3-85

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Belgische Senaat

Handelingen

DONDERDAG 25 NOVEMBER 2004 - NAMIDDAGVERGADERING

(Vervolg)

Vraag om uitleg van de heer Jean-Marie Cheffert aan de vice-eerste minister en minister van Justitie over «de vergoeding van erelonen van advocaten en van expertisekosten door de aansprakelijke partij» (nr. 3-454)

M. Jean-Marie Cheffert (MR). - Le problème de la répétibilité des honoraires des avocats est loin d'être neuf. Vous le savez, un arrêt de la Cour de cassation du 2 septembre dernier l'a remis à l'ordre du jour. Dans cet arrêt, la Cour opère un revirement de jurisprudence en considérant que les honoraires d'avocats et de conseils techniques peuvent désormais faire partie du dommage subi. Ces frais pourront donc être supportés par la partie succombant au procès pourvu qu'ils aient été nécessaires. Cet arrêt vise la matière contractuelle mais, du fait de la similarité des règles relatives au « dommage indirect » en matière extracontractuelle, tout porte à croire que la Cour y appliquera le même principe.

Sans contester les avantages de l'introduction dans notre pays d'un système de répétibilité, notamment quant à l'accès à la justice, même si par ailleurs il existe déjà des dommages et intérêts pour procédure téméraire et vexatoire, cet arrêt soulève quelques questions.

En effet, il n'y a aucune uniformité dans les tarifs pratiqués par les avocats ; on peut supposer - bien que l'arrêt reste ambigu sur ce point - que le juge devant statuer sur les frais répétibles les fera supporter de manière raisonnable. Mais est-ce son rôle, au vu de l'article 459 du Code judiciaire, de déterminer le montant qu'un avocat peut raisonnablement réclamer ? Ne risquons-nous pas de voir se développer « un procès dans le procès » où l'avocat devrait rendre des comptes sur les tarifs qu'il pratique ? Sans parler que la partie qui succombe au procès se voit dans l'obligation de payer des frais sur lesquels elle n'a absolument aucun contrôle. Combien de personnes, dans leur bon droit, mais sachant que l'issue d'un procès n'est jamais certaine, vont-elles hésiter à intenter une action, leur risque initial étant augmenté des frais d'avocat et de conseils de l'autre partie sans qu'elle puisse évaluer ceux-ci ?

Heureusement, cet arrêt ne vise que le contentieux indemnitaire. En effet, on ne pourrait concevoir un tel système dans les contentieux où aucune faute n'est en jeu. Dans de telles procédures, comme celles qui ont trait au droit de visite ou d'hébergement par exemple, pourquoi imposer à la partie n'obtenant pas gain de cause de dédommager l'autre partie de ses frais d'avocats alors qu'elle-même n'a commis aucune faute !

Nos voisins ont déjà légiféré en la matière : en France, au Luxembourg, en Grande-Bretagne... Dans de nombreux pays européens, il existe une loi intégrant un système, même partiel, de répétibilité. L'Allemagne a établi un système où les frais de procédure sont minutieusement tarifés et les honoraires d'avocat barémisés de manière très précise. Ne pourrions-nous pas nous en inspirer en prévoyant, par exemple, un montant maximum répétible en fonction de la valeur du litige. Cela donnerait un cadre au juge, tout en permettant au justiciable de savoir à quoi il doit s'en tenir dans le cas où il perdrait son procès !

Nous pouvons constater qu'il est urgent d'apporter plus de sécurité juridique dans cette matière. Vous travaillez sur ce problème depuis un moment déjà puisque vous avez déclaré en septembre dernier à la Chambre, en réponse à une question de Mme Claes, que la réflexion se poursuivait à ce sujet en concertation avec l'Ordre des barreaux francophone et germanophone, et l'Orde van Vlaamse Balies. L'Ordre des barreaux francophones et germanophone a fait des recommandations : l'Ordre appelle de tous ses voeux à ce qu'on légifère, il demande aussi aux avocats de se contenter d'un montant provisionnel d'un euro, et leur rappelle qu'ils engagent leur responsabilité s'ils ne préviennent pas leur client de ce problème.

Pouvez-vous donc, madame la ministre, m'éclairer sur l'état actuel de ce dossier et me faire part des actes que vous pourriez poser rapidement pour avancer dans cette problématique délicate et urgente.

M. Alain Destexhe (MR). - Je voudrais signaler que j'ai déposé à deux reprises, sous deux législatures consécutives, une proposition de loi visant à introduire la répétibilité dans notre système judiciaire. Je crois que des députés du CDH ont aussi déposé des propositions à la Chambre, si je ne me trompe. Malheureusement, ces propositions n'ont jamais pu être examinées par le Sénat. Il est vrai, madame la ministre, que vous avez présenté des projets d'amélioration de l'accès à la justice mais vous n'avez jamais retenu cette piste qui a pourtant été encouragée par l'Ordre des barreaux francophones et germanophone, en tout cas.

De heer Hugo Vandenberghe (CD&V). - In verband met het element dat door de eerste spreker naar voren is gebracht, kan ik mededelen dat de Franstalige orde van advocaten al een circulaire heeft gestuurd naar de Franstalige advocaten waarin erop wordt gewezen dat een advocaat gehouden is tot het in acht nemen van het absolute beroepsgeheim. Een verplichting om zijn kosten aan de rechtbank voor te leggen houdt enige aanduiding in over de consultaties en brengt het beroepsgeheim, dat een absolute waarborg is voor de rechtzoekende, in het gedrang. Er kunnen geen regels worden ingevoerd die aan het beroepsgeheim afbreuk doen.

