3-1619/1

3-1619/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2005-2006

13 MARS 2006


Proposition de loi modifiant les articles 70 à 72 du Code civil

(Déposée par M. Philippe Mahoux)


DÉVELOPPEMENTS


La loi du 13 février 2003 ouvrant le mariage à des personnes de même sexe et modifiant certaines dispositions du Code civil a constitué une véritable avancée sur le plan social, parce qu'elle a cadré légalement une situation de fait qui correspond à l'évolution de la structure familiale moderne.

Cette loi a fait l'objet d'une première circulaire émise par la ministre de la Justice, et datée du 8 mai 2003, laquelle fut rapidement remplacée par une seconde circulaire du 23 janvier 2004.

Selon les termes mêmes de ce texte, la ministre de la Justice y relevait que:

« Le droit belge ayant ouvert le mariage aux personnes de même sexe, il me paraît qu'une disposition de droit étranger relative au sexe des époux, interdisant le mariage de personnes de même sexe, doit être considérée comme discriminatoire et contraire à notre ordre public international.

Dès lors, j'estime que l'application d'une disposition de droit étranger doit être écartée si cette disposition prohibe le mariage de personnes de même sexe, lorsque l'une d'elles a la nationalité d'un État ou a sa résidence habituelle sur le territoire d'un État dont le droit autorise un tel mariage ».

Cette approche a trouvé une consécration légale ultérieure au travers de la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé, lequel prévoit, en son article 46:

« Sous réserve de l'article 47, les conditions de validité du mariage sont régies, pour chacun des époux, par le droit de l'État dont il a la nationalité au moment de la célébration du mariage.

L'application d'une disposition du droit désigné en vertu de l'alinéa 1er est écartée si cette disposition prohibe le mariage de personnes de même sexe, lorsque l'une d'elles a la nationalité d'un État ou a sa résidence habituelle sur le territoire d'un État dont le droit permet un tel mariage ».

Il est donc désormais légalement possible de célébrer, en Belgique, un mariage entre personnes de même sexe, de nationalités étrangères, sous une condition légale de résidence en Belgique, posée par l'article 44 du Code de droit international privé, qui indique que: « Le mariage peut être célébré en Belgique lorsque l'un des futurs époux est belge, est domicilié en Belgique ou a depuis plus de trois mois sa résidence habituelle en Belgique, lors de la célébration ».

L'attention des intéressés est également attirée « sur les inconvénients possibles de ces mariages à l'étranger », à savoir que de tels mariages peuvent ne pas être reconnus dans certains pays.

On remarque cependant, dans la pratique, que l'ouverture d'esprit dont a fait preuve la Belgique en la matière ne trouve pas nécessairement d'écho auprès d'autres états, lesquels considèrent qu'ils ne peuvent donner suite aux demandes formulées par leurs ressortissants à ce sujet.

Cette réticence se remarque essentiellement lors de la délivrance de documents requis par le Code civil pour procéder à la déclaration de mariage, préalable, obligatoire et nécessaire prévu par l'article 63, § 1er du Code civil.

Lors de cette déclaration, et en application de l'article 64, § 1er du Code civil, les futurs époux sont tenus de remettre à l'officier de l'état civil les documents suivants:

« 1º une copie conforme de l'acte de naissance;

2º une preuve d'identité;

3º une preuve de nationalité;

4º une preuve de célibat et, le cas échéant, de la dissolution ou de l'annulation des précédents mariages;

5º une preuve de l'inscription dans les registres de la population, le registre des étrangers ou le registre d'attente et/ou une preuve de la résidence actuelle (ainsi que, le cas échéant, une preuve de la résidence habituelle en Belgique depuis plus de trois mois);

6º le cas échéant, une preuve écrite légalisée, émanant du futur époux absent lors de la déclaration du mariage, dont il ressort que celui-ci consent à la déclaration;

7º toute autre pièce authentique dont il ressort que l'intéressé remplit les conditions requises par la loi pour pouvoir contracter mariage ».

