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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 27 JANVIER 2005 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Question orale de Mme Christine Defraigne au premier ministre sur «le 60ème anniversaire de la commémoration de la libération du camp de concentration et d'extermination d'Auschwitz» (nº 3-550)

Mme Christine Defraigne (MR). - J'ai entendu votre référence, madame la ministre, à la « mémoire contre l'oubli », citation tirée du livre de Milan Kundera, « du rire et de l'oubli ».

Il est clair que, animés d'une profonde émotion et d'un sens aigu de la mémoire, que nous assumons ce devoir de mémoire et que nous soutenons les initiatives des « Territoires de la mémoire » pour la transmission de la mémoire aux générations futures.

Dans cette assemblée, une proposition de résolution contre l'antisémitisme a été déposée par M. Roelants du Vivier et moi-même et plusieurs questions vous ont été posées sur le même sujet. Nous devons en effet rester vigilants face à toute résurgence et à toute banalisation de l'antisémitisme.

Nous avons tous en mémoire les agressions et les profanations récentes. C'est donc clairement et fermement que nous devons condamner tout négationnisme.

Je voudrais connaître le contenu du message politique transmis par le premier ministre à nos concitoyens. Je voudrais savoir si suffisamment de moyens sont toujours mobilisés pour assurer la sécurité des lieux juifs de culte et des écoles où les membres de la communauté juive sont particulièrement bien représentés.

Avec quelques mois de recul, comment évaluez-vous ces dispositifs ? Avez-vous des données précises pour dire si les actes d'antisémitisme sont ou non en recrudescence ? Un crime ou un délit commis sur un ressortissant de l'une ou l'autre communauté n'est en effet pas nécessairement motivé par cette appartenance.

Il faut que le dispositif législatif de lutte contre le négationnisme soit efficace. Estimez-vous le cadre actuel suffisamment contraignant ?

Qu'en est-il du soutien apporté par le gouvernement à la démarche entreprise au sein du Centre d'Études et de Documentation Guerre et Sociétés contemporaines qui doit procéder à une analyse historique de la participation des autorités belges à la déportation des juifs de Belgique ?

Un des devoirs de la mémoire est, à mes yeux, d'en tirer les conséquences politiques. Jacques Chirac a demandé pardon au nom de l'État français pour les déportations survenues en France, notamment le 16 juillet 1942. Le travail avance-t-il de la même façon chez nous, afin de procéder à cette analyse historique qui pourrait clairement démontrer les responsabilités ?

Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre de la Justice. - Notre cadre législatif comprend des textes assez précis ; je pense à la loi Moureaux et à la loi antidiscrimination. Des arrêtés d'application de celle-ci doivent toutefois être pris - ce qui n'est pas simple -, notamment pour l'obtention de preuves, lesquelles sont nécessaires pour intenter une action en justice.

La lutte contre la criminalité informatique doit également être intensifiée. Un projet de loi en ce sens est actuellement examiné à la Chambre. Nous aurons l'occasion d'en discuter dans quelques semaines.

Nous travaillons sur le terrain d'une manière transversale. Chaque année, vers le 27 janvier, nous évaluerons notre travail. Ainsi, le ministre Dewael avait proposé, à la demande de la communauté juive, d'augmenter les mesures de protection policière autour des bâtiments à risques. Cela a été fait. Nous allons évaluer l'effet de cette disposition en voyant si le nombre de plaintes a diminué.

Au niveau de la justice, il y a des magistrats de référence « racisme » au sens large du terme car nous ne compartimentons pas ; il s'agit donc de racisme et d'antisémitisme. Dans ce cadre, pour tout dossier qui m'est transmis, je demande au magistrat de référence de me rendre compte du suivi. On sait malheureusement que les auteurs des tags racistes et antisémites ne sont pas toujours retrouvés. Mais la tolérance « zéro » est toujours de mise dans de tels dossiers. C'est très important en termes de prévention.

Nous voulons aussi poursuivre avec les Communautés le devoir de mémoire à travers l'histoire. Celles-ci ont manifesté un réel intérêt. Les travaux seront activement poursuivis dans le cadre du comité de concertation afin de tenter de déboucher sur du concret.

En ce qui concerne le message politique du premier ministre, je vous lis un extrait du discours qu'il prononce en ce moment à Auschwitz : « Il est particulièrement douloureux de faire face à la page la plus sombre de l'histoire humaine. Des photos de jeunes enfants - des regards désespérés, des pas dans la neige - qui jamais ne reviendront.

Tout être humain ne peut qu'observer le silence. Cependant, Auschwitz, c'est bien plus que le silence. Chaque coin, chaque photo, chaque mètre carré transmet un message assourdissant, le message que nous ne pouvons jamais nous taire. Auschwitz démontre à nouveau qu'au fin fond de la nature humaine se trouve un endroit très sombre, un endroit dangereux en raison des idées dépravantes qui ôtent aux individus leur dignité humaine et les réduisent à des numéros. Le message d'Auschwitz est clair. N'autorisons plus jamais cela. N'autorisons plus jamais ce type d'idée. Rendons- nous surtout bien compte à quoi peuvent mener racisme et xénophobie. N'oublions surtout jamais ce que pensaient les prisonniers juifs face à la mort : je ne suis pas un numéro, je suis un être humain ».

Mme Christine Defraigne (MR). - Je n'ai évidemment rien à ajouter. C'est vraiment avec beaucoup d'émotion que cette journée de commémoration se déroule parce nous sommes tous très touchés.