Dit probleem toont aan welk risico wordt genomen wanneer het Hof van Cassatie in een individuele zaak een regel van algemene betekenis velt. Ik denk dat men hier te ver gaat. Voor de rechtzoekenden komt het over alsof het arrest van september 2004 een algemene uitspraak is. Dit arrest gaat over de terugvordering van de kosten in geval van contractuele aansprakelijkheid.

Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre de la Justice. - Avant de répondre à M. Cheffert, je voudrais apporter une petite précision à M. Destexhe. Il est vrai que l'Ordre des barreaux francophones et germanophone a beaucoup travaillé sur la répétibilité. Mais à l'occasion d'un colloque important organisé voici un peu plus d'un an sur le sujet, ils se sont montrés très nuancés. En effet, s'ils trouvaient que des arguments poussaient à la répétibilité, ils se posaient des questions essentielles, notamment sur les barèmes des avocats à prendre en considération, ou encore sur les effets pervers en matière d'accès à la justice.

Dans ses conclusions, l'Ordre avait émis l'idée que la répétibilité était une bonne formule pour autant qu'elle s'intègre dans une réflexion qui concerne aussi l'aide juridique. C'est d'ailleurs pour cette raison que l'Ordre avait soutenu l'idée d'un genre, certainement sui generis, de mutualisation du risque judiciaire.

Nous sommes toutefois face à une situation nouvelle depuis l'arrêt prononcé le 2 septembre dernier par la Cour de cassation. Même s'il concerne un cas particulier, il constitue un revirement de jurisprudence. Il permet en effet au juge du fond de considérer que le recours à l'assistance d'un avocat constitue un élément du dommage qui doit être pris en compte pour évaluer le montant total dû à titre de réparation.

Cet arrêt ne concerne effectivement que la matière de la responsabilité contractuelle. Cela dit, plusieurs spécialistes nous disent qu'il n'est pas impossible que la Cour se prononce dans le même sens en matière de responsabilités aquiliennes.

En revanche, je puis vous dire, monsieur Cheffert, que je ne partage pas votre questionnement sur le fait de savoir s'il appartient au juge du fond de déterminer le montant qu'un avocat peut raisonnablement réclamer. L'arrêt de la Cour de cassation n'appelle pas, selon moi, une telle interprétation. Il ne limite pas du tout la liberté de l'avocat de déterminer le montant de ses honoraires. Il établit simplement le principe selon lequel le juge peut prendre en compte ces frais dans le cadre de l'évaluation globale du dommage qui doit être indemnisé dans le cas où la responsabilité contractuelle est avérée.

À l'inverse, je pense qu'il n'est pas évident que cet arrêt permette de fonder une demande conventionnelle lorsque la faute contractuelle invoquée à l'appui de la demande est déclarée non fondée. Le défendeur n'aurait donc pas la possibilité d'obtenir le remboursement, même partiel, de ses propres frais d'avocat ou d'expert.

L'arrêt de la Cour de cassation suscite beaucoup de questions et difficultés ; j'ai cru comprendre que vous partagiez ce constat. J'ai effectivement annoncé une initiative clarifiant la situation. Je maintiens qu'il y a un certain degré d'urgence. Vous l'avez d'ailleurs confirmé en évoquant les courriers que vous recevez des deux Ordres. Il faut donc clarifier la situation, sans précipitation et en ayant une vue d'ensemble du dossier.

J'ai sollicité l'avis de l'Ordre des barreaux francophones et germanophone et de l'Orde van Vlaamse Balies, puisque les avocats sont, à côté des justiciables, les premiers concernés.

L'avis de l'Orde van Vlaamse Balies m'est déjà parvenu. Je me demande si ce n'est pas un rapport d'état ; c'est en tout cas une pierre apportée à l'édifice. L'Ordre flamand s'y déclare défavorable à la consécration du principe selon lequel la partie qui perd le procès devrait payer les frais d'avocat de celui qui le gagne. Il estime qu'une telle mesure ne serait ni juste ni équitable compte tenu du caractère souvent complexe et imprévisible d'un procès. Il craint également, comme vous le releviez dans votre question, la mise en oeuvre d'un procès au sein du procès concernant la mesure des honoraires réclamés.

Par contre, l'Orde van Vlaamse Balies se prononce en faveur d'une revalorisation des indemnités de procédure allouées à la partie qui l'emporte tout en permettant au juge d'en modaliser le montant en fonction de la situation et du comportement des parties. Il s'agit là d'une réflexion intéressante.

En ce qui le concerne, l'Ordre des barreaux francophones et germanophone n'a pas encore rendu d'avis. Dans un courrier que j'ai reçu il y a environ deux semaines, son président m'a annoncé être en réflexion sur les sujets et être en contact avec l'Orde van Vlaamse Balies, peut-être pour présenter un avis et un projet de texte communs, ce qui me semble être une bonne chose. Je vous tiendrai évidemment au courant pour entamer, éventuellement, une discussion générale autour de cet avis des deux Ordres.

M. Jean-Marie Cheffert (MR). - J'entends bien l'avis de l'Ordre du barreau flamand sur l'augmentation des indemnités de procédure. De toute façon, il y a les dommages et intérêts pour procédure téméraire et vexatoire qui laissent au juge la possibilité de condamner au paiement de sommes importantes. Je ne vois pas pourquoi il faudrait prendre le risque de faire un procès dans le procès comme vous l'avez dit. Je note que vous attendez ce dernier avis et que vous nous tiendrez au courant.