3-1686/1

3-1686/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2005-2006

4 MAI 2006


Proposition de loi relative à la répétibilité des honoraires et des frais d'avocat

(Déposée par Mme Fauzaya Talhaoui et M. Flor Koninckx)


DÉVELOPPEMENTS


L'accès à la Justice dans le respect des procédures judiciaires doit être égal pour tous. L'accès au monde du droit réside dans une large mesure dans un accès au système judiciaire (1) . Des procédures simples, transparentes, rapides, de qualité et financièrement abordables sont indispensables à la concrétisation d'un droit théorique.

Des procédures abordables financièrement supposent une aide juridictionnelle abordable. Le droit à l'aide juridique relève du droit à la dignité humaine (art. 23 de la Constitution). Il n'empêche que bien des gens au faible revenu ou à revenu moyen ont du mal à exercer ce droit fondamental. Beaucoup considèrent que les frais d'avocats (2) constituent le principal obstacle à l'accès à la Justice (3) .

Ces dernières années, plusieurs propositions ont été formulées en vue de faciliter l'accès à la Justice. Les principales concernent l'incorporation obligatoire de l'assurance recours en justice dans l'assurance familiale, la création d'un système de tiers payeurs en matière d'aide juridique, l'application de barèmes en ce qui concerne les honoraires d'avocats et l'introduction de la répétibilité des frais d'avocats à charge de la partie succombante.

Dans la déclaration du gouvernement fédéral du 14 juillet 2003, le gouvernement s'engage à réfléchir, en collaboration avec les barreaux, à l'instauration d'une barémisation des honoraires d'avocats et sur la répétibilité des honoraires auprès de la partie succombante (4) .

Un peu plus d'un an plus tard, l'arrêt de la Cour de cassation du 2 septembre 2004 (5) est venu accélérer la discussion sur la répétibilité des frais d'avocats. Aux termes de cet arrêt, les honoraires et frais d'un avocat, qu'une personne lésée a supportés à la suite d'une faute contractuelle, font partie du dommage indemnisable, pour autant qu'ils résultent nécessairement de la faute contractuelle.

Les commentateurs n'ont pas d'avis unanime concernant la portée de l'arrêt (6) . Les diverses interprétations ont conduit à une série d'applications jurisprudentielles incertaines (7) . De nombreux auteurs réclament une initiative législative qui puisse dissiper au plus vite les zones d'ombre (8) .

Dans la déclaration de politique fédérale du 12 octobre 2004, le gouvernement réitère son intention de vérifier, en concertation avec les barreaux, comment la répétibilité des honoraires peut être réglée sans diminuer l'accès à la Justice (9) .

Dans la note de politique du 19 novembre 2004, le ministre de la Justice inscrit expressément la réaction législative à l'arrêt de la Cour de cassation dans le cadre d'un ensemble de mesures destinées à améliorer l'accès à la Justice (10) . Dans sa dernière note de politique, la ministre définit plusieurs critères auxquels la solution législative du problème de la répétibilité des frais d'avocat devrait satisfaire (11) :

— veiller à ne pas augmenter encore les difficultés d'accès à la justice;

— éviter une solution donnant lieu à un procès dans le procès, ce qui risquerait d'augmenter l'arriéré judiciaire;

— opter pour un régime qui réponde d'une manière correcte à toute la complexité du problème.

La présente proposition de loi entend régler la question des frais que les avocats facturent pour leur aide juridique dans les affaires civiles, dans le respect de l'amélioration de l'accès à la justice (12) . Il faudra élaborer un régime similaire en ce qui concerne les différends en matière administrative. Il faudra aborder la question du règlement des frais en matière pénale au cours de la discussion que le parlement consacre actuellement à la proposition de réforme de la procédure pénale, appelée aussi le « Grand Franchimont ».

Le débat sur les frais d'avocat ne pourra pas faire l'économie d'une discussion concernant une plus grande transparence de la structure tarifaire des avocats. La présente proposition de loi subordonne un régime de répétibilité des frais d'avocat à une « barémisation » facultative des frais d'avocat.

