3-25/3 | 3-25/3 |
15 JUIN 2004
Le rôle des organisations financières
internationales
La commission des Relations extérieures et de la Défense a organisé trois auditions pour préparer la discussion de la proposition de résolution à l'examen visant à compléter les obligations du mandat des organisations financières internationales, déposée par Mme Anne-Marie Lizin.
La commission a entendu M. Willy Kiekens, Alternate Executive Director au Fonds monétaire international (FMI), en date du 26 novembre 2003, M. Guy Quaden, gouverneur de la Banque nationale de Belgique, en date du 1er mars 2004, et M. Gino P. Alzetta, Alternate Executive Director à la Banque mondiale, en date du 13 mai 2004.
La proposition de résolution a été discutée en commission le 15 juin 2004.
Il est bon de rappeler que le FMI est une organisation internationale dont les 184 membres représentent la plus grande partie des États souverains. Le Conseil des gouverneurs se compose d'un représentant par État membre, qui est généralement le ministre des Finances ou le gouverneur de la Banque nationale.
Ce conseil se réunit une fois par an en assemblée générale.
Au sein de l'assemblée générale, chaque État membre peut donner son opinion sur le mode de fonctionnement du FMI et de la Banque mondiale.
D'autres organes assurent le fonctionnement politique et le fonctionnement journalier. Les membres du conseil d'administration sont élus par l'ensemble des États membres.
Sa structure s'inspire de celle du Conseil de sécurité : cinq pays y ont un représentant permanent, eu égard à leur poids économique. Il s'agit des États-Unis, du Japon, de la Grande-Bretagne, de la France et de l'Allemagne.
Les 19 autres administrateurs doivent être élus tous les deux ans à la majorité qualifiée, c'est-à-dire qu'ils doivent se faire élire par un groupe de pays. Ainsi, la Belgique a pu réunir autour d'elle 10 pays qui continuent à se concerter pour désigner tous les deux ans l'un des leurs comme administrateur. Ce sont, outre la Belgique, le Luxembourg, des pays d'Europe centrale comme l'Autriche, la Hongrie, la Tchéquie, la Slovaquie et la Slovénie, ainsi que la Turquie, le Kazakhstan et la Biélorussie. Il s'agit donc d'un groupe diversifié, mais néanmoins important.
L'administrateur exprime, dans les délibérations du Conseil, une voix par pays, mais il s'agit d'un nombre de voix pondéré, en fonction de la part de souscription dans le capital du FMI. Cette souscription est calculée selon des critères tels que le PIB, les réserves externes du pays et la part de celui-ci dans le commerce international.
Ainsi, la Belgique détient 2,5 % du capital du FMI, et le total qu'elle peut exprimer est de 5,25 % des voix. Il s'agit là d'un nombre de voix assez important, puisqu'il n'y a que 3 pays qui dépassent ce pourcentage, dont les États-Unis qui, avec 17 %, disposent d'un droit de blocage des décisions importantes qui nécessitent une majorité qualifiée de 85 %.
Ce droit de blocage s'applique aux matières telles que la modification des statuts ou les augmentations de capital.
C'est le seul pays qui a la capacité de bloquer, à lui seul, les décisions de ce genre.
Viennent ensuite l'Allemagne et le Japon, avec 7 % chacun.
Viennent encore plus bas dans l'échelle de l'importance des votes la Belgique, puis la France et la Grande-Bretagne.
L'administrateur belge représente donc 10 pays, dont il doit traduire la position commune. En fait, la collaboration est suffisante pour atteindre un consensus dans la plupart des cas. Les correspondants chargés de l'élaboration des positions sont, dans chaque pays, le ministre des Finances et son administration, le gouverneur de la Banque centrale qui est le plus souvent aussi le délégué auprès du FMI qui exprime les voix, et la Banque centrale.
Un rapport sur chaque décision du conseil d'administration est envoyé aux 20 correspondants, et parfois même au premier ministre, s'il veut s'informer.
Dans quelle mesure les parlements peuvent-ils être informés de ce qui se passe au FMI et à la Banque mondiale ? C'est une question importante qui a trait à la légitimité des décisions.
Le Parlement belge peut être informé de différentes manières.
Pour commencer, toute modification significative des statuts du FMI et toute augmentation de capital doivent être approuvées par une loi. Le Parlement a ainsi l'occasion de peser sur la décision et la politique du FMI. En règle générale, le FMI demande une augmentation de capital tous les cinq ans.
Le Congrès américain, qui se montre particulièrement actif à ce niveau, est réticent à toute augmentation inconditionelle de capital. Une des raisons de cette attitude est que le Congrès est très critique vis-à-vis de cette gestion.
