3-1163/3

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2004-2005

17 MAI 2005


Projet de loi instituant le système d'information Phenix


Procédure d'évocation


RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR M. WILLEMS


I. INTRODUCTION

Le projet de loi à l'examen, qui relève de la procédure bicamérale facultative, a été déposé initialement à la Chambre des représentants par le gouvernement (doc. Chambre, nº 51-1645/1).

Il a été adopté le 28 avril 2005 par la Chambre des représentants, par 98 voix et 14 abstentions.

Il a été transmis au Sénat le 29 avril 2005 et évoqué le 3 mai 2005.

Il a été discuté en même temps que le projet de loi bicaméral modifiant l'article 610 du Code judiciaire (voir doc. Sénat, nº 3-1164).

La commission a examiné les deux projets de loi au cours de sa réunion du 17 mai 2005, en présence de la ministre de la Justice.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE LA VICE-PREMIÈRE MINISTRE ET MINISTRE DE LA JUSTICE

Les deux projets de loi à l'examen s'inscrivent dans le cadre du vaste projet Phenix, qui est une grande réforme visant à informatiser l'ensemble des juridictions du pays de manière structurée, cohérente et homogène, afin de permettre, à terme, que la totalité de la procédure judiciaire puisse se dérouler de manière électronique.

Outre un volet technique très important, qui concerne le développement du logiciel et l'installation du matériel, deux grands groupes d'adaptations législatives étaient nécessaires.

Le premier, qui fait l'objet du présent débat, vise à donner à la future base de données que sera Phenix son fondement légal — notamment en en définissant les finalités — et ses organes de contrôle.

Le second projet, actuellement en discussion à la Chambre, vise à adapter les lois de procédure à l'utilisation de l'informatique.

Pour la procédure civile, il a été choisi de travailler directement dans le Code judiciaire.

Pour la procédure pénale, et compte tenu de la réforme « Franchimont » en discussion au Sénat, il a été opté pour des dispositions légales autonomes. Celles-ci ne modifient pas le fond de la procédure, et tendent à être les plus neutres possibles.

Elles doivent plutôt se concevoir comme un mode d'emploi de l'électronique en procédure pénale.

Le projet définit en ses articles 2 à 14 les raisons pour lesquelles des données pourront être conservées et traitées par le pouvoir judiciaire.

Ces finalités sont:

— la communication interne et externe nécessaire au fonctionnement de la justice;

— la gestion et la conservation des dossiers;

— l'instauration d'un rôle national;

— la constitution d'une banque de données de jurisprudence (en distinguant une banque de données de jurisprudence interne et une banque de données de jurisprudence externe);

— l'élaboration de statistiques (en distinguant également le traitement de statistiques interne et externe);

— l'aide à la gestion et à l'administration des cours et tribunaux.

L'autre volet du projet concerne les structures de contrôle de Phenix.

Sur ce point, le projet s'inspire des structures existant pour les autres grandes banques de données de l'État, comme la Banque-carrefour des entreprises, la Banque-carrefour de la sécurité sociale, ou le Registre national.

On retrouve dès lors, au sein de Phenix, un comité de gestion, un comité de surveillance, et un comité des utilisateurs.

En résumé, l'on peut dire que le comité de gestion sera chargé d'assurer, avec le soutien du SPF Justice, la gestion quotidienne de Phenix. Le comité de surveillance sera quant à lui chargé de veiller aux aspects de Phenix qui touchent à la vie privée. Enfin, le comité des utilisateurs sera constitué, comme son nom l'indique, de représentants de tous les utilisateurs de Phenix, tels que des avocats, des notaires, des huissiers, des magistrats, des greffiers, ... Ce comité sera le lieu où ceux-ci pourront émettre leur avis sur Phenix, de même que l'instance leur permettant de formuler toute proposition en vue d'en améliorer le fonctionnement.

Une particularité importante de la base de données est que, celle-ci devant servir au pouvoir judiciaire, il fallait tenir compte du principe de séparation des pouvoirs.

Dès lors, dans la composition et l'articulation des comités, il existe certaines dérogations par rapport aux règles habituelles.

Ainsi, le comité de gestion sera composé paritairement de membres de l'ordre judiciaire et de personnes qui n'en font pas partie.

Contrairement à l'usage, il n'aura pas de compétence décisionnelle quant à l'accès individuel d'une personne au contenu des dossiers. En effet, les règles d'accès aux dossiers sont déjà contenues dans les diverses lois de procédure.

Le comité de surveillance sera, quant à lui, majoritairement composé de magistrats.

Le projet de loi a été soumis pour avis à la Commission de la protection de la vie privée. Celle-ci a rendu, le 4 octobre 2004, un avis très circonstancié, dans lequel elle émettait deux souhaits particuliers.

Le premier concernait une meilleure définition des finalités de la banque de données, tout en permettant au Roi, conformément à la loi sur la protection de la vie privée, de préciser les modalités pratiques de ces finalités, toujours sous le contrôle de la Commission de la protection de la vie privée.

Le second point concernait le comité de surveillance, initialement conçu comme un organe tout à fait indépendant.

La Commission a souhaité qu'il soit intégré en son sein et en devienne un comité sectoriel.

Le projet a été modifié pour tenir compte de ces recommandations.

Enfin, en ce qui concerne l'urgence sollicitée par le gouvernement, la ministre précise que plusieurs arrêtés d'exécution seront nécessaires pour compléter le cadre normatif de la banque de données.

Or, ces arrêtés doivent être pris sur proposition du comité de gestion, après avis du comité de surveillance, et ces organes doivent précisément être institués par le projet à l'examen.

III. DISCUSSION GÉNÉRALE

Mme de T' Serclaes se réjouit que le projet à l'examen, dont il est question depuis longtemps déjà, soit en voie de concrétisation.