La répétibilité et la barémisation des frais d'avocat sont indissociables non seulement l'une de l'autre, mais aussi d'autres mesures visant à améliorer l'accès à la justice. Dans cette optique, la proposition de loi est une contribution à une réforme plus globale, visant notamment à améliorer le fonctionnement des commissions d'aide juridique.

Nous présentons ci-après un aperçu de la réglementation actuelle des frais dans le cadre de la procédure civile et de deux applications de répétibilité des frais d'avocat en droit de la responsabilité. Nous examinerons ensuite la problématique sous l'angle du droit d'accès au juge et nous terminerons par le commentaire de la présente proposition de loi.

1. Procédure civile

1.1. Les frais de justice

Tout jugement définitif (13) prononce, même d'office (14) , la condamnation aux dépens (frais de justice) contre la partie qui a succombé, à moins que des lois particulières n'en disposent autrement (15) (art. 1017 du Code judiciaire).

L'article 1018 du Code judiciaire précise ce qu'il y a lieu d'entendre par « dépens » au sens de l'article 1017. Bien que l'énumération de l'article 1018 ne soit pas limitative, on considère généralement que les frais d'avocat ne font pas partie des frais de justice (16) . En revanche, les sommes formant dépens recouvrables, justifiées par l'accomplissement de certains actes matériels (17) , et qui constituent ce qu'on appelle « l'indemnité de procédure », font partie des frais de justice (art. 1018, 6º, et 1022 du Code judiciaire).

Selon la Cour d'arbitrage, l'indemnité de procédure couvre uniquement les actes matériels (et non les prestations intellectuelles) accomplis par des avocats au cours de la procédure (18) . Une partie qui comparaît en personne ou qui se fait représenter par un délégué syndical n'a pas droit à une indemnité de procédure.

L'indemnité de procédure vide quelque peu de sa substance la distinction entre les frais de justice et les frais d'avocat. Bien qu'elle porte, strictement parlant, sur les frais de justice, l'indemnité de procédure compense uniquement des actes accomplis par un avocat, de sorte que la partie qui a obtenu gain de cause récupère, par le biais des frais de justice, une (petite (19) ) partie des frais d'avocat.

1.2. Les frais d'avocat

Le Code judiciaire ne prévoit aucune possibilité, pour le juge, de mettre entièrement ou partiellement à charge de la partie qui a succombé les honoraires et les frais que la partie ayant obtenu gain de cause doit payer à son avocat (20) .

Les accords contractuels entre parties concernant la majoration du montant de la créance à concurrence des frais d'avocat nécessaires au recouvrement de la dette sont réputés non écrits (art. 1023 du Code judiciaire) (21) .

2. Le droit de la responsabilité

Les règles de récupération des frais d'avocat dans la loi concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales et dans l'arrêt de la Cour de cassation du 2 septembre 2004 sont, contrairement à la réglementation des frais dans le cadre de la procédure civile et de la procédure pénale, entièrement basées sur la réparation du dommage causé par une faute (extra)contractuelle.

2.1. La loi concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales

Par dérogation aux dispositions de droit commun du Code judiciaire — et, en particulier, de l'article 1023 — la loi concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales (22) prévoit des règles de répétibilité des frais d'avocat. Le législateur belge a adopté ce régime dérogatoire spécifique pour se conformer au droit européen (23) .

L'article 6 de la loi dispose que le créancier est en droit de réclamer au débiteur un « dédommagement raisonnable » pour « tous les frais de recouvrement pertinents » encourus par suite du retard de paiement.

Selon l'exposé des motifs du projet (24) , le juge apprécierait souverainement si et dans quelle mesure les frais d'avocat font partie du dommage à indemniser. Toutefois, selon Bart De Temmerman, l'article 6 lui-même ne laisse aucune place à l'idée que les frais d'avocat ne seraient pas causés par le retard de paiement et ne feraient dès lors pas partie du dommage à indemniser (25) .

