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15 FÉVRIER 2005
Le présent projet de loi, qui relève de la procédure bicamérale obligatoire, est issu d'un projet de loi que le gouvernement a déposé à la Chambre des représentants (doc. Chambre, nº 51-1449/1).
Il avait été déposé initialement en tant que projet à traiter selon la procédure prévue à l'article 78 de la Constitution (bicamérale optionnelle). Toutefois, comme la Commission parlementaire de concertation l'a requalifié au cours de sa réunion du 2 décembre 2004, il doit être examiné conformément à l'article 77 de la Constitution (procédure bicamérale obligatoire).
Le projet a été adopté par la Chambre des représentants le 27 janvier 2005, par 123 voix contre 3.
Il a été transmis au Sénat le 28 janvier 2005.
La commission l'a examiné au cours de sa réunion du 1er février 2005.
Pour l'exposé du ministre, on se repartira à l'exposé figurant dans le rapport de la discussion en commission de l'Intérieur, des Affaires générales et de la Fonction publique de la Chambre des représentants (doc. Chambre, nº 51-1449/003).
Mme Talhaoui aimerait savoir quel est actuellement le nombre de magistrats professionnels désignés pour siéger au sein de la Commission permanente. Depuis 1989, en effet, on a pu constater une augmentation systématique de ce nombre. Faut-il considérer qu'il y a lieu de maintenir ce nombre pour pouvoir résorber l'arriéré au cas où la commission fonctionnerait à l'avenir avec des magistrats uniques ?
Le ministre fait remarquer que l'on a prévu une parité de huit magistrats au sein de chaque cadre, et ce, tant pour les procédures en français que pour celles en néerlandais.
Un problème s'est posé de facto en ce qui concerne le cadre francophone, dans la mesure où deux postes sont restés vacants assez longtemps, mais le problème est maintenant résolu, puisque le cadre existant sera complété intégralement. Il est évident qu'on maintiendra le cadre actuel, ce qui devrait permettre d'améliorer la productivité.
On pourra également compter sur l'aide de juristes qui seront engagés pour renforcer les effectifs en vue de la préparation des décisions. Le Conseil des ministres a donné son accord en vue de leur recrutement, mais il n'est pas question de celui-ci dans le projet à l'examen. Les recrutements en question doivent également permettre d'améliorer la productivité des magistrats, sans nuire à la qualité des décisions.
M. Destexhe n'est pas persuadé que la méthode proposée soit la bonne. S'il y a unanimité pour dire que l'arriéré doit être résorbé, la manière proposée par le projet de loi est périlleuse puisqu'elle affaiblit les garanties offertes pas un État de droit.
Il eût été préférable de maintenir le principe d'une chambre à trois juges puisqu'il offre toutes les garanties nécessaires. N'était-ce pas envisageable pour le ministre ? Avec le système proposé, qu'en sera-t-il des garanties juridiques élémentaires ?
Le ministre estime qu'il n'y a aucun risque par rapport aux droits fondamentaux puisque dans des cas juridiques complexes ou lorsqu'un changement de jurisprudence est envisagé, la commission pourra siéger avec trois magistrats sur décision du président.
Le principe du juge unique est déjà appliqué au sein de plusieurs juridictions, comme le Conseil d'État. Actuellement, les dossiers sont d'ailleurs déjà examinés et préparés, de facto, par un magistrat unique au sein de la Commission permanente de recours.
Il en va de même au sein des cours d'appel : un conseiller unique prépare les dossiers et fait rapport à ses collègues. Les arrêts sont eux aussi rédigés par un seul des trois conseillers.
En outre, dans les dossiers de demande d'asile, bien des recours n'ont d'autre but que de faire traîner la procédure au maximum. Les intéressés espèrent pouvoir tirer argument de la longueur de la procédure pour faire valoir des droits en application de l'article 9, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. Dans bien des cas, on a affaire à des recours assez simples qui ne sont intentés que pour gagner du temps. Il est inutile dès lors de faire intervenir trois magistrats dans la délibération.
Concernant la qualité, considérée comme essentielle, le ministre fait remarquer que des critères très stricts ont été prévus pour le recrutement des magistrats. Quand l'on compare la situation de la Belgique au sein de l'Union européenne, l'on peut se féliciter de la qualité de notre procédure d'asile.
