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Sénat de Belgique

SESSION DE 2006-2007

7 FÉVRIER 2007


Proposition de loi portant modification de l'article 12 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES PAR

M. CORNIL


I. INTRODUCTION

La commission a examiné la présente proposition de loi au cours de ses réunions des 16 février 2005, 29 mars 2006, 14 juin 2006 et 7 février 2007, en présence successivement de Mme Freya Vandenbossche et M. Peter Vanvelthoven, ministres de l'Emploi.

La commission a décidé, lors de sa réunion du 16 février 2005, de recueillir l'avis du Conseil national du travail. Celui-ci a remis son avis nº 1547 le 31 janvier 2006 (voir annexe).

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF

Mme Van de Casteele se réfère aux dispositions de la législation sur les accidents du travail, en vertu desquelles seul le conjoint survivant au sein d'un couple marié peut, sous certaines conditions, bénéficier d'une rente viagère. Cette possibilité n'est pas prévue dans le cas de partenaires cohabitants, même cohabitants légaux. La proposition de loi vise à adapter l'article 12 de la loi du 10 avril 1971 de telle manière que les personnes qui cohabitent légalement au moment de l'accident puissent prétendre, elles aussi, à cette rente viagère.

L'existence d'une discrimination en la matière a été mise en lumière à la suite d'une question préjudicielle posée à la Cour d'arbitrage. Dans l'arrêt rendu en réponse à cette question, la Cour a souligné non seulement les différences entre les cohabitants et les conjoints mariés, mais aussi les similitudes entre eux.

La déclaration gouvernementale précisait explicitement que le gouvernement tenterait de garantir, dans sa politique, une stricte neutralité à l'égard de la manière dont les personnes souhaitent organiser leur vie privée, qu'elles choisissent ou non de se marier, de cohabiter ou de mener un autre mode de vie commune. Il ressort par ailleurs d'une réponse du ministre de l'Emploi à une question écrite qui lui a été posée à la Chambre qu'il est, lui aussi, favorable à l'égalité de traitement entre cohabitants légaux et conjoints mariés.

La sénatrice constate que notre système de sécurité sociale est encore largement basé sur le modèle de cohabitation classique qui prévalait précédemment et qui est caractérisé par un soutien de famille unique, avec les droits dérivés qu'il implique. Il n'est évidemment pas facile d'adapter ce système.

La proposition de loi à l'examen concerne une petite partie du système de sécurité sociale, à savoir les accidents du travail. C'est pourquoi l'intervenante espère qu'il sera possible de supprimer la discrimination existant dans ce domaine. Elle souligne que les organismes assureurs eux-mêmes interprètent généralement la disposition existante de manière très souple, de sorte que, dans la pratique, les cohabitants légaux sont souvent traités sur un pied d'égalité avec les conjoints mariés. En outre, certaines compagnies appliquent cette assimilation non seulement aux cohabitants légaux, mais à tous les cohabitants, ce qui n'enlève toutefois rien au caractère discriminatoire de la législation elle-même.

Le gouvernement a déjà assimilé les cohabitants légaux aux conjoints mariés dans d'autres domaines.

III. DISCUSSION GÉNÉRALE

La proposition de loi a été examinée une première fois par la commission le 16 février 2005, en présence de Mme Freya Van den Bossche, ministre de l'Emploi.

M. Beke fait remarquer que la légalisation du mariage homosexuel a elle aussi des implications en termes de sécurité sociale. Dans la problématique qui nous occupe aujourd'hui, c'est aussi le législateur qui tranchera en dernière instance.

Par ailleurs, il se demande si la proposition de loi concerne exclusivement un couple non marié mais qui cohabite ou si elle vaut aussi, par exemple, pour trois frères qui vivent ensemble ou pour les membres de communautés religieuses.

Mme Van de Casteele indique que la proposition de loi concerne uniquement les cohabitants légaux.

M. Cornil déclare qu'il soutient la proposition de loi car elle ne fait que traduire dans un texte de loi, à savoir la loi sur les accidents du travail, l'apparition progressive de nouvelles formes de vie commune dans notre société. Toutefois, vu l'impact budgétaire considérable qui en résultera, l'intervenant trouve logique de recueillir l'avis des partenaires sociaux.

Mme de Schamphelaere précise que le droit civil établit une distinction tout à fait légitime entre les cohabitants et les conjoints mariés. Toutefois, cette distinction s'estompe de plus en plus pour ce qui est d'autres avantages, par exemple en matière de fiscalité et de sécurité sociale. Cela se marque surtout au niveau du droit de la famille, du droit successoral et de la filiation. Bien qu'elle puisse admettre l'idée que l'on réserve un traitement identique aux personnes ayant pris un engagement contractuel l'une envers l'autre, l'intervenante estime que, si l'on veut trouver un nouvel équilibre, on ne doit pas le faire en s'attaquant à certaines dispositions de la sécurité sociale.

Mme Van den Bossche, ministre de l'Emploi, rappelle qu'en 2001 déjà, le Comité de gestion du Fonds des accidents du travail était arrivé à la conclusion que la question de l'égalité de traitement entre les conjoints mariés et les cohabitants légaux ne se limitait pas au secteur des accidents du travail mais s'étendait aussi à d'autres secteurs, comme celui des maladies professionnelles. C'est pourquoi le Comité de gestion a voulu soumettre la question au Conseil national du travail afin qu'il l'examine dans un cadre plus large.

En 2000, la Cour d'arbitrage a estimé, sur la base de l'article 12 de la loi du 10 avril 1971, qu'il n'y avait pas violation du principe de non-discrimination parce que les conjoints mariés ont un certain nombre de droits et de devoirs l'un envers l'autre alors que ce n'est pas le cas dans une relation entre cohabitants, en conséquence de quoi il n'est pas possible non plus de comparer les droits des cohabitants et ceux des conjoints mariés en matière de sécurité sociale. La Cour de cassation en a également donné confirmation dans un arrêt de 2003. À cet égard, il convient toutefois de faire remarquer qu'il s'agissait chaque fois de cohabitants de fait et non de cohabitants légaux.