Les règles spécifiques en matière de frais d'avocat en cas de retard de paiement dans les transactions commerciales instaurent en tout cas deux catégories de créanciers. Ceux de la première catégorie, auxquels la loi est applicable, peuvent réclamer un dédommagement raisonnable pour tous les frais de recouvrement pertinents, y compris les frais d'avocat. Les créanciers de la seconde catégorie relèvent de la procédure de droit commun et peuvent uniquement récupérer une infime partie des frais d'avocat par le biais de l'indemnité de procédure. Cette distinction est peut-être contraire au principe constitutionnel d'égalité (26) .

2.2. L'arrêt de la Cour de cassation du 2 septembre 2004

Aux termes de l'arrêt de la Cour de cassation du 2 septembre 2004, les honoraires et frais d'avocat exposés par la victime d'une faute contractuelle peuvent être considérés comme faisant partie du dommage indemnisable dans la mesure où ils sont la suite nécessaire de la faute contractuelle.

L'arrêt précité se situe dans le droit fil de l'arrêt du 28 avril 1986, dans lequel la Cour s'est distanciée du principe de la non-répétibilité des frais de désignation d'un expert ou d'un conseil dans les litiges en matière de responsabilité contractuelle (27) . La Cour a considéré, en 1986, que « le juge apprécie en fait et, dès lors, de manière souveraine, dans les limites des conclusions des parties, l'existence et l'importance du dommage, et notamment si dans un cas particulier, les frais de désignation d'un expert et d'un conseil constituent un élément du dommage » (28) . La répétibilité est fonction des données de l'affaire (« dans un cas particulier »).

L'arrêt de 2004 se base sur la règle établie par l'article 1149 du Code civil, selon laquelle « en cas d'inexécution fautive d'une obligation contractuelle, le débiteur de l'obligation doit entièrement répondre de la perte subie par le créancier et du gain dont celui-ci a été privé, sous réserve de l'application des articles 1150 et 1151 du Code civil » (29) .

La Cour reformule ensuite une règle prévue par un arrêt du 9 mai 1986 (30) , en disposant qu'en application de l'article 1151 du Code civil, les dommages et intérêts « ne » doivent comprendre « que » ce qui est une suite « nécessaire » de l'inexécution de la convention. Le dommage indemnisable constitue toujours ce qui est la suite nécessaire du manquement contractuel, mais cette suite n'est plus simplement la suite immédiate et directe, comme c'était encore le cas dans l'arrêt du 9 mai 1986.

L'application des deux règles — l'indemnisation complète des dommages qui sont la suite nécessaire du manquement contractuel — amène la Cour à considérer « que les honoraires et frais d'avocat ou de conseil technique exposés par la victime d'une faute contractuelle peuvent constituer un élément de son dommage donnant lieu à indemnisation dans la mesure où ils présentent ce caractère de nécessité ».

C'est le caractère de nécessité qui détermine la répétibilité des frais. La question de savoir quels coûts sont nécessaires est une question de faits qui est laissée à l'appréciation du juge depuis l'arrêt de 2004. La Cour ne statue pas, dans l'arrêt, sur un principe général de répétibilité des frais d'avocat à charge de la partie succombante et n'établit aucun lien avec le droit procédural.

En vertu de l'arrêt de cassation du 2 septembre 2004, la répétibilité des frais d'avocat est la même, qu'elle soit évaluée à la lumière de la responsabilité contractuelle ou à la lumière de la responsabilité extracontractuelle (faute — dommage — lien de causalité). Le champ d'application de l'arrêt s'étend logiquement aux litiges en matière de responsabilité extracontractuelle (31) .

3. Accès à la justice

La question du droit d'accès à la justice oppose, dans le débat sur la répétibilité des frais d'avocat, les partisans et les adversaires de celle-ci.

Les partisans estiment que la possibilité de récupérer les frais d'avocat rendra l'accès à la justice plus facile, en particulier pour les personnes dont les moyens financiers sont limités mais qui n'ont pas droit à une aide juridique gratuite. Ils se fondent sur une recommandation du Comité des ministres du Conseil de l'Europe: « Sauf circonstances particulières, la partie gagnante doit, en principe, obtenir de la partie perdante le remboursement de ses frais et dépenses, y compris les honoraires d'avocat, qu'elle a raisonnablement exposés à propos de la procédure » (32) .