L'intervenante aimerait savoir si l'on peut préciser quand le système sera véritablement opérationnel dans les cours et tribunaux, au-delà des projets pilotes en cours ou à prévoir.

Elle demande également comment, s'agissant de données judiciaires, c'est-à-dire sensibles, la loi sur la protection de la vie privée s'appliquera aux fichiers que l'on va créer.

Le projet à l'examen décrit les finalités et met sur pied des comités de surveillance, mais n'est guère explicite sur l'application de cette loi.

Qu'en est-il par ailleurs des sanctions éventuelles à l'égard de membres de l'ordre judiciaire qui auraient accès à ce système et détourneraient la finalité des éléments qu'il contient ?

L'article 8 prévoit que « les membres de l'ordre judiciaire y accèdent uniquement afin d'exercer leur tâche professionnelle ».

L'intervenante pense que ce libellé extrêmement large risque de donner lieu à des discussions sans fin et de rendre très difficile toute sanction d'une utilisation abusive de données.

Que vise-t-on exactement ? Un magistrat qui serait également professeur d'université pourrait-il avoir accès aux données en question et s'en servir dans le cadre de sa fonction académique ?

Comment va-t-on s'assurer de la confidentialité du système et éviter, notamment, que des utilisateurs indélicats ne se servent de clés d'accès appartenant à d'autres personnes ?

Le projet de loi ne répond pas aux préoccupation de l'intervenante sur ce point.

Mme Nyssens s'interroge sur les conséquences du projet de loi à l'examen pour le justiciable.

Le but du projet est-il essentiellement de favoriser la communication interne à l'ordre judiciaire, ou le volet « communication externe » est-il suffisamment développé pour permettre à toute personne quelconque d'avoir accès à certaines données ?

Ainsi, il y aura désormais un rôle national avec, on le suppose, des numéros de dossiers. Un justiciable pourra-t-il avoir un accès direct, par exemple, au numéro de l'affaire, et si oui, dans quelles conditions ?

Quel sera le coût éventuel de cette communication ?

L'accès direct du justiciable sera-t-il possible, ou devra-t-il passer par un avocat ?

Quel est le montant du budget inscrit au SPF Justice pour la mise en œuvre du projet ?

Cette mise en œuvre est-elle prévue par phases ?

L'intervenante se demande également si le projet de loi a des répercussions sur les huissiers de justice.

En outre, elle souhaite savoir si les communes ont encore un rôle à jouer en matière de casier judiciaire, et si le projet à l'examen a des répercussions sur le coût d'équipement des communes.

Elle constate par ailleurs que la durée de conservation des données visées par le projet sera déterminée par le Roi.

Si l'on a trop souvent recours à ce genre de délégation, il est cependant des cas où le législateur a voulu définir lui-même la durée de conservation de données sensibles, afin de garantir les droits des personnes concernées.

Y a-t-il déjà un arrêté prêt ou en préparation, et quelle est la durée de conservation envisagée ?

Enfin, le comité des utilisateurs mis sur pied par le projet a-t-il pour but essentiel de surveiller l'application de la loi ou d'inviter les acteurs à utiliser le système ?

Mme Laloy se rallie à la question de la précédente oratrice, en ce qui concerne le budget prévu au SPF Justice pour la création et le fonctionnement de Phenix, visés à l'article 2.

M. Willems souligne que le texte à l'examen est la traduction législative d'un projet qui a été lancé il y a plusieurs années. Au cours des 10 à 15 dernières années, on a pu constater une évolution considérable sur le plan de l'organisation des greffes et des tribunaux; dans la foulée de cette évolution, il importe évidemment de créer un cadre législatif et de consentir les efforts budgétaires qui s'imposent. À l'heure d'aborder la phase d'exécution du projet Phenix, il paraît important, selon l'intervenant, que les pouvoirs publics mettent tout en œuvre pour que la concurrence puisse jouer pleinement; on ne peut être dépendant, pour l'exécution de ce projet, d'un partenaire privé déterminé. Il faudra également veiller à garantir la protection de la vie privée. Il est impératif de savoir clairement quelles sont les données qui doivent être protégées et celles qui peuvent être publiées par le biais de banques de données externes.

Mme Durant demande si le projet à l'examen permettra, à terme, de mettre en œuvre la loi sur le permis à points. En effet, l'absence d'informatisation et de lien informatique entre les parquets, ainsi que l'absence de lien informatique entre les parquets et les communes ont toujours été invoquées pour justifier l'impossibilité de cette mise en œuvre.

L'échange d'informations avec les communes s'en trouvera-t-il amélioré, et sera-t-il possible, dès lors, de prendre les arrêtés d'exécution de la loi précitée, adoptée en 1991 ?

M. Hugo Vandenberghe renvoie à la conférence de presse donnée par le secrétaire d'État Van Velthoven le 27 novembre 2004, lors de laquelle celui-ci avait annoncé que le traitement des infractions de roulage et des accidents de la circulation serait entièrement informatisé pour la fin 2005. Le secrétaire d'État avait évoqué à cette occasion le projet-pilote Phenix, dont le lancement était prévu au printemps 2005. Il ressort des discussions à la Chambre qu'aucun projet-pilote n'avait encore démarré au moment de l'adoption du projet au sein de cette assemblée et que les tribunaux de police devaient lancer le projet pour la fin avril 2005. Qu'en est-il exactement ?

L'orateur retrace le long calvaire du projet, qui est à l'ordre du jour depuis plus de quatre ans. Le ministre de la Justice de l'époque avait fait savoir en 2001 que le projet démarrerait le 1er janvier 2002, avec une phase d'analyse de 9 mois, et que sa mise en œuvre durerait quatre ans. Mais des difficultés ont systématiquement entravé la réalisation du projet Phenix. Dans un premier temps, les justices de paix ont été équipées par la firme Unisys. Au milieu de l'année dernière, la ministre de la Justice a décidé de confier l'informatisation de ces juridictions à une autre société, mais Unisys a refusé de communiquer à la firme concurrente le savoir-faire accumulé, ce qui a retardé l'avancement du projet. Dans le rapport de la Chambre, on peut lire qu'Unisys s'est proposé pour poursuivre gratuitement l'informatisation. Où en est à présent l'informatisation des justices de paix ?

