3-1123/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2004-2005

13 AVRIL 2005


Proposition de loi visant à supprimer l'alinéa 2 de l'article 9, § 2, de la loi du 11 mai 2003 relative à la recherche sur les embryons in vitro

(Déposée par Mmes Jacinta De Roeck et Christine Defraigne, M. Philippe Mahoux et Mme Annemie Van de Casteele)


DÉVELOPPEMENTS


Le 2 avril 2003, la Chambre des représentants adoptait, à la suite du Sénat, la loi relative à la recherche sur les embryons. Près de deux ans plus tard, force est de constater que cette loi, saluée à l'époque comme un exemple de référence pour l'Europe, est restée lettre morte.

Pour que la loi sur les embryons puisse être appliquée concrètement, il faut en effet attendre l'installation de la Commission fédérale pour la recherche médicale et scientifique sur les embryons in vitro. Et c'est là que le bât blesse: l'appel aux candidats souhaitant devenir membres de cette commission, publié au Moniteur belge du 18 février 2004, n'a pas rencontré un écho suffisant pour que l'on puisse constituer cette commission comme le prévoit l'article 9, § 2, de la loi précitée. Un deuxième appel a été nécessaire pour obtenir de justesse un nombre de candidats suffisant. Les conditions nécessaires pour pouvoir être nommé membre de la commission fédérale sont très difficiles à réunir. Celle-ci doit compter 14 membres et autant de suppléants possédant les mêmes qualifications que les titulaires. En plus des conditions de diplôme, il faut pouvoir assurer une stricte parité linguistique, une représentation minimale des deux sexes, une représentation équilibrée des différentes tendances idéologiques et philosophiques, et, last but not least, tenir compte de l'incompatibilité avec la qualité de membre du Comité consultatif de bioéthique.

L'accumulation de ces conditions, s'ajoutant à la petite taille des communautés linguistiques de notre pays, a conduit à l'impasse persistante dans laquelle nous nous trouvons actuellement. La loi sur les embryons représentait l'aboutissement équilibré de débats prolongés et approfondis et le fruit d'un large consensus social. Aussi est-il d'autant plus regrettable qu'elle n'ait toujours pas pu être mise à exécution. En outre, cette absence de mise en œuvre laisse le champ libre à des personnes de mauvaise foi, qui ont ainsi le loisir de réaliser des recherches et des expérimentations illicites sur des embryons in vitro.

Il est donc urgent de réexaminer attentivement les conditions à remplir par les candidats pour devenir membres de la Commission fédérale pour la recherche médicale et scientifique sur les embryons in vitro, telles que prévues à l'article 9, § 2.

Il n'y a pas grand-chose à redire à l'obligation de garantir une représentation équilibrée des différentes tendances idéologiques et philosophiques (article 9, § 2, alinéa 3). Il en va de même pour ce qui est de la proportion prescrite entre les hommes et les femmes et de la parité linguistique (article 9, § 2, alinéas 4 et 5).

La composition professionnelle de la commission, par contre, prête davantage à discussion (article 9, § 2, alinéa 1er), comme l'ont montré d'ailleurs les divers amendements jadis déposés en la matière. Il semble pourtant que cette condition ne constitue pas non plus l'écueil principal à une mise en place complète de la commission.

Ce qui l'est, selon nous, en revanche, c'est la condition supplémentaire visant l'incompatibilité avec la qualité de membre du Comité consultatif de bioéthique (article 9, § 2, alinéa 2). Des personnalités de grande valeur se voient privées de ce fait du droit de mettre leur expérience et leur sagesse au service de la Commission fédérale.

Au cours des travaux préparatoires au Sénat, les partisans de cette incompatibilité ont déclaré « qu'il serait néfaste que les mêmes personnes siègent dans deux instances investies de missions différentes ». Déjà à l'époque, on avait répliqué qu'il y aurait « trop peu d'experts dans notre pays pour garantir la composition et le bon fonctionnement de chacune des deux instances ». Sans que l'on ait approfondi autrement la question, l'amendement visant à instaurer l'incompatibilité a néanmoins été adopté par 9 voix et 5 abstentions.

Mais à présent que nous sommes confrontés à l'impossibilité de fait d'appliquer une loi de grande valeur, il est plus que temps de réfléchir sérieusement à cette condition supplémentaire. Ne sommes-nous pas en présence d'une condition certes bien intentionnée, mais impossible à remplir en pratique ? Quel effet négatif la levée de cette incompatibilité pourrait-elle avoir ? Et cet effet en vaut-il la peine par rapport à l'ineffectivité globale de la loi ?

On constate d'ailleurs, curieusement, qu'il n'existe pas d'interdiction comparable dans d'autres domaines éthiques:

— la loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie prévoit en son article 6, § 2, que la qualité de membre de la Commission fédérale de contrôle et d'évaluation n'est incompatible qu'avec le mandat de « membre d'une des assemblées législatives et avec celui de membre du gouvernement fédéral ou d'un gouvernement de communauté ou de région »;

— en matière d'avortement, la loi du 13 août 1990 visant à créer une commission d'évaluation de la loi du 3 avril 1990 relative à l'interruption de grossesse ne contient même aucune disposition d'incompatibilité;

— dans le domaine de l'éthique hospitalière, l'arrêté royal du 12 août 1994 modifiant l'arrêté royal du 23 octobre 1964 fixant les normes auxquelles les hôpitaux et leurs services doivent répondre dispose que « La qualité de membre du comité (entendez le comité local d'éthique hospitalier) est incompatible avec les fonctions suivantes:

• directeur d'hôpital,

• médecin-chef,

• président du Conseil médical,

• chef du département infirmier. »

Ici non plus, il n'est pas question d'incompatibilité avec la qualité de membre du Comité consultatif de bioéthique.

Ne faudrait-il pas, en l'espèce, adopter le même point de vue ?

La composition et le renouvellement de la Commission fédérale par l'intégration de scientifiques et d'éthiciens éminents s'en trouveraient facilités, sans que l'on doive toucher aux équilibres philosophiques caractéristiques de notre pays. Les chercheurs pourront enfin soumettre leurs projets pour approbation à la commission compétente et être fixés sur les limites mises à leurs recherches scientifiques sur les embryons. En fin de compte, ce serait tout bénéfice pour un large éventail de patients.

Jacinta DE ROECK.
Christine DEFRAIGNE.
Philippe MAHOUX.
Annemie VAN de CASTEELE.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'alinéa 2 de l'article 9, § 2, de la loi du 11 mai 2003 relative à la recherche sur les embryons in vitro, est supprimé.

14 février 2005.

Jacinta DE ROECK.
Christine DEFRAIGNE.
Philippe MAHOUX.
Annemie VAN de CASTEELE.