Une seconde occasion se présente chaque année lors de la discussion du budget. C'est à ce moment-là que le ministère des Finances procède à un décompte financier des mouvements entre les États membres et le FMI.
Troisième possibilité : l'accès au rapport que le délégué au conseil d'administration rédige deux fois par an à l'attention des autorités politiques des États membres pour lesquels il est élu.
Enfin, il y a le ministre des Finances, le gouverneur de la Banque nationale ou le représentant de la Belgique au sein du FMI qui peuvent fournir des éclaircissements à la commission des Finances ou des Affaires étrangères de l'assemblée parlementaire qui en fait la demande.
Il signale au passage que le directeur général du FMI, M. Köhler, et son président, M. Wolfersohn, organisent chaque année une rencontre internationale avec un groupe de travail interparlementaire, rencontre qui se tient chaque fois dans un pays différent. La dernière de ces rencontres a eu lieu à Genève. Les parlements du monde entier peuvent y participer par le biais de la téléconférence.
M. Mahoux s'interroge sur les raisons de la réticence du Congrès américain à l'égard du FMI.
M. Kiekens explique que les États-Unis craignent surtout de perdre leur minorité de blocage. En effet, les pays en développement insistent de plus en plus pour obtenir un poids plus important au niveau de la pondération des voix et de la répartition des sièges au conseil d'administration.
Le capital est souscrit selon une formule de quotes-parts, basées sur des critères économiques.
Étant donné que la Belgique posssédait jadis d'importantes réserves externes en or et que son économie était très ouverte, elle a obtenu une quote-part très élevée.
Il en résulte que notre quote-part est même un peu plus importante que celle de l'Inde.
Cette formule est appliquée sans modification majeure depuis la constitution du FMI.
Les pays qui ont connu une croissance économique très importante n'ont pas pu voir leur quote-part évoluer en conséquence. Lors des augmentations de capital, la tendance est de ne pas appliquer la formule, parce qu'il faut une majorité de 85 %. Les pays qui risquent de voir leur participation diminuer du fait de l'application de la formule bloquent une décision qui irait à l'encontre de leur position favorable.
D'où une évolution dans la participation au capital, qui ne correspond plus tout à fait à l'importance de leur croissance économique. C'est surtout le fait des pays à économie émergente, comme le Mexique, la Corée, Singapour, la Thaïlande ou la Turquie.
D'autres pays, comme de nombreux États africains par exemple, sont surreprésentés. Le continent subsaharien ne possède que 5 %, bien qu'il compte 45 pays et une population totale de 600 millions d'habitants.
Cela montre à quel point l'économie africaine est marginale; cela n'est pas équitable, compte tenu du fait que les relations des pays industrialisés avec l'Afrique sont très suivies.
Comment remédier à cette situation ?
Il convient de rappeler que lorsque le FMI fut créé, chaque pays fondateur avait une quotité de base de 250 voix, représentant 13 % de la capacité de vote.
Du fait des augmentations de capital successives, les voix de base ne représentent plus aujourd'hui qu'une partie infime de cette capacité.
On pourrait imaginer d'augmenter le nombre des voix de base. La Belgique y est favorable, mais les grands pays s'y opposent parce qu'ils risquent de perdre 1 à 2 % de voix dans l'opération.
Le nombre d'administrateurs, soit 11 sur 24, représentant 30 % de la capacité de vote, est insuffisant.
Ils insistent pour obtenir davantage d'administrateurs au détriment de l'Europe, qui a, à elle seule, six à neuf administrateurs, selon les circonstances.
Les grands pays comme l'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne, l'Italie, les Pays-Bas et les pays scandinaves en font partie.
L'Espagne, quant à elle, est en apparentement avec l'Amérique latine et est donc présente de temps à autre.
La position belge est claire, et elle est soutenue par les membres du groupe : il y a lieu d'augmenter le nombre de voix de base et d'opérer une augmentation ciblée pour les pays émergents.
Cela aurait pour effet d'accroître le poids de ces pays de 30 à 36 % des voix.
La majorité resterait solidement concentrée entre les mains des pays avancés.
L'intervenant trouve cela normal, puisque les crédits doivent être justifiés par ceux qui avancent les fonds.
La deuxième tâche de l'orateur concerne les moyens mis en oeuvre. Mais il répondra d'abord aux observations des membres.
M. Hostekint pense savoir qu'il existe des liens étroits entre le FMI et la Banque mondiale.
M. Kiekens rappelle que ces deux institutions ont une mission spécialisée. Il reviendra sur ce point dans la deuxième partie de son exposé.
