3-198 | 3-198 |
M. Berni Collas (MR). - Les services postaux dans l'Union européenne sont couverts par la directive postale de 1997 prévoyant un cadre réglementaire garantissant aux citoyens un service universel. La directive visait à assurer le meilleur service possible par une ouverture graduelle du marché, l'échéance pour l'ouverture totale étant fixée à 2009. Dans une proposition de directive modificative, cette échéance vient d'être confirmée.
Au sein de notre commission de l'Économie et des Finances, nous avons réalisé un exercice qui consistait à juger de l'application de la subsidiarité par cette proposition de directive ; nous avons conclu qu'elle n'appelle pas de remarque concernant la subsidiarité dans la mesure où chaque pays conserve la faculté d'organiser son propre service postal. Il reste donc manifestement une marge de manoeuvre.
Toutefois, en ce qui concerne l'application du principe de proportionnalité, notre commission demande que des réponses soient apportées aux réserves exprimées ; en particulier nous souhaitons que l'on démontre que la suppression du domaine réservé pour les envois dont le poids est inférieur à 50 grammes ne fragilise pas à court terme les opérateurs postaux assurant le service universel.
En outre, nous demandons que les autres modes de financement mentionnés dans la proposition de directive permettent de garantir un service de proximité de qualité.
Je me permets de vous interroger également au sujet des initiatives de certains collègues parlementaires, notamment celle de M. Hutchinson, qui, sous la devise « SOS poste » a lancé une campagne de signatures, relayée en Communauté germanophone par un député régional sous le titre « Lasst unsere Briefträger in Ruhe » initiative à laquelle répliqua un député européen germanophone sous la devise « Belgien kann unsere Briefträger retten ».
Quelle est votre opinion à ce sujet ?
Quelle est ou sera la marge de manoeuvre nationale dans la transposition de cette proposition de directive, notamment en vue d'assurer le service universel ?
M. Bruno Tuybens, secrétaire d'État aux Entreprises publiques, adjoint à la ministre du Budget et de la Protection de la consommation. - Avant tout je dois signaler que nous ne disposons à l'heure actuelle que d'une proposition de directive sur lequel le Conseil et le Parlement européen doivent encore se pencher. Le texte sera très probablement amendé.
Depuis la publication des propositions de la Commission européenne, j'ai toujours fait abstraction du débat dogmatique qui pourrait être mené.
Lors de l'évaluation de la directive, il faut se concentrer sur les effets à court terme d'une libéralisation complète en 2009 pour les consommateurs, les employés de la Poste et l'État. Les conséquences d'une ouverture complète du marché postal ont notamment été soulignées dans une étude sur la libéralisation du marché réalisée par PWC à la demande de la Commission européenne. Cette étude indique que cette ouverture aura comme conséquence des augmentations de tarif, la suppression de l'uniformité tarifaire, la poursuite du démantèlement du réseau de bureaux, des restructurations sociales auprès des opérateurs historiques, la nécessité d'augmenter les subsides à l'opérateur historique, etc.
Tout cela m'inquiète profondément et, en conclusion, l'ouverture complète du marché postal en 2009 ne paraît pas souhaitable.
En outre, la proposition de directive ne répond pas de manière satisfaisante à la question du financement du service universel en cas de disparition du monopole postal. Jusqu'à présent, il semble en effet que seule une zone réservée du service postal universel soit correctement financée. La proposition indique toutefois la possibilité d'une aide de l'État, de l'installation d'un Fonds de compensation et de financement au moyen de cotisations des consommateurs et/ou opérateurs.
Mais les solutions de rechange proposées soulèvent de nombreuses questions concernant leur mise en oeuvre. La pratique démontre le mauvais fonctionnement des fonds de compensation en matière postale - comme en Italie -, notamment sur le plan de leur compatibilité avec la réglementation européenne en matière de concurrence et de libre circulation des services.
C'est pourquoi, le gouvernement a transmis une série de questions à la Commission européenne.
En attendant l'approbation du texte définitif de la directive et la réponse de la Commission européenne à ces questions, je ne peux encore vous informer sur la marge de manoeuvre dont la Belgique dispose pour la transposition de la directive.
M. Berni Collas (MR). - Le but de cette directive de 1997 est d'améliorer la qualité du service. Des normes seraient établies et l'accessibilité devait être plus aisée. C'est un bel objectif !
Le secrétaire d'État se montre aujourd'hui sceptique à l'égard de ces buts louables et respectables. Je constate aussi que des collègues régionaux et européens se préoccupent particulièrement du sort des facteurs, lesquels ont aussi un rôle social, surtout dans les campagnes.
Dans le quatrième contrat de gestion, qui est déjà en vigueur, la fermeture de nombreux bureaux de poste est décidée. Il n'y aura plus que 650 offices postaux classiques, et un nombre comparable de points postes seront ouverts. Il y aura inévitablement une réduction du nombre de facteurs, comme vous l'avez souligné, monsieur le secrétaire d'État. L'âge moyen de ces derniers étant assez élevé, il y aura des départs à la retraite, sans remplacement. Une certaine flexibilité sera de mise. Quel que soit le scénario retenu, le sort des facteurs n'est pas hypothéqué selon moi puisque le last mile doit toujours être assuré par ces derniers. Je ne vois pas d'autre solution au niveau des envois classiques de moins de 50 grammes.
Les services universels me semblent garantis de manière irréversible, à moins que je me trompe monsieur le secrétaire d'État. On pourrait en effet faire un faux procès à la directive en disant que tout est hypothéqué. Il faut un débat serein et ne pas nourrir des craintes exagérées.
M. Bruno Tuybens, secrétaire d'État aux Entreprises publiques, adjoint à la ministre du Budget et de la Protection de la consommation. - Vous avez tout à fait raison en ce qui concerne le last mile. Je précise toutefois que le ministre de l'Économie est compétent en ce qui concerne la régularisation. Pour ma part, je suis responsable des entreprises publiques, et donc de La Poste elle-même.
Le last mile devrait être réglé par une sorte de compensation, mais en Italie, par exemple, le système ne fonctionne pas comme prévu. En l'absence d'un système de compensation acceptable, tout le monde s'adressera à La Poste. Pour éviter une distorsion de la concurrence, il est impératif de régler définitivement la question avant le lancement du système, sinon celui-ci pourrait se révéler négatif pour la majeure partie des consommateurs, du personnel et pour l'État proprement dit.
M. Berni Collas (MR). - Selon vous, quelles sont les chances de voir l'échéance finale reportée au-delà de 2009 ?
M. Bruno Tuybens, secrétaire d'État aux Entreprises publiques, adjoint à la ministre du Budget et de la Protection de la consommation. - Cela relève des instances européennes. Pour ma part, je plaiderais pour un report.
M. Berni Collas (MR). - Il faudrait qu'un certain nombre de pays y soient favorables.
M. Bruno Tuybens, secrétaire d'État aux Entreprises publiques, adjoint à la ministre du Budget et de la Protection de la consommation. - Pour le moment, il y a une coalition d'une dizaine d'opérateurs historiques des 25 pays de l'Union européenne. Les pays de l'Europe centrale et de l'Est ont encore besoin d'un porte-parole pour faire entendre leur point de vue. Ils veulent être de bons élèves mais leur marge de manoeuvre est réduite. Il faut d'abord organiser le système et la plupart des États membres pourraient alors s'exprimer en faveur d'une prolongation de l'échéance jusqu'à 2011 ou 2012. Cependant, il est encore beaucoup trop tôt pour se prononcer en la matière.