3-130

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Belgische Senaat

Handelingen

DONDERDAG 20 OKTOBER 2005 - NAMIDDAGVERGADERING

(Vervolg)

Mondelinge vragen

Mondelinge vraag van mevrouw Clotilde Nyssens aan de vice-eerste minister en minister van Justitie en aan de minister van Buitenlandse Zaken over «de uitleveringsprocedure voor Hissène Habré» (nr. 3-812)

Mondelinge vraag van de heer Alain Destexhe aan de minister van Buitenlandse Zaken over «de uitlevering van Hissène Habré» (nr. 3-807)

Mondelinge vraag van mevrouw Jacinta De Roeck aan de minister van Buitenlandse Zaken over «de uitlevering van Hissène Habré» (nr. 3-819)

De voorzitter. - Ik stel voor deze mondelinge vragen samen te voegen. (Instemming). Mevrouw Laurette Onkelinx, vice-eerste minister en minister van Justitie, antwoordt.

Mme Clotilde Nyssens (CDH). - Cette question s'adresse autant à vous, madame la ministre, qu'au ministre de l'Intérieur. Elle porte sur la procédure d'extradition d'Hissène Habré.

Voilà des années que de nombreuses victimes du régime d'Hissène Habré sont en contact avec la Belgique. Nous avons eu l'occasion de les rencontrer. À notre surprise, au milieu du mois de septembre, nous avons appris qu'un juge belge avait lancé un mandat d'arrêt international à l'encontre d'Hissène Habré et que, par ailleurs, la Belgique avait officiellement demandé aux autorités sénégalaises son extradition.

Ces procédures sont en cours depuis quelques semaines. Quand pourraient-elles se terminer ? Le Sénégal doit-il respecter des délais pour répondre, tant au mandat d'arrêt international qu'à la demande d'extradition ? Ceci concerne des autorités sénégalaises tant judiciaires que politiques.

Il est évident que cette affaire a des retentissements sur la diplomatie. Étant donné la gravité des reproches de graves violations du droit humanitaire international, faits à l'ancien président, j'aurais aimé savoir si d'autres pays s'intéressent à cette procédure. La Belgique a-t-elle appris, lors de contacts, diplomatiques ou autres, si le Sénégal répondra à ces deux procédures ? Dans quel climat politique cette demande a-t-elle été reçue au Sénégal ?

Telles sont les questions que je souhaitais poser au nom des victimes, étant donné que la loi belge de compétence universelle permet de traduire devant nos tribunaux, dans un cadre précis, les personnes impliquées dans certaines affaires dont celle-là.

M. Alain Destexhe (MR). - Comme l'a dit Mme Nyssens, la délivrance d'un mandat d'arrêt international contre M. Hissène Habré, accompagnée d'une demande d'extradition, est un événement dont la portée est extrêmement positive. C'est, en effet, une étape importante qui est franchie dans la mise en cause de la responsabilité d'un chef d'État dans les violations des droits de l'homme perpétrées sous son régime.

La portée de cet événement est très positive pour les victimes qui se battent depuis de longues années afin de pouvoir ouvrir les portes de la justice et atteindre trois objectifs : d'abord, clairement établir la vérité des faits pour le Tchad et l'ensemble de la communauté internationale puisqu'on parle de 4.000 à 60.000 morts et de 200.000 personnes torturées ; ensuite, établir la responsabilité des bourreaux et les sanctionner et, enfin, permettre aux victimes de bénéficier de réparations.

La portée de cette action est également positive car les preuves contre Hissène Habré sont solides : crimes contre l'humanité, tortures et actes de barbarie. Positive aussi car cette procédure permettra, à moyen terme, au Tchad d'effectuer un examen de conscience, un retour sur son passé sans pour autant entraîner des crispations incontrôlées au sein de la population. Positive enfin car tout ceci démontre que notre loi de compétence universelle, que certains esprits chagrins prédisaient comme destinée à un enterrement définitif, après sa révision en 2003, est toujours un instrument juridique efficace lorsqu'il est utilisé avec pertinence et prudence, c'est-à-dire qu'il existe un critère de rattachement clair à la Belgique.

