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Belgische Senaat

Handelingen

DONDERDAG 7 JULI 2005 - NAMIDDAGVERGADERING

(Vervolg)

Vraag om uitleg van de heer Christian Brotcorne aan de minister van Buitenlandse Zaken over «de vergadering van het Midden-Oosten-Kwartet (23 juni 2005)» (nr. 3-940)

De voorzitter. - De heer Armand De Decker, minister van Ontwikkelingssamenwerking, antwoordt namens de heer de heer Karel De Gucht, minister van Buitenlandse Zaken.

M. Christian Brotcorne (CDH). - Dans la perspective du retrait de Gaza et du nord de la Cisjordanie que devrait opérer Israël dans les prochains mois, je souhaiterais connaître le sentiment du ministre des Affaires étrangères sur deux points : premièrement, la poursuite, en dépit des engagements internationaux, de la colonisation en Cisjordanie et, deuxièmement, l'étendue exacte du mandat conféré à M. Wolfensohn concernant les aspects non sécuritaires du retrait.

Premier point : le 19 juin, le gouvernement israélien a fait part de sa décision de procéder à la construction de quelque 700 logements supplémentaires dans les colonies de Ma'ale Adummim et de Betar Illit dans la périphérie de Jérusalem-Est. Cette décision fait suite à celle du 2 juin de construire 22 unités de logement dans la même colonie de Ma'ale Adummim qui compte déjà quelque 28.000 habitants.

La feuille de route prévoit précisément que « le gouvernement d'Israël démantèle immédiatement les colonies érigées depuis mars 2001 » ; et que « conformément au rapport Mitchell, le gouvernement d'Israël gèle toute activité de colonisation (même lorsqu'il s'agit de l'expansion naturelle des colonies) ». De plus, comme l'a rappelé la Cour internationale de Justice dans l'avis rendu le 9 juillet 2004, les colonies contreviennent aux dispositions de la quatrième Convention de Genève qu'Israël est censé respecter scrupuleusement.

Le 24 mars dernier, Javier Solana déclarait à propos de l'octroi du permis de bâtir pour la colonie de Ma'ale Adummim que « cette décision contrevient à l'engagement des parties de s'abstenir de toute mesure unilatérale pouvant affecter un règlement final ». Le haut représentant ajoutait : « L'Union européenne attend du gouvernement israélien qu'il se conforme à ses obligations telles que prévues par la feuille de route ».

Lors du sommet de Washington qui a précédé la réunion du Quartette, les États-Unis et l'Union européenne ont adopté en date du 20 juin une déclaration conjointe sur la coopération en vue de promouvoir la paix et la prospérité au Moyen-Orient. Celle-ci énonce : « Comme le prévoit la feuille de route, des mesures efficaces doivent être prises en ce qui concerne [...] le gel de toutes les activités de colonisation et le démantèlement des colonies de peuplement sauvages ».

Quant à la déclaration adoptée par le Quartette lors de sa réunion du 23 juin, elle se contente de rappeler que les deux parties ont des obligations en vertu de la feuille de route, évitant manifestement ainsi de dénoncer la violation de ses obligations par Israël.

Le ministre peut-il nous indiquer quelles furent les positions défendues par la Belgique au sein de l'Union européenne en vue de la réunion du Quartette et en vue du sommet de Washington ? Peut-on attendre de l'Union européenne qu'elle défende au sein du Quartette une position plus ferme à l'égard d'un comportement qui constitue une action unilatérale du gouvernement israélien et qui porte préjudice à un règlement définitif dans cette région ? Peut-on attendre de l'Union européenne qu'elle rappelle que la feuille de route évoque le démantèlement des « colonies érigées depuis mars 2001 » et pas seulement des « colonies de peuplement sauvages » ?

Deuxième point : lors de sa réunion, le 9 mai dernier, le Quartette a donné mandat à James Wolfensohn, son envoyé spécial, pour qu'il contribue à la coordination entre Israéliens et Palestiniens en matière de passage, d'accès, de commerce, de revitalisation de l'économie palestinienne et de localisation des biens.

Dans le cadre de la déclaration adoptée par le Quartette lors de sa réunion du 23 juin, la mission de M. Wolfensohn semble se limiter à la réforme de l'administration palestinienne : la déclaration cite les domaines judiciaire, financier, budgétaire et du secteur privé. Par ailleurs, le Quartette invite Israël à faciliter le flux des marchandises in and out Gaza et la Cisjordanie.

