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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 19 JANVIER 2006 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Question orale de M. Christian Brotcorne au vice-premier ministre et ministre des Finances et au secrétaire d'État à la Modernisation des Finances et à la Lutte contre la fraude fiscale sur «l'intervention de l'État dans la facture de gaz des ménages» (nº 3-959)

M. Christian Brotcorne (CDH). - Après le mazout, le Conseil des ministres s'est intéressé à la facture des ménages qui se chauffent au gaz et a donc adopté, si l'on en croit la presse, une intervention à concurrence de 6,4% dans la facture de gaz des ménages, ce qui représenterait pour les 2,2 millions de ménages concernés une ristourne de l'ordre de 44 à 45 euros.

Selon Test-Achats, cette mesure serait « insuffisante » parce qu'elle ne serait pas équivalente à la ristourne octroyée aux ménages se chauffant au mazout, alors qu'on avait annoncé initialement vouloir mettre sur un pied d'égalité ceux qui se chauffent au mazout et ceux qui se chauffent au gaz.

Le pourcentage de ristourne devrait s'établir, selon l'association de consommateurs, « aux alentours de 15 et non à 6,4% comme annoncé ». Test Achats souligne que la hausse sur les 12 derniers mois du prix du kWh de gaz utilisé pour le chauffage est de 25%. Sur les factures annuelles des clients, cette hausse n'a été imputée entre janvier 2005 et janvier 2006 qu'à hauteur de 17%, dit l'organisation de protection des consommateurs.

Or, comme l'augmentation du pétrole est répercutée sur le prix du gaz avec un décalage de 6 mois, le prix du gaz risque encore d'augmenter au cours des prochains mois, avec pour conséquence que l'on peut s'attendre à une augmentation globale du prix du gaz, entre janvier 2005 et mi-2006, de l'ordre de 35 à 40% !

À cet égard, je souhaiterais savoir si vous partagez l'analyse de Test-Achats quant à l'insuffisance de la réduction octroyée aux ménages se chauffant au gaz. En d'autres termes, estimez-vous que la réduction de 6,4% est équivalente à la réduction octroyée aux ménages se chauffant au mazout ? Dans l'affirmative, pourquoi ?

En outre, pourriez-vous me préciser la méthodologie utilisée pour déterminer la hauteur de la réduction ? Estimez-vous que la répercussion de l'augmentation du prix du pétrole sur le prix du gaz est suffisamment prise en compte dans le calcul de la réduction ? En d'autres termes, l'augmentation au cours des deux à trois prochains mois a-t-elle été prise en compte ? Dans la négative, pourquoi ?

Enfin, la toute récente actualité m'inspire une dernière question : cette ristourne sera-t-elle, elle aussi, in fine mise à charge des consommateurs, comme cela semble devoir être le cas pour la réduction mazout ? C'est du moins ce qu'annonce une certaine presse qui, au vu des documents qu'elle publiait aujourd'hui encore, me paraît bien informée.

M. Hervé Jamar, secrétaire d'État à la Modernisation des Finances et à la Lutte contre la fraude fiscale, adjoint au ministre des Finances. - La question est importante puisqu'elle concerne 2.200.000 ménages en Belgique parmi les quelque 4.000.000 de ménages qui sont ou seront aidés dans le cadre du Plan Énergie du gouvernement. Ces aides représentent un budget global de 250 millions d'euros. Pour le gaz en particulier, il s'agit d'environ 97 millions d'euros.

La méthodologie utilisée pour déterminer la hauteur de la réduction a été calculée sur la base de la décision du Conseil des ministres du 9 septembre 2005, la date pivot de ce Plan Énergie. C'est à ce moment-là qu'il a été décidé de faire quelque chose et que l'on a fixé les clés de calcul selon lesquelles on réagirait par rapport au mazout, au gaz et aux autres types d'énergie. Par la suite, fin septembre et à la date du 13 janvier, des décisions complémentaires se sont ajoutées pour bien définir les interventions.

En ce qui concerne le gaz, « cette intervention, qui sera davantage développée d'un point de vue technique, entraîne une réduction début 2006 d'environ 17,35% équivalant à la TVA et au prélèvement d'accises compris dans la facture, multipliés par une fraction dont le numérateur reprend l'augmentation du prix en pourcentage du gaz en 2005 et dont le dénominateur reprend l'augmentation du fuel domestique également en 2005. »

En termes plus accessibles, le ratio applicable à la facture de gaz s'obtient en appliquant une règle de trois à l'augmentation du prix du gaz et à l'augmentation du prix du mazout.

Dès lors que le prix du gaz naturel, sur la base des chiffres du secteur du gaz lui-même, confirmés par voie médiatique le jour où les décisions ont été prises, a augmenté pour les clients domestiques de 14,47% en 2005 et que le prix du gasoil de chauffage a augmenté de 39,21% en 2005, la fraction obtenue en faisant le calcul que j'ai expliqué tout à l'heure est de 0,3690. En prenant pour point de départ la réduction convenue de 17,35% pour le gasoil de chauffage, la ristourne pour le gaz naturel s'élève à 17,35% x 0,3690 = 6,40%. C'est ce pourcentage-là qui est attribuable au gaz, alors que pour le mazout il est de 17,35%. Je précise que pour l'électricité, selon qu'on prend en considération les effets du pétrole ou pas, le pourcentage est de 4% ou de 1,3%. Voilà donc les ratios d'augmentation des prix pour l'année 2005.

Vu que l'augmentation du prix de gaz naturel suit l'augmentation du prix du pétrole avec un retard de six mois, le gouvernement a choisi comme période d'intervention le premier semestre 2006.