Hissène Habré est en résidence surveillée. Quand sera-t-il arrêté ? Quelles sont les intentions des autorités sénégalaises ? Le Comité des Nations unies contre la torture a oeuvré pour que le Sénégal garde sur son territoire Hissène Habré jusqu'à l'aboutissement d'une procédure d'extradition. C'est la situation actuelle. Comment cette procédure se déroulera-t-elle ? Quelles sont ses chances d'aboutir ? Selon quel calendrier ?

À côté de la technique, il y a la diplomatie. Le ministre des Affaires étrangères a eu des contacts avec les autorités tchadiennes et sénégalaises. Nous aimerions connaître le message qu'il leur a délivré et leur position vis-à-vis de cette affaire. Comment juge-t-il également le climat politique autour de cette affaire au Sénégal ?

Je ne sais si vous êtes au courant mais le président Hissène Habré bénéficie de la protection de puissants marabouts exerçant au Sénégal une influence significative sur les esprits.

Enfin, nous aimerions que les règles de procédure soient respectées et qu'elles ne soient pas entravées par des recours ou des manoeuvres dilatoires qui rendrait caduc le mandat d'arrêt international. Pour cela, nous pensions qu'il serait peut-être utile d'exercer une pression diplomatique, en coopération avec d'autres partenaires européens, en particulier la France.

L'ensemble des États de l'Union européenne ont en effet clairement pris position en faveur de la justice internationale, notamment à travers leur soutien à la Cour pénale internationale.

Mevrouw Jacinta De Roeck (SP.A-SPIRIT). - Eind september raakte bekend dat Senegal de Tsjaadse ex-president Hissène Habré zou uitleveren aan ons land. In België hadden 21 Tsjadiërs, van wie drie de Belgische nationaliteit hebben, een klacht ingediend tegen Habré wegens foltering en misdaden tegen de menselijkheid. De kans dat Habré zou worden uitgeleverd was toen reëel, omdat Senegal gebonden is door de VN-conventie over foltering. Tsjaad trok al in 2002 voor Habré elke immuniteit in. Helaas kwam onlangs het bericht dat Habré in Senegal de bescherming geniet van heel machtige maraboets, geestelijke leiders in Senegal. Om politieke redenen zou het zeer moeilijk liggen om Habré uit te leveren.

Welke procedure moet er nog doorlopen worden voordat Hissène Habré wordt uitgeleverd aan België, wetende dat ons land en Senegal geen bilateraal uitleveringsverdrag hebben? Welke obstakels staan zijn uitlevering nog in de weg?

Welke maatregelen zal België nemen indien Senegal niet binnen de voorziene termijn ingaat op het arrestatiebevel van de onderzoeksrechter? Zal België hiervoor steun zoeken bij andere landen?

Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre de la Justice. - Tant le département de la Justice que le parquet fédéral et le ministre des Affaires étrangères ont mené à bien, dans un délai extrêmement bref, toutes les démarches nécessaires à la transmission officielle aux autorités sénégalaises de la demande d'extradition de l'ex-président du Tchad, M. Hissène Habré. Ainsi le mandat d'arrêt international délivré le 19 septembre dernier par le juge d'instruction Fransen a-t-il été suivi, le même jour, de l'émission d'un signalement Interpol avec notice rouge, c'est-à-dire une demande d'arrestation provisoire. Ce signalement a été transmis au siège central d'Interpol à Lyon et au bureau Interpol de Dakar comme il est coutume de le faire lorsque le pays de résidence de la personne dont l'extradition est demandée est connu des autorités du pays qui réclame l'extradition.

À dater du signalement, les autorités du pays demandant l'extradition disposent de deux mois à partir de l'arrestation provisoire de l'intéressé pour transmettre la demande originale d'extradition aux autorités du pays où se trouve la personne à extrader. Ce délai ne devra même pas courir puisque deux demandes originales d'extradition sont parvenues à Dakar par la voie diplomatique, dès le vendredi 23 septembre, et ont été remises immédiatement aux autorités compétentes, soit les ministères de la Justice et des Affaires étrangères du Sénégal.