Il tient à signaler au préalable que le FMI travaille avec des collaborateurs internationaux venant de 145 pays. Il s'agit d'économistes bien formés et d'autres fonctionnaires spécialisés. À la tête du FMI, on trouve le directeur général, qui est également président du conseil d'administration. Il y a 2 800 fonctionnaires internationaux, dont la langue de travail est l'anglais, mais le français, l'espagnol, l'arabe et le russe sont également utilisés au cours des conférences ministérielles.
Madame Lizin demande si la Turquie est satisfaite de son statut dans le groupe, ou si elle souhaite emprunter d'autres voies.
M. Kiekens affirme que la Turquie constitue un partenaire géopolitique important dans le groupe. Il a l'impression qu'elle est satisfaite de la coopération, puisque dix pays ont prorogé de dix ans l'accord de coopération, au cours d'une conférence à Bruxelles.
La Turquie mène clairement une politique d'intégration dans l'Union européenne et dans les institutions européennes, comme c'était déjà le cas dans les années 50. C'est donc en connaissance de cause que la Turquie a choisi d'adhérer à un groupe européen et non pas, par exemple, à un groupe du Proche-Orient, comme l'ont fait l'Iran, l'Arabie saoudite et l'Egypte.
Si elle le faisait, la Turquie pourrait sans aucun doute obtenir un administrateur, mais elle y renonce, parce qu'elle considère qu'elle peut développer une meilleure coopération au sein du groupe belge. Cela confirme qu'elle a opté clairement en faveur de l'Europe et de l'OTAN. Cette coopération est particulièrement constructive, et l'ambassadeur à Ankara confirme systématiquement la très bonne collaboration avec le ministre des Finances et la Banque centrale.
Le représentant belge au FMI à Ankara confirme que l'ambassadeur belge est parfaitement informé de la situation économique qui existe en Turquie.
En ce qui concerne les missions du FMI, il peut affirmer, de manière quelque peu provocatrice, qu'on a créé le FMI après la guerre pour favoriser la globalisation.
On sait en effet que, dans l'entre-deux-guerres, on a connu un protectionnisme acharné, des baisses compétitives à répétition des taux de change et une profonde détérioration de la situation économique, qui ont débouché sur une catastrophe financière.
En devenant membres du FMI, les États s'engageaient à mener une politique économique axée sur le renforcement de la stabilité internationale.
Dans cette perspective, ils étaient tenus, après la création du FMI, de respecter des taux de change stables et d'obtenir l'approbation de celui-ci pour pouvoir procéder à une dévaluation ou à une appréciation de leur monnaie.
Ce système a été abandonné en 1971, pour être remplacé par un système de taux de change flottants, avec l'obligation, pour les États membres, de se concerter chaque année avec le FMI sur leur politique économique. Il s'agit de ce qu'on appelle les consultations, qui donnent à la communauté internationale l'occasion de conseiller les États membres, après un examen critique de leur politique économique, sur la manière d'ajuster celle-ci, dans le but explicite de prévenir les crises financières internationales.
Le contrôle de la politique économique de tous les États membres est une des missions principales du Fonds, tant en ce qui concerne les grandes puissances économiques comme les États-Unis et le Japon qu'en ce qui concerne les pays en développement.
Aujourd'hui même, le FMI a conclu ses consultations avec la Belgique par un bref avis provisoire, publié sur le site internet du Fonds.
Après une visite de travail dans le pays, un groupe d'économistes rédigera un rapport circonstancié sur la situation économique de la Belgique, rapport qui sera discuté au sein du conseil d'administration au début de février. Le prochain avis du conseil sera également publié dans la seconde moitié de février.
L'une des grandes missions du conseil d'administration consiste à lire attentivement ces rapports, à les soumettre à un examen critique et à les commenter. Ce travail occupe environ 70 % du temps du conseil.
D'autre part, l'intervenant présente tous les six mois, au gouvernement belge, un rapport dans lequel il consigne entre autres les déclarations importantes qu'il a faites au conseil d'administration.
La publication du rapport critique n'est pas obligatoire. Ce sont les pays eux-mêmes qui décident de le publier ou non.
M. Mahoux croit avoir compris qu'il y a en fait deux rapports. Il y a d'une part le rapport de l'administrateur au pays qu'il représente. C'est le gouvernement qui décide alors de le publier ou non et, le cas échéant, de le soumettre au parlement.
Le deuxième est un rapport interne.
