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Mme Isabelle Durant (ECOLO). - Le sommet du G8, qui s'ouvrira prochainement en Écosse, aura à l'ordre du jour les deux questions - intimement liées - du réchauffement climatique et de l'aide au développement, dans le cadre des Objectifs du Millénaire qui, en septembre, seront eux-mêmes à nouveau débattus à New York, aux Nations unies.
La mobilisation s'intensifie dans le monde artistique. Ce matin, MM. Barroso et Bono, le chanteur du groupe U2, ont publié un communiqué commun pour exprimer leur crainte de voir les questions africaines disparaître de l'agenda politique en raison des difficultés auxquelles l'Union européenne est confrontée en ce moment. La mobilisation augmente également dans le monde culturel, scientifique, etc. Même MM. Blair et Bush semblent vouloir prendre le dossier de l'aide au développement à bras-le-corps et abandonner les calculs de boutiquier pour entamer un mouvement international d'une ampleur proportionnelle à celle du défi.
Nous avons largement débattu de ce sujet en commission et en séance plénière du Sénat, dans le cadre de la résolution relative aux Objectifs du Millénaire. Les discours généreux et les résolutions de qualité, dont personne n'est avare dans notre assemblée, doivent toutefois se traduire par des faits et des actes concrets, y compris à l'échelle de notre pays.
Ma première question concerne le fameux objectif de 0,7%, tant débattu en commission. Le budget consacré à la coopération au développement passera de 0,41% en 2004 à 0,46% en 2005. Cette augmentation est, on le sait, virtuelle, puisqu'elle correspond à l'annulation d'une dette du Congo à l'égard de Belgacom. Il ne s'agit donc pas d'une aide réelle. J'aimerais savoir si, dans le cadre du contrôle budgétaire prévu pour la fin de ce mois, vous présenterez de nouvelles propositions à vos collègues pour atteindre puis maintenir l'objectif des 0,7%.
Par ailleurs, j'ai lu dans le rapport de la Cour des comptes que le Fonds global de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme n'était pas alimenté à hauteur de la contribution promise. Alors que l'engagement pris représentait un montant annuel de 5.050.000 euros pour la période 2004-2007, le crédit s'élève actuellement à 3 millions d'euros. Profiterez-vous du contrôle budgétaire pour respecter l'engagement pris ?
Enfin, puisque le réchauffement climatique et le développement sont intimement liés, avez-vous déjà consulté le Conseil fédéral du développement durable ? Cet outil me semble très intéressant pour développer une mobilisation conjointe en la matière.
M. Armand De Decker, ministre de la Coopération au développement. - M. Galand m'ayant longuement interpellé à ce sujet la semaine dernière, j'ai déjà répondu en partie aux questions posées par Mme Durant. La manière dont elle présente certains éléments de ce dossier me laisse à penser qu'elle a quelque peu subi la propagande des ONG ou du moins de certaines d'entre elles, qui présentent parfois la situation de manière à justifier leur démarche, y compris sur le plan politique.
Je voudrais en premier lieu vous répondre, madame, concernant le budget 2005 de la coopération au développement. Je préciserai d'emblée qu'il faut ajouter au budget initial tous les moyens d'aide publique au développement prévus dans la comptabilisation réalisée par l'OCDE, c'est-à-dire les remises de dette du ministère des Finances, les interventions des Régions et des Communautés et la première année de prise en charge des réfugiés politiques et des personnes en provenance des pays étrangers. Le budget initial représentait donc 0,41% du RNB.
L'augmentation de 0,05% de mon budget - soit la somme non négligeable de 90 millions d'euros - que j'ai demandée au cours du récent contrôle budgétaire a été votée par la Chambre.
Contrairement à vos dires, cette augmentation de 0,05% qui nous amène à 0,46% ne réside pas seulement dans une remise de la dette du Congo à l'égard de Belgacom. J'ai obtenu un montant de 63,167 millions d'euros pour une tranche supplémentaire de notre contribution à la Banque mondiale - plus précisément à l'IDA -, un montant de 12 millions d'euros pour payer nos contributions aux organisations internationales en matière d'environnement et un montant de 2.000.050 euros de plus pour le Fonds mondial de lutte contre le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme.
Vous constaterez que la remise de dettes ne constitue qu'une toute partie de l'augmentation budgétaire. Je remercie d'ailleurs les partenaires du gouvernement et la Chambre de m'avoir alloué cette augmentation importante du budget, dans le cadre d'un contrôle budgétaire.
Votre deuxième question concerne le Global Fund. J'étais hier encore à Genève, au Global Fund et à l'ONUSIDA où j'ai pu annoncer une contribution accrue dont ils nous remercient. Nous avions des informations selon lesquelles le Global Fund - qui l'a d'ailleurs reconnu - disposait d'énormes montants en trésorerie non engagés. Cette réalité n'enlève rien à l'obligation de payer les contributions puisque les ordonnancements vont forcément se produire. Cela dit, à une période, l'Italie a réduit ou interrompu le payement de ses cotisations, ce qui n'a pas manqué de poser problème.
Cette année, contrairement au budget initial, nous n'allons pas payer un mais bien cinq millions d'euros, comme nous nous y étions engagés dans un accord pluriannuel. L'augmentation de budget que je viens d'obtenir en tient compte. Nous respecterons notre engagement complet à l'égard du Global Fund et de la lutte contre le sida.