Pour les opposants, l'accès à la justice sera plus difficile. Le risque, pour la partie succombante, de devoir payer, en plus de ses propres frais d'avocat, les frais d'avocat de la partie adverse (ou une partie de ceux-ci) constituera une entrave supplémentaire qui gênera l'accès à la justice de tous ceux qui ne sont pas très fortunés. Paul Van Orshoven définit ce point de vue comme suit: « Il fait peu de doute qu'obliger la partie succombante à payer les honoraires de l'avocat de la partie gagnante augmente considérablement les risques d'une procédure — qui sont limités actuellement aux frais de justice — et limite dès lors le droit à l'accès à la justice (...) » (33) . (traduction)

Le débat trouve un fondement dans la CEDH (34) . Le droit à l'accès à la justice découle nécessairement de l'article 6, § 1er, de celle-ci (35) , sinon, il serait possible de tourner le droit à un procès équitable en empêchant l'accès aux tribunaux. Le droit à l'accès à la justice est également inscrit à l'article 13 de la Constitution.

Conformément à la jurisprudence européenne, les frais d'une procédure judiciaire — les frais de justice et les frais d'avocat — entravent l'accès à la justice (36) . On peut déduire d'une décision de la Commission européenne des droits de l'homme que, dans certains cas, une condamnation au paiement des frais de justice peut être considérée comme une entrave inacceptable à l'accès à la justice (37) . Dans le prolongement de cette jurisprudence, une condamnation aux dépens peut également donner lieu, dans des cas extrêmes, à une violation du droit à l'accès à la justice.

L'expérience nous apprend que le nombre d'affaires civiles dans lesquelles une des parties peut objectivement avoir la certitude, voire la quasi-certitude, de gagner est très faible. En effet, avant d'en arriver à un procès, les diverses parties ont évalué positivement leurs chances de réussite. En d'autres termes, dans la majorité des cas, un procès est le fruit d'une supputation (38) .

Le risque de devoir payer en cas de perte, en plus de ses propres frais d'avocat, (une partie de) ceux de la partie adverse, accroît encore l'enjeu et la perte est ressentie d'autant plus durement par celui qui dispose de moyens financiers limités que cet enjeu est élevé. En ce sens, une condamnation au paiement des frais d'avocat peut entraver le droit d'accès à la justice pour les personnes peu nanties.

Par ailleurs, dans les cas où il y a injustice manifeste, réglementer les frais d'avocat peut améliorer l'accès à la justice. C'est surtout vrai pour les litiges dont l'enjeu est mineur, étant donné que, dans ce cas, certains spéculent sur le fait que la partie adverse renoncera à faire respecter ses droits en engageant une procédure judiciaire au vu des frais qui en découlent.

4. La proposition de modification des règles de la procédure civile

La présente proposition de loi vise à étendre la portée de l'indemnité de procédure afin d'y incorporer tant les honoraires que les frais liés à l'assistance d'un avocat (39) . Comme l'indemnité de procédure actuelle, l'indemnité nouvelle ne compensera qu'une partie limitée des frais d'avocat. La partie qui a obtenu gain de cause pourra, par le biais du régime de condamnation aux dépens défini à l'article 1017 du Code judiciaire, récupérer une partie limitée des honoraires de son avocat auprès de la partie qui a succombé.

Après avoir pris avis de l'Ordre des barreaux flamands et de l'Ordre des barreaux francophones et germanophone, le Roi établira, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, le tarif de base de la nouvelle indemnité de procédure. Cela signifie que le Roi fixera une échelle de montants qui varieront suivant la nature et l'enjeu du litige. Pour la diversification, le Roi peut se baser sur la liste des taux applicables aux prestations fournies dans le cadre de l'aide juridique (article 508/19 du Code judiciaire).