L'orateur précise que cela n'est pas tout à fait exact. Au niveau du FMI, il y a deux rapports, à savoir celui dressé par chaque administrateur à l'intention du conseil d'administration, et celui établi par les experts. Ces rapports ne sont publiés que moyennant l'accord du pays concerné. Le FMI insiste pour que les pays publient ces rapports. Ceci est une évolution par rapport à la situation d'il y a 5 ans, puisqu'à cette époque-là, le rapport était confidentiel, et il était même traité confidentiellement au sein du gouvernement.
Environ 70 % des pays acceptent la publication. Ils peuvent toutefois retenir l'information qu'ils estiment market sensitive.
Si, par exemple, le gouvernement reçoit un avis l'invitant à dévaluer, il est clair que cette information ne va pas être publiée avant même que la mesure ne soit prise.
La Belgique a accepté, depuis l'introduction du nouveau système, de faire publier les deux rapports du FMI.
M. Mahoux insiste pour que des mesures soient prises afin d'informer systématiquement les parlementaires du contenu de ces rapports. M. Kiekens renvoie au site internet du FMI (www.imf.org), qui est très bien documenté, pays par pays.
M. Noreilde fait observer que ces documents font autorité. Par quels spécialistes sont-ils rédigés, et qui l'équipe d'experts rencontre-t-elle ?
M. Kiekens explique que le FMI compte plusieurs départements géographiques. Ainsi le département européen s'occupe-t-il des relations bilatérales avec les pays européens. L'équipe d'experts est dirigée par un chef de mission, qui suit certains pays. À titre d'exemple, le chef de mission pour notre pays est également compétent pour la France. Il est assisté d'un économiste, chargé du suivi de la politique économique du pays concerné. L'équipe compte également un analyste fiscal et un expert en organisation du marché du travail. L'équipe se compose de quatre personnes au total. En guise d'exemple, l'intervenant évoque les activités de l'équipe qui visite la Belgique.
Vendredi, une réunion technique est prévue avec le département d'étude de la BNB. La semaine suivante doit avoir lieu un entretien avec le ministre des Finances, ses collaborateurs et une délégation du ministère, l'administrateur général de la Trésorerie, le ministre du Budget, le ministre de l'Emploi et des Pensions, le ministre des Affaires sociales et la ministre de l'Économie. Ensuite auront lieu des entretiens avec le Conseil central de l'économie, la FEB et les syndicats, le président de la Commission bancaire et le Bureau du Plan. Enfin, le Conseil supérieur des Finances sera également consulté pour les aspects relevant des compétences des Régions. Auparavant, des contacts étaient également prévus avec les ministres régionaux, mais ils se déroulent désormais par l'intermédiaire des fonctionnaires chargés des aspects fiscaux au Conseil supérieur. Citons enfin le Conseil supérieur de l'emploi et les services régionaux de médiation en matière d'emploi.
M. Devolder demande s'il y a également des contacts avec les instances de l'UE.
M. Kiekens confirme qu'outre le contrôle bilatéral, une consultation annuelle est également prévue avec la BCE et la Commission européenne en ce qui concerne les aspects de la politique qui relèvent de la compétence européenne. Ces rapports se trouvent également sur le site internet du FMI.
M. Mahoux fait observer que, puisqu'il s'agit en fait d'audits externes, il faut bien cerner leur statut, et notamment en ce qui concerne la façon dont les fonctionnaires sont recrutés. Y a-t-il une pondération des voix au conseil d'administration à cet égard ? Les épreuves sont-elles internationales ou organisées par État ? Le rôle de l'audit variant en fonction des crédits que certains pays demandent, il est d'autant plus important que ces audits soient fiables pour ceux qui ont le plus besoin de crédits. Le rôle du FMI lui paraît à cet égard beaucoup plus important que celui joué par exemple par l'OCDE, les rapports de cette dernière institution n'ayant rien de contraignant.
M. Kiekens répond que la réglementation relative au recrutement des fonctionnaires du FMI prévoit qu'il doit recruter sur la base de qualifications professionnelles très élevées et d'une répartition géographique aussi large que possible. Le dernier critère ne peut nuire en aucune manière à la qualité professionnelle.
Une autre règle des statuts du FMI prévoit que les fonctionnaires ne doivent rendre des comptes qu'à leur hiérarchie, et ne peuvent pas recevoir d'instructions de leurs pays.
Cette dernière interdiction ne vaut évidemment pas pour les membres du conseil d'administration. Ceux-ci prennent part aux réunions en tant qu'ambassadeur. Ils ne peuvent pas être révoqués, et ils sont élus pour 2 ans.
