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Mme la présidente. - M. Vincent Van Quickenborne, secrétaire d'État à la Simplification administrative, adjoint au premier ministre, répondra.
M. Christian Brotcorne (CDH). - Le déploiement d'une force européenne au Congo, qui doit être effective le 6 juin prochain, appelle des questions relatives, d'une part, à l'action de la communauté internationale en ce qui concerne le maintien de la paix et, d'autre part, aux modalités concrètes de l'engagement européen.
Nul n'ignore le regain de tension qui sévit depuis quelques semaines au Congo. La polémique relative aux origines ethniques des candidats aux élections est particulièrement inquiétante. Des relents de haine ethnique et de xénophobie véhiculés par la presse et les médias ont récemment mené à la suspension de trois chaînes d'information privées. Ces éléments attestent des tensions entre le Congo et ses voisins de l'Est, en particulier le Rwanda.
Quelles sont les avancées concernant le désarmement, le rapatriement et la réinstallation des groupes armés étrangers dont l'ONU estime qu'ils compteraient encore 8 à 9.000 personnes ? Quels sont les résultats obtenus en matière de brassage des ex-combattants ?
On sait également que l'opinion publique congolaise est, à tort ou à raison, de plus en plus critique à l'égard de l'Union européenne et de son commissaire, M. Louis Michel. D'après certaines ONG présentes sur le terrain, les problèmes relatifs au paiement des soldes des militaires sont une des causes principales des pillages et des attaques que subissent les populations civiles.
Quels sont les résultats concrets obtenus en ce qui concerne le mécanisme de contrôle de la chaîne des paiements des soldes des militaires, mécanisme mis en place par EUSEC RDC ?
La résolution 1671 du Conseil de sécurité précise les grandes lignes du mandat de la mission EUFOR en RDC. La force pourra prendre les mesures nécessaires lorsqu'il s'agira d'apporter un soutien à la MONUC, si elle doit stabiliser une situation, pour contribuer à la protection des civils exposés à la menace imminente de violences, pour protéger l'aéroport de Kinshasa, pour assurer la sécurité du personnel et des installations d'EUFOR RDC, de manière à permettre l'extraction d'individus en danger. Ces éléments doivent être précisés dans un accord entre l'Union européenne et l'ONU.
Le stationnement des éléments de la force EUFOR-RDC au Congo-Brazzaville ne contribuera-t-il pas à ralentir toute intervention, par exemple en Ituri, là où la MONUC rencontre, ces derniers jours, de nombreuses difficultés face aux milices ? Pour quelles raisons les éléments avancés de la force ne sont-ils pas directement stationnés en RDC ?
L'action commune 2006/319 de la PESC décidée le 27 avril 2006 et la résolution 1671 que je viens de citer évoquent l'opération de l'Union européenne. L'action commune précise que le COPS exerce le contrôle politique de l'opération militaire de l'Union, fournit la direction stratégique et prend les décisions appropriées, les dépenses de la mission étant à la charge des États-membres. L'opération militaire étant une opération de l'Union, quel sera le statut des forces placées sous la direction de l'Union Européenne ? S'agissant du droit international humanitaire, l'Union n'étant pas partie aux Conventions de Genève, quels principes assureront le respect de ce droit par les forces déployées, ainsi que les règles de responsabilité internationale, en cas de violation de ces règles ?
M. Vincent Van Quickenborne, secrétaire d'État à la Simplification administrative, adjoint au premier ministre. - Je vous lis la réponse du ministre De Gucht.
M. Brotcorne souligne à juste titre que les médias congolais et certains candidats aux élections ont invoqué, ces derniers jours, des arguments ethniques, voire racistes.
Cette évolution négative est due surtout à la manière dont certains pensent devoir mener leur campagne électorale au Congo. Avec ses partenaires au sein du Comité international d'accompagnement de la transition, le CIAT, la Belgique s'opposera à cette tendance et lancera un message d'avertissement.
Il ne faut pas voir derrière ce type de campagne la main du Rwanda ou d'autres pays voisins.