Pour cette dernière catégorie de cohabitants, il est exact que l'on a instauré des droits et des devoirs réciproques qui sont comparables à ceux des conjoints mariés. Cela n'a toutefois pas empêché le Comité de gestion du Fonds des accidents du travail de préciser qu'en l'espèce, il fallait faire preuve de prudence. Le principe, par exemple, selon lequel les époux se doivent mutuellement secours et assistance, tel qu'énoncé l'article 213 du Code civil, a une portée nettement moins grande pour les cohabitants légaux. C'est pourquoi les partenaires sociaux estiment que l'on ne peut pas octroyer purement et simplement des droits identiques aux cohabitants légaux, à plus forte raison dans l'hypothèse où il est mis fin à un contrat de cohabitation légale — ce qui peut être fait par le biais d'une procédure très simple — et ce, tant de manière unilatérale que d'un commun accord.

En vertu de l'article 1475 du Code civil, qui règle les contrats de cohabitation, il est cependant possible de conclure des conventions en matière d'assistance mutuelle, même pour une durée supérieure à celle du contrat de cohabitation. Selon la ministre, il est bel et bien question d'une discrimination lorsque les deux cohabitants concluent pareille convention, cette situation ressemblant très fort au règlement légal du mariage. Mais même dans de tels cas, le Fonds des accidents du travail souligne que le caractère contraignant peut être mis en doute, à défaut de mesures d'exécution contraignantes. L'article 1479 autorise le juge de paix à prendre des mesures urgentes et provisoires d'une durée maximale d'un an, alors qu'il est possible d'imposer des obligations alimentaires permanentes dans le cadre d'un divorce.

Le législateur a voulu faire le lien avec cette obligation alimentaire des divorcés, en précisant au dernier alinéa de l'article 12 de la loi sur les accidents du travail:

« Le survivant, divorcé ou séparé de corps, qui bénéficiait d'une pension alimentaire légale ou fixée par convention à charge de la victime, peut également prétendre à la rente viagère visée à l'alinéa 1er, sans que celle-ci puisse être supérieure à la pension alimentaire. »

La proposition de loi à l'examen veut créer la possibilité d'octroyer une rente à vie au survivant d'un couple de cohabitants légaux, même lorsqu'il a été mis fin au contrat de cohabitation légale. Cela va à l'encontre des opinions que les partenaires sociaux ont exprimées à cet égard au sein du Comité de gestion du Fonds des accidents du travail. Par ailleurs, la ministre souligne que la proposition de loi à l'examen a un impact budgétaire considérable, pas tant au niveau du Fonds lui-même pour lequel cet impact est estimé à un montant de 175 000 €, mais en raison de l'obligation légale de réserve qui est évaluée à 6 millions d'euros, ce qui est évidemment problématique. La proposition de loi a également des répercussions en ce qui concerne les primes à payer et d'autres secteurs de la sécurité sociale qui devront suivre l'évolution ainsi amorcée, ce qui est impossible à financer à l'heure actuelle.

Il n'empêche que les partenaires sociaux devront adopter un point de vue clair sur la portée à donner à la cohabitation légale. Il subsistera des différences entre la situation des personnes mariées et celle des cohabitants légaux, mais elles seront minimes. La présente proposition de loi peut constituer une base de discussion pour les partenaires sociaux au sein du Conseil national du travail.

Mme Van de Casteele estime qu'il appartient non pas aux partenaires sociaux mais au législateur de définir la relation entre les mariés et les cohabitants légaux. En outre, elle précise que les différences citées par la ministre, par exemple en cas de dissolution du mariage ou du contrat de cohabitation légale, ne cessent de s'amenuiser. Ainsi, une législation est en cours d'élaboration pour assouplir l'obligation d'être débiteur d'aliments à vie envers l'ex-partenaire même en cas de divorce. Cela n'empêche pas la commission de demander l'avis du Conseil national du travail.

Il est vrai que la proposition de loi à l'examen aura probablement une incidence sur d'autres branches de la sécurité sociale. Néanmoins, le secteur des accidents du travail est très bien délimité, de sorte qu'il est déjà possible de régler quelques problèmes de discrimination au moins dans ce secteur.

Au terme de cette discussion, la commission décide de demander à la présidente du Sénat de recueillir l'avis du Conseil national du travail.

Après avoir reçu l'avis du Conseil national du travail, la commission a examiné plus avant la proposition de loi au cours de ses réunions des 29 mars 2006, 14 juin 2006 et 7 février 2007, en présence de M. Peter Vanvelthoven, ministre de l'Emploi.

Mme Van de Casteele n'a pas l'impression que l'avis en question soit alarmant pour sa proposition de loi. En bref, il s'agit de remédier à la discrimination entre conjoints mariés et cohabitants légaux. Le Conseil national du travail estime toutefois que la proposition de loi va trop loin en ce qu'elle pose exclusivement l'exigence de la cohabitation légale. Il considère qu'il y aurait lieu d'instaurer une condition supplémentaire prévoyant que les cohabitants légaux doivent avoir établi un contrat par lequel ils s'engagent à verser une pension alimentaire, même si leur relation prend fin.

L'intervenante juge cette restriction trop radicale au regard de la proposition de loi relative au divorce sans faute que la Chambre des représentants est en train d'examiner et qui fera du mariage un engagement plus informel sur le plan des obligations alimentaires après rupture de la relation. Mme Van de Casteele considère par conséquent que l'on va trop loin en réservant exclusivement aux cohabitants légaux qui s'engagent contractuellement à verser une pension alimentaire après rupture de la relation un traitement identique à celui des conjoints mariés en ce qui concerne l'assurance contre les accidents du travail.

Mme Van de Casteele a consulté plusieurs compagnies d'assurances, qui lui ont indiqué que cela ne leur pose pas de problèmes, car il leur arrive déjà fréquemment d'octroyer une rente viagère non seulement à des cohabitants légaux mais aussi à des cohabitants de fait.

