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4 AVRIL 2007
Dans la doctrine constitutionnelle, la notion de constitution est généralement utilisée dans trois significations différentes.
La première signification de « constitution » est celle d'un acte fondateur. Dans cette optique, la constitution est un acte, consigné dans un document, instituant un ordre juridique constitutionnel (institutions, compétences et fonctions). Cette acception correspond à la notion formelle de constitution.
Dans une deuxième signification, la constitution est également comprise comme un système de règles visant à fixer les limites du pouvoir public. Selon cette conception fonctionnelle, la constitution vise essentiellement à attribuer et à limiter les compétences publiques, à régler et à circonscrire l'exercice du pouvoir public.
En vertu d'une troisième approche, à savoir la notion politique de constitution, une consitution est exclusivement associée à l'État national. Dans cette signification, qui est étroitement liée à l'idée de souveraineté nationale, la constitution est surtout un acte politique: la constitution est l'expression de la volonté d'un peuple ou d'une nation souveraine de se manifester en tant qu'entité politique indépendante (autodétermination) et de s'organiser en État à cet effet (autonomie constitutionnelle).
A. Réformer sans immobilisme
L'accord de gouvernement de l'actuel gouvernement fédéral annonçait, dans le chapitre « Une administration de meilleure qualité », dans le cadre du « renforcement de l'État fédéral », les objectifs et mesures suivants:
— La création d'un forum qui, sur la base de l'accord politique conclu le 26 avril 2002 entre les partis de la coalition gouvernementale, préparerait les propositions de révision de la Constitution et les projets de loi, qui devront mener entre autres à:
— la réforme du système bicaméral,
— l'autonomie constitutive de la Région de Bruxelles-Capitale,
— la révision de l'article 195 de la Constitution,
— les dates d'élections pour les élections fédérales et les entités fédérées,
— l'introduction dans la Constitution du terme « Parlement » pour les conseils régionaux et communautaires.
— En outre, ce forum examinerait et préparerait par des projets de loi des solutions « pour différentes questions » en vue de contribuer à « une plus grande cohérence structurelle de la répartition des compétences fédérales, régionales et/ou communautaires ». Dans ce cadre, le forum traiterait entre autres de la sécurité routière et de l'octroi de licences d'exportation en ce qui concerne le commerce des armes. Dans ce même cadre, on parlerait aussi de la coopération au développement « dans les limites fixées par la loi spéciale du 13 juillet 2001 ».
— L'extension des compétences de la Cour d'arbitrage qui deviendrait une Cour constitutionnelle.
— L'inscription des nouvelles compétences de la Cour des comptes dans la Constitution.
La déclaration de révision de la Constitution adoptée à la fin de la législature précédente ouvrait 60 articles à révision.
Pour ce qui est des résultats engrangés en la matière, les constatations suivantes s'imposent:
— le Forum a été installé à l'automne 2004, mais sa première réunion fut également la dernière.
Parmi les tâches confiées au Forum en application de l'accord de gouvernement, seules la régionalisation des licences d'exportation d'armes et l'introduction dans la Constitution du terme « Parlement » pour les conseils régionaux et communautaires ont été réalisées, mais cela s'est fait totalement en dehors du cadre du Forum. La régionalisation des exportations d'armes a été l'une des premières initiatives du gouvernement fédéral actuel. Quant au remplacement du terme « Conseil » dans la dénomination des assemblées régionales et communautaires par celui de « Parlement », il faisait l'objet d'un large consensus. Il s'agissait de confirmer dans la Constitution ce qu'avait déjà prévu le pouvoir décretal.
— la Cour d'arbitrage: les compétences de la cour n'ont pas été modifiées pendant la législature en cours. Une proposition de révision de la Constitution visant à remplacer la dénomination de la Cour d'arbitrage par l'appellation Cour constitutionnelle a été adoptée au Sénat, mais pas encore à la Chambre.
— la Cour des comptes: la mesure précitée n'a pas été mise en œuvre.
— cinq révisions de la Constitution ont abouti. La suppression de la peine de mort dans la Constitution a été adoptée à une large majorité des deux tiers. Les autres révisions étaient de nature technique: abrogation d'une série de dispositions désuètes et modification de l'article 41.
Pour ce qui est du renforcement de l'État fédéral, le gouvernement Verhofstadt II est celui de l'immobilisme. Abstraction faite de la régionalisation des exportations d'armes, il n'a procédé à aucune réforme essentielle.
Opposés à l'immobilisme, nous plaidons en faveur d'une révision de la Constitution visant à la mise en œuvre de réformes fondamentales et importantes.