Cette méthode de calcul, ainsi que la période d'intervention, tiennent donc suffisamment compte de la répercussion du prix du pétrole sur le prix du gaz. Nous avons tenté de rapprocher au maximum ce système de calcul des situations réelles vécues sur le terrain, et ce, je le répète, en collaboration avec le secteur lui-même, qui nous a fourni des données techniques.

Quel sera le mode d'attribution ? Compte tenu du fait que nous prendrons en considération ce premier semestre, les prix seront plus élevés qu'au cours du semestre précédent et le remboursement s'effectuera par le biais d'une imputation sur le décompte annuel final qui débute en juillet 2006.

L'opération sera automatique. Les personnes qui se chauffent au gaz naturel ne devront pas introduire de demande par le biais d'un formulaire ou accomplir des démarches auprès du bureau des contributions ou ailleurs. Le calcul apparaîtra sur la facture de régularisation.

Dernier élément qui ne figurait pas dans la question mais qui est tout à fait d'actualité : le préfinancement devra-t-il être supporté par le consommateur ? Je réponds catégoriquement non ! Une convention de préfinancement pour le mazout a été signée le 23 décembre par MM. Reynders et Verwilghen, et par Mme Van den Bossche et le secteur pétrolier. À l'heure actuelle, les négociations se poursuivent pour voir si un préfinancement similaire peut être réalisé pour le gaz.

Il est erroné de dire que la mesure se répercute finalement sur le consommateur. Nous n'appliquons pas ce que la presse a révélé voici quelques jours et qui était une piste, à savoir un cotisation complémentaire d'accises de 0,65 cents. Cette cotisation ne sera pas prélevée car cette piste a été abandonnée voici plusieurs semaines. Un remboursement devrait logiquement avoir lieu au profit des secteurs.

Nous sommes en négociation à ce propos. Il n'y a donc rien d'extraordinaire. Je crois que d'aucuns ont voulu fantasmer ou fabuler. Dès qu'une convention est signée en Belgique, on se tracasse rapidement.

C'est une convention parfaitement normale, qui a été signée le 23 décembre, peu avant les fêtes, à propos de laquelle nous avons été interrogés voici deux jours en commission et aujourd'hui en séance publique et qui a bénéficié de toute la transparence voulue puisqu'elle a été déposée officiellement ce matin sur le bureau de Mme la présidente.

Peut-être y aura-t-il concrétisation d'un préfinancement par le secteur en vue de l'étalement des finances de l'État sur l'ensemble de l'année 2006.

M. Christian Brotcorne (CDH). - Je vous concède, monsieur le secrétaire d'État, que je n'ai jamais été excellent en fractions et je ferai examiner les chiffres que vous avez cités dans votre réponse.

Je m'inquiète cependant quant à la répercussion opérée sur le prix du gaz quelques mois après l'évolution du prix du mazout.

J'ai cru comprendre que vous parliez de numérateurs et de dénominateurs faisant tous référence à l'année 2005. Je m'inquiète toutefois de la prise en compte de l'effet qui se produira seulement dans le courant du premier semestre 2006.

Par ailleurs, je ne vous ai pas entendu dire de manière très claire que l'intervention qui aura lieu au bénéfice des ménages se chauffant au gaz sera équivalente à celle de ceux qui se chauffent au mazout. Certains absences cachent parfois des réponses qui seraient positives....

Enfin, j'ai pu lire dans le journal Le Soir d'aujourd'hui, un article portant sur la convention avec le secteur pétrolier. Un débat a eu lieu à ce sujet à la Chambre et je me contenterai, dès lors, de prendre connaissance du compte rendu de cette assemblée.

Je reste particulièrement attentif et prudent par rapport à vos dénégations quant au fait que l'on récupérera, d'une manière ou d'une autre, ce qui est octroyé aujourd'hui dans la proposition de décision du gouvernement.

M. Hervé Jamar, secrétaire d'État à la Modernisation des Finances et à la Lutte contre la fraude fiscale, adjoint au ministre des Finances. - Je répète, pour la énième fois aujourd'hui, au nom du gouvernement, qu'il n'y aura pas de prélèvement complémentaire pour le mazout, le gaz ou les autres sources d'énergie.

Les gens qui se chauffent au gaz ont vu leur facture augmenter mais, proportionnellement, moins que ceux qui se chauffent au mazout.

Je rappelle que 78.000 familles se chauffent au butane, au propane, en vrac, ou avec des bonbonnes. Elles n'ont pas été oubliées, ni d'ailleurs les quelques milliers de familles qui se chauffent au pétrole lampant, un dérivé tout à fait spécifique.

Quant à l'électricité, l'augmentation a été tellement minime qu'on a préféré réserver les budgets prévus aux personnes qui se trouvent réellement en difficulté. Personne n'a véritablement contesté cette mesure.

Par conséquent, le gouvernement a une approche égalitaire pour tous les types d'énergie, vu la période considérée.

Enfin, il n'est pas toujours possible d'indemniser au jour le jour. On applique, en effet, un ratio de 2005 sur une consommation de 2006 mais il faut bien finir par arrêter une formule.

Si l'on avait décidé de prendre en compte la totalité de l'augmentation, il aurait fallu attendre jusqu'au 30 juin 2006 et les gens auraient dû patienter six mois de plus pour être indemnisés.

Il faut, un jour ou l'autre, prendre ses responsabilités et se rapprocher le plus possible du coût vérité, en l'occurrence, 44/45 euros en moyenne par ménage, pour le gaz.