Dans son avis, le Conseil national du travail précise également que diverses dispositions légales autres que celles de l'article 12 doivent être adaptées. Sur ce point, il est donc sur la même longueur d'ondes que le service d'évaluation de la législation du Sénat, qui avait déjà mis l'accent sur ce problème dans son avis nº 123/2004 du 25 novembre 2004. L'intervenante déposera à cet effet les amendements nécessaires.

Mme Van de Casteele propose d'élaborer une proposition de loi en vue de faire en sorte que l'égalité de traitement entre conjoints mariés et cohabitants légaux soit étendue à l'indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public.

Il existe d'ailleurs un précédent. Le 25 novembre 2005, la Chambre des représentants a adopté une proposition de loi modifiant la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres en vue de permettre même aux cohabitants de fait d'être reconnus comme les ayants droit d'un membre des services de police et de secours décédé suite à un accident dans le cadre de ses fonctions. Pour certains groupes cibles spécifiques, le principe de l'égalité de traitement entre conjoints mariés et cohabitants — même lorsqu'il s'agit de cohabitants de fait, comme c'est le cas en l'espèce — est donc déjà accepté.

À la lumière de ce qui précède et eu égard à l'arrêt nº 137/2000 du 21 décembre 2000 de la Cour d'arbitrage, le moment est venu d'agir. L'intervenante insiste donc pour que la proposition de loi à l'examen, une fois amendée, soit adoptée sans délai.

M. Peter Vanvelthoven, ministre de l'Emploi, déclare souscrire au principe selon lequel les cohabitants légaux doivent se voir reconnaître dans le cadre de l'assurance contre les accidents du travail les mêmes droits que les conjoints mariés lorsque la situation juridique des cohabitants légaux et des conjoints mariés est identique. Or, bien qu'elle soit comparable, leur situation n'est pas identique.

L'octroi d'une rente viagère au conjoint marié survivant, à la suite d'un accident du travail mortel, trouve son origine dans l'article 213 du Code civil, qui dispose que les époux se doivent mutuellement secours et assistance, une obligation qui ne reste pas limitée à la durée du mariage. En effet, on peut déduire de l'article 213 qu'une pension alimentaire peut être octroyée en cas de divorce ou de séparation de corps.

Une série d'obligations réciproques s'appliquent également aux cohabitants légaux, mais celles-ci sont beaucoup moins étendues.

Le devoir mutuel d'assistance et de secours n'existe pas entre les cohabitants légaux, si bien qu'en cas de cessation éventuelle de la cohabitation légale, qui peut intervenir notamment au moyen d'une déclaration unilatérale de cessation faite par l'un des partenaires, il n'y a pas non plus de motif d'octroyer une pension alimentaire.

L'article 1478 du Code civil accorde toutefois aux cohabitants légaux la possibilité de régler les modalités de leur cohabitation légale comme ils le jugent à propos, par une convention passée en la forme authentique devant notaire, et faisant l'objet d'une mention au registre de la population. Ils peuvent ainsi convenir d'une obligation alimentaire, soit unilatérale, soit réciproque. En principe, cette obligation alimentaire est sans objet en cas de cessation de la cohabitation légale. L'article 1478 du Code civil n'exclut cependant pas la possibilité que les cohabitants prévoient dans leur convention qu'une obligation alimentaire continuera à s'appliquer entre eux (ou vis-à-vis de l'un d'eux) après la cessation de la cohabitation légale.

Le ministre précise que lorsqu'une telle convention a été conclue, la situation des cohabitants légaux est pratiquement équivalente à celle des époux, du moins en ce qui concerne le devoir mutuel d'assistance et de secours.

Le législateur a d'ailleurs souhaité établir formellement un lien entre le droit à la rente viagère et l'existence d'une obligation alimentaire en prévoyant au dernier alinéa de l'article 12 de la loi sur les accidents du travail qu'en cas de séparation des époux avant la survenance de l'accident, le droit à une rente n'est acquis que si l'ex-époux survivant bénéficiait d'une pension alimentaire.

La solidarité mutuelle constitue la base de notre sécurité sociale. Il serait dès lors étrange que la sécurité sociale doive organiser la solidarité avec le partenaire survivant d'un couple de cohabitants légaux, si ces personnes n'ont même pas voulu prévoir entre elles un soutien social.

Lorsque des personnes prennent un engagement l'une envers l'autre, les pouvoirs publics sont tout à fait disposés à les soutenir dans leur démarche et à s'engager avec elles en ce sens.

En revanche, le ministre estime qu'il n'est pas cohérent d'obliger les pouvoirs publics à distribuer des sommes considérables au cohabitant légal de la victime d'un accident du travail, uniquement parce qu'il cohabitait légalement avec le défunt, alors que ces cohabitants n'avaient pas voulu souscrire d'obligations financières l'un envers l'autre. Il faut en effet savoir qu'assimiler les cohabitants à des conjoints aura bien entendu d'importantes implications financières, ne fût-ce que dans le secteur des accidents du travail. Il ne paraît pas indiqué, selon le ministre, d'augmenter les primes de l'assurance contre les accidents du travail à charge des employeurs.

Le ministre propose dès lors d'assimiler à des conjoints les seuls cohabitants légaux qui, conformément à l'article 1478 du Code civil, auront établi un contrat, dans lequel est prévue entre les parties une obligation de secours pouvant avoir des conséquences financières, même après la rupture.

Le ministre suit ainsi l'avis du CNT et la position défendue par le Conseil des ministres dans l'arrêt de la Cour d'arbitrage du 21 décembre 2000.

Il souligne par ailleurs que la problématique dépasse la législation relative aux accidents du travail dans le secteur privé. Si l'on devait assimiler les cohabitants légaux à des conjoints pour l'application de la loi relative aux accidents du travail dans le secteur privé, il faudrait le faire également pour le secteur public. Tout autre raisonnement pourrait être qualifié de discriminatoire. La législation relative aux maladies professionnelles devrait également être adaptée en ce sens et il faudrait entre autres reconsidérer également le régime des pensions.