B. Généralités: une charte de stabilité à pertinence sociale
La Constitution pouvant être définie comme une norme fondamentale qui règle l'organisation de l'État, fixe les limites de son intervention et définit sa relation avec la population, il est capital que cette « loi fondamentale » (comme on appelait la constitution à l'époque du Royaume-Uni des Pays-Bas) parvienne à concilier les vertus cardinales que sont la stabilité et l'adéquation avec la réalité sociale. Ce n'est qu'en ce sens qu'elle peut véritablement jouer son rôle de carte d'identité de la société, qui « constitue » un pays au sens propre du terme. Ce n'est qu'à ces conditions que la Constitution peut être l'expression d'un consensus national et, partant, permettre l'émergence d'une forme de « Verfassungspatriotismus » (comme c'est manifestement le cas de la constitution allemande, qui forme la base de l'identité de l'Allemagne de l'après-guerre).
On a peut-être accordé trop d'attention, au cours des dernières décennies, à la première mission de la Constitution, à savoir la définition de l'organisation de l'État. Le droit constitutionnel doit en effet être davantage qu'une description des institutions existantes et/ou souhaitables, et concilier — ainsi qu'il a été indiqué plus haut — stabilité et pertinence sociale.
La présente proposition de déclaration de révision de la Constitution s'inscrit dans cette logique.
Sur le plan de la pertinence sociale, la présente proposition suit une double démarche.
D'une part, elle prend acte du large consensus existant en Flandre qui considère que la structure fédérale actuelle de l'État belge est inachevée et que de nouvelles étapes s'imposent dans la réforme de l'État. En dépit des réformes de l'État successives et de l'autonomie des entités fédérées, nous constatons que les règles de compétence actuelles ne sont pas suffisamment transparentes et cohérentes.
Nous constatons également que la Flandre et la Wallonie développent, chacune, une vision spécifique et différente en matière de politique et d'administration.
Les problèmes sociaux se posent en d'autres termes en Flandre et en Wallonie. Les solutions proposées diffèrent également. Le maintien d'un statu quo est un frein à la poursuite de la réforme de l'État et constitue, par conséquent, une attitude conservatrice. En ce qui concerne l'organisation de l'État, une attitude progressiste consiste à conférer davantage d'autonomie et de responsabilité aux entités fédérées, de sorte que celles-ci deviennent le principal niveau de pouvoir du pays. De cette manière seulement, les problèmes et les besoins sociaux recevront des solutions adéquates et adaptées aux préférences politiques des entités fédérées.
Cette évolution vers une structure confédérale de l'État est l'expression d'une vision particulière de l'homme et de la société, qui dépasse de loin la question des « antagonismes » et des « problèmes communautaires ». Cette vision procède de la solidarité entre les individus et du principe de subsidiarité: les structures politiques doivent être proches des citoyens, claires et simples. Un État démocratique moderne se construit de bas en haut. Dans cette optique, les compétences de l'État fédéral sont clairement délimitées.
Pour des raisons de solidarité transfrontalière et de sécurité des personnes, nous optons pour une solidarité objective, transparente et réversible entre les entités fédérées. Un renforcement de l'autonomie et de la responsabilité des entités fédérées n'exclut pas la solidarité et la coopération. Au contraire, ces notions sont indissociables.
C'est à dessein que la présente déclaration omet l'actuel article 195 de la Constitution. Nous n'estimons pas qu'il y a lieu de déroger à la rigidité fondamentale imposée par le constituant en ce qui concerne la Constitution. Peut-être l'insatisfaction dont fait l'objet la « rigidité » de la procédure de modification trahit-elle qu'un nombre déjà trop important de dispositions non fondamentales ont été inscrites dans ce texte qui, de par sa nature, ne devrait pas s'attacher à des détails ni à des questions de nature passagère. Il est frappant par ailleurs que certaines caractéristiques fondamentales de nos structures étatiques n'aient toujours pas été consacrées par la Constitution. Il paraît également souhaitable, à cet égard, de faire en sorte que le texte de la Constitution soit plus conforme à la réalité.
Pour le CD&V, il est en tout cas capital que la révision de la Constitution ne soit pas dissociée d'une consultation du corps électoral. Il est étonnant que ceux qui formulent des projets en ce sens, plaident également en faveur de l'instauration du référendum voire du référendum constitutionnel. Sur ce plan aussi, il nous semble essentiel de garder le sens de l'équilibre et de ne pas apporter de modifications hâtives à une procédure de révision qui a, sans aucun doute, épargné plus d'une aventure à notre pays.
C. L'option confédérale: un rôle essentiel pour les entités confédérées
En ce qui concerne le réaménagement des relations entre les pouvoirs, le CD&V s'en tient fermement au principe de subsidiarité. L'État s'est construit par le bas. Des communes et une Flandre fortes et bien gérées sont les piliers porteurs d'une bonne administration. Nous souhaitons également que la Flandre occupe une place plus importante dans une Europe sociale et dynamique. Les entités confédérées doivent plus que jamais pouvoir jouer un rôle en Europe.
