — BIJLAGE 1

Présentation PPT du prof. Robrecht Renart — PPT-presentatie van prof. Robrecht Renard

ANNEXE 2 — BIJLAGE 2

Présentation PPT de Mme Geske Dijkstra — PPT-presentatie van mevrouw Geske Dijkstra

ANNEXE 3 — BIJLAGE 3

Présentation PPT de M. Jean-Louis lacube — PPT-presentatie van de heer Jean-Louis Lacube

ANNEXE 4 — BIJLAGE 4

Présentation PPT de M. Johan Debar — PPT-presentatie van de heer Johan Debar

ANNEXE 5 — BIJLAGE 5

Présentation PPT de M. Bernard Lebrun — PPT-presentatie van de heer Bernard Lebrun