3-2043/1 | 3-2043/1 |
30 JANVIER 2007
I. PROCÉDURE
Au cours de sa réunion du 30 janvier 2007, la commission des Relations extérieures et de la Défense a décidé de rédiger une proposition de résolution sur la situation au Darfour.
Les conditions auxquelles il peut être fait usage de cette procédure particulière sont précisées comme suit à l'article 22, 3, du règlement du Sénat:
« Lorsque, dans une discussion, les commissions concluent à la nécessité de légiférer ou d'exprimer le point de vue du Sénat, elles peuvent rédiger elles-mêmes une proposition de loi ou de résolution, l'examiner, la mettre aux voix et faire rapport à son sujet, sans que le Sénat la prenne préalablement en considération.
Cette procédure ne peut être engagée qu'avec l'accord écrit de deux tiers des membres de la commission, et moyennant l'assentiment préalable du président du Sénat. En cas de doute sur la recevabilité, ou sur la compétence de la commission, celui-ci consulte le bureau. »
En réponse à une lettre du 29 janvier 2007, la présidente du Sénat a marqué son assentiment à cette procédure et treize membres de la commission ont fait de même.
II. DISCUSSION
Au cours de la réunion du 23 janvier 2007, une première discussion a été consacrée à la situation et au conflit du Darfour.
À cette occasion, M. Mahoux a évoqué le contenu et l'objectif de la proposition de résolution sur la situation au Darfour (nº 3-2012/1).
M. Mahoux explique que les tentatives d'aboutir à un règlement diplomatique de la situation au Darfour sont à ce jour restées vaines. Les massacres et les viols se poursuivent. Il faut que la Belgique adopte une attitude plus ferme à cet égard. Il y a une volonté de mettre tout en œuvre pour que les résolutions des Nations unies soient appliquées. Les autorités soudanaises ne font toutefois pas preuve de beaucoup de bonne volonté pour promouvoir un règlement rapide de la situation.
La nécessité de négocier voire de trouver un accord entre les belligérants s'impose. Les conditions politiques ne permettent pas aux organisations humanitaires de continuer à travailler. Il y a un grand risque de dérive semblable à la situation qui s'est produite au Rwanda en 1994. C'est pourquoi il faut que des mesures concrètes soient prises. Il convient d'utiliser la carotte et le bâton en liant des efforts de négociations à des mesures contraignantes.
M. Destexhe s'est, quant à lui, référé à la proposition de résolution sur le conflit au Darfour (nº 3-2013/1 de M. Destexhe et consorts).
M. Destexhe estime qu'il appartient au parlement d'indiquer une direction dans laquelle il souhaite que les autorités nationales, européennes et internationales aillent en la matière. Après il est loisible au gouvernement de prendre le chemin qu'il juge bon toujours, bien entendu, sous le contrôle du parlement.
Il convient d'intégrer les propositions de résolution nº 3-2012/1 et 3-2013/1. La résolution nº 3-2012/1 insiste sur la nécessité du libre accès pour les organisations humanitaires et accentue la pertinence des pourparlers entre les parties belligérantes tandis que la résolution nº 3-2013/1 souligne en premier lieu l'importance du rôle des Nations unies.
M. Brotcorne estime qu'il faut que les décideurs, qu'ils soient nationaux ou pas, émettent un signal fort. Il ne faut pas donner l'impression de soutenir davantage l'une ou l'autre partie, étant donné que toutes les parties belligérantes détiennent une part importante de la responsabilité. Il faut, en évitant toute précipitation, une résolution qui tient compte de tous les éléments du dossier notamment des points de vue du gouvernement belge et des autorités européennes et internationales.