La réforme de l'État n'a guère progressé au cours de la législature actuelle et de la précédente. L'accord du Lambermont prévoyait d'importants transferts d'argent et de petits transferts de compétences: des sommes élevées ont été transférées aux communautés, pour le financement de l'enseignement francophone essentiellement, en échange de la régionalisation de la loi communale et provinciale, d'un élargissement marginal de l'autonomie fiscale, de la soi-disant scission du commerce extérieur, de la poursuite de la régionalisation de la politique agricole et de la régionalisation de l'exportation d'armes.
Aucun succès n'a été engrangé dans les domaines où des changements s'imposaient, compte tenu notamment de l'accord de gouvernement en région flamande: défédéralisation de la politique de santé et des allocations familiales, compétences homogènes dans le domaine de la politique de l'emploi, de la politique de mobilité, de la politique scientifique et une autonomie fiscale à part entière aussi pour les entreprises.
Le point de vue du CD&V
Le CD&V entend que tous les leviers de la politique sociale et économique menée en faveur de la Flandre et des Flamands soient entre des mains flamandes, ce qui implique que l'on procède à une nouvelle réforme de l'État, avec déplacement du centre de gravité vers les entités confédérées. Étant donné que nous avons opté pour une « démocratie de la solidarité », il est primordial pour les démocrates-chrétiens flamands que les structures politiques soient proches des citoyens et soient claires et simples. La mise en œuvre intégrale des cinq résolutions que le Parlement flamand a adoptées le 3 mars 1999 est la première étape vers un modèle confiant les compétences de base aux deux entités confédérées.
Cela signifie que l'on examine ensemble ce que l'on veut faire ensemble. Dans notre optique, les compétences de base doivent revenir aux deux entités confédérées. Elles décident, d'un commun accord et par consentement mutuel, quelles compétences sont exercées, de quelle manière et par quelles institutions au niveau belge.
Nous optons à cet égard en priorité pour la commune et la communauté. La Flandre doit, avec sa langue, sa culture et son histoire communes comme caractéristique fondamentale, devenir à nos yeux le principal niveau de pouvoir. Notre préoccupation essentielle est de servir l'intérêt des personnes grâce à une gestion efficace, proche et démocratique.
Soucieux d'assurer une solidarité transfrontalière et la sécurité des personnes, nous optons également pour une solidarité objective, transparente et réversible entre les entités fédérées. La Flandre n'a aucun intérêt à ce que la Wallonie s'appauvrisse — bien au contraire. La solidarité reste donc importante. Cette solidarité est parfaitement compatible avec une extension des compétences et des possibilités — et donc un renforcement de la responsabilité — des entités fédérées sur le plan de la mise en œuvre d'une politique socioéconomique propre. De cette manière, la Flandre et la Wallonie pourront toutes deux faire les choix les plus judicieux pour le bien-être et la prospérité de leurs habitants.
Nous plaidons dès lors en faveur d'une solidarité objective et transparente entre la Flandre et la Wallonie. Il faut revoir les clés de répartition qui désavantagent la Flandre dans le cadre des investissements publics. Il faut également mettre fin aux transferts non objectivables au sein de la sécurité sociale. La combinaison d'une autonomie d'affectation maximale et d'une responsabilité fiscale octroyée à la Flandre et à la Wallonie doit permettre la mise en place d'un mécanisme de solidarité transparent et équitable offrant aux deux entités fédérées des chances d'épanouissement maximales, ainsi que la possibilité de mener, avec leurs moyens propres, une politique conforme à leurs visions.
Article 35 de la Constitution: l'article charnière
La présente déclaration soumet plusieurs articles de la Constitution à révision en vue de mettre en place un modèle d'organisation de l'État basé sur une dualité fondamentale articulée autour de deux entités confédérées et prévoyant un statut spécifique pour Bruxelles et la Communauté germanophone. Nous estimons que l'article 35 de la Constitution est l'article clé pour réaliser cet objectif fondamental.
Un certain nombre d'articles sont également ouverts à révision qui prévoient le transfert de compétences importantes aux entités confédérées. À cet égard, il ne faut pas perdre de vue qu'il est également possible d'effectuer certains transferts de compétences en procédant à une modification des lois spéciales et qu'une déclaration de révision n'est donc pas requise.