Pouvez-vous préciser, monsieur le ministre, quels sont les objectifs exacts de la mission de M. Wolfensohn ? S'agit-il toujours d'une véritable coordination entre les autorités israéliennes et palestiniennes ou de la simple coordination de l'assistance à l'autorité palestinienne ? Quelles sont les perspectives de cette mission en matière de passage et d'accès, c'est-à-dire de contrôle des frontières ? Prévoit-on la conclusion d'un accord à ce sujet entre les deux parties ?

M. Armand De Decker, ministre de la Coopération au développement. - Le hasard veut que l'on me demande de répondre à cette demande d'explications en lieu et place du ministre des Affaires étrangères. Or, de samedi à mardi, je me trouvais en Palestine et hier, à Jérusalem, où j'ai rencontré les deux vice-premiers ministres Shimon Peres et Ehud Olmert.

Je vais vous lire la réponse du ministre des Affaires étrangères et j'ajouterai ensuite quelques éléments à la suite de mon récent passage en Palestine.

Le ministre des Affaires étrangères commence par remercier M. Brotcorne de ses questions pertinentes concernant la position de la Belgique et celle du quartette sur la colonisation en Cisjordanie et le mandat de M. Wolfensohn.

Concernant la poursuite de la colonisation en Cisjordanie, la Belgique, comme ses partenaires européens, souligne à chaque occasion la nécessité d'un gel des activités de colonisation israélienne dans les territoires palestiniens. Ce gel suppose l'arrêt complet des activités de construction de logements et de nouvelles infrastructures, telles que les routes de contournement, ainsi que la suppression des mesures d'incitation financière et fiscale et des subventions directes ou indirectes aux colonies et à leurs habitants.

La politique de colonisation reste un obstacle important à la paix et menace de rendre matériellement impossible toute solution fondée sur la coexistence de deux États. Cette position est celle que vous trouverez, monsieur Brotcorne, dans les conclusions du dernier conseil des ministres européen. C'est également la position défendue au sein du quartette.

Concernant le mandat de M. Wolfensohn, les objectifs exacts de sa mission sont la coordination entre autorités israéliennes et palestiniennes au sujet du retrait de Gaza et la coordination de l'assistance à l'autorité palestinienne. M. Wolfensohn a établi un plan de neuf points concrets portant sur le passage des frontières, pour lequel une équipe technique recherche des solutions pratiques, le passage entre Gaza et la Cisjordanie pour les Palestiniens, la liberté de mouvement des populations, la réhabilitation du port et de l'aéroport de Gaza, le sort des maisons et installations techniques évacuées. Ce plan a été remis à M. Sharon et à M. Abbas. Il contient également des propositions pour remédier à la crise fiscale de l'autorité palestinienne et favoriser la création d'emplois surtout pour les jeunes Palestiniens.

C'est ici que se termine la réponse du ministre des Affaires étrangères. J'en viens donc à mon appréciation de la situation. La décision du gouvernement de M. Sharon de retirer les colonies et les troupes israéliennes de la bande de Gaza est à la fois extrêmement importante et fondamentalement positive.

Le retrait des colonies et celui des troupes israéliennes stationnées à Gaza ne suffiront pas à améliorer fondamentalement la situation de la population palestinienne à Gaza si la mise en oeuvre de ce retrait n'est pas accompagnée d'autres mesures essentielles.

Celles-ci ont trait à la liberté de mouvement, à la liberté de passage entre Gaza et la Cisjordanie et à l'utilisation du port et de l'aéroport. Ceux-ci devront être reconstruits grâce à l'aide de la communauté internationale afin que les habitants de Gaza puissent reprendre leur production agricole et horticole. En effet, la production de fruits et de fleurs, entre autres, fut florissante et est aujourd'hui inopérationnelle ; cette production doit pouvoir être à nouveau exportée vers l'Europe et d'autres marchés. Aujourd'hui, toute exportation de produits de Gaza doit être contrôlée, transbordée à la frontière israélienne sur des véhicules israéliens, puis transportée vers un port israélien. Cela crée des retards tels que la plus grande partie de cette production ne présente plus d'attraits pour les marchés.

L'ensemble de ces mesures doivent être prises en accompagnement du retrait des troupes de Gaza.