Mme Hermans reste convaincue que les auteurs des deux résolutions poursuivent des objectifs éminemment humanitaires. La résolution nº 3-2013/1 s'adresse entre autres aux autorités européennes, alors que la résolution nº 2012/1 interpelle le gouvernement belge. Des négociations sont plus que jamais indispensables; il faut insister sur cette nécessité tout en garantissant l'accès du terrain aux organisations humanitaires. L'intervenante fait référence au point 5 de la résolution de M. Destexhe, où il est question d'un fonds de compensation international. Elle demande si cette suggestion est comparable au point 5 de la résolution de M. Mahoux, qui plaide pour une augmentation significative de l'aide humanitaire de l'Union européenne.
M. Destexhe explique que le point 5 de la résolution nº 3-2012/1 de M. Mahoux traite uniquement de l'octroi de l'aide humanitaire tandis que la notion d'un fonds de compensation international qui figure déjà dans le rapport commun de « Human Rights Watch » et du « International Crisis Group » devrait permettre aux personnes sinistrées de se réinsérer dans leur village.
Il faut privilégier l'utilisation d'une série d'instruments diplomatiques susceptibles de faire réfléchir le régime à Khartoum de manière à éviter toute intervention militaire.
Le dialogue interpersonnel mené entre les autorités soudanaises et les Nations unies ne suffit pas pour changer la position du régime sur place. Il faut renforcer le dialogue par des moyens de pression comme par exemple un embargo ou un gel des transferts et avoirs financiers.
M. Dubié déplore également le peu de respect témoigné aux résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU, mais il estime que la résolution de la commission doit être attentive, avant toute chose, à la nécessité immédiate de réunir les belligérants autour de la table et de faire en sorte que les autorités soudanaises admettent les troupes de l'ONU sur leur territoire.
III. PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Lors de la réunion du 30 janvier 2007, le texte ci-après a été proposé comme base pour la suite de la discussion de la proposition de résolution:
Le Sénat,
A. Considérant que depuis début 2003, le Darfour est déchiré par une guerre civile opposant des rebelles au gouvernement soudanais;
B. Rappelant l'ultimatum lancé, dans la résolution 1556 du Conseil de sécurité des Nations unies (30 juillet 2004), au gouvernement soudanais pour lui enjoindre de désarmer les milices Janjawids qui terrorisent les populations civiles, d'assurer la protection des personnes déplacées, de permettre l'acheminement de l'aide internationale et le déploiement des observateurs envoyés par l'Union africaine;
C. Considérant que des violations du droit humanitaire ne cessent d'être perpétrées sur les populations civiles par les différentes parties au conflit; et que le Conseil de sécurité a déféré la situation au Procureur de la Cour pénale internationale (rés. CS 1593(2005)), permettant ainsi de traduire devant la Cour les auteurs des exactions commises depuis le 1er juillet 2002;
D. Considérant que l'accord de paix du Darfour (signé à Abuja le 5 mai 2006), par son insuffisance, n'a pas permis l'arrêt des violences, mais a au contraire provoqué la recrudescence des exactions: des personnes se font toujours violer, agresser, déplacer, et assassiner chaque jour;
E. Rappelant la résolution 1706(2006) du Conseil de sécurité des Nations unies du 31 août 2006 prévoyant le déploiement d'une force onusienne renforcée au Darfour, la Mission des Nations unies pour le Soudan (MINUS);
F. Considérant que l'Union africaine (UA) a pris la décision, au mois de novembre 2006, de prolonger le mandat de sa force de maintien de paix dans la région soudanaise du Darfour et ce jusqu'au mois de juin 2007;
G. Considérant que, le 19 décembre 2006, le Conseil de sécurité a souscrit aux conclusions de la réunion d'Addis-Abeba du mois de novembre 2006, qui avait abouti à un accord sur la formation d'une force mixte des Nations unies et de l'Union africaine pour maintenir la paix dans la région du Darfour; et qu'un accord en ce sens a été passé le 11 janvier 2007;
H. Considérant qu'en violation de l'accord d'Abuja, l'armée soudanaise s'est à nouveau déployée dans la région et que des bombardements ont repris;