L'intervenant aimerait également savoir où en est l'affaire Dolmen. À la suite de l'annulation du marché qui lui avait été attribué, la firme Dolmen a intenté des actions en vue de faire condamner l'État belge à des dommages et intérêts considérables.

En ce qui concerne le projet de loi en discussion, l'intervenant relève que le législateur est mis hors-jeu dans certaines matières délicates, comme la protection de la vie privée.

En effet, le projet confère au Roi une délégation de pouvoir très étendue. L'orateur se réfère à cet égard au deuxième alinéa de l'article 4, qui dispose: « Le Roi détermine en outre, sur proposition du comité de gestion et après avis du comité de surveillance, les données reprises dans ce répertoire, les modalités de collecte de données, leur durée de conservation, les règles de pérennité des données ainsi que les modalités d'accès et d'authentification d'accès. »

La compétence du parlement est ainsi vidée de sa substance, alors que le contrôle des droits fondamentaux est l'une de ses missions essentielles. Ce contrôle des droits fondamentaux est ici déplacé vers divers comités institués par le pouvoir exécutif, ce qui est contraire aux conventions de 1981 du Conseil de l'Europe sur la protection de la vie privée et le traitement des données.

L'article 5, alinéas 2 et 3, et l'article 6, alinéa 2, font référence au Code judiciaire et au Code d'instruction criminelle. Ne faudrait-il pas modifier ces codes si l'on souhaite rendre le système opérationnel ?

L'article 6 prévoit l'attribution d'un numéro d'inscription au rôle national pour toutes les affaires qui sont portées devant l'ordre judiciaire. Les articles 7 et suivants concernent la création d'une banque de données de jurisprudence. La banque de données de jurisprudence interne n'est même pas accessible au pouvoir législatif. Il semble pourtant logique que celui-ci, en tant que gardien de la vie privée, puisse prendre connaissance de l'état de la jurisprudence, dans le cadre de l'élaboration d'une bonne législation et de sa prérogative de contrôle du ministre de la Justice. Dans cet ordre d'idées, les tribunaux, les cours d'appel et la Cour de cassation doivent aussi publier un rapport annuel pour informer le parlement de l'évolution de la situation.

En outre, les décisions juridiques peuvent contenir des données particulièrement sensibles, concernant par exemple les convictions philosophiques, politiques ou intellectuelles, ou encore des données relatives à une pathologie. Cela pose un problème particulier de protection de la vie privée, qui est réglé par des conventions internationales.

Selon la convention de Strasbourg de 1981, les informations particulièrement sensibles ne se prêtent pas au stockage dans une banque de données. L'intervenant renvoie également aux décisions des juges de la jeunesse, à propos desquelles il se demande comment elles seront intégrées dans la banque de données.

L'informatisation en tant qu'objectif est une bonne chose, mais il faut y apporter des nuances et veiller à ce que les droits fondamentaux soient garantis. C'est au parlement qu'il incombe de s'assurer que le respect des droits fondamentaux est bien garanti. Dans des matières aussi essentielles au fonctionnement des libertés, on ne peut pas accorder de délégation au Roi.

L'intervenant formule ensuite une remarque technique concernant l'article 15, sur laquelle il reviendra au cours de la discussion des articles (cf. infra).

M. Willems souhaite ajouter qu'on a fait de grands progrès sur le plan de l'organisation des greffes, des cours et des tribunaux depuis que l'informatisation est en marche. Il est évident que cette évolution soulève des questions en ce qui concerne la protection de la vie privée, mais c'est vrai aussi pour d'autres situations existantes. L'intervenant pense par exemple aux informations qu'on peut consulter sur le website du Conseil d'État, où sont publiés des arrêts du Conseil mentionnant notamment toutes les données d'identité des personnes concernées. Tout le monde peut consulter ce site librement et cette diffusion d'informations n'est régie par aucune disposition légale. Dans le monde bancaire également, de nombreuses informations sont stockées dans des banques de données, dont le contrôle n'est pas assuré par le parlement, mais par la Commission bancaire et financière.

L'intervenant constate en outre que de très nombreuses informations sont diffusées par les médias. Comment ceux-ci en sont-ils informés si rapidement (parfois même avant les intéressés) ?

Lorsqu'on réglemente l'accès à des banques de données, on ne doit donc jamais oublier que des facteurs humains sont également en jeu.

Mme Nyssens demande si le système en projet s'appliquera à l'ensemble des litiges, ou si certaines affaires comportant des données plus sensibles y échapperont.

D'autre part, y a-t-il un moyen d'exception permettant de refuser que certaines décisions apparaissent ?

M. Hugo Vandenberghe évoque, à titre d'exemple, la loi qui interdit la publicité relative à une clause de divorce. Comment traduit-on cette interdiction lorsqu'il s'agit de stocker des informations juridiques dans une banque de données ? Un stockage linéaire de décisions juridiques soulève incontestablement d'autres problèmes qu'une simple consultation manuelle.

Plus l'information est sensible, plus les garanties devront être pointues. L'intervenant estime que les règles linéaires définies dans le projet permettent difficilement de se faire une idée des garanties octroyées. Il ne faut pas oublier que des obligations internationales doivent être respectées en la matière.

M. Alain Bourlet, président du comité de direction du SPF Justice, répond comme suit aux questions relatives au calendrier de mise en œuvre de la loi, aux implications budgétaires, et aux incidents judiciaires qui ont entravé de façon plus ou moins importante l'opérationnalité du projet Phenix.