Mme Van de Casteele ne partage pas le point de vue du ministre.

Contrairement au ministre, elle ne souscrit pas à la proposition du Conseil national du travail visant à limiter l'assimilation aux cohabitants légaux qui se sont engagés contractuellement à un secours (financier) réciproque après une rupture. La disposition invoquée à cet effet est l'article 213 du Code civil, qui est rédigé comme suit: « Les époux ont le devoir d'habiter ensemble; ils se doivent mutuellement fidélité, secours, assistance. » Cependant, comme cela a été dit, les débats à la Chambre sur le divorce sans faute témoignent d'une évolution dans la conception du mariage. En effet, les liens du mariage sont perçus comme étant moins serrés. Par conséquent, il n'est plus considéré comme une évidence que les époux se doivent mutuellement des rentes alimentaires ad vitam aeternam. Dans ce cas, comment la présente proposition de loi peut-elle soumettre les cohabitants légaux à des conditions plus contraignantes que les personnes mariées ? Il faut donc aussi tenir compte de l'évolution des mentalités depuis l'arrêt de la Cour d'arbitrage de 2000. En soi, cela ne fait aucune différence si deux personnes vivent en concubinage, cohabitent légalement ou forment une communauté de vie. Dans tous ces cas de figure, elles ont projeté de construire leur vie ensemble. Si un accident du travail contrarie ces projets, aucune distinction ne peut être faite entre les trois catégories. Par ailleurs, il faut garder à l'esprit la nature spécifique de la rente viagère versée après un accident du travail. Le Conseil national du travail a d'ailleurs souligné explicitement ce point dans son avis.

C'est pourquoi l'intervenante propose d'examiner comment la proposition de loi peut être amendée. Une proposition de loi devrait également pouvoir être élaborée en vue d'instaurer un régime analogue pour les accidents du travail et les maladies professionnelles dans le secteur public.

En ce qui concerne cette dernière suggestion, le ministre attire l'attention sur le fait qu'entre-temps, la Cour d'arbitrage a rendu un arrêt sur la différence de couverture entre la loi relative aux accidents du travail et la loi relative aux maladies professionnelles. Par conséquent, si cette dernière loi n'est pas modifiée, le risque est grand que la Cour d'arbitrage ne soit saisie d'un recours fondé sur une inégalité de traitement des parents proches d'un défunt, selon que celui-ci a été victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.

La référence à la discussion à la Chambre sur le divorce sans faute n'a, au stade actuel, aucune valeur juridique. La remarque de Mme Van de Casteele serait bien entendu pertinente si les mariés et les cohabitants légaux avaient les mêmes devoirs mutuels d'assistance et de secours. Or, tel n'est pas le cas jusqu'à présent.

Mme Van de Casteele fait remarquer que le ministre a déclaré être aussi d'avis que l'assimilation aux couples mariés doit être limitée aux cohabitants qui ont rédigé une convention alimentaire. La sénatrice a déposé un amendement en ce sens.

Il s'est toutefois avéré par la suite que certaines administrations craignent les conséquences d'une telle assimilation, surtout dans les autres secteurs de la sécurité sociale. Aussi le ministre préfère-t-il remettre cette question aux calendes grecques.

Lors de la discussion avec la ministre Vandenbossche, la sénatrice s'est également enquise des conséquences financières de l'assimilation proposée dans sa proposition de loi. Les conséquences budgétaires directes pour le Fonds des accidents du travail resteraient limitées à 175 000 euros. Il faudrait en revanche constituer des réserves plus importantes, qui ne nécessiteraient pas d'efforts budgétaires trop lourds, selon la sénatrice. Le secteur des assurances affirme que cela n'impliquerait pas de dépenses plus importantes ni un surcroît de tracasseries administratives pour lui. Compte tenu des points ci-dessus, la sénatrice espère qu'un vote peut avoir lieu à présent sur la proposition. Néanmoins, elle a pu constater à la lumière d'une réponse donnée par lui à une question parlementaire posée à la Chambre que le ministre est encore en train de formuler des objections supplémentaires. Le ministre peut-il préciser son point de vue ?

Le ministre souligne que, comme promis à la sénatrice Van de Casteele, un groupe de travail s'est réuni pour analyser la problématique en profondeur. Cette réunion a eu lieu le 1er juin 2006 en présence de représentants du Fonds des accidents du travail, du Fonds des maladies professionnelles, de la direction générale Politique sociale du SPF Sécurité sociale, d'une cellule stratégique du ministre des Pensions et du ministre de l'Emploi, ainsi que d'un collaborateur de la sénatrice Van de Casteele. Les amendements supplémentaires déposés par la sénatrice ont fait apparaître que la portée de la proposition serait limitée, mais que les maladies professionnelles seraient également visées.

Le groupe de travail a constaté que l'assimilation des cohabitants légaux aux conjoints mariés suscite encore des doutes, même dans l'hypothèse où les cohabitants ont conclu un arrangement en matière d'obligation alimentaire. En effet, les obligations réciproques des cohabitants légaux sont beaucoup moins étendues que celles qui lient les conjoints mariés. Une obligation contractuelle est autre chose qu'une obligation légale, car elle est beaucoup plus précaire et peut être annulée à tout moment. À la cessation d'une cohabitation légale, on peut donc tout aussi bien décider de résilier le contrat ou d'y mettre fin.

Par ailleurs, la rente alimentaire qui est allouée après la dissolution d'un mariage peut être revue par le juge en cas de modification de la situation financière d'un des ex-époux. Pour ce qui est des ex-cohabitants légaux, les engagements contractuels ont été fixés et les parties doivent parvenir à un accord si elles souhaitent les modifier.

