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M. Pierre Galand (PS). - Les négociations sur les Accords de partenariat économique (APE) entre les pays d'Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP) et l'Union européenne sont actuellement en cours de révision. Ce processus d'évaluation a pour but de déterminer si les différentes régions impliquées dans les APE seront en mesure de conclure les négociations avant l'échéance du 31 décembre 2007.
Après quatre années de négociations de ces futurs accords, de nombreux éléments incitent à penser que la date butoir officielle exigée par la Commission européenne est irréaliste. En effet, dès 2002, les pays ACP n'ont eu de cesse de souligner l'impact négatif qu'impliquerait une libéralisation prématurée de leurs économies. Certaines régions - comme l'Afrique de l'Ouest - ont d'ailleurs explicitement demandé une extension du délai de plusieurs années avant une éventuelle signature des APE.
Il s'avère cependant que la Commission européenne exerce actuellement des pressions sur les régions ACP pour conclure les négociations avant la fin 2007. Cela m'a encore été confirmé, hier, par plusieurs représentants ACP présents à Bruxelles dans le cadre de l'assemblée paritaire UE-ACP.
Sans attendre la réunion du Comité conjoint ACP-UE des ministres du Commerce qui s'est tenue début mars, la Commission a commencé à négocier séparément avec chacune des six régions. Après le groupe des Caraïbes, elle est ainsi parvenue à ce que l'Afrique centrale s'engage à terminer les négociations dans les délais qu'elle a fixés.
Le gouvernement est-il favorable à une extension du délai fixé pour la signature des APE ? Prend-il en compte les recommandations qui lui ont été adressées par le Sénat pour définir sa position concernant le processus de révision des APE ? Quelle position la Belgique entend-elle défendre en termes d'accès au marché communautaire pour les pays ACP si les négociations APE devaient ne pas être conclues en décembre 2007 ? Enfin, quelles mesures notre gouvernement entend-il prendre pour favoriser l'intégration de la République démocratique du Congo dans la CEMAC ?
M. Armand De Decker, ministre de la Coopération au développement. - Je remercie M. Galand de son importante question orale.
La décision de négocier les accords de partenariat économique APE a été prise conjointement par les États ACP et l'Union européenne dans l'Accord de Cotonou - en ses articles 36 et 37 - pour remplacer de commun accord les préférences commerciales par des accords compatibles avec les règles de l'OMC.
La Commission européenne négocie ces accords au nom de l'Union européenne sur la base d'un mandat que lui a donné le Conseil des ministres en 2002. L'Accord de Cotonou prévoit l'entrée en vigueur des APE au 1er janvier 2008.
Vos questions, monsieur Galand, rejoignent les préoccupations de certains pays ACP et d'ONG de développement belges et africaines. Mon collègue le ministre des Affaires étrangères et moi-même relayons certaines de ces préoccupations, comme ce fut encore le cas au Conseil des ministres européen qui s'est tenu avec les pays ACP la semaine dernière à Bonn. Nous avons insisté sur le fait que ces accords de partenariat économique devaient veiller - raison pour laquelle il est important que ce soient les ministres de la Coopération au développement qui se réunissent sur ce sujet - à intégrer les questions de développement, comme le recommandent d'ailleurs les documents du Sénat.
Ce sont les ministres de la Coopération au Développement qui négocient ces questions au niveau européen, comme nous l'avons encore fait à Bonn voici huit jours en présence des représentants des pays ACP.
Il faut également veiller à tenir compte des études d'impact des APE sur les pays ACP et sur les mécanismes africains d'intégration régionale.
Les accords de partenariat économique sont - c'est cela qu'il est essentiel de bien intégrer - des instruments de développement et non des instruments commerciaux. Ce sont avant tout des instruments de développement pour la raison très simple qu'il n'y aura jamais de développement durable des pays en voie de développement sans développement économique. Or, l'aide publique ne suffira jamais à assurer un développement durable des pays ACP. C'est la raison pour laquelle ces pays collaborent d'une manière très approfondie avec l'Union européenne à la négociation de ces accords.
Ces APE ont pour objectif de renforcer l'intégration intrarégionale et le développement du commerce Sud-Sud afin de créer des zones économiques régionales utiles au développement mutuel des pays de la zone et faciliter l'intégration interrégionale entre l'Union européenne et chacune des zones APE.
Le comité ministériel mixte ACP-UE du 1er mars 2007 a confirmé la poursuite des négociations et l'objectif d'arriver à les conclure dans les délais fixés dans l'accord de Cotonou, c'est-à-dire fin 2007. Aucun État ACP n'a demandé de reporter cette date.