En ce qui concerne le calendrier, il est prévu que l'ensemble du système sera opérationnel à la fin de l'année 2007. Actuellement, tant au niveau du SPF Justice et du consultant Unisys qu'à celui du parquet de police de Turnhout, on teste la première application, qui est celle des juridictions de base, c'est-à-dire l'application « parquets de police ».

Cette application devra très probablement faire l'objet d'un certain nombre de corrections. Cette procédure permettra d'éviter des incidents comme ceux que l'on a connus lors du lancement de la banque-carrefour des entreprises où, en l'absence de tests suffisants, on a lancé sur le marché un produit informatique insuffisamment stabilisé. Il a fallu un an pour résoudre les difficultés qui s'en sont suivies.

Le produit commandé à Unisys ne sera accepté que lorsqu'on disposera de toutes les garanties sur la fiabilité de ce produit.

Cela pourrait éventuellement entraîner un léger retard en ce qui concerne l'application pour les justices de paix et les tribunaux de police, mais ne devrait pas retarder le reload général pour l'ensemble de l'ordre judiciaire.

Unisys est d'ailleurs en train de renforcer considérablement son équipe, afin de présenter dans les conditions et les délais voulus un délivrable parfaitement acceptable.

En ce qui concerne les budgets, l'intervenant renvoie aux documents communiqués à la commission de la Justice de la Chambre, qui contiennent l'ensemble des engagements et des ordonnancements Phenix par rapport à l'ensemble des commandes informatiques de l'ordre judiciaire pour les années 2001 à 2005, et au-delà en ce qui concerne les engagements.

Les premiers engagements ont eu lieu en 2001. Il s'agissait de l'engagement sur l'analyse fonctionnelle (document de base de l'opération Phenix). La partie payée par la fonction publique est de 2/3, le 1/3 restant étant assumé par la justice.

On a donc engagé et ordonnancé l'analyse fonctionnelle, qui a été réceptionnée et acceptée moyennant certaines observations, ainsi qu'une partie du framework et de l'analyse technique, qui a également été ordonnancée et payée.

Des bons de commande ont été passés en ce qui concerne l'application « parquets et tribunaux de police ».

L'ordonnancement de cet engagement ne se fera que lorsque le délivrable délivré par le consultant Unisys aura été définitivement accepté.

On a également lancé en engagement la première partie des tribunaux de première instance et des cours d'appel, et engagé la reprise de données en ce qui concerne les tribunaux et parquets de police.

Ces derniers sont actuellement gérés par une application Mammouth, de sorte que la transition vers l'application Phenix doit être effectuée.

Pour le surplus, aucun bon de commande n'a été signé vis-à-vis d'Unisys. Cela ne sera fait que lorsqu'on se sera assuré que le premier délivrable (c'est-à-dire celui relatif aux parquets et tribunaux de police, y compris dans les applications civiles, et celui relatif aux justices de paix) donne entière satisfaction.

En ce qui concerne les différents incidents qui ont émaillé le déroulement de la procédure du marché public « Phenix », et tout d'abord l'upgrading de l'application actuelle Mammouth gérée par la société Axylis, la ministre a effectivement reçu l'autorisation requise, mais elle n'a pas passé le bon de commande, car Unisys s'est engagée à réaliser, dans les délais voulus et aux conditions imposées, l'application « justices de paix ».

Quant au différend avec la société Dolmen, bénéficiaire du premier marché hardware et software conclu par le précédent ministre de la Justice, la ministre a estimé que les conditions dans lesquelles le marché avait été passé étaient sujettes à discussion.

Elle a obtenu de la part du Conseil des ministres l'autorisation d'annuler ce marché. Un nouveau cahier des charges a été lancé, qui a fait l'objet d'un certain nombre de réponses, actuellement à l'examen. Un discussion devrait intervenir à la fin du mois de mai ou au début du mois de juin.

Il n'y a eu aucun recours contre ce nouveau cahier de charges.

Le contentieux du SPF Justice avec la société Dolmen est actuellement aux mains des avocats.

Le projet à l'examen est beaucoup plus complexe qu'une simple informatisation des cours et tribunaux pour organiser, par exemple, les audiences.

Il s'agit d'une véritable révolution culturelle, qui va entraîner un vrai changement de mentalité et une modification complète des conditions de travail des cours et tribunaux.

Une série de formations sont en cours au SPF Justice, qui sont destinées aux opérateurs, c'est-à-dire les employés des cours et tribunaux et des parquets, et les magistrats.

Cette révolution culturelle demandera un certain temps pour être réalisée dans les meilleures conditions.

La ministre dit comprendre les craintes formulées quant aux risques que le projet en discussion pourrait présenter pour le respect de la vie privée.

On a repris la structure de la loi du 8 décembre 1992, ainsi que celle de la Convention 108, et même de la directive 95/46.

Le principe phare, en ce qui concerne la protection des données, est le principe de finalité. Celle-ci doit être aussi précise que possible.

C'est pourquoi le projet détermine six finalités qui, à la demande de la Commission de la protection de la vie privée, ont encore été précisées davantage. Ainsi, à l'origine, le projet déterminait une finalité de jurisprudence.

La Commission de la protection de la vie privée a souhaité que l'on distingue la jurisprudence à usage externe de celle à usage interne.

Le projet a dès lors été intégralement revu, pour préciser davantage ses finalités. Il comporte désormais deux articles distincts, dont l'un (article 8) concerne la jurisprudence interne, à laquelle les magistrats ont accès uniquement en vue d'exercer leur tâche professionnelle, et l'autre (article 9) la jurisprudence externe, où les décisions seront en principe anonymisées (sauf si un arrêté royal pris sur avis du comité de surveillance, et dont la Commission de la protection de la vie privée peut connaître, autorise une dérogation).

Tant les finalités que les catégories de données sont clairement définies.

L'article 8 dispose que le texte intégral de toutes les décisions d'une juridiction n'est accessible qu'aux seuls membres de cette juridiction, et ce à des fins exclusivement professionnelles.