À ce jour, M. Habré n'a pas encore fait l'objet d'une arrestation provisoire. La procédure d'extradition suit son cours et devrait se poursuivre dans les semaines à venir par un avis de la Chambre des mises en accusation de la Cour d'appel de Dakar. Il n'existe toutefois pas de délai légal pour que la Chambre des mises en accusation rende son avis puisqu'il n'y a pas encore eu d'arrestation provisoire. L'ensemble de la procédure est très comparable à la procédure belge d'extradition.

Comme dans tous les autres cas de demandes d'extradition, les autorités belges se tiennent très régulièrement informées de l'évolution du dossier auprès des différentes autorités sénégalaises compétentes et ce, par l'intermédiaire de notre ambassade à Dakar.

Je tiens toutefois à insister sur le fait que, sauf le caractère exceptionnel de gravité des faits reprochés et les fonctions élevées occupées antérieurement par M. Hissène Habré, il faut traiter cette demande d'extradition comme toute autre demande d'extradition, c'est-à-dire dans le respect des procédures des droits belge, sénégalais et international, et dans le respect du principe de séparation des pouvoirs.

Si les avocats de M. Hissène Habré pouvaient démontrer que la procédure d'extradition n'avait pas respecté ces règles et n'était le fruit que de pressions politiques, les poursuites qui auraient lieu en Belgique pourraient être entachées de nullité absolue.

Dans le respect de ces principes, la Belgique a mis et met encore tout en oeuvre pour que ce dossier judiciaire puisse aboutir à un procès équitable en Belgique comme le souhaitent toutes les victimes qui se sont constituées parties civiles chez nous.

Je puis aussi vous confirmer que, lorsque la demande d'extradition a été transmise au Sénégal, les autorités belges s'étaient informées du climat général, tant au Sénégal que sur le plan international, dans lequel s'inscrirait cette demande d'extradition. C'est ainsi que, depuis plusieurs années, le président du Sénégal, M. Wade, a plusieurs fois déclaré publiquement qu'il était favorable à l'extradition de l'ex-président Habré vers un pays qui pourrait lui assurer un procès équitable. Depuis, le secrétaire général des Nations unies, M. Kofi Annan, a déclaré qu'à son estime, les autorités sénégalaises devraient accueillir positivement la demande de la Belgique.

Par ailleurs, le président de la Commission européenne a été personnellement sensibilisé au dossier et le parlement européen discute actuellement de l'adoption d'une résolution saluant le rôle du Sénégal dans la lutte contre l'impunité en matière de violation grave du droit international humanitaire et l'invitant à examiner favorablement la demande de la Belgique.

Mme Clotilde Nyssens (CDH). - L'explication des procédures que vous venez de donner, madame la ministre, est très intéressante. Tout en respectant la séparation des pouvoirs, la fin de vos propos, madame la ministre, montre que certaines positions importantes vont au-delà du judiciaire strict. Les noms que vous avez cités et le climat ambiant prouvent en effet que personne n'est indifférent à cette procédure judiciaire et que celle-ci va bien au-delà de l'autorité judiciaire sénégalaise, laquelle doit se prononcer sur la procédure en cours. Nous suivrons celle-ci avec beaucoup d'attention. La loi belge, qui est respectée et permet ces procès en Belgique, représente une chance pour les victimes de voir aboutir ici et se dérouler un procès équitable.

M. Alain Destexhe (MR). - Je m'associe à ces propos. Je voudrais simplement insister sur le fait que, lorsqu'un pays de l'Union européenne fait une demande d'extradition, il importe selon moi que les autres pays soient solidaires de cette demande et que la Belgique ne soit pas seule confrontée aux éventuelles conséquences diplomatiques de cette démarche mais bien l'ensemble de l'Union européenne.

Comme vous l'avez dit, madame la ministre, ce qui est important c'est que les faits semblent avérés. À l'heure où s'ouvre dans un autre pays le procès d'un autre dictateur, Saddam Hussein, il me semble important de faire savoir à travers le monde que nous ne souhaitons pas tolérer que des crimes contre l'humanité commis à une grande échelle restent impunis. On pourrait citer plusieurs exemples, je pense en particulier à M. Mengistu Hailé Mariam qui séjourne actuellement au Zimbabwe, malgré les crimes qu'il a commis en Éthiopie pendant des années.