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M. Alain Destexhe (MR). - À la suite de la découverte d'une femme d'origine belge kamikaze en Irak, pouvez-vous, madame la vice-première ministre, me donner quelques explications sur cette affaire ?
Confirmez-vous que cette personne est d'origine belge et dans quelles circonstances a-t-on découvert son cadavre ?
Savez-vous par quel moyen ou par quelle filière elle est parvenue en Irak ?
De quoi soupçonne-t-on le réseau qui a été démantelé ?
Comment évaluez-vous la menace terroriste en Belgique ?
Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre de la Justice. - Je ne puis rien dire d'autre que ce que le procureur fédéral et le directeur du SJA Bruxelles ont exposé, hier, lors du debriefing. Ils ont déclaré que cette femme kamikaze était effectivement d'origine belge, mais ils n'ont pas précisé comment elle s'était rendue avec son mari en Irak.
Je n'en dirai pas davantage sur ce point.
Concernant l'enquête proprement dite, vous savez que, lors de l'opération, 14 personnes ont été arrêtées ; neuf d'entre elles ont été déférées au juge d'instruction et six ont été mises sous mandat d'arrêt.
L'enquête se poursuit mais, vu la séparation des pouvoirs, je ne puis en dire davantage.
J'ai indiqué hier qu'il n'y avait plus de risque zéro dans nos démocraties. En Belgique, le risque potentiel est peut-être plus élevé qu'ailleurs, vu sa situation de capitale de l'Europe, accueillant en outre des institutions aussi importantes que l'OTAN.
Pour ce qui est de la menace elle-même, toutes les évaluations réalisées régulièrement, notamment à travers le groupe interforces antiterroriste, montrent qu'il n'y a pas à l'heure actuelle de menace particulière concernant la Belgique.
En revanche, des dizaines de dossiers sur le terrorisme ayant été ouverts au parquet fédéral depuis sa création en 2002, on sait qu'il y a en Belgique des cellules dormantes ou actives qui sont spécialisées dans le soutien logistique à des activités terroristes réalisées à l'extérieur de notre pays. Cela ne diminue pas notre vigilance et notre action en la matière.
Par rapport à ce risque et à ce qui existe sur notre territoire, nous devons continuellement réévaluer nos instruments de lutte. Un nouveau projet de loi est encore en examen à la Chambre. Il viendra au Sénat avant la fin de cette année. Il y est question de nouvelles méthodes particulières de recherche, de juges d'instruction spécialisés en terrorisme, d'un meilleur contrôle du financement du terrorisme. Nous aurons donc l'occasion d'en parler prochainement au sein de la commission de la Justice.
Dans tous les instruments ayant été mis au point en Belgique, on a essayé de faire la balance entre les intérêts de l'État, la nécessité d'assurer sa protection et celle de ses citoyens et, bien entendu, la sauvegarde des droits et libertés individuels.
M. Alain Destexhe (MR). - Lorsque la présidente de notre assemblée, Mme Lizin, était simple sénatrice, nous avions déposé ensemble une proposition de répression de l'apologie du terrorisme, c'est-à-dire de l'incitation au meurtre et de sa légitimation.
Envisagez-vous, madame la vice-première ministre, d'intégrer cet élément dans la législation ? Vous vous souviendrez du fameux site « abasil.com » - qui n'existe plus - qui présentait sur ses pages une série d'incitations au meurtre et de justifications de meurtres.
Comptez-vous mener une action par rapport à l'apologie du terrorisme ?
Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre de la Justice. - La Belgique est un des rares pays européens où l'on peut agir en la matière. Ailleurs, l'importance de la liberté d'expression est considérable.
Dernièrement, à l'occasion d'une discussion au niveau européen sur les moyens de lutte contre le racisme, nous avons expliqué ce qui existe déjà en Belgique, notamment la loi Moureaux. Certains de mes partenaires nous ont dit que, dans leur pays, il était impossible d'empêcher quelqu'un d'affirmer clairement qu'il n'y avait pas eu de Shoa, par exemple. C'est dire combien le débat à l'échelon européen est difficile étant donné les échelles de valeur différentes.
En Belgique, nous disposons d'instruments - la loi Moureaux et la loi antidiscrimination - pour lutter contre l'incitation au racisme ou l'incitation à la haine et à la violence en général. Par ailleurs, des dossiers judiciaires sont actuellement en cours à l'encontre de certains sites qui incitent à la haine et à la violence.
Mme la présidente. - L'incitation à tuer des Américains relève également de l'application de la loi Moureaux.
Mme la ministre se réjouira certainement de savoir que le Bureau du Sénat a discuté du timing de la loi relative aux méthodes spéciales de recherche. En accord avec le président de la commission de la Justice, il a été décidé de traiter cette matière immédiatement, afin de rencontrer le souhait exprimé hier par la ministre.