Une dernière question concernant le « contrat » qui a été abordé par le groupe de travail est celle de savoir comment interpréter l'obligation d'assistance qui peut avoir des conséquences financières même après une rupture. Il est évident que la notion de « conséquences financières » et l'obligation alimentaire ne coïncident pas nécessairement. Il faut éviter qu'un contrat prévoie uniquement l'attribution d'une somme symbolique en cas de cessation de la cohabitation légale. En effet, cette situation ne serait pas comparable à celle d'(ex-)époux. Il est donc indispensable de définir clairement les obligations et de préciser ce qui doit figurer dans le contrat.

La principale réserve formulée par le groupe de travail concerne toutefois l'effet « boule de neige » que cette disposition pourrait avoir. La problématique ne se limite pas au secteur privé, elle touche également le secteur public. Tout autre raisonnement pourrait être qualifié de discriminatoire. Il faudrait alors revoir également la réglementation en matière de pensions, de chômage, etc.

C'est pourquoi le ministre estime que, si modification il doit y avoir, elle doit impérativement se faire de façon cohérente et porter sur tous les secteurs à la fois. Il faudra alors vérifier dans chaque secteur si une adaptation ou une modification s'impose. C'est pourquoi il serait bon d'inviter également les ministres de la Fonction publique, des Pensions et des Affaires sociales à exposer leur point de vue.

Enfin, le ministre souhaite formuler une observation technique sur la date d'entrée en vigueur. Le texte actuel de la proposition de loi ne prévoit aucune date. Le ministre souligne que le Fonds des accidents du travail est parfois redevable d'indemnités à l'ayant droit de la victime d'un accident du travail lorsque cet accident n'était pas considéré comme un accident du travail en vertu de la réglementation en vigueur à la date où il s'est produit, mais qu'il est entré en ligne de compte en tant qu'accident du travail en vertu d'une réglementation ultérieure.

Cela signifierait que le Fonds des accidents du travail serait redevable de ces indemnités au partenaire cohabitant légal d'une personne victime d'un accident mortel survenu avant l'entrée en vigueur d'une modification éventuelle de la loi sur les accidents du travail.

En guise de réponse générale aux remarques du ministre, Mme Van de Casteele indique qu'un accident du travail est un événement très spécifique qui arrive soudainement. Impossible de le prévoir, contrairement à une pension. Lorsqu'un ménage est touché par un accident du travail, le fait d'être marié ou non ne devrait pas faire de différence pour les ayants droit. Ce qui compte, c'est que deux personnes formaient un ménage ensemble, avaient des enfants et se construisaient un avenir qui s'écroule subitement à cause de l'accident du travail. L'employeur aussi tire profit d'une solution qui le met à l'abri des demandes d'indemnisation. Dès lors, la sénatrice continue à croire qu'il est possible de considérer cette réglementation comme un ensemble distinct. Dans son avis, le CNT affirme également que la procédure de couverture des risques est très différente dans les autres secteurs. La solution pour les accidents du travail ne s'appliquera donc pas forcément aux autres secteurs.

Indépendamment de cela, la sénatrice estime que le gouvernement actuel, qui a mis un point d'honneur à mettre toutes les formes de cohabitation sur le même pied, a l'obligation de mener la réflexion en la matière. De plus, elle a l'impression que les administrations ont une approche trop conservatrice du problème. En effet, elle observe que de plus en plus de personnes choisissent la cohabitation (légale) plutôt que le mariage. Cependant, le nombre de personnes en âge de se marier décroît sans cesse à cause de l'évolution démographique. C'est pourquoi l'autorité devrait encourager la conclusion d'un engagement, qu'il s'agisse d'un engagement légal ou contractuel. Les personnes qui veulent assumer une responsabilité l'une envers l'autre et vis-à-vis de leurs enfants doivent être soutenues dans ce choix. Il est aussi quelque peu étrange que des mesures soient prises au niveau fiscal mais ne trouvent pas de pendant dans la sécurité sociale par exemple. En outre, elle est convaincue du fait que le coût global de l'extension des mesures aux cohabitants ne dépassera jamais le coût global que l'on aurait à supporter dans l'hypothèse où tout le monde se marierait. L'administration part toujours du principe que ce qu'un cohabitant demande implique, par définition, un coût supplémentaire. Or, ce n'est pas vrai. La dénomination changera peut-être, mais pas le coût global.

Elle pense donc que le seul problème qui peut éventuellement se poser en relation avec la présente proposition de loi est de savoir si celle-ci peut constituer un précédent juridique pour d'autres secteurs. Pour sa part, elle ne voit pas directement de problèmes à cet égard.

Le ministre souhaite encore attirer quelque peu l'attention sur l'avis du CNT. Le but était d'avoir une vision plus large de la position du CNT concernant les implications de la proposition de loi sur les autres secteurs de la sécurité sociale. L'avis s'est finalement limité aux seuls accidents du travail et maladies professionnelles. Le ministre se soucie non pas tant de l'avis du CNT, mais plutôt de celui de la Cour d'arbitrage.

Mme Van de Casteele insiste sur le fait qu'il s'agit d'un débat de société qui doit être mené par les responsables politiques et pas par les administrations. Elle constate que la proposition de loi à l'examen est soutenue par un vaste groupe de parlementaires. Elle en conclut donc que le ministre devra présenter des arguments de poids pour convaincre le parlement de ne pas voter la proposition de loi.

Eu égard à l'avis du CNT et à l'opinion du ministre, la sénatrice Van de Casteele déposera des amendements pour que l'assimilation aux conjoints mariés soit limitée aux cohabitants légaux qui ont conclu un contrat chez le notaire et qui se sont engagés à une obligation alimentaire l'un envers l'autre. Le groupe des cohabitants concernés est ainsi réduit au minimum.

Bien que la sénatrice Van de Casteele soit consciente que beaucoup trouveront que la proposition de loi à l'examen ne va pas assez loin, elle demande néanmoins de l'adopter. Elle pourra ensuite servir de base à une adaptation ultérieure, qui pourra aller au-delà de ce qui est possible actuellement.