Le processus de désarmement, de démobilisation et de réinstallation, également appelé processus DDR, continue à être mis en oeuvre et fait l'objet d'un suivi très attentif par une équipe belge mixte - Défense et Coopération au développement - qui vient d'ailleurs de rentrer d'une visite sur place.
Selon cette équipe, quelque 110.000 éléments armés ont déjà suivi le processus DDR et l'on estime à 84.600 le nombre de personnes qui doivent encore s'y soumettre. Une partie de ces dernières se trouve déjà dans les centres de brassage et de recyclage, les CBR.
Cependant, la collecte des armes pose encore beaucoup de problèmes et l'on constate, par ailleurs, un manque d'intérêt de la part des donateurs pour assurer le financement de projets de réinstallation à grande échelle.
Il apparaît en outre qu'il faut continuer à faire pression sur les dirigeants congolais pour que le processus soit poursuivi et mené à bonne fin.
Le fait que l'Union européenne et ses États membres ne ménagent pas leurs efforts en RDC les expose évidemment aussi à la critique, dans la mesure où certaines autorités congolaises ont tendance à rejeter sur les partenaires et donateurs étrangers leur manque d'initiative et de volonté politique.
Le projet de l'Union européenne, qui est axé sur une normalisation de la chaîne de paiement des militaires congolais a été lancé précisément parce que l'action des autorités congolaises en la matière laissait à désirer. La communauté internationale a dès lors estimé devoir exercer elle-même un contrôle approfondi. Le projet de l'Union européenne a déjà clairement porté ses fruits, ce qui ne signifie pas que tous les problèmes soient résolus pour autant.
Au Congo oriental, notamment, se pose le problème de la sécurité des équipes de l'Union européenne qui sont responsables du paiement. La MONUC, qui a bien d'autres missions prioritaires à remplir, ne dispose pas toujours de tous les moyens et effectifs requis pour assurer l'accompagnement desdites équipes. Cette situation entraîne l'allongement des délais d'attente et est source de mécontentement chez les militaires.
La mission de l'EUFOR, la force d'intervention de l'Union européenne, est principalement dissuasive. Cette force ne passera à l'action qu'en dernière instance, car ce sont avant tout les forces de police et l'armée du Congo qui doivent assumer leur rôle de maintien de l'ordre et de la sécurité. Ce n'est qu'ensuite que la MONUC pourra intervenir. L'EUFOR est donc surtout appelée à décharger la MONUC. L'installation de l'EUFOR dans la capitale Kinshasa doit justement permettre à la MONUC de poursuivre d'autres tâches essentielles, comme la sécurisation des provinces de l'Ituri et du Kivu dans le Congo oriental.
Les troupes de l'EUFOR sont déployées à la demande explicite des Nations unies. Une lettre officielle du département de l'ONU pour les opérations de maintien de la paix est à la base de la création de l'EUFOR. Le mandat de cette dernière est d'ailleurs appuyé par une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU. Il est donc indéniable que la responsabilité internationale de cette opération incombe non seulement à l'Union européenne, mais aussi à l'ONU.
M. Christian Brotcorne (CDH). - M. le ministre répond généralement de manière assez précise aux questions qui lui sont posées. Toutefois, dans le cas présent, il n'apporte aucune réponse à la dernière partie de ma question portant sur le statut des forces placées sous la direction de l'Union et le droit international applicable, compte tenu du fait que l'Union n'est pas partie aux conventions de Genève.
Je suppose que M. le secrétaire d'État n'est pas en mesure de répondre lui-même en cette matière. Il s'agit pourtant d'une question importante.
Dans la dernière ligne droite où l'on se trouve, espérons-le, au Congo, il est plus que jamais important - je sais que le ministre y est attentif comme les autres ministres partiellement responsables des relations internationales - que les choses évoluent positivement, que la campagne électorale ne vienne pas gangrener les opérations de transition et que le scrutin électoral puisse se tenir effectivement et dans les meilleures conditions démocratiques possibles.
Mme la présidente. - Je rappelle que le Sénat envoie une délégation afin de contrôler cette période électorale.