En outre, le Code judiciaire et le Code d'instruction criminelle contiennent déjà des dispositions relatives aux garanties et à la question de savoir qui a accès à quelles données (par exemple en ce qui concerne l'accès de l'avocat au dossier répressif).

M. Hugo Vandenberghe se réfère à l'article 5, alinéa 2, qui dispose que les données traitées dans les dossiers judiciaires, les circonstances du traitement et la durée de conservation sont déterminées par le Code judiciaire et le Code d'instruction criminelle. Où ces éléments sont-ils déterminés exactement ?

La ministre répond que le délai de conservation d'un dossier judiciaire est généralement fixé à 30 ans.

Elle renvoie à l'avis 11/2004 de la Commission de la protection de la vie privée, point 14, dans lequel la commission elle-même demande un arrêté royal fixant les règles de base relatives aux catégories de données et le délai de conservation.

L'alinéa 2 ne vise rien d'autre qu'à préciser que les règles de fond (données traitées, durée de conservation ...) se trouvent dans le Code judiciaire et les lois de procédure, et que la loi Phenix ne modifie rien sur le fond.

M. Hugo Vandenberghe fait remarquer qu'il est question, à l'article 5, des « données traitées ». Dans quels articles du Code judiciaire ou du Code d'instruction criminelle en est-il question ?

La ministre répond que la terminologie est reprise de la loi sur la protection de la vie privée, qui n'appréhende la notion de protection de la vie privée qu'à travers l'expression « données à caractère personnel ».

M. Hugo Vandenberghe souligne que, selon l'alinéa 2 de l'article 5, tout est réglé par la loi, alors que l'article 3 donne le pouvoir de déroger aux lois.

La ministre répond que les mots « conformément au Code judiciaire, au Code d'instruction criminelle et aux dispositions particulières » indiquent que la délégation au Roi est subordonnée à ces normes. La Commission de la protection de la vie privée est également associée par le biais du comité sectoriel.

On entend ainsi s'assurer qu'il ne s'agit, à l'alinéa 3, que de modalités purement techniques.

M. Hugo Vandenberghe prend l'exemple d'un juge d'instruction saisi d'un dossier pénal. Les autres magistrats du tribunal n'ont pas accès à ce dossier. Si celui-ci est informatisé, quelle garantie a-t-on que seuls le juge d'instruction et le parquet y auront accès ?

La ministre répond que l'accès sera déterminé, en fonction de la personne et du moment, par des clés d'accès, des signatures électroniques dont disposera chacun des acteurs du monde judiciaire.

L'accès sera donc « à géométrie variable », comme c'est le cas actuellement.

Ce sont ces modalités qui seront définies par le Roi, dans le respect du Code judiciaire et du Code d'instruction criminelle.

M. Hugo Vandenberghe estime que le texte manque de clarté en ce qui concerne les personnes ayant accès à la base de données interne, que visent les mots « la juridiction ».

La ministre répond que l'accès n'est autorisé qu'aux membres de la juridiction elle-même (le tribunal de première instance, par exemple).

M. Hugo Vandenberghe s'étonne que la cour d'appel n'ait pas accès aux décisions des tribunaux de son ressort.

La ministre répond que les membres de la cour d'appel n'y ont accès que si un recours a été introduit.

M. Hugo Vandenberghe cite l'exemple d'une affaire d'expropriation, dans le cadre de laquelle une des parties a interjeté appel. La cour d'appel peut-elle, dans ce cas, consulter les décisions d'expropriation des divers tribunaux de son ressort et des autres cours d'appel ? Cela pourrait être utile dans l'optique de l'unité de la jurisprudence.

La ministre répond que la cour n'aura pas cette possibilité. Pour ce qui est de l'unité de la jurisprudence, elle renvoie à l'article 9.

Elle rappelle que la distinction entre banque de données de jurisprudence interne et externe a été suggérée par la Commission de la protection de la vie privée.

Cette distinction s'opère en fonction de la finalité poursuivie. La première banque de données a pour but de permettre aux magistrats d'une même juridiction d'assurer une certaine unité de jurisprudence. Dans ce cas, l'accès est autorisé à l'ensemble des décisions rendues par la juridiction, mais est limité aux seuls membres de la juridiction.

La seconde banque de données sera accessible à tous, selon des directives établies par le comité de gestion sur proposition du comité des utilisateurs.

Mme de T' Serclaes demande quel est l'intérêt de limiter à la juridiction elle-même l'accès à la jurisprudence interne.

La ministre répond que le principe qui sous-tend cette limitation est que l'on ne doit pas avoir connaissance des informations qu'il n'est pas utile de connaître.

Il n'est pas utile que la cour d'appel de Liège connaisse de la totalité des données personnelles figurant dans un dossier ayant abouti à une condamnation prononcée à Gand, sauf via le casier judiciaire central.

M. Hugo Vandenberghe fait remarquer que le fait de devoir passer par la banque de données de jurisprudence externe pour faire, par exemple, une étude de jurisprudence sur un thème donné, rend tributaire du choix opéré par celui qui alimente cette banque de données.

M. Willems fait valoir que le système d'information Phenix ne peut pas accorder davantage de droits que ceux admis par le Code d'instruction criminelle ou le Code judiciaire. Pour déterminer dans quelle mesure la cour d'appel peut consulter tous les jugements rendus dans son ressort, il faut par conséquent voir comment cette question est réglée aujourd'hui. Actuellement, ce sont souvent les avocats qui remettent un certain nombre de jugements à la cour dans le cadre de leurs plaidoiries. Les magistrats se réunissent probablement aussi de manière informelle. L'usage du droit d'accès au système informatique doit être parfaitement conforme à ce que prévoit actuellement le Code judiciaire.