Elle souligne par ailleurs que lors de la discussion sur le Fonds Amiante dans le cadre de la loi-programme de décembre 2006, les ministres Demotte et Vanvelthoven s'étaient engagés, à la Chambre, à poursuivre l'assimilation au niveau du Fonds Amiante. Idéalement, cela devrait se faire en même temps pour les accidents du travail et les maladies professionnelles. Le service d'évaluation de la législation avait d'ailleurs aussi relevé qu'il ne se concevait pas de supprimer la discrimination pour les accidents du travail, mais de la laisser subsister pour les maladies professionnelles. Par conséquent, elle déposera également un amendement en ce sens.

Mme Geerts est également demandeuse d'avancées dictées par le principe d'égalité. Bien qu'elle comprenne le raisonnement de Mme Van de Casteele en ce qui concerne la définition plus large de la catégorie des cohabitants, elle insiste sur la différence entre ce qui est souhaitable et ce qui est réalisable.

M. Cornil soutient également la proposition de loi de Mme Van de Casteele.

M. Vanvelthoven, ministre de l'Emploi, souligne qu'il a toujours défendu les principes qui sous-tendent la proposition. Mais il faut veiller à éviter les dérives non souhaitables. De plus, il lui paraît évident que si l'on invoque la solidarité de la collectivité, il doit aussi y avoir une solidarité mutuelle dans la relation entre les deux partenaires. Les amendements déposés par l'auteur de la proposition améliorent considérablement le texte initial.

L'élargissement au Fonds Amiante est également dans la logique des choses et lui paraît pertinente. L'amendement qui règle l'entrée en vigueur répond également à une observation du ministre. Sous cette forme modifiée, le ministre peut donc se rallier à la proposition.

Mme Van de Casteele termine en soulignant à nouveau que la commission de la Chambre a entre-temps adopté un texte qui assouplit considérablement la législation en matière de divorce. Cette évolution entraînera peut-être une discrimination en sens inverse, parce que dans certains cas, la nouvelle procédure ne prévoit pratiquement plus d'obligations alimentaires pour les conjoints. Il convient dès lors de veiller à ne pas créer une situation dans laquelle les cohabitants légaux devraient conclure une convention imposant davantage d'obligations qu'un contrat de mariage.

IV. DISCUSSION DES ARTICLES

Intitulé

Mme Van de Casteele dépose l'amendement nº 10 (doc. Sénat, nº 3-916/2) et l'amendement nº 13 (doc. Sénat, nº 3-916/4) qui visent à adapter l'intitulé en fonction du contenu modifié de la proposition de loi.

Article 1er

Cet article ne suscite aucune observation.

Article 2

Mme Van de Casteele dépose l'amendement nº 1 (doc. Sénat, nº 3-916/2) qui vise à modifier l'article 12 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail. Il s'agit de donner suite aux observations des services.

Article 3 (nouveau)

Mme Van de Casteele dépose l'amendement nº 2 (doc. Sénat, nº 3-916/2) qui vise à modifier l'article 13 de la loi sur les accidents du travail. Il ne serait pas logique d'adapter l'article 12 de cette loi et de ne pas faire de même pour l'article 13, de manière que les enfants du partenaire cohabitant légal puissent eux aussi avoir droit à une rente.

Le ministre précise que dans ce cas aussi, une rente ne devrait être octroyée qu'aux enfants et petits-enfants à l'égard desquels la victime a également des obligations, si la cohabitation légale devait prendre fin.

Article 4 (nouveau)

Mme Van de Casteele dépose l'amendement nº 3 (doc. Sénat, nº 3-916/2) qui vise à modifier l'article 15 de la loi sur les accidents du travail.

L'article 15 règle les droits des père et mère et ascendants de la victime. Mme Van de Casteele estime qu'ici aussi, il serait indiqué d'assimiler le cohabitant légal au conjoint marié.

Le ministre trouve logique de limiter les droits des ascendants si le cohabitant légal est repris dans la catégorie des ayants droit. Ici aussi, il faudrait donc logiquement limiter l'octroi d'une rente aux cohabitants légaux qui ont établi un contrat conformément à l'article 1478 du Code civil, dans lequel est prévue entre les parties une obligation de secours pouvant avoir des conséquences financières, même après la rupture.

Article 5 (nouveau)

Mme Van de Casteele dépose l'amendement nº 4 (doc. Sénat, nº 3-916/2) qui vise à modifier l'article 16 de la loi sur les accidents du travail en vue de régler les droits des petits-enfants de la victime.

Le ministre renvoie à sa remarque à propos de l'amendement nº 3.

Article 6 (nouveau)

Mme Van de Casteele dépose l'amendement nº 5 (doc. Sénat, nº 3-916/2) visant à modifier l'article 33 de la loi sur les accidents du travail. L'amendement en question vise à assimiler aussi les cohabitants légaux en ce qui concerne les soins de santé consécutifs à un accident du travail.

Le ministre ne formule pas d'objection à cet amendement. Il est tout à fait logique que le cohabitant légal soit assimilé au conjoint en matière de frais de déplacement. Aucune limitation ne s'impose ici.

Article 7 (nouveau)

Mme Van de Casteele dépose l'amendement nº 6 (doc. Sénat, nº 3-916/2) visant à modifier l'article 44 de la loi sur les accidents du travail. Cet article règle le paiement.

Le ministre ne formule pas non plus d'objection à ce sujet. Sont visés ici encore les cohabitants légaux qui ont, conformément à l'article 1478 du Code civil, établi un contrat obligeant les parties à un devoir de secours qui, même après une rupture éventuelle, peut avoir des conséquences financières. Cette condition ne doit pas être posée pour l'article 44, 3º.

Article 8 (nouveau)

Mme Van de Casteele dépose l'amendement nº 7 (doc. Sénat, nº 3-916/2) visant à modifier l'article 45 de la loi sur les accidents du travail. Cet article règle également le paiement.

Le ministre renvoie à son intervention concernant l'amendement nº 6.

