3-791/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2003-2004

1er JUILLET 2004


Proposition de loi complétant la loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie par des dispositions concernant le rôle du pharmacien et l'utilisation et la disponibilité des substances euthanasiantes

(Déposée par Mme Annemie Van de Casteele et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


Le rôle du pharmacien dans le cadre de la loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie reste entouré d'une zone d'ombre. D'autre part, l'utilisation et la disponibilité des substances euthanasiantes posent elles aussi certains problèmes.

* Le rôle du pharmacien

Le pharmacien, qu'il pratique dans une officine accessible au public ou dans une officine hospitalière, est un maillon important de la procédure d'euthanasie, dans la mesure où il prépare ou délivre la substance euthanasiante qui mettra un terme à la vie d'un patient, à la demande de celui-ci.

Pour les médecins, la loi définit des conditions et des procédures. Mais pour le pharmacien, elle ne prévoit ni condition ni garantie lui évitant d'être accusé de complicité d'infraction s'il est mis fin de manière illégale à la vie de quelqu'un.

En outre, le pharmacien doit aussi avoir expressément le droit de refuser de prêter son concours à un acte d'euthanasie. Étant donné que les substances euthanasiantes sont presque toujours utilisées aussi comme médicaments, il ignore pour ainsi dire qu'il fournit de facto une substance euthanasiante. D'autre part, le pharmacien refuse parfois de délivrer les doses élevées prescrites parce qu'il ignore qu'elles sont destinées à être utilisées comme euthanasiants.

La présente proposition insère dans la loi relative à l'euthanasie une disposition permettant au pharmacien qui ne souhaite pas prêter son concours à un acte d'euthanasie de refuser de délivrer les produits prescrits et d'adresser le demandeur à un confrère.

* Substances euthanasiantes

Pour qu'il n'y ait plus le moindre doute sur le fait qu'une substance prescrite est destinée à servir comme euthanasiant, il y a lieu de prévoir une procédure de rédaction de la prescription et de faire intervenir un certain nombre de critères de prudence, comme c'est le cas par exemple aux Pays-Bas. C'est pourquoi nous proposons que le Roi fixe les règles auxquelles une telle prescription doit répondre. Au nombre de celles-ci figurera notamment l'obligation d'indiquer qu'il s'agit d'une prescription délivrée en vue d'une euthanasie. Cette indication peut être donnée discrètement en faisant référence à un arrêté royal fixant les critères de prudence à respecter dans le cadre de la loi du 28 mai 2002.

Par ailleurs, il faut adapter la réglementation sur les surdosages et imposer des règles de surveillance de la substance euthanasiante.

La prescription doit être rangée dans la catégorie des prescriptions de substances stupéfiantes. Cela signifie qu'elle sera consignée dans un registre distinct. La substance euthanasiante doit aussi être conservée conformément à la réglementation sur les stupéfiants.

Les euthanasiants doivent en outre être utilisés dans un délai « raisonnable » et une substance qui n'a pas été utilisée ou ne l'a pas été entièrement dans ce délai doit être restituée par le médecin au pharmacien, qui en fait état dans le même registre. Il est en effet inadmissible qu'une substance euthanasiante reste pendant des mois sur la table de nuit d'un patient ou qu'un médecin se constitue une réserve d'euthanasiants. Le pharmacien prendra les mesures qui s'imposent pour détruire les substances inutilisées.

De plus, la proposition de loi prévoit que l'euthanasiant ne peut être délivré que par le pharmacien en personne au médecin prescripteur en personne, ce qui permettra au médecin et au pharmacien de se concerter. C'est aussi un moyen d'éviter que les produits ne tombent entre les mains de personnes non autorisées, une mesure de sécurité justifiée compte tenu de la nature du produit.

Enfin, il y a aussi des problèmes de disponibilité pour certains produits, qui n'existent souvent qu'en conditionnement hospitalier (le penthotal par exemple). Il est donc souvent difficile pour les médecins généralistes de disposer des produits nécessaires. Or, ce sont souvent eux qui doivent faire face à des demandes d'euthanasie. Aux Pays-Bas, dans les trois quarts des cas, les euthanasies sont pratiquées par des médecins généralistes.

Le ministre de la Santé publique et des Affaires sociales devra adapter les règles en vigueur, soit pour imposer des conditionnements appropriés, soit pour autoriser la délivrance fractionnée des substances en question et en régler le remboursement. Cela permettra aussi d'établir un formulaire, d'évaluer le comportement des médecins prescripteurs et d'informer ceux-ci sur les meilleures pratiques, comme cela se fait par exemple aux Pays-Bas.

Annemie VAN de CASTEELE.
Patrik VANKRUNKELSVEN.
Jacques GERMEAUX.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Il est inséré dans la loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie un article 3bis, libellé comme suit :

« Art. 3bis. ­ Le pharmacien qui délivre une substance euthanasiante ne commet aucune infraction lorsqu'il le fait sur prescription d'un médecin qui a agi conformément aux dispositions de l'article 3, §§ 1er à 3, ou de l'article 4, § 2.

Le pharmacien fournit la substance euthanasiante prescrite en personne au médecin. Le Roi fixe les critères de prudence et les conditions auxquels doit satisfaire la prescription et la délivrance de médicaments qui seront utilisés comme substance euthanasiante.

Le Roi prend les mesures nécessaires pour assurer la disponibilité des substances euthanasiantes, y compris dans les officines qui sont accessibles au public. »

Art. 3

L'article 7, alinéa 2, de la même loi est complété par la disposition suivante :

« 6º les nom, prénoms, numéro d'enregistrement à l'INAMI et adresse du pharmacien qui a délivré la substance euthanasiante, le nom des produits délivrés et leur quantité ainsi que, le cas échéant, l'excédent qui a été restitué au pharmacien. »

28 mai 2004.

Annemie VAN de CASTEELE.
Patrik VANKRUNKELSVEN.
Jacques GERMEAUX.