Je me suis d'ailleurs dit, après cette visite à Genève, que la lutte contre le sida devient un enjeu tellement gigantesque qu'il faudrait - et je vais demander à mon administration de réfléchir à des modalités - en faire une sorte de condition, dans les commissions mixtes avec les pays partenaires. Nous devrions lier notre aide aux efforts consentis par les gouvernements des pays partenaires pour l'organisation opérationnelle, effective de la lutte contre le sida. Il y a malheureusement trop de pays en voie de développement dans lesquels la lutte contre le sida reste très théorique ; elle consiste à construire des « usines à gaz » institutionnelles qui ne mettent pas suffisamment en oeuvre des programmes concrets.
Il y a énormément d'insuffisances de beaucoup de pays à cet égard. Je pense qu'il faut déployer un grand effort pour responsabiliser les États-partenaires dans la mise en oeuvre concrète des programmes de lutte contre le sida. Ils doivent en effet créer les structures administratives, souvent en ce qui concerne la santé de base, afin de pouvoir mettre en oeuvre, par exemple, les projets que le Fonds mondial veut y développer. Je compte bien donner de plus en plus d'importance à cette politique de lutte contre le sida.
Enfin, en ce qui concerne le Conseil fédéral du développement durable, il a été consulté sur un assez grand nombre de dossiers. Je rappelle que, conformément à la loi sur la coopération internationale, les notes stratégiques, sectorielles, thématiques et géographiques de la DGCD doivent être soumises pour avis au CFDD.
En 2005, les notes concernant notamment l'Algérie, le Maroc, le Bénin, le Niger, le Mozambique ont été soumises au Conseil fédéral du développement durable. Un avis a également été demandé au sujet de la note politique Entreprendre contre la pauvreté et pour le développement, ainsi que la note élaborant une stratégie de prévention en matière de changements climatiques. Le CFDD a remis un avis sur toutes les notes sectorielles et thématiques, chaque fois que nous l'avons sollicité. Pour les notes géographiques, le CFDD s'est limité à un avis-cadre, ne pouvant examiner toutes ces notes en détail, par manque de moyens et de capacités administratives.
Dans une approche globale des problèmes d'environnement et de développement mais, cette fois, au sein de la Commission interdépartementale de développement durable, un groupe de travail consacré à la problématique du sida vient aussi d'être créé à l'initiative de la Coopération au développement.
Mme Isabelle Durant (ECOLO). - Je remercie le ministre pour sa réponse détaillée et je me réjouis que nos engagements vis-à-vis du Global Fund soient honorés. Je suppose que le petit retard qui n'a pas préjudicié au Fund, lequel disposait d'un excédent de trésorerie, est encore un des exercices auxquels le ministre du Budget nous a habitués, cherchant toujours à récupérer ce qui peut l'être. L'essentiel est que l'engagement soit honoré.
Quant à la préparation de la mobilisation en vue du G-8, je vous invite, monsieur le ministre, à aller un peu plus loin. Bien que la Belgique ne soit pas représentée au G-8, il serait utile de pouvoir organiser une mobilisation des citoyens et des moyens en vue de la réunion de juillet prochain, même si celle-ci traitera seulement des orientations de décisions. Il ne suffit pas d'adopter des résolutions au Sénat, si sympathiques soient-elles, pour soutenir ce mouvement qui va dans le bon sens, il faut aussi mener des actions concrètes visant à redonner un sens à l'action belge et européenne.
M. Armand De Decker, ministre de la Coopération au développement. - Je n'ai pas abordé votre remarque concernant la priorité à donner à l'Afrique. La Belgique plaide pour cette thèse dans tous les forums où elle siège. Je peux notamment vous rassurer : lors du dernier Conseil des ministres européens de la Coopération au développement, nous nous sommes mis d'accord sur les augmentations des budgets de la coopération des quinze États membres - anciens - tenus de consacrer 0,51% de leur revenu intérieur brut à la coopération en 2010. La Belgique s'est, quant à elle, engagée à atteindre le pourcentage de 0,7%. Quant aux nouveaux États membres, ils se sont engagés - ce qui est admirable - à consacrer à la coopération 0,17% de leurs richesses intérieures brutes pour 2010 et 0,33% pour 2015. Il s'agit d'un effort considérable. Ces décisions entraîneront une augmentation de l'aide au développement de l'Union européenne de l'ordre de 20 milliards d'euros par an et la troisième décision prise à ce Conseil des ministres est de consacrer au minimum 50% de tous ces moyens complémentaires à l'Afrique.
Par ailleurs, nous avons évidemment des responsabilités particulières dans certains pays. Avant-hier, à l'OCDE, à Paris, j'ai plaidé pour que la coordination et l'harmonisation entre les bailleurs en République du Congo puissent se faire sous notre présidence, avec la présence et le soutien direct de l'OCDE elle-même. Jusqu'à présent, cela n'a jamais été fait. J'ai bon espoir que l'OCDE accepte de le faire, dans un cadre global. Une telle démarche pourrait servir d'exemple pour d'autres coopérations dans d'autres régions du monde, où d'autres pays exercent un leadership, à l'instar de celui que nous assurons dans la région des Grands Lacs.