Comme prévu à l'article 37, §4, de l'accord de Cotonou, un examen formel et complet des négociations APE est en cours. Les résultats de cet examen seront soumis au conseil des ministres ACP-UE de mai 2007. Ils permettront à toutes les parties de dresser une évaluation objective de l'état d'avancement des négociations.
À ce jour aucun des pays ACP n'a demandé de quitter les négociations, comme le permet l'article 37, §6, de l'accord de Cotonou. Les pays ACP ont cependant demandé à la Commission européenne d'étudier un régime transitoire au cas où les négociations n'aboutiraient pas dans les délais prévus.
L'Union européenne et ses États membres mettent en oeuvre des programmes importants d'assistance technique en matière commerciale visant à promouvoir les échanges intrarégionaux en Afrique. La programmation en cours du dixième fonds européen du développement, le dixième FED, comporte des enveloppes régionales spécifiques pour l'intégration régionale et les APE qui sont significativement plus importantes que dans le neuvième FED. L'Union européenne s'est par ailleurs engagée à doubler le volume de son aide au commerce pour atteindre deux milliards de dollars en 2010 et a alloué en priorité une part substantielle de cet accroissement aux pays ACP.
Je vous rappelle que la Belgique consacre 2% du budget global de la Coopération au Développement à l'aide au commerce dans les pays en voie de développement. Ce qu'il faut, c'est aider ces pays à créer des marchés intérieurs, puis à développer des marchés interrégionaux, enfin à produire des marchandises qui puissent être vendues chez nous.
Si nous nous retrouvions sans accords APE, donc dans la situation actuelle, ce sont les principes des préférences généralisées et du Everything but Arms qui s'appliqueraient ; ils permettent déjà aux pays du Sud d'exporter sans droits tous leurs produits vers le marché européen. Cependant, ces pays ne sont pas suffisamment équipés en matière commerciale pour exporter dans de bonnes conditions. Donc, l'aspect Aid for Trade de tous les programmes européens d'aide au développement est essentiel pour amener ces pays à augmenter la qualité de leur commerce, de leurs produits et pour leur faciliter l'accès à nos marchés.
En ce qui concerne la République démocratique du Congo, la coopération belge s'inscrit résolument dans une approche européenne. Le Programme indicatif de coopération, le PIC, que je viens de signer pour la période 2008-2010, favorise les synergies avec nos partenaires de l'Union européenne en ce qui concerne l'intégration de la RDC dans le futur APE Afrique centrale.
Ayant assisté au Conseil des ministres de Bonn, je puis vous dire qu'il y a unanimité entre les commissaires chargés de la Coopération, les commissaires chargés des Relations extérieures et les commissaires chargés du Commerce. C'est un véritable enjeu prioritaire de l'Union européenne que les échanges commerciaux soient soutenus parce qu'ils sont une condition de survie et de développement des ACP et la seule façon de lutter efficacement et durablement contre la pauvreté.
M. Pierre Galand (PS). - J'ai écouté le ministre avec attention et je le remercie de sa réponse. Je voudrais toutefois faire remarquer que ce n'est pas le commissaire en charge des Relations au développement qui mène les négociations mais M. Mandelson.
Nous avons reçu le représentant de M. Mandelson en commission Mondialisation où il nous a dit que son rôle se limitait au marché. Nous lui avons répondu que le développement allait au-delà du marché, mais il est resté sur sa position.
Je suis pour l'extension du commerce et, de plus, je défends le commerce équitable, comme vous le savez. Des pays ACP ont effectivement demandé une prolongation. Cependant, elle a été suspendue à la demande du Conseil des ministres, à condition qu'il soit possible d'étendre la règle d'exception à l'OMC. Dès lors, il ne faut pas dire que tous les pays sont d'accord puisque certains demandent une prolongation de cette règle, sachant qu'ils ne pourront pas entrer dans le jeu du libre commerce absolu.
Lorsque vous dites, monsieur le ministre, que vous êtes pour le développement et l'intégration régionale, je vous soutiens totalement. Je pense qu'il faut fonctionner en deux étapes.
Dans le cas de l'Afrique des Grands Lacs par exemple, si la CEPGL n'est pas une réussite, comment voulez-vous que ces pays arrivent à des résultats au niveau du commerce mondial ?
M. Armand De Decker, ministre de la Coopération au développement. - Il n'est pas question de soumettre ces pays aux règles du commerce mondial du jour au lendemain. Personne n'a dit cela.
Par ailleurs, il ne faut jamais opposer le marché au développement. Il n'y aura pas de développement sans marché, c'est la base du raisonnement de cette négociation.