Afin de mener une politique plus efficace qui réponde aux attentes des citoyens, le CD&V souhaite attribuer, dans un premier temps, les compétences suivantes aux entités confédérées:
— l'ensemble de la politique de la famille et de la santé;
— tous les aspects de la politique de l'emploi;
— la politique en matière de conventions collectives de travail;
— la compétence à part entière en matière fiscale, de sorte que le niveau de pouvoir responsable des dépenses soit également responsable des recettes, dont la base est constituée par l'impôt le plus démocratique, à savoir: l'impôt des personnes physiques. Il convient également que les entités confédérées soient compétentes en matière d'impôt des sociétés;
— des volets importants des politiques en matière de sécurité et de justice;
— la législation sur les baux à loyer;
— la politique de mobilité, y compris l'infrastructure ferroviaire régionale et son exploitation. On accorde également le droit de codécision en ce qui concerne le programme d'investissements ferroviaires et l'exploitation de l'infrastructure principale;
— l'ensemble de la politique scientifique;
— les divers aspects du code de la route;
— le Fonds des équipements et des services collectifs;
— le Fonds des calamités.
En sa qualité de région bilingue et de capitale de la Flandre, de la Belgique et de l'Europe, Bruxelles bénéficie d'un statut adapté, en vertu duquel son autonomie concernant les matières locales est maintenue et sa fonction de capitale renforcée. La compétence des deux entités confédérées s'étend également sur Bruxelles, dont les institutions propres peuvent également remplir des missions pour ces entités confédérées. Ces institutions font également office d'instruments de rencontre et de coopération, qui viennent se greffer sur la spécificité de Bruxelles. Le principe fondamental de la présente proposition est celui de l'égalité de traitement de tous les Flamands domiciliés à l'intérieur et à l'extérieur de Bruxelles et des autres Bruxellois qui le souhaitent.
Les autres priorités du CD&V sont les suivantes: une politique flamande énergique concernant la périphérie flamande de Bruxelles; un intérêt accru pour la périphérie flamande et les communes à facilités; la scission de l'arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde; une politique de logement spécifique et adaptée offrant à tous les citoyens la possibilité d'avoir une habitation abordable dans la périphérie; une politique idoine en matière d'accueil et de communication à l'égard des personnes s'exprimant dans d'autres langues et le respect du caractère néerlandophone de la périphérie, en droit et en fait.
Le CD&V croit également dans la poursuite de l'œuvre d'intégration européenne. L'Europe est l'acteur global qui doit pouvoir défendre les intérêts des habitants de l'Union européenne dans le monde. L'évolution vers des structures plus démocratiques et une plus grande implication des citoyens dans l'Union européenne doit être poursuivie rapidement. C'est pourquoi les Flamands doivent, le plus vite possible, pouvoir faire entendre leur propre voix à la table des décisions européennes en ce qui concerne les matières propres à la Flandre. Ils pourraient ainsi défendre leur langue, leur identité et leur vision de l'avenir au niveau européen.
D. Droits fondamentaux
Le CD&V souhaite par ailleurs apporter un certain nombre de modifications à la Constitution en vue d'y ancrer explicitement certains droits fondamentaux et certaines valeurs: droit à la sécurité, liberté d'entreprendre, pouvoirs publics fiables qui se préoccupent des plus vulnérables, notamment des enfants, développement durable fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, solidarité internationale, ...
Le CD&V estime qu'il n'est plus opportun de soumettre l'ensemble du titre II de la Constitution (« Des Belges et de leurs droits ») à révision, révision destinée à incorporer les acquis des principaux traités de défense des droits de l'homme à la Constitution, comme l'avait proposé la préconstituante en 1999, étant donné que ces acquis ont pour une grande part été incorporés par suite de la modification de la loi spéciale sur la Cour d'arbitrage. Cette procédure, satisfaisante d'un point de vue pratique et plus simple d'un point de vue technique, a permis d'atteindre le résultat qui répond aux souhaits du CD&V. L'incorporation en question ne peut en effet être considérée comme un symbole, mais doit offrir une plus-value concrète aux personnes en général et aux justiciables en particulier.
E. Neutre en termes de genre
Le CD&V est favorable à une modification de la Constitution visant à la rendre neutre en termes de genre. Notre Constitution est un texte partisan du point de vue de la question du genre et elle véhicule dès lors, pour notre communauté linguistique actuelle, des évidences qui reviennent à dire que le masculin est toujours l'élément général, l'élément central et l'élément le plus apprécié, tandis que le féminin est l'élément d'exception, l'élément marginal et l'élément moins apprécié.
Nous nous trouvons donc en présence de postulats qui reposent sur une idéologie du genre et qui induisent en conséquence une discrimination dans la manière dont les deux sexes sont perçus l'un par rapport à l'autre.
Ce point de vue est d'ailleurs partagé par le Conseil de l'Europe, qui a déjà attiré l'attention, dans sa recommandation nº R(90)4, sur le rôle fondamental que joue le langage dans la formation de l'identité sociale des individus, et sur l'interaction qui existe entre le langage et les attitudes sociales.