Article 9 (nouveau)

Mme Van de Casteele dépose l'amendement nº 8 (doc. Sénat, nº 3-916/2) visant à remplacer l'article 13, § 5, de la loi sur les accidents du travail. Elle souhaite, par le biais de cet amendement, répondre aux observations que la Cour d'arbitrage a formulées dans son arrêt 10/2002 du 9 janvier 2002.

Le ministre renvoie à la loi récente du 13 juillet 2006 portant des dispositions diverses en matière de maladies professionnelles et d'accidents du travail et en matière de réinsertion professionnelle (Moniteur belge du 1er septembre 2006), qui règle clairement la problématique soulevée.

Mme Van de Casteele retire par conséquent l'amendement en question.

Article 10 (nouveau)

Mme Van de Casteele dépose l'amendement nº 9 (doc. Sénat, nº 3-916/2) visant à modifier l'article 13, § 2, de la loi sur les accidents du travail. Cet amendement a également été déposé pour répondre aux observations que la Cour d'arbitrage a formulées dans son arrêt 10/2002 du 9 janvier 2002.

Le ministre renvoie à sa remarque concernant l'amendement nº 8.

Mme Van de Casteele retire l'amendement.

Article 11 (nouveau)

Mme Van de Casteele dépose l'amendement nº 11 (doc. Sénat, nº 3-916/3) visant à modifier l'article 5 de la loi sur les accidents du travail. Cet amendement est déposé pour répondre à l'avis nº 1547 du Conseil national du travail.

Article 12 (nouveau)

Mme Van de Casteele dépose l'amendement nº 12 (doc. Sénat, nº 3-916/3), qui vise à modifier l'article 33 des lois relatives à la prévention des maladies professionnelles et à la réparation des dommages résultant de celles-ci, coordonnées le 3 juin 1970. Cet amendement est lui aussi déposé en vue de donner suite à l'avis nº 1547 du Conseil national du travail et à la demande du gouvernement de limiter l'assimilation.

Le ministre est partisan de réserver le droit à une rente viagère aux seuls cohabitants légaux qui, conformément à l'article 1478 du Code civil, auront établi un contrat dans lequel est prévue entre les parties une obligation de secours pouvant avoir des conséquences financières, même après la rupture.

D'autre part, le ministre trouve singulier qu'aucune rente ne soit accordée au partenaire qui a bénéficié d'une rente alimentaire en vertu d'une cohabitation légale antérieure; il propose d'ajouter cette possibilité.

Article 13 (nouveau)

Mme Van de Casteele dépose l'amendement nº 14 (doc. Sénat, nº 3-916/4), qui vise à régler l'entrée en vigueur de la loi et à préciser clairement que la disposition en question vaut pour l'avenir sans aucun effet rétroactif.

Le ministre avait en effet formulé une observation technique à propos de la date d'entrée en vigueur. Le texte actuel de la proposition de loi ne prévoit aucune date. Le ministre rappelle que le Fonds des accidents du travail est parfois redevable d'indemnités à l'ayant droit de la victime d'un accident du travail alors que cet accident n'était pas considéré comme un accident du travail en vertu de la réglementation en vigueur à la date où il s'est produit, mais qu'il a malgré tout été assimilé à un accident du travail en vertu d'une réglementation ultérieure. Cet amendement répond à l'observation du ministre.

Article 14 (nouveau)

Mmes Van de Casteele, Geerts, Annane et M. Cornil déposent l'amendement nº 15 (doc. Sénat, nº 3-916/4), qui vise à étendre, dans le cadre du Fonds amiante, le groupe des bénéficiaires aux cohabitants légaux.

Le ministre soutient l'extension de ce régime au Fonds amiante.

V. VOTES

Les amendements nos 8 et 9 sont retirés.

L'article premier, l'article 2 amendé et tous les amendements sont adoptés à l'unanimité des 11 membres présents.

À la suite de l'adoption des ces amendements, la commission décide, à l'unanimité des 11 membres présents, de modifier l'intitulé comme suit: « Proposition de loi portant modification de diverses dispositions relatives aux accidents du travail, aux maladies professionnelles et au Fonds amiante, en ce qui concerne les cohabitants légaux ».

L'ensemble de la proposition de loi amendée a été adopté à l'unanimité des 11 membres présents.


Confiance a été faite au rapporteur pour la rédaction du présent rapport.

Le rapporteur, La présidente,
Jean CORNIL. Annemie VAN de CASTEELE.

ANNEXE

AVIS Nº 1 547

Séance du mardi 31 janvier 2006

Rente viagère en cas d'accident du travail — Élargissement aux cohabitants légaux/Proposition de loi


AVIS Nº 1 547

Objet: Rente viagère en cas d'accident du travail — Élargissement aux cohabitants légaux/Proposition de loi

Par lettre du 3 mars 2005, Madame F. VAN DEN BOSSCHE, ministre de l'Emploi, a consulté le Conseil national du travail sur une proposition de loi portant modification de l'article 12 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents de travail.

Cette proposition de loi a pour but d'accorder le droit à la rente viagère dans le cadre de l'assurance contre les accidents du travail aux mêmes conditions au cohabitant légal. L'avis du Conseil sur cette proposition de loi a déjà été demandé par madame A.-M. LIZIN, Présidente du Sénat, par lettre du 25 février 2005.

L'examen de cette demande d'avis a été confié à la Commission de la sécurité sociale.

Sur rapport de cette Commission, le Conseil national du travail a émis le 31 janvier 2006, l'avis suivant.


AVIS DU CONSEIL NATIONAL DU TRAVAIL

I. INTRODUCTION

Par lettre du 3 mars 2005, Madame F. VAN DEN BOSSCHE, ministre de l'Emploi, a consulté le Conseil national du travail sur une proposition de loi portant modification de l'article 12 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents de travail ainsi que sur les amendements y afférents.