I. Considérant que le conflit au Darfour a provoqué la fuite de près de 2 millions de personnes de leurs foyers, que 2 autres millions dépendent de l'aide internationale, et que 200 000 civils sont réfugiés au Tchad;
J. Considérant que des massacres importants ont été commis coûtant la vie à des milliers, voire plusieurs dizaines de milliers de personnes;
K. Considérant que les informations concernant la crise humanitaire au Darfour deviennent de plus en plus alarmantes alors qu'une grande partie du Darfour est redevenue inaccessible aux missions humanitaires;
L. Considérant que la situation d'insécurité s'est aggravée récemment et que l'instabilité et la violence perpétuelle ont créé une situation alarmante dans le domaine de la santé (malnutrition, épidémie de choléra, hépatite E);
M. Prenant note des déclarations du premier ministre britannique Tony Blair et d'autres dirigeants en faveur d'une zone d'exclusion aérienne au-dessus du Darfour;
N. Considérant les engagements pris par la communauté internationale à la suite du génocide intervenu au Rwanda et considérant, en particulier, que la présence internationale actuelle en RDC témoigne d'une façon exemplaire que la communauté internationale veut mieux assurer sa responsabilité politique en Afrique;
O. Considérant que la Belgique occupe depuis début janvier 2007 un siège de membre non permanent au Conseil de sécurité des Nations unies;
P. Considérant les conclusions du Conseil Affaires Générales/Relations Extérieures du 22 janvier 2007;
Demande à la présidence de l'Union européenne, au Conseil européen, aux ministres des Affaires étrangères de l'Union et au gouvernement belge d'agir directement et par le biais du Conseil de sécurité des Nations unies afin:
1. de mettre tout en œuvre pour que soit déployée sans tarder une opération de maintien de la paix de l'ONU (par le biais du chapitre VI ou du chapitre VII de la Charte des Nations unies), afin de mettre un terme à la violence et de mettre en place la paix et la stabilité dans cette région perturbée comme demandé par la résolution 1706(2006) du Conseil de sécurité; et compte tenu de l'accord passé entre les Nations unies et l'Union africaine concernant la création d'une « force hybride »;
2. d'étudier la possibilité de mettre en place une zone d'exclusion aérienne au dessus de la région du Darfour;
3. d'exiger de toutes les parties impliquées dans le conflit qu'elles permettent un accès libre aux zones de conflit pour tous les travailleurs humanitaires et qu'elles assurent leur sécurité, conformément aux législations humanitaires internationales, en créant notamment des couloirs humanitaires;
4. de tout mettre en œuvre pour rouvrir un espace de négociation entre l'ensemble des groupes d'insurgés et le pouvoir à Khartoum et d'insister sur la nécessité de signer un accord avec des groupes de rebelles représentatifs afin que cet accord ne soit pas rejeté massivement par les populations du Darfour;
5. de s'assurer que l'aide humanitaire de l'Union européenne augmente significativement (actuellement 75 % de l'aide provient des États-Unis) pour les près de 3 millions de personnes qui dépendent totalement de l'aide internationale pour l'alimentation, les abris et les soins médicaux;
6. de soutenir des mesures visant à appliquer des sanctions ciblées aux individus impliqués dans le conflit et responsables des exactions, notamment par le gel des avoirs et l'interdiction de déplacement, ainsi que des mesures visant à renforcer la pression économique sur les parties au conflit;
7. d'inviter la Cour pénale internationale à poursuivre et à étendre ses enquêtes actuelles sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre déjà commis au Darfour;
8. de transmettre la présente résolution à la Commission européenne, au Conseil des ministres ACP-UE (Afrique Caraïbes Pacifique — Union européenne), au gouvernement du Soudan, à l'Union africaine, au Secrétaire général de l'ONU et aux membres du Conseil de sécurité des Nations unies.
IV. VOTES
La proposition de résolution a été adoptée à l'unanimité des 13 membres présents.
Confiance a été faite à la rapporteuse pour un rapport oral en séance plénière.
La rapporteuse, | Le président, |
Margriet HERMANS. | François ROELANTS du VIVIER. |