Le Conseil s'est en outre dit convaincu que le sexisme dont est empreint le langage en usage dans la plupart des États membres du Conseil de l'Europe — qui fait prévaloir le masculin sur le féminin — constitue une entrave au processus d'instauration de l'égalité entre les femmes et les hommes du fait qu'il occulte l'existence des femmes qui sont la moitié de l'humanité et qu'il nie l'égalité de la femme et de l'homme.
Déceler et supprimer ce genre de suppositions dans la législation est d'ailleurs un des objectifs de la politique intégrée en matière de genre, laquelle rencontre un écho au niveau international depuis la tenue de la Conférence mondiale sur les femmes à Pékin en 1995. Notre pays s'est engagé, comme le Conseil de l'Europe, l'Union européenne et de nombreux autres États, à tenir compte de cet objectif et à prendre les mesures nécessaires pour pouvoir l'atteindre.
Dès lors, la deuxième raison pour laquelle nous plaidons pour la modification proposée de la Constitution devient claire. Nous ne pouvons pas prétendre sincèrement, dans notre pays, que nous oeuvrons à réaliser l'égalité des chances entre les hommes et les femmes dans le cadre de la politique en général, ni, à fortiori, à la réaliser dans la pratique, si la norme suprême de notre ordre juridique est contraire aux exigences minimales qu'une telle égalité implique.
Enfin, une telle modification permettrait non seulement d'intégrer de manière systématique et cohérente la dimension du genre dans la langue juridique qui sera utilisée dans l'ensemble de la législation future, mais aussi de rendre les gens plus conscients de la nécessité de la politique en question, à laquelle nous avons tous souscrit, et d'en élargir l'assise.
Ces principes ont déjà effectivement été mis en œuvre à un haut niveau international. Pour illustrer notre propos, nous pouvons faire référence à la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dans laquelle l'emploi systématique de la forme masculine a été abandonné au profit de l'utilisation de formes masculines et féminines.
F. Commentaire des articles
Articles 1er à 3
Ces articles confirment momentanément le caractère fédéral de l'État et la coexistence de deux types d'entités fédérées, à savoir les communautés et les régions.
Afin d'ancrer l'option confédérale et l'existence d'entités confédérées dans la Constitution, il y a lieu de déclarer ces articles sujets à révision, compte tenu de l'instauration de deux entités confédérées et des régions de Bruxelles et de la Communauté germanophone.
Articles 4, 5, 6, 7, 33, 38, 39, 42, 115 à 140 inclus
La révision de ces articles résulte logiquement de la déclaration de révision des articles 1er à 3 et de l'article 35. En raison de l'option confédérale, les termes « Communautés et Régions » seront dépassés. En optant pour une révision cohérente, nous devons aussi déclarer ouvertes à révision toutes les dispositions du titre II, chapitre IV, « Des Communautés et des Régions » et toutes les dispositions qui renvoient aux Communautés et aux Régions.
Insértion d'un titre Ierbis, contenant l'article 7ter, afin d'inscrire la solidarité internationale comme objectif de politique générale pour les entités fédérées et l'État fédéral.
Le CD&V a joué un rôle de pionnier dans l'élaboration de la loi du 25 mai 1999 relative à la coopération internationale belge. Aujourd'hui, dans un monde en rapide mutation, il entend poursuivre dans cette voie afin que la Belgique puisse faire œuvre pionnière en matière de solidarité internationale.
C'est pourquoi le CD&V tient à insérer dans la Constitution un titre Ierbis, intitulé « Des objectifs de politique générale de la Belgique fédérale, des communautés et des régions » et contenant l'article 7ter. À cet égard, nous partons du principe que l'insertion de ce titre, qui a déjà été votée au Sénat, sera confirmée à la Chambre.
Cette insertion s'inscrit dans le droit fil de la Constitution européenne, proposée, qui contient un texte analogue.
Le CD&V tient à inscrire ce texte dans la Constitution, étant donné que les pays ne sont pas uniquement responsables de leur propre territoire, mais également de l'espace mondial. Démocratie, droits de l'homme et solidarité internationale constituent tant une obligation éthique qu'une nécessité de fait. Pour survivre, il est essentiel de regarder au-delà des frontières.
Il y a lieu d'insérer dans le titre Ierbis de la Constitution un nouvel article 7ter, libellé comme suit: « Dans les relations avec le reste du monde, la Belgique, les communautés et les régions s'emploient à défensive leurs valeurs et leurs intérêts. Elles contribuent à la paix, à la sécurité, au développement durable de la planète, à la solidarité et au respect mutuel entre les peuples, au commerce libre et équitable, à l'éradication de la pauvreté et à la protection des droits de l'homme, en particulier ceux de l'enfant, ainsi qu'au respect strict et au développement du droit international, en ce compris le respect des principes de la Charte des Nations unies. »
Article 10, alinéa 2
À la lumière de la réglementation et de la jurisprudence européennes en la matière, il y a lieu d'adapter l'article 10 afin de rendre la fonction publique également accessible aux non-Belges.