Mme Bouarfa constate que la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers a déjà subi de nombreuses modifications depuis son entrée en vigueur. Certaines tendent à l'améliorer, d'autres à la restreindre.
Il faut rappeler que l'immigration est arrêtée depuis 1974 et qu'elle est limitée au regroupement familial. Certains font d'ailleurs l'impossible pour supprimer le regroupement familial.
Selon l'intervenante, il serait nécessaire d'avoir un réel débat de fond sur la loi du 15 décembre 1980 et toutes les problématiques qui l'entourent au lieu de lui apporter sans cesse des modifications isolées.
La perception du regroupement familial n'est pas identique dans le nord et dans le sud du pays. Tant qu'on n'assouplira pas la délivrance de visas lorsqu'une personne souhaite rendre visite à un membre de sa famille pour des raisons de maladie grave ou de décès, il y aura de nombreuses demandes de regroupement familial qui constituent la seule alternative possible. La Belgique est donc seule responsable de l'accroissement de l'immigration par le canal du regroupement familial.
Tout ceci mériterait que l'on se penche sérieusement sur la loi du 15 décembre 1980 pour en examiner tous les aspects.
Concernant la modification proposée dans le projet de loi à l'examen, chacun sait qu'il y a un arriéré important, dont 2/3 du côté francophone. Un magistrat unique permettra-t-il réellement de faire évoluer les procédures plus rapidement ? Comment abordera-t-il les différences linguistiques puisqu'il traitera tous les dossiers, compte tenu des perceptions Nord-Sud divergentes ?
Mme Talhaoui demande si le justiciable — ou son avocat — peut lui-même renvoyer le dossier devant une chambre à trois magistrats ou si seul le président de la Commission permanente de recours peut le faire.
Mme Pehlivan estime qu'il y a une certaine incertitude à propos du recrutement d'une vingtaine de juristes supplémentaires en vue de résorber l'arriéré concernant les dossiers de demande d'asile; on a souvent l'impression d'être en présence d'une nouvelle campagne de régularisation.
Les vingt juristes en question ont-ils déjà été engagés ? Dans quel délai espère-t-on pouvoir résorber l'arriéré concernant les dossiers d'asile ?
M. Delpérée soutient le projet de loi en discussion.
En effet, dans l'État de droit actuel, le système du juge unique est déjà appliqué au Conseil d'État, pour le contentieux relatif aux droits des étrangers.
Ensuite, il serait excessif, voire caricatural, de considérer que le juge unique serait contraire aux principes de l'État démocratique. Tout le monde se félicite, par exemple, du travail réalisé par les juges de paix qui siègent seuls. Pourquoi n'en irait-il pas de même en l'espèce ?
Enfin, concernant le recrutement de juristes, une formule similaire est appliquée au Conseil d'État et elle fonctionne parfaitement. Ce système permet de débroussailler les dossiers et de les mettre en état.
M. Destexhe constate que la plupart des recours relatifs aux droits des étrangers sont rejetés au Conseil d'État. Ne serait-il pas plus simple de supprimer purement et simplement ce recours ?
Mme Jansegers aimerait savoir quelle clé de répartition linguistique on va utiliser pour ce qui est du recrutement des juristes supplémentaires. Correspondra-t-elle à la clé qui est appliquée pour les juges ? Et quelles sont les conditions de recrutement ?
Le ministre comprend parfaitement qu'un projet relatif à la loi sur les étrangers puisse soulever de nombreuses questions, mais il souligne qu'il ne sera pas possible de répondre à celles qui n'entrent pas dans la ratio legis du projet de loi à l'examen.
Les problèmes liés au droit d'asile, à la politique des visas et au regroupement familial seront examinés lorsque plusieurs directives européennes seront transposées en droit interne. Plusieurs projets sont en cours d'élaboration au sein du gouvernement et ils donneront lieu à une discussion d'ensemble sur la loi du 15 décembre 1980.