Le juge a toutefois la possibilité de réduire de moitié les montants de base de l'indemnité de procédure, d'office ou à la demande de la partie la plus diligente, si leur application conduit à des situations manifestement déraisonnables. Le juge dispose d'une large marge d'appréciation pour établir le caractère manifestement déraisonnable ou non d'une situation. À cet égard, il peut tenir compte en premier lieu de la capacité financière des parties.

En principe, aucune partie ne peut être tenue au paiement d'une indemnité pour les frais d'avocat d'une autre partie au-delà du montant de l'indemnité de procédure, sauf en cas d'injustice manifeste ou d'abus de procédure. Dans ce cas, le juge peut condamner la partie qui a succombé à tout ou partie des frais d'avocat qui ont été exposés par la partie ayant obtenu gain de cause et qui ne sont pas compris dans l'indemnité de procédure.

Autrement dit, la présente proposition entend interdire la répétibilité des frais d'avocats qui ne sont pas compris dans l'indemnité de procédure auprès de la partie succombante, et ce, afin de ne pas entraver l'accès à la justice de personnes peu nanties en augmentant les risques d'une action en justice. Par le biais d'une indemnité de procédure redéfinie et majorée, la partie qui a obtenu gain de cause reçoit une indemnité limitée pour frais d'avocats. Le montant de cette indemnité est bien moins élevé que celui des frais réels que la partie qui a obtenu gain de cause a dû exposer nécessairement pour pouvoir faire valoir son bon droit.

La présente proposition prévoit néanmoins une exception au principe de la non-répétibilité des frais d'avocats qui ne sont pas compris dans l'indemnité de procédure en cas d'injustice manifeste ou d'abus de procédure.

Il y a injustice manifeste si une personne adopte un comportement illicite à l'égard d'une autre personne, dans l'hypothèse où cette dernière, pour l'une ou l'autre raison (par exemple, le coût de la procédure judiciaire), n'entreprendra aucune action visant à faire respecter ses droits.

L'abus de procédure est une notion qui renvoie à celle de demande téméraire et vexatoire, à savoir une demande qui est introduite soit de mauvaise foi, soit avec une légèreté inacceptable.

Dans l'un et l'autre cas, le juge a la possibilité d'imputer à la partie succombante tout ou partie des frais d'avocat qui ne sont pas compris dans l'indemnité de procédure et que la partie qui a obtenu gain de cause a dû nécessairement exposer pour pouvoir faire valoir son bon droit. Il applique en l'espèce les barèmes de frais d'avocat établis par le Roi, après avis de l'Ordre des barreaux flamands et de l'Ordre des barreaux francophones et germanophone et en concertation avec le Conseil des ministres. Les barèmes constituent une échelle de tarifs réalistes qui varieront en fonction de la nature et de l'enjeu du litige. Pour ces barèmes, le Roi peut également se baser sur la liste des taux applicables aux prestations fournies dans le cadre de l'aide juridique.

Les tarifs en question serviront aussi de référence à tout justiciable pour l'estimation des frais d'avocat au début d'une procédure judiciaire. Les avocats ne sont toutefois pas obligés d'appliquer ces tarifs. Les barèmes indicatifs répondront au souci légitime des justiciables qui demandent une plus grande transparence des tarifs d'honoraires des avocats et ils leur permettront de mieux évaluer les risques d'une action en justice.

Fauzaya TALHAOUI.
Flor KONINCKX.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Il est inséré dans le Code judiciaire un article 1017bis, rédigé comme suit:

« Art. 1017bis. — En cas d'injustice manifeste ou d'abus de procédure, le juge peut condamner la partie qui a succombé à tout ou partie des honoraires et des frais d'avocat qui ont été exposés par la partie ayant obtenu gain de cause et qui ne sont pas compris dans les dépens visés à l'article 1017.

Après avoir pris l'avis des autorités visées à l'article 488, le Roi établit, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, en fonction de la nature et de l'enjeu du litige, les barèmes des honoraires et des frais liés à l'assistance d'un avocat dont peut tenir compte la condamnation aux dépens visée à l'alinéa précédent.