M. Hugo Vandenberghe estime qu'on règle plusieurs hypothèses d'accès en une seule disposition. Il y a, d'une part, l'informatisation du dossier répressif et, d'autre part, l'informatisation de toutes les décisions juridiques. Toutes les décisions juridiques se trouvent dans la banque de données interne; pour la banque de données externe, on sélectionne certaines décisions. L'intervenant s'inquiète surtout du manque de garanties juridiques particulières destinées à protéger les informations sensibles, conformément à l'article 6 de la Convention européenne.

M. Willems souligne qu'on a déjà accès actuellement à toute une série d'informations (par exemple Judat, ...) et à la jurisprudence pertinente.

M. Hugo Vandenberghe objecte que cet accès ne s'applique pas aux informations sensibles à caractère personnel.

Mme Nyssens demande si le principe d'anonymisation vaut tant pour la communication interne qu'externe, ou s'il est limité à la seconde.

La ministre répond que l'anonymisation ne vaut que pour la communication externe.

Mme de T' Serclaes cite l'exemple de personnes poursuivies pour traite des êtres humains dans plusieurs arrondissements judiciaires.

Si l'accès à la banque de données est limité aux membres d'une même juridiction, on retombera dans le travers, souvent dénoncé dans le passé, d'une absence de vision globale du problème.

Le projet n'apportera pas d'amélioration sur ce point, même si l'on peut comprendre la prudence dont on fait preuve pour l'accès à des données sensibles.

La ministre répond que c'est le parquet qui, en règle générale, a la gestion de la politique criminelle.

Un dossier concernant plusieurs arrondissement relèvera du parquet fédéral.

Le projet de loi ne change rien aux règles de procédure pénale habituelle.

La ministre souligne en outre que, comme l'a relevé le Conseil d'État, le casier judiciaire remplit une fonction distincte et n'interfère pas avec la banque de données de jurisprudence.

Par ailleurs, au regard de la protection de la vie privée, on peut considérer la banque de données de jurisprudence interne comme un compromis tendant à ne pas assurer une diffusion trop large de toutes les décisions judiciaires, tout en assurant un certain degré de cohérence de la jurisprudence au sein des juridictions, sachant que l'on disposera à l'avenir de la banque de données de jurisprudence externe, qui sera encore plus riche que ce que l'on a pu connaître jusqu'ici.

Globalement, on obtiendra ainsi un soutien logistique en matière de jurisprudence qui sera sans commune mesure avec ce dont on dispose aujourd'hui.

M. Hugo Vandenberghe se dit opposé à la délégation de pouvoir qui est faite au Roi en ce qui concerne les points névralgiques. L'intervenant fait référence, par exemple, à l'alinéa 2 de l'article 9.

La ministre répond que c'est par souci d'assurer la protection de la vie privée que l'article 5 prévoit que le comité de surveillance rendra systématiquement un avis lors de la prise d'un arrêté royal ou de sa modification ultérieure.

C'est là une des modifications essentielles apportées au projet après son passage à la Commission de la protection de la vie privée.

Mme de T' Serclaes demande si la Commission de la protection de la vie privée joue le rôle d'organe de plaintes pour les informations conservées dans la banque de données Phenix.

La ministre renvoie aux missions du Comité de surveillance telles qu'elles sont définies à l'article 24 du projet. L'alinéa 3 de cet article précise que le Comité de surveillance examine les plaintes et les demandes relatives au système d'information Phenix, sans préjudice de toute action devant les tribunaux.

Elle rappelle que le comité de surveillance est composé de manière paritaire, à savoir de trois membres issus de la Commission de la protection de la vie privée et de trois membres externes.

D'autre part, l'article 24, § 2, permet à deux membres du comité de surveillance de suspendre l'examen d'un dossier pour le soumettre à la Commission de la protection de la vie privée.

Mme de T' Serclaes fait remarquer que la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée a mis en place un système de plaintes qui peuvent être déposées auprès de la Commission de la vie privée. Tout citoyen qui considère que le maître d'un fichier ne respecte pas la loi peut porter plainte auprès de la Commission de la vie privée. Cette procédure est-elle applicable par rapport au maître du fichier Phenix ?

L'intervenante se demande par ailleurs qui sera considéré comme le maître du fichier: le SPF Justice ou la juridiction concernée ?

En ce qui concerne la plainte, la ministre répond que la loi ne change pas. La loi du 8 décembre 1992 reste complètement d'application. À l'heure actuelle, lorsque la Commission de la protection de la vie privée reçoit une plainte, elle descend sur place et corrige les données en accord avec les services concernés. Elle avise ensuite le plaignant que les vérifications ont été faites.

Lorsque le projet à l'examen sera en vigueur, la Commission de la protection de la vie privée, lorsqu'elle réceptionnera une plainte relative au système Phenix, la transmettra au comité sectoriel. Si elle considère que la question est transversale ou d'une trop grande importance, la Commission de la protection de la vie privée s'en saisira pleinement. L'esprit de la loi de 1992 est préservé mais les plaintes sont transférées à un comité spécialisé.

À la question relative au responsable du traitement, l'intervenante admet que la loi est muette à ce sujet. Dans les faits, c'est l'État belge, en la personne du ministre de la Justice, qui sera le responsable.

En ce qui concerne les sanctions, la ministre précise que l'article 39 de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée est intégralement d'application.

Pour ce qui concerne l'article 6 de la convention 108, les garanties particulières découlent du fait que personne n'a un droit d'accès aux données sans une autorisation spécifique accordée par le comité de gestion sur la base des dispositions du Code judiciaire et du Code d'instruction criminelle. L'intervenante renvoie pour le surplus à l'article 19 du projet, qui prévoit que le comité de gestion élabore un mécanisme de contrôle particulier. Les mesures de sécurité proposées sont celles admises au niveau international, établies par Schengen 3 et par le Conseil de l'Europe.