Les sensibilités peuvent bien sûr différer entre le nord et le sud de notre pays, mais il importe surtout que la Belgique souscrive à une logique européenne. Il faut mettre un terme au phénomène de « l'asylum-shopping » qui soulève bien des problèmes dans notre pays et qui provoque une inflation du nombre de demandes d'asile. En ce qui concerne le droit d'asile, il faut mettre fin à la surenchère entre les États membres de l'Union européenne, et on n'y arrivera qu'en harmonisant les systèmes au niveau européen. Nous avançons lentement mais sûrement dans la bonne direction, y compris en ce qui concerne le regroupement familial.
Le système des juristes assesseurs fonctionne parfaitement au Conseil d'État. C'est pourquoi on envisage d'instaurer une formule similaire en ce qui concerne la Commission de recours permanente. La parité de 2 × 8 magistrats sera maintenue, mais les intéressés seront assistés par des juristes. Un plan de gestion sera également imposé à la Commission permanente de recours.
Il ne suffit pas, en effet, de recruter des magistrats supplémentaires : il a été démontré dans les cours et tribunaux qu'un accroissement des effectifs n'avait pas pour résultat de combattre nécessairement l'arriéré. Un tribunal doit pouvoir déposer un plan de gestion, ce qui a déjà eu des effets très bénéfiques dans les tribunaux ordinaires.
Le chef de corps a donc un rôle fondamental à jouer : il est responsable du bon fonctionnement de son tribunal.
Cela vaut aussi désormais pour ce qui est de la Commission permanente de recours.
De fait, au sein de cette commission, l'arriéré est plus important du côté francophone que du côté néerlandophone. Le ministre ne souhaite pas pour autant déroger à la parité, mais il se dit prêt à envisager de faire intervenir les attachés juristes en priorité là où l'arriéré est le plus important. Il faut en effet garantir l'amélioration de la productivité.
La question de Mme Pehlivan concerne non pas la Commission permanente de recours, mais l'Office des étrangers. Le personnel juridique supplémentaire qui y est recruté a pour mission de contrôler le flux des demandes en application de l'article 9, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980.
Le ministre estime qu'il est impossible de supprimer les recours devant le Conseil d'État : il ne s'agit pas d'un « deuxième appel ». Il existe, d'une part, une possibilité de recours sur la recevabilité devant le commissaire général. D'autre part, le recours devant la Commission permanente de recours concerne les décisions prises par le commissaire général sur le fond du dossier.
Dans cette procédure, le Conseil d'État a un rôle similaire à la Cour de cassation : il n'est saisi que pour des problèmes de forme.
Il est évident qu'il y a un abus des procédures devant le Conseil d'État : les avocats tentent de prolonger les procédures, parfois pendant plusieurs années, pour pouvoir ensuite invoquer l'établissement de longue durée sur notre territoire.
Le ministre précise qu'il aura un entretien avec les barreaux au sujet de ces procédures purement dilatoires.
Il n'est donc nullement question de supprimer le recours devant le Conseil d'État, mais il faudra tenter de le réformer. Ceci fera l'objet d'une discussion ultérieure lorsque le projet de loi traitant de cette problématique sera déposé.
Revenant sur le projet de loi relatif à la Commission permanente de recours, le ministre précise que les avocats peuvent évidemment demander à ce que le dossier de leur client soit traité par trois magistrats. Il appartiendra cependant au président de la commission d'apprécier la pertinence de cette demande.
Il est probable que, sinon, les avocats chercheront systématiquement à obtenir le traitement du dossier par trois magistrats. Cette possibilité est toutefois maintenue pour les cas les plus difficiles. Par ailleurs, la Cour d'arbitrage a donné son feu vert pour le traitement des dossiers par un magistrat unique au sein de la Commission permanente de recours.
La règle de la parité ne sera pas applicable en ce qui concerne le recrutement des attachés juristes, qui dépendra des besoins prioritaires. Il faudra en faire à chaque fois mention dans le plan de gestion, mais cela ne signifie nullement que les intéressés doivent être parfaitement bilingues.
Les articles 1er à 3, ainsi que l'ensemble du projet de loi, ont été adoptés sans autre discussion, chaque fois à l'unanimité des 12 membres présents.
Le présent rapport a été approuvé à l'unamité des 12 membres présents.
La rapporteuse, Fauzaya TALHAOUI. |
Le président, Ludwig VANDENHOVE. |
Le texte adopté par la commission
est identique au texte
du projet transmis
par la Chambre des représentants
(voir doc. Chambre, nº 51-1449/4)