3-1074/3 | 3-1074/3 |
12 AVRIL 2005
I. INTRODUCTION
Le présent projet de loi, qui relève de la procédure bicamérale obligatoire, est issu d'un projet de loi que le gouvernement a déposé initialement à la Chambre des représentants (doc. Chambre, nº 51-1515/1).
Il a été adopté par la Chambre des représentants le 3 mars 2005, par 95 voix contre 15 et 21 abstentions.
Il a été transmis au Sénat le 7 mars 2005.
La commission a examiné le projet de loi au cours de ses réunions des 23 mars et 12 avril 2005.
II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE LA MINISTRE DE LA JUSTICE
Le projet de loi à l'examen est la matérialisation d'un des engagements pris par le gouvernement précédent dans le cadre du protocole nº 249 conclu avec les organisations syndicales représentatives et portant sur la modernisation de la politique du personnel des greffes et des parquets.
L'un des volets de cet accord porte sur l'adaptation des examens linguistiques aux besoins fonctionnels des greffes.
Les organisations syndicales sollicitaient en effet l'adéquation entre l'examen et le grade que l'agent concerné occupe ou souhaite occuper, et ce, par le biais d'examens organisés à des niveaux différents. Le régime proposé pour le personnel des greffes et des parquets s'inspire du régime existant pour les membres de la magistrature.
Le régime actuel prévoit au contraire une exigence linguistique identique, c'est-à-dire la connaissance approfondie pour les greffiers et le personnel administratif des greffes.
Cette connaissance approfondie entraîne une inadéquation des exigences dans les juridictions. La ministre pense, ici, aux juridictions bruxelloises où la connaissance de la langue française et de la langue néerlandaise est exigée.
Ceci se traduit par une pénurie de candidats remplissant les conditions linguistiques de nomination. Cette pénurie a pour conséquence d'obliger l'autorité à procéder au recrutement de personnel contractuel, ce qui entraîne un surcoût budgétaire, et ce en vue de doter lesdites juridictions des ressources humaines nécessaires à leur bon fonctionnement.
Un autre phénomène préjudiciable au bon fonctionnement de la justice est alors constaté: le personnel contractuel engagé qui n'est pas en mesure de remplir les conditions linguistiques de nomination se voit confiné dans l'échelle de traitement la plus basse et lorsque ce personnel devient lauréat d'un concours de recrutement, il n'a d'autre solution, s'il souhaite être « statutarisé », que de postuler un emploi dans une autre juridiction où aucune connaissance linguistique n'est requise.
Cette rotation importante du personnel contractuel met en péril la bonne organisation des greffes des juridictions bilingues. Ce flux est néfaste car c'est l'expérience qui s'en va et les responsables judiciaires sont alors contraints de recommencer tout à zéro.
Le projet de loi à l'examen ne concerne donc que le personnel administratif des greffes et des parquets; cela signifie que, pour les greffiers en chef, greffiers et greffiers adjoints, la connaissance approfondie de l'autre langue reste de mise.
En résumé, les greffiers, quel que soit leur grade, doivent continuer à justifier d'une connaissance écrite passive et active et d'une connaissance orale passive et active de l'autre langue.
Par contre, l'examen pour les rédacteurs et les employés est aligné sur l'examen « light » pour les docteurs et licenciés en droit, à savoir, une connaissance écrite passive et une connaissance orale passive et active de la langue autre que celle qui est justifiée par le certificat d'études.
Autre innovation pour le personnel administratif, l'organisation de l'examen est, à l'instar de ce qui est prévu pour les magistrats, confié au Selor.
Le texte soumis au Conseil d'État n'a pas entraîné de remarques particulières.
Lors des discussions à la Chambre, deux amendements ont été déposés et votés; le premier était une initiative du gouvernement et vise à rencontrer la situation particulière de l'arrondissement d'Eupen dans lequel la langue de la procédure est l'allemand. Le projet dans sa version initiale n'exigeait qu'une connaissance fonctionnelle de l'allemand, ce qui est tout à fait inadéquat. L'amendement prévoit que la connaissance approfondie de l'allemand reste une condition requise de nomination pour tous les agents administratifs.