Le Conseil constate que la proposition de loi portant modification de l'article 12, alinéa 1er, de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents de travail complète cet article comme suit:

« 3º à la personne qui cohabitait légalement avec la victime au moment de l'accident;

4º à la personne qui cohabitait légalement avec la victime au moment du décès de celle-ci, à condition:

a) que la cohabitation légale conclue après l'accident ait pris cours au moins un an avant le décès de la victime ou

b) qu'un enfant soit issu de la cohabitation légale ou

c) qu'au moment du décès, les cohabitants légaux aient eu à leur charge un enfant pour lequel l'un d'eux bénéficiait d'allocations familiales ».

Par ailleurs, la ministre de l'emploi a également consulté le Conseil national du travail sur les amendements y afférents.

Cette proposition de loi a pour but d'accorder le droit à la rente viagère dans le cadre de l'assurance contre les accidents du travail aux mêmes conditions au cohabitant légal. L'avis du Conseil sur cette proposition de loi a déjà été demandé par madame A.-M. LIZIN, Présidente du Sénat, par lettre du 25 février 2005.

Dans sa lettre, la ministre a souligné que, lors de sa séance du 19 novembre 2001, le Comité de gestion du Fonds des accidents du travail a proposé au ministre de l'époque de soumettre la question des cohabitants légaux au Conseil. À cette occasion, le Comité de gestion a notamment demandé que, dans son avis, celui-ci tienne compte d'un certain nombre de spécificités de l'assurance contre les accidents du travail.

II. POSITION DU CONSEIL

Le Conseil entend dans le présent avis examiner la proposition émise dans la demande qui lui a été transmise. Il se propose également de formuler quelques observations d'ordre technique relatives aux modifications qu'implique l'adoption de la proposition de loi en question sur d'autres dispositions légales.

1. Considérations générales

Le Conseil souscrit au principe que les cohabitants légaux, au sens de l'article 1475 du Code civil, doivent se voir reconnaître dans le cadre de l'assurance contre les accidents du travail les mêmes droits à la rente viagère que les conjoints, lorsque leur situation juridique est comparable.

Cependant, bien que cette extension du régime soit limitée aux cohabitants qui ont fait une déclaration de cohabitation légale, le Conseil l'estime trop étendue et souhaite dès lors formuler une proposition alternative. Le Conseil estime en effet nécessaire d'adapter la législation à la réalité sociale tout en gardant à l'esprit que l'extension des droits dérivés ne peut être réalisée sans garantie supplémentaire de la stabilité du lien créé entre les cohabitants légaux.

Ainsi, pour élaborer sa proposition, le Conseil fonde son raisonnement sur les arguments avancés par la Cour d'arbitrage dans son arrêt nº 137/2000 du 21 décembre 2000.

Dans cet arrêt, la Cour énonce que « les conjoints et les personnes qui forment une communauté de vie sont des catégories de personnes comparables en matière de sécurité sociale. Dans le contexte social actuel, deux personnes vivant en concubinage peuvent fonder une communauté de vie et se trouver dans un état d'interdépendance économique comparable à celui que l'on rencontre chez les couples mariés ».

La Cour ajoute que « c'est au législateur qu'il appartient de décider si, et dans quelle mesure, les personnes formant une communauté de vie doivent être traitées comme les couples mariés dans la matière des accidents du travail ».

Cela étant, le Conseil propose d'étendre le champ d'application de l'article 12 aux seuls cohabitants légaux qui auront établi un contrat conformément à l'article 1478 du Code Civil, dans lequel est prévue entre les parties une obligation de secours pouvant avoir des conséquences financières, même après la rupture, par instauration d'une obligation alimentaire sous forme d'indemnité.

Par ailleurs, le Conseil tient à faire remarquer que dans le secteur des accidents du travail, l'assurance obligatoire sur les accidents du travail dont dispose l'employeur couvre les risques professionnels du travailleur en cas d'accident encouru par lui sur le lieu ou le chemin du travail. Cette prise en charge de la réparation du dommage par l'assurance-loi empêche par conséquent la victime d'un accident de travail d'intenter une action en responsabilité civile du droit commun contre l'employeur ou son préposé dont la faute a causé l'accident.

À cet égard, il souligne que la procédure de couverture des risques n'est pas identique dans les autres secteurs de la sécurité sociale et qu'une telle solution n'est donc pas nécessairement transposable à ceux-ci.

2. Aspects techniques

Le Conseil relève que pour intégrer harmonieusement dans le dispositif légal la proposition ainsi formulée, plusieurs dispositions légales nécessitent une adaptation.

Ainsi, concernant la loi du 10 avril 1971 relative aux accidents du travail, l'article 12 doit être modifié conformément à la proposition formulée par le Conseil; de même, les 3º et 4º de l'article 44 qui prévoient des modalités d'exécution particulières pour le payement des indemnités ou des rentes fournies en vertu de cette loi nécessitent une adaptation.

Par ailleurs, le Conseil constate que, en ce qui concerne l'amendement nº 3 de la proposition de loi en question, le projet de loi portant diverses dispositions en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles, règle déjà en ses article 45 à 47 la problématique soulevée dans l'arrêt nº 10/2002 du 9 janvier 2002 de la Cour d'arbitrage.

Concernant la loi coordonnée du 3 juin 1970 relative aux maladies professionnelles, l'article 33, 2e alinéa, 2º et 3º consistant en une reformulation l'article 12, al. 1 et 2 de la loi du 10 avril 1971 et l'article 64bis qui accorde le bénéfice de la rente viagère au conjoint avec lequel le bénéficiaire vivait au moment de son décès doivent également être modifiés.

Enfin, le Conseil attire l'attention sur le fait bien que la loi du 3 juillet 1967 relative aux accidents du travail et les maladies professionnelles dans le secteur public renvoie en grande partie à la loi du 10 avril 1971, plusieurs dispositions lui sont particulière et doivent, à ce titre, également faire l'objet d'adaptations. Ainsi, les articles 3, 8, 9, 11 et 12 doivent être modifiés.


Enfin, le Conseil tient à souligner que malgré l'intérêt marqué qu'il porte à la problématique de l'extension des droits dérivés aux cohabitants légaux, celle-ci ne revêt pas un caractère prioritaire par rapport à d'autres questions.