Article 10, alinéa 3
Il est également prévu d'adapter l'article 10, alinéa 3, afin de prévoir l'obligation de formuler la Constitution, les lois, les décrets et la règle visée à l'article 34 d'une manière neutre en termes genre. En ce qui concerne la Constitution, cette disposition peut être mise en œuvre par l'application de l'article 198 de la Constitution, qui est un article de coordination.
En ce qui concerne la neutralité de genre des articles relatifs à la Maison royale, le titre III, chapitre III, est soumis à révision.
Révision du titre II en vue d'insérer un article 12bis concernant le droit fondamental à la sécurité
Dans une approche évolutive des droits fondamentaux garantis par le titre II de la Constitution, il convient d'insérer, dans la Constitution, un nouvel article prévoyant que la protection des personnes constitue une priorité. En effet, le souci de veiller à la sécurité des personnes et des biens doit être l'une des priorités constantes de l'ensemble des pouvoirs publics.
La notion de « sécurité » est conçue, en l'espèce, de manière objective. Il s'agit de l'aspiration légitime des citoyens à être protégés, dans une mesure raisonnable, contre les dangers extérieurs et l'adversité. À cet égard, le terme « sécurité » s'étend à divers domaines d'action politique comme l'ordre public et la sûreté, le respect des règles de droit, la sécurité alimentaire, la sécurité routière, la sécurité au travail, la sécurité sanitaire et la sécurité de l'environnement. Cette liste n'est pas limitative. Cet article de la Constitution vise la tâche publique des autorités publiques, mais ne remet absolument pas en cause la responsabilité personnelle générale de chacun d'entre nous, de chaque être humain.
L'appel aux législateurs fédéral, décrétal et ordonnantiel pour qu'ils fixent les règles visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité porte sur la responsabilité qui incombe à ces autorités de créer les conditions nécessaires pour que l'ensemble des services et des administrations responsables ainsi que la justice accomplissent leurs tâches de façon harmonieuse.
Article 16
Contrairement à la réglementation relative à la protection de la propriété au niveau du Conseil de l'Europe (article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme), l'actuel article 16 ne protège que contre une privation totale du droit de propriété. Cette approche, selon laquelle une personne ne peut être que propriétaire ou non-propriétaire, est typique du dix-neuvième siècle. L'évolution observée au cours du vingtième siècle a cependant montré que la propriété nécessite une approche plus nuancée, en raison, notamment, de l'existence de nombreux modes de réglementation, par l'autorité, de l'usage d'un bien. Il suffit de penser à l'évolution du droit de l'aménagement du territoire pour nous rendre compte à quel point nous nous sommes éloignés de l'idée d'une appropriation absolue en tant que particularité la plus caractéristique du droit de propriété.
Or, au même titre que l'on a imposé aux autorités, dans le cadre du droit de l'aménagement du territoire, d'indemniser toute dépréciation consécutive à une réglementation de l'usage d'un bien (réglementation relative à la planification spatiale), nous avons l'intention d'affiner également ces principes, qui sont consacrés par les règles de droit international, dans le cadre de l'article 16 de la Constitution.
Article 22bis
Dans le droit fil de notre précédente proposition de déclaration de révision du titre II de la Constitution en vue d'y insérer de nouvelles dispositions relatives aux droits de l'enfant, nous estimons qu'il convient de réviser le titre II de la Constitution, afin d'y insérer les droits de l'enfant de manière proactive et globale. Il ne suffit pas en effet de mettre l'accent sur les droits de l'enfant de manière symbolique et solennelle, mais il convient de les ancrer également de manière détaillée dans la Constitution. Cette constitutionnalisation des droits de l'enfant doit porter non seulement sur les infrastructures destinées aux enfants, mais également sur leur protection et leur participation. Une révision du titre II de la Constitution vise à insérer les droits de l'enfant de manière proactive et globale dans la Constitution. Il ressort du rapport établi à la suite de l'examen de la proposition de loi du 16 juillet 1999 (et de l'audition organisée à cette occasion) en commission des Affaires institutionnelles du Sénat (Rapport Taelman, doc. Sénat, nº 2-21/4) que nombre d'experts se sont également exprimés en faveur d'une inscription aussi large que possible des droits de l'enfant dans la Constitution.
Article 23
L'article 23 est soumis à révision afin d'y ajouter un alinéa concernant le droit du citoyen à un service minimum en matière de postes, de communications et de mobilité.
Révision du titre II, afin d'y insérer un article 23bis en vue de consacrer les droits économiques fondamentaux.