Le second amendement émane des membres de la commission Justice; il introduit une mesure transitoire en faveur des personnes qui sont déjà titulaires d'un brevet linguistique délivré par Selor et les dispense de représenter un examen de connaissance linguistique.
À propos du montant de la prime linguistique, il est constaté que le projet de loi ne donne aucune réponse concernant une valorisation éventuelle.
La ministre est favorable à une revalorisation de la prime actuelle. En effet, les magistrats reçoivent une prime pour la connaissance approfondie de 281,98 euros et de 216,91 euros pour la connaissance passive, alors que le personnel des greffes reçoit une prime de 24,79 euros pour les greffiers et les secrétaires et de 12,40 euros pour le personnel administratif. Ces montants sont mensuels.
Dans le cadre des négociations avec les organisations syndicales, la ministre a formulé une proposition qui a été présentée aux organisations syndicales; les discussions sont toujours en cours, mais cette revalorisation interviendra dans un avenir très proche.
L'actuel projet de loi est important car il permet à l'autorité de remplir ses engagements et il donnera d'autres possibilités aux chefs de corps, notamment bruxellois, de manière qu'ils puissent mieux gérer leurs juridictions, ce qui devrait permettre naturellement de garantir un service public de qualité.
III. DISCUSSION GÉNÉRALE
M. Willems demande des précisions au sujet du nombre de participants à l'examen d'accès et des pourcentages de réussite à cet examen.
Il aimerait savoir aussi quelle est la situation du cadre du personnel à Bruxelles. Y a-t-il beaucoup de postes vacants à l'heure actuelle ?
La ministre répond qu'elle ne dispose pas des chiffres concernant la magistrature, étant donné que le projet de loi à l'examen vise simplement à adapter les conditions linguistiques imposées au personnel des greffes. L'intervenante ne peut que confirmer que les adaptations de la loi sur l'emploi des langues au niveau de la magistrature ne restent pas sans résultat.
La ministre renvoie aux chiffres concernant les effectifs des greffes des tribunaux bruxellois; il en ressort que le cadre est composé en grande partie de contractuels. C'est ainsi que l'effectif du greffe du tribunal de première instance de Bruxelles est composé de 124 statutaires et de 182 contractuels. Le greffe du tribunal de commerce compte 32 personnes nommées et 67 contractuels. Au greffe du tribunal du travail, il y a 33 personnes nommées et 39 contractuels, et au greffe du tribunal de police, il y a 18 personnes nommées et 31 contractuels. Le nombre de contractuels qui est déjà important et qui va croissant témoigne d'un faible pourcentage de réussite aux examens linguistiques.
Mme Nyssens attire l'attention sur le fait que les problèmes linguistiques existent tant du côté néerlandophone que du côté francophone. Les magistrats et les greffes ont souvent du mal à se comprendre. Cela vaut tant pour les francophones que pour les néerlandophones.
La ministre note qu'il y a un déséquilibre; alors qu'un magistrat n'est plus tenu de siéger dans les deux langues nationales, le greffier, lui, le doit toujours.
Mme Nyssens demande des précisions sur le champ d'application du projet de loi à l'examen. Vise-t-il l'ensemble du personnel des greffes ?
La ministre répond par la négative. Le projet de loi ne concerne que le personnel administratif des greffes et des parquets. Cela signifie que les greffiers en chef, les greffiers et les greffiers adjoints doivent continuer à avoir une connaissance approfondie de l'autre langue.
Mme Nyssens demande enfin ce qu'il en est de l'accord qui a été conclu à propos des barèmes et des échelles barémiques du niveau D. Fait-on le nécessaire pour en assurer le suivi ?
La ministre répond que cet accord doit encore être soumis au contrôle administratif et budgétaire. Les adaptations seront ensuite confirmées par un arrêté royal.