M. Hugo Vandenberghe demande des éclaircissements concernant la commercialisation des informations provenant des banques de données. La base de données externe contiendra une sélection de jurisprudence consultable par tous. Les magistrats ont toutefois accès à la base de données interne. Qu'en est-il des magistrats auteurs de publications ?

Les magistrats qui ont accès à la banque de données d'une juridiction peuvent de la sorte avoir connaissance de décisions qui ne sont pas accessibles aux autres personnes. Peuvent-ils utiliser ces données internes pour l'élaboration de leurs jugements ? Si tel est le cas, il y a une violation des droits de la défense car l'avocat a le droit de connaître toutes les décisions que le juge utilise explicitement ou implicitement. Il faut respecter l'égalité des parties et il n'est pas admissible que le juge ait connaissance de données qui ne sont pas accessibles aux parties. L'avocat peut-il lui aussi obtenir accès à la banque de données interne dès lors que le juge utilise celle-ci ?

Une autre question se pose sur le plan de la commercialisation des données internes. Le magistrat peut-il les utiliser pour la rédaction de publications juridiques ?

Par ailleurs, le projet de loi est muet quant aux modalités d'accès à la banque de données externe. L'accès sera-t-il payant ? Qui détient la propriété intellectuelle de la banque de données ?

L'orateur estime que les gestionnaires du système d'information Phenix vont réaliser un travail intellectuel important pour l'élaboration de la banque de données de jurisprudence (sélection des décisions, tri ...). Le fruit de ce travail pourra-t-il être exploité commercialement par des tiers ?

La ministre renvoie à l'article 8, alinéa 3, qui dispose que les membres de l'ordre judiciaire accèdent uniquement à la banque de données interne afin d'exercer leur tâche professionnelle, donc en tant que juges. En revanche, la banque de données externe peut bien en entendu être utilisée librement.

En réponse à la question sur la rémunération de l'accès aux données externes, la ministre pense que le système ne changera pas par rapport à ce qui existe à l'heure actuelle. En effet, une banque de données de jurisprudence existe déjà. Elle est accessible au public par Internet, de manière gratuite.

Mme Nyssens fait remarquer qu'il existe des abonnements à des services tels que Judith, qui sont généralement fort onéreux.

La ministre répond que la banque de données externe visée dans le projet de loi sera gratuite et publique. Cela n'a rien à voir avec d'autres produits commerciaux qui existent sur le marché.

M. Hugo Vandenberghe estime que le projet à l'examen conduira à une production beaucoup plus abondante de décisions juridiques. À l'heure actuelle, seul un nombre limité de décisions sont publiées. Le projet de loi à l'examen représentera un important bond en avant, sur le plan tant quantitatif que qualitatif, dans la diffusion des décisions juridiques. L'intervenant se demande si ce travail intellectuel des pouvoirs publics ne sera pas utilisé par des tiers à des fins commerciales.

M. Willems constate qu'une grande quantité d'informations existe déjà aujourd'hui sous forme électronique. Dans le domaine de la législation, par exemple, il y a la législation consolidée du SPF Justice, qui est accessible tout à fait gratuitement.

L'intervenant considère qu'il faut aussi vérifier dans quelle mesure les informations de la banque de données interne peuvent peser dans la décision du juge, car le justiciable n'y a pas accès.

M. Hugo Vandenberghe fait remarquer qu'il peut exister une nette différence entre la jurisprudence publiée et la réalité de la jurisprudence dominante sur le terrain. En effet, les revues opèrent des sélections par rapport à des critères qui leur sont propres et les décisions qu'elles publient ne reflètent pas toujours la jurisprudence dominante. Ainsi, le Bulletin des assurances a plutôt tendance à publier les décisions favorables aux compagnies d'assurances.

Le projet de loi aura pour conséquence que le juge aura accès à une source qui n'est pas accessible aux plaideurs, alors qu'elle peut jouer un rôle déterminant lors de l'élaboration du jugement.

En principe, le juge doit trancher le litige en se basant sur les dossiers des parties, mais pas sur des éléments externes dont elles n'ont pas connaissance.

La ministre précise qu'une situation comparable existe déjà à l'heure actuelle. Au sein d'une juridiction, il peut y avoir une jurisprudence tout à fait établie dans certaines matières. Les décisions rendues par cette juridiction, bien qu'elles s'inscrivent dans la lignée de cette jurisprudence, ne se réfèrent généralement pas aux décisions antérieures dont elles s'inspirent.

Par contre, il est évident que si le juge cite des décisions qui ne sont pas publiées dans la banque de données externe, la personne qui souhaite contester la décision doit en disposer pour que l'égalité des armes soit respectée.

IV. DISCUSSION DES ARTICLES

Article 15

Mme de T' Serclaes constate que le § 2, alinéa 3 prévoit que le président et le vice-président du comité de gestion sont choisis parmi des personnes offrant toutes garanties d'indépendance et possédant des compétences notoires dans la connaissance du droit et de la gestion de l'information.

Cette disposition est imprécise. Ne serait-il pas plus clair de prévoir une exigence de diplôme ? Par ailleurs, aucune sanction n'est prévue.

La ministre répond que la disposition est inspirée de l'article 24, § 4, de la loi du 8 décembre 1992 sur la protection de la vie privée. Elle reconnaît qu'aucune sanction n'est prévue. L'article 15 donne cependant des lignes directrices pour le Conseil des ministres.

Mme de T' Serclaes pense que le pouvoir exécutif reste totalement libre de faire ce qu'il veut de ce type de directives.

La ministre constate que la disposition de la loi sur la protection de la vie privée, qui a servi de base à la rédaction de l'article 15, § 2, du projet, n'a jamais suscité d'opposition. L'idée est d'adopter pour le système d'information Phenix un régime calqué sur celui de la loi sur la protection de la vie privée.

En ce qui concerne la sanction, M. Hugo Vandenberghe précise que le recours du droit commun est possible.