Je me suis déjà rendu dans les territoires palestiniens il y a quelques années. Depuis, en Cisjordanie, la situation s'est gravement détériorée à cause de l'érection du mur. En effet, ce mur, qui ne respecte pas la ligne verte de 1967, sépare souvent des zones entières de la Cisjordanie et rend impossible toute vie normale pour les habitants de Cisjordanie qui se voient ainsi privés de liberté de mouvement. Un habitant de Bethléem ne peut se rendre à Jérusalem que s'il dispose d'une autorisation israélienne, donnée ou refusée pour chaque déplacement. Ces situations entraînent des conséquences considérables.

Si le retrait n'est pas accompagné des mesures dont je viens de parler, il est à craindre que la situation de la population ne s'aggrave encore et ne conduise à une nouvelle explosion de violences de grande ampleur.

C'est la raison pour laquelle il est indispensable que la communauté internationale soutienne unanimement les décisions du quartette composé des États-Unis, de la Russie, de l'Union européenne et des Nations unies. Ce quartette a chargé M. James Wolfensohn, président sortant de la Banque mondiale, d'une mission d'intermédiaire entre les autorités palestiniennes et israéliennes et d'une mission de coordination de l'aide internationale en vue de la reconstruction et de la réhabilitation économique rapide de la Bande de Gaza après le retrait israélien.

Il va de soi que j'ai discuté de cela longuement tant avec les autorités palestiniennes qu'avec les membres du gouvernement israélien : dans l'intérêt même de la sécurité d'Israël, il est essentiel que la vie quotidienne des habitants de Gaza change très rapidement, au risque de provoquer une escalade de la violence.

Une aggravation de la situation n'est évidemment dans l'intérêt de personne, certainement pas des Palestiniens qui souffrent depuis plusieurs dizaines d'années d'un mode de vie assez incroyable et qu'il faudra aider.

Quand j'ai visité la bande de Gaza pour la première fois, il était interdit de marcher sur la plage après le coucher du soleil. Les personnes qui bravaient cette interdiction pouvaient faire l'objet de mesures assez directes de la part de l'armée israélienne. Or, ce territoire se situe en bord de mer sur toute sa longueur.

Depuis 1994, cette interdiction a été levée mais, étant donné que l'on ne peut toujours pas sortir de Gaza ni aller travailler en Israël et que toute activité économique est excessivement difficile sur ce territoire, la situation est explosive. Dès lors, il est de l'intérêt profond d'Israël, des Palestiniens et de la communauté internationale que la mission de James Wolfensohn soit une réussite et que nous soutenions totalement ce dernier. C'est pourquoi, afin de participer à l'effort du quartette, je tenterai d'inscrire dans le cadre de la mission de M. Wolfensohn toutes les initiatives belges supplémentaires aux projets en cours ou qui ont été décidés concernant la Cisjordanie et Gaza, puisque la Palestine est un des pays partenaires de la Coopération belge.

Une deuxième décision a également été prise. J'ai écrit aujourd'hui une lettre à mon collègue Hilary Benn, président du conseil des ministres européen de la Coopération au Développement. M. Hilary Benn a rencontré M. Wolfensohn hier lors du sommet parallèle à celui du G8. Je lui ai demandé de réunir le plus rapidement possible un conseil des ministres de la Coopération au Développement afin de faire l'inventaire des actions menées aujourd'hui par les différents pays de l'Union européenne et de mettre sur pied une procédure visant à inscrire notre aide à la reconstruction de Gaza dans un effort commun de l'Union européenne grâce à la création d'un trust fund commun. L'objectif est que l'Union européenne soit la plus efficace possible dans le cadre de cette démarche de la communauté internationale et qu'elle pèse de manière importante dans l'évolution politique du processus de paix au Moyen-Orient.

M. Christian Brotcorne (CDH). - Je remercie le ministre des Affaires étrangères de la réponse qu'il a transmise et le ministre de la Coopération au Développement des informations complémentaires qu'il a apportées. Ces réponses sont tout à fait intéressantes et satisfaisantes. Elles démontrent qu'un consensus existe. Je suis convaincu, comme M. De Decker, que la pacification ne se réalisera que si l'on redonne aux populations, particulièrement aux Palestiniens, un minimum de dignité humaine. Je me réjouis donc des prises de position de M. De Decker et de sa volonté d'inscrire les projets de coopération belge dans le cadre des missions de M. Wolfensohn. On a parfois le sentiment que de très bonnes idées voient le jour, notamment au niveau du quartette, mais nous sommes souvent impuissants car Israël continue à agir selon ses intérêts sans comprendre que si nous voulons une véritable pacification dans la région, ce minimum de dignité auquel j'ai fait allusion est indispensable.