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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 13 OCTOBRE 2005 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Demande d'explications de Mme Clotilde Nyssens à la vice-première ministre et ministre de la Justice sur «l'évaluation du système de l'aide juridique instauré par la loi du 23 novembre 1998» (nº 3-1017)

Mme Clotilde Nyssens (CDH). - L'aide juridique, sujet qui me tient à coeur, fait beaucoup parler dans les prétoires. Le relèvement des plafonds de revenus donnant accès à l'aide juridique de seconde ligne au 1er janvier 2004 a entraîné - et c'est un bien - un accroissement du nombre de désignations et du nombre d'affaires clôturées, ce qui met en péril le système global instauré par la loi du 23 novembre 1998.

Le nombre de dossiers augmentant, la valeur du point ne cesse de diminuer, même si le budget affecté à l'indemnisation des avocats a été revu à la hausse. Au cours des cinq dernières années, le nombre de dossiers traités dans le cadre des bureaux d'aide juridique a augmenté en moyenne de 12,53% par an, passant de 60.806 dossiers clôturés au cours de l'année judiciaire 1999-2000 à 99.008 en 2003-2004, soit un accroissement de 62,82%. Il ne fait d'ailleurs pas de doute qu'en 2004-2005, l'augmentation du nombre de dossiers traités devrait être plus marquée encore compte tenu, d'une part, de l' « effet retard » du relèvement des seuils d'accès au 1er janvier 2004 et, d'autre part, du nouveau rehaussement de ceux-ci au 1er janvier 2005.

Au cours des trois premiers trimestres 2004, les barreaux francophones et germanophones ont vu le nombre de demandes d'assistance croître globalement de quelque 30%. Or, une amélioration de l'aide juridique passe aussi par une indemnité décente des avocats proposant une aide juridique ainsi que par un paiement plus rapide et plus juste de celle-ci.

Il est donc urgent de procéder à une évaluation de l'application de la loi du 23 novembre 1998 - dont je souligne la qualité - car le système explose.

Mes questions sont les suivantes :

Je connais votre opinion en ce qui concerne la mutualisation des risques. Vous avez émis des pistes de solution. Où en sont vos négociations avec les barreaux, les assureurs et d'autres acteurs concernés ?

Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre de la Justice. - Je suis comme vous, madame Nyssens, très attentive à ce dossier qui fait d'ailleurs partie de mes dadas.

J'avais effectivement annoncé que le système de l'aide légale ferait l'objet d'une évaluation au cours de l'année écoulée et c'est chose faite. En vertu du protocole d'accord conclu avec l'OBFG et l'OVB en novembre 2003, je reçois régulièrement un état des lieux du nombre de désignations et des rapports de clôture intervenus en cours d'année. Les derniers chiffres dont je dispose m'ont été communiqués par l'OVB, le 28 juillet 2005. Ceux de l'OBFG doivent me parvenir sous peu.

Je peux effectivement constater une hausse dans le nombre des désignations, mais celle-ci varie d'un arrondissement à l'autre. En ce qui concerne les dossiers clôturés, les seules informations véritablement fiables sont celles qui me sont communiquées chaque année par les Ordres pour l'année judiciaire qui précède.

J'ai cependant demandé aux deux Ordres s'ils pouvaient me fournir des renseignements plus précis et plus proches de la réalité, ceci pour aider le SPF Justice à réaliser des estimations budgétaires plus précises d'année en année. Cela éviterait les variations parfois importantes dans la valeur du point que l'on constate aujourd'hui.

Tant l'OBFG que l'OVB ont marqué leur accord sur le principe, en précisant cependant que la fourniture de ces informations dépendait en partie de la qualité de l'informatisation des bureaux d'aide juridique.

(M. Staf Nimmegeers, premier vice-président, prend place au fauteuil présidentiel.)

Dès que je disposerai des nouvelles données, je vous les communiquerai.

À propos, cette fois, de l'indemnisation des avocats, je rappelle que la réforme de 1998 avait essentiellement pour objectif de professionnaliser l'aide juridique. Il faut que les avocats d'expérience soient disposés à y participer, afin de garantir la qualité des services offerts au justiciable. Vous savez que depuis mon entrée en fonction - c'est d'ailleurs la première grande décision que j'ai prise -, le premier conseil juridique est devenu gratuit. Quant à l'enveloppe juridique de deuxième ligne, elle est passée de 25.600.000 euros à plus de 36.000.000 d'euros, soit une augmentation de plus de 30%. Les catégories de bénéficiaires ont en outre été revues et élargies.

Pour le moment, ces mesures ont donné de bons résultats. En effet, on a observé une augmentation du nombre de bénéficiaires - il ne s'agit plus seulement des allocataires sociaux mais aussi des travailleurs à bas revenu -, ainsi que de la valeur du point.

Mon travail n'est pas terminé pour autant. Je voudrais passer à la seconde phase. J'ai préparé celle-ci avec l'aide d'avocats de Bruxelles, de Wallonie et de Flandre. Je voudrais présenter au gouvernement des propositions permettant :

1.De mieux prendre en compte les frais de fonctionnement des bureaux d'aide juridique ;

2.D'assurer une répartition plus juste des points en fonction du type de prestation et de la charge de travail ;

3.D'introduire des modifications afin de mieux prendre en considération et d'élargir la catégorie des personnes pouvant prétendre à l'aide juridique ;

4.D'instaurer un nouveau système d'interventions au profit des classes moyennes, c'est-à-dire des personnes n'ayant pas accès à l'aide juridique ;

5.De stabiliser à la hausse la valeur du point.

J'espère pouvoir présenter au gouvernement, dans les prochaines semaines, un plan allant dans ce sens. Vous comprendrez que je ne puisse vous dévoiler les options de ce plan avant de les avoir présentées au gouvernement.

Mme Clotilde Nyssens (CDH). - J'attendrai avec impatience le plan et les propositions que Mme la ministre présentera au gouvernement. Je me réjouis en tout cas que ces cinq points figurent dans le plan. Les solutions ne sont pas faciles mais il faut vraiment avancer. Il me paraît important d'élargir la catégorie des bénéficiaires et de trouver un mécanisme d'aide juridique qui s'adresse aussi aux revenus modestes et pas seulement aux plus bas.