La ministre confirme que le Conseil des ministres doit motiver sa décision en se basant sur les critères définis dans la loi et sa décision pourra éventuellement être sanctionnée par le Conseil d'État.

M. Hugo Vandenberghe se réfère au § 8 de cet article, qui est libellé dans les termes suivants:

« Le président, le vice-président et les membres sont tenus par le secret professionnel en ce qui concerne les informations nominatives dont ils ont connaissance dans le cadre de leur fonction. »

Cette disposition ne devrait-elle pas s'appliquer également au président et au vice-président du comité d'utilisateurs, qui, aux termes du § 7 de l'article en discussion, siègent au comité de gestion avec voix consultative ?

Ou bien sont-ils considérés comme des membres, ce qui signifie que la disposition leur est applicable en tout état de cause ? Mais dans ce cas, toutes les dispositions où il est question des « membres » ne s'appliquent-elles pas automatiquement aussi au président et au vice-président du comité des utilisateurs (voir par exemple l'article 15, §§ 9 et 10, et l'article 18) ?

La ministre pense que le président et le vice-président du comité des utilisateurs doivent être considérés comme des membres du comité de gestion pour l'application du secret professionnel. En effet, le président et le vice-président du comité des utilisateurs sont présents lors des réunions du comité de gestion. Ils ont dès lors connaissance, au même titre que les autres membres, des informations nominatives qui sont échangées.

M. Hugo Vandenberghe renvoie aussi au § 9, qui dispose que l'autorité disciplinaire compétente informe le comité de gestion de toute poursuite disciplinaire entamée contre « un de ses membres ».

Cela vaut-il également pour le président et le vice-président du comité de gestion ? Manifestement pas, car ils ne sont pas mentionnés expressément dans ce paragraphe, à l'inverse d'autres paragraphes. Le § 8, par exemple, précise expressément que cette disposition s'applique au « président, au vice-président et aux membres ».

La ministre répond que le président et le vice-président font partie des membres et sont dès lors visés au § 9.

Article 24

Mme Laloy et M. Cornil déposent l'amendement nº 1 (doc. Sénat nº 3-1163/2) visant à supprimer, aux §§ 2 et 3 de l'article 24, la référence qui y est faite à la future loi relative à la procédure par voie électronique.

Mme Laloy précise que le projet de loi relative à la procédure par voie électronique est actuellement pendant à la Chambre des représentants. Pour ne pas retarder la mise en place du dispositif institutionnel lié au système d'information Phenix, elle propose de supprimer la référence faite à la future loi relative à la procédure par voie électronique.

Mme Nyssens demande des précisions quant à la portée de l'amendement. Quelle est l'objectif visé ? Pourquoi les auteurs du projet avaient-ils estimé nécessaire d'opérer les renvois que l'amendement propose de supprimer ?

La ministre répond que le projet de loi Phenix et le projet sur la procédure par voie électronique ont été développé en même temps. Il y a des renvois croisés dans les deux projets car on avait pensé, au départ, qu'ils suivraient un parcours parlementaire parallèle. Cependant, à la suite de l'avis du Conseil d'État, le projet sur la procédure électronique a pris quelque retard. Afin de ne pas paralyser l'entrée en vigueur du projet Phenix, il est proposé de supprimer la référence qui y est faite à la future loi sur la procédure par voie électronique. Cette référence sera réintroduite par voie d'amendement lors des discussions du projet de loi relative à la procédure électronique.

Article 27

Mme de T' Serclaes constate que l'alinéa 5 prévoit que « le comité d'utilisateurs tient compte d'une participation la plus équilibrée possible sur le plan fonctionnel, géographique et du genre ».

Une telle disposition n'a pas de portée normative. Il n'est pas souhaitable de faire figurer ce qui n'est qu'un vœu pieux dans le dispositif de la loi. Ce type de recommandation, qui n'est assortie d'aucune sanction, serait mieux à sa place dans l'exposé des motifs. Si l'on souhaite que les critères de composition du comité des utilisateurs soient formels, il faut modifier le libellé de cet alinéa.

Article 29

Mme Laloy et M. Cornil déposent l'amendement nº 2 (doc. Sénat nº 3-1163/2) visant à supprimer, aux §§ 1er et 2 de l'article 29, la référence qui y est faite à la future loi relative à la procédure par voie électronique.

Mme Laloy renvoie à la discussion de l'article 24.

Article 30

M. Willems demande si le terme néerlandais « saven » correspond exactement au terme français « sauvegarde ».

La ministre pense que le texte proposé résulte d'une observation des services de la Chambre.

Elle fait remarquer que dans l'exposé des motifs, le commentaire du texte néerlandais de l'article utilise le mot « bewaren » (doc. Chambre, nº 51 1645/001, p. 25). Elle propose que la commission apporte une correction technique au texte néerlandais de l'article 30, afin d'assurer une meilleure concordance entre le texte français et le texte néerlandais de la disposition.

M. Willems pense que le terme « saven » porte sur l'enregistrement de données, mais que le terme « sauvegarde » est plus vaste et qu'il englobe aussi un élément de contrôle et de conservation. Le terme néerlandais « bewaren » lui semble plus adéquat.

La commission marque son accord sur cette correction de texte. Dans le texte néerlandais, le mot « saven » est donc remplacé par le mot « bewaren ».

V. VOTES

Article 24

L'amendement nº 1 est adopté par 8 voix et 1 abstention.

Article 27

L'amendement nº 2 est adopté 8 voix et 1 abstention.

VI. VOTE FINAL

L'ensemble du projet de loi amendé a été adopté par 7 voix et 2 abstentions.

Confiance a été faite au rapporteur pour la rédaction du présent rapport.

VII. CORRECTION DE TEXTE

Dans le texte néerlandais de l'article 30, le mot « saven » est remplacé par le mot « bewaren ».

Le rapporteur, Le président,
Luc WILLEMS. Hugo VANDENBERGHE.