IV. DISCUSSION DES ARTICLES
Article premier
Cet article est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.
Article 2
M. Collas dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-1074/2, amendement nº 1) qui tend à attirer l'attention sur la situation linguistique particulière qui existe au sein de l'arrondissement judiciaire d'Eupen, en particulier en ce qui concerne les secrétaires et les membres du personnel du secrétariat du parquet du procureur du Roi.
Ainsi, tous les magistrats du Parquet d'Eupen et tous les magistrats du siège des juridictions eupenoises, de même que tous les greffiers et membres du personnel des greffes sont tenus de justifier de la connaissance de la langue allemande et de la langue française.
Les seuls à ne pas devoir justifier de ce bilinguisme seraient donc les secrétaires et les membres du personnel du Secrétariat du Parquet d'Eupen, puisque aucune disposition légale en matière linguistique n'a été prévue ni dans la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire ni dans celle du 23 septembre 1985 relative à l'emploi de la langue allemande en matière judiciaire et à l'organisation judiciaire.
L'auteur de l'amendement propose dès lors de remplacer l'article 2 proposé.
M. Mahoux dit ne pas comprendre pourquoi M. Collas veut imposer la connaissance approfondie de l'autre langue à tous les membres du personnel des greffes et des parquets. En fait, la situation actuelle resterait inchangée.
M. Collas insiste sur la situation très spécifique de l'arrondissement d'Eupen.
M. Hugo Vandenberghe répond que l'arrondissement d'Eupen n'est pas le seul à connaître une situation spécifique. On peut en effet en dire autant de celui de Bruxelles.
L'amendement est rejeté par 7 voix contre 1 et 1 abstention.
L'article 2 est adopté par 8 voix et 1 abstention.
Article 3
Cet article est adopté par 8 voix et 1 abstention.
Article 4
M. Collas dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-1074/2, amendement nº 2) dont la justification est identique à celle de l'amendement nº 1 à l'article 2, qui tend à prévoir une exception pour l'arrondissement d'Eupen.
L'amendement est rejeté par 7 voix contre 1 et 1 abstention.
L'article 4 est adopté par 7 voix contre 2.
Article 5
L'article 5 est adopté par 8 voix et 1 abstention.
Article 6
M. Hugo Vandenberghe dépose un amendement (doc. Sénat, nº 3-1074/2, amendement nº 3) qui tend à compléter l'article 6 par les mots « , et au plus tard six mois après sa publication au Moniteur belge ».
M. Mahoux estime lui aussi qu'il serait préférable de prévoir une date limite pour ce qui est de l'entrée en vigueur.
Mme de T' Serclaes partage cet avis. Il est peu démocratique de fixer la date d'entrée en vigueur au moyen d'un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres.
Quel est le délai objectif et réaliste au terme duquel le présent projet de loi pourrait entrer en vigueur ?
La ministre répond que la date d'entrée en vigueur dépendra de celle de l'arrêté d'exécution qui réglera l'examen linguistique adapté. Exercer une pression en prévoyant d'ores et déjà un délai d'entrée en vigueur pourrait nuire aux négociations en cours avec les greffes. Le texte de l'arrêté royal est rédigé par un groupe de travail et sera basé sur le texte relatif à l'examen linguistique des magistrats. Un délai qui viendrait à expiration à la fin de 2005 serait à son avis un délai acceptable. Le fait de prévoir un délai ne servirait à rien, car, au cas où l'arrêté d'exécution ne serait pas prêt, la loi resterait sans effet.
L'amendement est rejeté par 8 voix contre 1.
L'article 6 est adopté par 8 voix contre 1.
V. VOTE FINAL
L'ensemble du projet de loi a été adopté par 8 voix et 1 abstention.
Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 9 membres présents.
La rapporteuse, | Le président, |
Fauzaya TALHAOUI. | Hugo VANDENBERGHE. |
Le texte adopté par la commission est identique au texte du projet transmis par la Chambre des représentants (voir le doc. Chambre, nº 51-1515/5)