Art. 3

À l'article 1018 du même Code, modifié en dernier lieu par la loi du 19 février 2001, le 6º est remplacé par ce qui suit:

« 6º l'indemnité de procédure visée à l'article 1022; »

Art. 4

À l'article 1021, alinéa 1er, tel qu'il résulte de la loi du 4 juillet 1972, les mots « les indemnités de débours et de procédure prévues » sont remplacés par les mots « l'indemnité de procédure telle que prévue ».

Art. 5

L'article 1022 du même Code, remplacé par la loi du 6 juillet 1973 et modifié par la loi du 22 avril 2003, est remplacé par la disposition suivante:

« Art. 1022. — L'indemnité de procédure est une intervention forfaitaire dans les honoraires et les frais liés à l'assistance d'un avocat.

Sauf le cas visé à l'article 1017bis, aucune partie ne peut être tenue au paiement d'une indemnité pour l'intervention de l'avocat d'une autre partie au-delà du montant de l'indemnité de procédure.

Après avoir pris l'avis des autorités visées à l'article 488, le Roi établit, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, les montants de base de l'indemnité de procédure, en fonction de la nature et de l'enjeu du litige.

Le juge peut diminuer, même d'office, les montants de base visés à l'alinéa précédent, si leur application conduit à une situation manifestement déraisonnable. »

22 février 2006.

Fauzaya TALHAOUI.
Flor KONINCKX.

(1) Commission citoyen, droit et société, À qui de droit ! Vers une relation de qualité entre le citoyen, le droit et la société, Bruxelles, http://www.kbs-frb.be/, 2001, 151.

(2) Les honoraires et les frais d'avocat.

(3) J. Goethals, A. Lemaître, R. Doutrelepont, e.a., Justitie in vraag gesteld, Gand, Academia Press, 2005, 312-313 et 318.

(4) Déclaration du gouvernement fédéral, 14 juillet 2003, http://www.lachambre.be/, 51-0020, 52.

(5) Cass., 2 septembre 2004, R.W., 2004-05, 535, concl. de l'Av. gén. A. Henkes avec note de B. Wilms et K. Christiaens.

(6) H. Lamon, « Over de verhaalbaarheid van advocatenkosten. The winner takes it all », et P. Van Orshoven, « The loser's standing small ? », Juristenkrant, 2004, no 94, 8-9. Pour un aperçu des divers points de vue de la doctrine, nous renvoyons à G. Hermans, « De terugvorderbaarheid van advocatenkosten: een schets van de standpunten in rechtspraak en rechtsleer », in F. Evers et P. Lefranc (éd.), De verhaalbaarheid van de kosten van verdediging: en wat met de toegang tot de rechter ?, Bruges, La Charte, 2005, 93-119.

(7) Notamment Gand, 10 novembre 2005, tel que discuté par R. De Corte, « Gents hof legt cassatierechtspraak erelonen naast zich neer », Juristenkrant, 2005, no 119, 1 et 16. Pour un aperçu des diverses interprétations dans la jurisprudence, nous renvoyons à G. Hermans, l.c., 93-119.

(8) J. Cruyplants, « Nota over het verhalen van de erelonen », in F. Erdman et G. de Leval, Justitiedialogen, Bruxelles, http://www.just.fgov.be/, 2004, 215-220; B. De Temmerman, « De verhaalbaarheid van kosten van juridische bijstand op het knooppunt van aansprakelijkheidsrecht en procesrecht », R.W., 2004-2005, 1401; voir aussi les diverses contributions dans F. Evers et P. Lefranc, (eds.), o.c., 356 p.

(9) Déclaration de politique fédérale, 12 octobre 2004, http://presscenter.org/, 34.

(10) Note de politique générale de la ministre de la Justice, 19 novembre 2004, http://www.lachambre.be/, 51-1371/018, 9.

(11) Note de politique générale de la ministre de la Justice, 28 octobre 2005, http://www.dekamer.be/, 51-2045/005, 13-15.

(12) Voir aussi Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l'exclusion sociale, Abolir la pauvreté — Une contribution au débat et à l'action politiques, Bruxelles, http://www.luttepauvrete.be/, 2005, 85-86.