On constate que certains états (1) refusent de délivrer le certificat de célibat requis au 4º de cet article, empêchant ainsi l'union envisagée.

Le législateur a cependant prévu, dans une certaine mesure, de suppléer à une absence de documents requis pour la déclaration, et partant, la célébration du mariage, qu'il soit conclu entre personnes de même sexe ou de sexes différents: il s'agit des articles 70 à 72bis du Code civil, qui permettent au futur époux, au travers d'une procédure devant le juge de paix et d'un acte de notoriété, de faire la preuve de sa naissance, alors même qu'il est dans l'impossibilité de produire l'acte même de sa naissance.

Cette procédure de déclaration par témoins trouve sa complète légitimité dans l'homologation qui en est faite par le tribunal de première instance du lieu où doit se célébrer le mariage, lequel appréciera, au vu des circonstances de l'espèce et de l'avis du ministère public, s'il y a lieu d'y réserver suite.

Le but poursuivi par la présente proposition vise à autoriser ceux qui sont dans l'impossibilité de produire une preuve de célibat, au sens de l'article 64, § 1er, 4º du Code civil, de bénéficier de la même possibilité de suppléance que celle évoquée ci-dessus.

L'auteur propose donc de modifier les articles 70 et 71 dans le Code civil, prévoyant une procédure identique, permettant ainsi d'établir la preuve du célibat via un acte de notoriété. Cette insertion entraîne, par voie de conséquence, des modifications à l'article 72 du même Code.

Il va de soi que l'utilisation de cette procédure à des fins malhonnêtes aurait pour conséquence de placer celui qui prétendrait être célibataire — et donc apte au mariage, quod non — sous le champ d'application des articles 147 du Code civil (2) et 391 du Code pénal (3) , comme toute autre personne ayant contracté un second mariage, alors même que le premier n'aurait pas été dissous.

Philippe MAHOUX.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'article 70 du Code civil, modifié par la loi du 4 mai 1999, est remplacé par la disposition suivante:

« Art. 70 — L'époux qui se trouve dans l'impossibilité de se procurer les documents visés à l'article 64, § 1er, 1º ou 4º du présent Code peut les suppléer par un acte de notoriété délivré par le juge de paix de son lieu de naissance ou par celui de son domicile. »

Art. 3

L'article 71 du même Code, modifié par la loi du 7 janvier 1908, est complété par les alinéas suivants:

« L'acte de notoriété contiendra la déclaration faite par deux témoins, de l'un ou de l'autre sexe, parents ou non parents, des prénoms, nom, profession et domicile du futur époux; l'état de célibat du futur époux et les causes qui empêchent d'en rapporter la preuve. Les témoins signeront l'acte de notoriété avec le juge de paix et, s'il en est qui ne puissent ou ne sachent signer, il en sera fait mention.

Dans l'hypothèse de la dissolution ou de l'annulation de précédents mariages, l'acte de notoriété contiendra la déclaration faite par deux témoins, de l'un ou de l'autre sexe, parents ou non parents, des prénoms, nom, profession et domicile du futur époux et des prénoms, nom et date de naissance du ou des précédents conjoints; le lieu et, autant que possible, l'époque de la dissolution ou de l'annulation et les causes qui empêchent d'en rapporter la preuve. Les témoins signeront l'acte de notoriété avec le juge de paix et, s'il en est qui ne puissent ou ne sachent signer, il en sera fait mention. »

Art. 4

L'article 72 du même Code est complété in fine par le membre de phrase suivant: « ou la preuve de célibat et, le cas échéant, de la dissolution ou de l'annulation des précédents mariages » après les mots « de rapporter l'acte de naissance. »

24 janvier 2006.

Philippe MAHOUX.

(1) Voir à cet égard l'article Ricardo Guttierez, Obstruction d'État au mariage homo, Le Soir, 24 janvier 2006.

(2) On ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier.

(3) Quiconque, étant engagé dans les liens du mariage, en aura contracté un autre avant la dissolution du précédent, sera puni de la réclusion de cinq ans à dix ans.