Depuis la révision de 1993-1994, on s'est employé à intégrer dans notre Constitution les droits sociaux, économiques et culturels, encore appelés droits fondamentaux de la deuxième génération dans notre Constitution. Nous saluons cette évolution et considérons qu'il convient de poursuivre cette intégration dans le cadre d'une codification constitutionnelle des principes fondamentaux régissent la structure de notre État.
Un aspect de cette intégration réside assurément dans la consécration formelle des droits économiques fondamentaux, tels que la liberté d'entreprendre, dans un article 23bis parallèle, qui pourrait également faire référence aux principes de la croissance durable et non inflationniste, à vu haut degré de compétitivité, etc., visés à l'article 2 du traité sur l'Union européenne. On pourrait également saisir l'occasion pour ancrer dans la Constitution quelques principes de bonne gestion financière, tels qu'un plafonnement du déficit budgétaire et des prélèvements publics sur l'économie, etc.
Article 25
L'article 25 est soumis à révision afin d'y ajouter un alinéa en vue d'étendre les garanties dont bénéficie la presse aux autres moyens d'information.
Article 29
L'article 29 est ouvert à révision afin d'étendre l'inviolabilité du secret des lettres aux autres moyens de communication.
Article 30
L'article 30 est soumis à révision dans le seul but de lever la contradiction apparente entre la disposition en question et l'article 129 de la Constitution en prévoyant explicitement que le législateur peut prendre des mesures en ce qui concerne l'emploi des langues en matière sociale.
Article 35
Cette disposition a été insérée dans l'accord de la Saint-Michel et prévoit que l'autorité fédérale n'a que des compétences attribuées, les communautés/régions ayant les compétences résiduaires.
Cet article n'est toutefois pas encore entré en vigueur. L'article 35 dispose en effet que la date d'entrée en vigueur ne peut être antérieure à l'adoption d'une loi d'exécution attribuant les compétences spécifiques à l'autorité fédérale. Cette loi n'a toujours pas été adoptée à l'heure actuelle.
Plutôt que d'élaborer la loi d'exécution afin de permettre l'entrée en vigueur, il serait préférable — conformément à l'option générale qui consiste à déplacer le centre de gravité vers les entités confédérées — de modifier l'ensemble de l'article 35.
Le nouvel article 35 prévoirait ainsi une procédure bottom-up, selon laquelle il appartiendrait aux entités confédérées d'élaborer les normes en vertu desquelles certaines compétences seraient attribuées à l'autorité fédérale. Alors que l'article 35 prévoit actuellement que l'autorité fédérale déterminera elle-même ses compétences, ce seraient désormais les entités confédérées qui détermineront les compétences qui seront attribuées à l'autorité fédérale.
Article 40 et articles 144 à 146 inclus
Dans leur formulation actuelle, ces dispositions excluent pour ainsi dire toute intervention des entités fédérées dans l'organisation judiciaire et dans la procédure. Or, ainsi qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour d'arbitrage, il s'agit là de l'un des principaux problèmes que pose la répartition actuelle des compétences.
Nous estimons qu'une intervention pertinente mais claire des entités fédérées dans l'organisation des structures judiciaires serait de nature à en améliorer l'efficacité. Pareille évolution est en outre parfaitement compatible avec l'unification accrue (au niveau européen) du droit matériel et du droit procédural. Elle se situe par ailleurs dans le droit fil de la méthode appliquée dans des pays fédéraux importants tels que l'Allemagne, la Suisse et les États-Unis.
L'article 44, alinéa 1er, de la Constitution, afin d'avancer de plein droit la convocation des Chambres au premier mardi de septembre.
Afin de permettre au parlement de contrôler réellement l'action du gouvernement et d'améliorer l'organisation des travaux parlementaires, il s'indique d'avancer la convocation des Chambres au premier mardi de septembre.
Titre III, chapitre premier
Dans le cadre d'une réforme des institutions, on plaide souvent pour une suppression du système bicaméral. Le CD&V ne partage pas ce point de vue. Toutefois, des modifications peuvent être apportées afin d'optimiser le fonctionnement du Sénat, où les entités confédérées seraient davantage représentées.
Articles 118, § 2, et 123, § 2
La fameuse « autonomie constitutive », dans sa forme actuelle, laisse aux entités fédérées une marge de manoeuvre particulièrement réduite pour définir en toute liberté leur propre structure. La doctrine s'est déjà déclarée unanimement opposée à cette vision minimaliste de l'autonomie constitutive, qui empêche notamment les entités fédérées de rédiger leur propre Constitution. Une telle Constitution est cependant la caractéristique des États fédérés.
Cette possibilité doit exister a fortiori dans un modèle où les entités confédérées doivent pouvoir définir leur spécificité étatique dans une loi fondamentale.