(13) Voir, entre autres, l'exception relative aux litiges en matière de sécurité sociale (art. 1017, al. 2, Code judiciaire). Pour un aperçu d'autres régimes légaux de frais de justice dérogatoires, voir P. Lefranc, Verhalen van kosten, in F. Evers et P. Lefranc (éd)., o.c., 59, no 5.

(14) Le jugement est définitif dans la mesure où il épuise la juridiction du juge sur une question litigieuse, sauf les recours prévus par la loi (art. 19, al. 1er, Code judiciaire).

(15) La condamnation aux dépens ne doit pas être demandée (C. Van Reepinghen, Verslag over de Gerechtelijke Hervorming, Bruxelles, Moniteur belge, 1964, I, 392-393).

(16) G. de Leval, Eléments de procédure civile, Bruxelles, Larcier, 2005, (...).

(17) Définis dans l'arrêté royal du 30 novembre 1970 fixant, pour l'exécution de l'article 1022 du Code judiciaire, le tarif des dépens recouvrables, Moniteur belge, 3 décembre 1970.

(18) Cour d'arbitrage, 14 octobre 1999 (nº 113/99), Moniteur belge, 29 décembre 1999.

(19) L'indemnité de procédure s'élève en moyenne à moins d'1 % des frais d'avocat (J.F. Michel, European litigation procedure: comparative notes, http://www.droit-fiscalite-belge.com/, 2002).

(20) Pour un aperçu de la genèse législative des frais d'avocat dans le Code judiciaire, nous renvoyons le lecteur à B. De Temmerman, « De verhaalbaarheid van kosten van juridische of technische bijstand », T.P.R., 2003, nos 2-4.

(21) Cass., 7 avril 1995, A.C., 1995, 390.

(22) Loi du 2 août 2002 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, Moniteur belge, 7 août 2002.

(23) La loi évoquée est la transposition en droit belge de la directive 2000/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2000 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, J.O., 8 août 2000, L 200.

(24) Doc. parl., http://www.lachambre.be/, 2001-02, 50-1827/1, 11.

(25) B. De Temmerman, l.c., T.P.R., 2003, no 33.

(26) E. Brems, « Het gerecht als goktent ? Het recht van toegang tot de rechter en het verhalen van de kosten van de verdediging op de verliezende procespartij », in F. Evers et P. Lefranc (éd.), o.c., 10; B. De Temmerman, l.c., T.P.R., 2003, no 35.

(27) P. Lefranc, l.c., 76, no 40. Pour un aperçu de la jurisprudence antérieure à l'arrêt du 4 septembre 2004, nous renvoyons à B. De Temmerman, l.c., T.P.R., 2003, nos 8-17.

(28) Cass., 28 avril 1986, A.C., 1985-1986, 1155.

(29) Cass., 2 septembre 2004, R.W., 2004-2005, 543.

(30) Cass., 9 mai 1986, A.C., 1985-1986, 1223.

(31) B. De Temmerman, l.c., R.W., 2004-2005, 1404; B. De Coninck, « Répétibilité et responsabilité civile: un arrêt de principe », note sous Cass., 2 septembre 2004, J.T., 2004, 685, no 4.

(32) Conseil de l'Europe (Comité des ministres), Recommandation no  R(81)7 sur les moyens de faciliter l'accès à la justice, http://www.coe.int, (annexe, D.14).

(33) P. Van Orshoven, l.c., 9.

(34) E. Brems, l.c., 3-10.

(35) Cour européenne des droits de l'homme, 21 février 1975 (Golder c. R.U.), Publ. Cour Eur. D.H., Série A, no 35.

(36) Par exemple, Commission européenne des droits de l'homme, 16 mars 1975, no 6202/73 (X et Y c. Pays-Bas), D&R, 66.

(37) Commission européenne des droits de l'homme, 2 mars 1994 (Aires c. Portugal).

(38) E. Brems, op.cit., 7, no 3.

(39) Les honoraires et les frais constituent ensemble les « frais d'avocats » — voir note en bas de page 2, p. 1.