Article 143
Afin d'actualiser les procédures de concertation et les règles en vigueur en matière de conflits d'intérêts, il est souhaitable de procéder à une révision de cette réglementation.
Articles 144, 145, 146, 151, 153, 154, 156, 160-161
Dans la cadre du renforcement de l'autonomie des entités confédérées sur le plan de l'organisation du pouvoir judiciaire et du fonctionnement de la justice, il est nécessaire que les articles concernés soient soumis à révision.
Article 170
Une modification de cette disposition doit conférer une marge de manoeuvre plus large pour organiser l'autonomie fiscale des entités confédérées.
Article 180
Une modification de cette disposition doit permettre d'associer les entités fédérées à la présentation des membres de la Cour des comptes et de donner la possibilité aux entités fédérées de fixer elles-mêmes les règles relatives à la gestion et au contrôle de leurs finances.
Article 184
Dans tous les États fédéraux, les entités fédérées ont une compétence autonome importante en matière de police locale. La modification récente de l'article 184 exclut cette possibilité et constitue donc un pas en arrière dans la réalisation de l'autonomie des entités fédérées.
Il y a lieu de clarifier les choses en ce domaine pour permettre aux entités (con)fédérées de jouer effectivement leur rôle dans l'organisation et la mise en œuvre de la politique de sécurité locale. La révision de l'article 184 doit en quelque sorte réaliser la synthèse entre le droit à la sécurité contenu dans le (nouvel) article 12bis et le principe de subsidiarité.
Décret nº 5
Ce décret est un vestige de la révolution de 1830 et exclut à perpétuité les membres de la famille d'Orange- Nassau de tout pouvoir en Belgique. Dans le climat de l'époque, les membres du Congrès national ont cru bon de conférer une portée constitutionnelle à ce décret, de telle sorte qu'il ne puisse être modifié qu'en appliquant la procédure prévue à l'article 195 de la Constitution.
Il va sans dire que les circonstances qui ont pu justifier l'introduction de cette disposition semi-constitutionnelle à l'automne de 1830 ne sont plus d'actualité depuis longtemps. Les relations entre notre pays et les Pays-Bas étaient déjà rétablies dès 1840, de sorte que tous s'accordent à dire que cette disposition doit être considérée comme dépassée.
Mais il y a plus
Au regard du droit international, une « loi » qui ne s'applique qu'à une seule famille, nommément citée, dans le but de la destituer de « tout pouvoir » (y compris la possibilité d'exercer des mandats publics) est particulièrement contestable. C'est du reste ce qui ressort de la Convention européenne des droits de l'homme ainsi que de la réglementation européenne relative à la libre circulation des personnes. Il y a donc suffisamment de raisons pour supprimer ce décret du droit belge.
Luc VAN DEN BRANDE. Wouter BEKE. Sabine de BETHUNE. Mia DE SCHAMPHELAERE. Etienne SCHOUPPE. Jan STEVERLYNCK. Elke TINDEMANS. Hugo VANDENBERGHE. Marc VAN PEEL. |
Les Chambres déclarent qu'il y a lieu à révision des dispositions suivantes de la Constitution:
— Article 1er;
— Article 2;
— Article 3;
— Article 4;
— Article 5;
— Article 6;
— Article 7;
— Titre Ier, afin d'insérer un titre Ierbis comprenant un article 7ter en vue d'inscrire la solidarité internationale en tant qu'objectif politique général pour les entités fédérées et pour l'État fédéral;
— Article 10, alinéa 2;
— Article 10, alinéa 3;
— Titre II, en vue d'insérer un nouvel article 12bis garantissant le droit fondamental à la sécurité, de nouvelles dispositions dans l'article 22bis concernant les droits de l'enfant et un nouvel article 23bis confirmant les droits fondamentaux économiques;
— Article 16;
— Article 22bis;
— Article 23;
— Article 25;
— Article 29;
— Article 30;
— Article 33;
— Article 35;
— Article 38;
— Article 39;
— Article 40;
— Article 41;
— Titre III, chapitre Ier;
— Titre III, chapitre III, section Ire;
— Titre III, chapitre IV;
— Article 143;
— Article 144;
— Article 145;
— Article 146;
— Article 151;
— Article 153;
— Article 154;
— Article 156;
— Article 160;
— Article 161;
— Article 162;
— Article 170;
— Article 180;
— Article 184;
— Décret nº 5 du 24 novembre 1830 portant exclusion perpétuelle de la famille d'Orange-Nassau de tout pouvoir en Belgique, en vue de l'abroger.
15 mars 2007.
Luc VAN DEN BRANDE. Wouter BEKE. Sabine de BETHUNE. Mia DE SCHAMPHELAERE. Etienne SCHOUPPE. Jan STEVERLYNCK. Elke TINDEMANS. Hugo VANDENBERGHE. Marc VAN PEEL. |