Dans le prolongement de l'intervention de M. Mahoux, Mme de Bethune demande des précisions sur les relations entre la Banque mondiale et le FMI. Il faut savoir que les pays pauvres, qui ne détiennent que 5 % des voix au sein du FMI, font eux aussi l'objet d'un rapport. Or, la Belgique joue actuellement un très grand rôle dans la prise de décision, par l'entremise de son représentant, et elle participe de ce fait à l'évaluation des pays pauvres.
Pourquoi n'organise-t-on du reste pas, au sein de cette commission, un débat à ce propos avec le ministre de la Coopération au développement ?
M. Galand a compris que la philosophie du FMI est de protéger la stabilité monétaire comme garante d'une croissance soutenue. Or, il est indéniable que même les Américains mettent aujourd'hui en cause ce principe. La stabilité monétaire n'est plus considérée comme seul facteur de développement. D'autres facteurs entrent en ligne de compte, comme la croissance zéro, ainsi que l'écrit encore aujourd'hui M. Latouche, qui plaide aussi pour un autre modèle de développement (Pour une société de décroissance, Le Monde diplomatique, novembre 2003, pp. 18 et 19).
L'exigence d'une croissance soutenue pour réaliser le bien-être fondamental et les droits fondamentaux des populations est mise en cause. S'il s'agit d'assurer les soins de santé, de satisfaire les besoins en eau potable et de lutter contre la faim, il faut bien constater que le FMI a raté son mandat. Il rappelle à cet égard les explications de M. Kiekens, selon lesquelles, en 1971, on a changé le système du taux de change fixe, et principalement le système de liaison de l'or au dollar. Cette décision émane des Américains, mais elle nous donne, en tant que pays tiers, très peu de garanties, puisqu'elle engendre une instabilité constante. Cela a provoqué une paupérisation croissante des populations du Sud. L'Allemagne, un pays comme le nôtre, a pourtant la volonté de rappeler les impératifs de la lutte contre la pauvreté. Comment le FMI a-t-il subi le choc de Cancun et les critiques à l'égard de l'OMC ?
M. Mahoux souhaiterait encore une dernière précision sur la position exacte de M. Kiekens au sein du FMI. Est-il exact qu'il n'est pas le représentant de la Belgique, mais un administrateur du Fonds.
M. Kiekens précise qu'il agit en tant qu'administrateur quand le Fonds traite des matières générales, mais également en tant que représentant de son pays si les intérêts de celui-ci sont en jeu.
Mme Lizin se réfère à sa récente expérience lors d'une visite au Soudan avec la commission des Droits de l'Homme, où les représentants de la commission disposaient d'une heure environ pour exposer leur point de vue dans le cadre de la lutte contre la pauvreté. Cette limitation de leur temps de parole était imputable à la visite du délégué du FMI. Cet exemple montre bien l'importance que ces pays attachent au Fonds, et explique qu'ils suivent attentivement le cheminement de leur PRSP (Program on reduction of Severe Poverty) vers le FMI, et ce que le PRGF leur apportera. Ils ne vivent qu'en fonction des aides.
En ce qui concerne l'endettement lié à la guerre américaine en Irak, on a toléré l'augmentation de la masse de dollars en circulation pour la financer. L'intervenante demande si on va prendre en charge les répercussions de cette opération sans commentaire. N'y a-t-il pas une stratégie des pays européens non favorables à cette guerre, pour signifier aux américains que cette manoeuvre n'était pas correcte sur le plan financier.
M. Kiekens répond que cette question démontre bien l'importance des consultations conformément à l'article IV. En effet, le résultat de ces consultations fait l'objet deux fois par an d'un avis du Fonds sur le world economic outlook, c'est-à-dire un rapport sur la situation économique des États et les déséquilibres qu'on détecte. En ce qui concerne la Belgique, cette consultation a toujours été considérée comme très importante.
Il cite la décision extrêmement importante de lier très étroitement le franc belge au Deutsche mark. Pour ce faire la Belgique s'est inspirée du rapport du FMI.
La stratégie de réduction du déficit fiscal dans les années '80 a également été élaborée en étroite coopération entre le gouvernement et le FMI. Cela n'a jamais été rendu public, mais c'est significatif du rôle que joue le FMI.
Il invite les membres à lire le point 7 du récent rapport sur la Belgique au sujet de la politique fiscale à moyen terme.
En réponse à la question de M. Galand sur l'évolution de l'économie américaine et sa capacité de dicter la politique à suivre au reste du monde, il précise que la consultation avec les États-Unis est l'occasion pour le reste du monde de faire connaître ses préoccupations aux Américains. Le Fonds a clairement fait part de ces préoccupations.
Le FMI constate qu'entre les économies, il y a de plus en plus de déséquilibres. Ainsi constate-t-on qu'en quatre ans seulement, la situation fiscale des États-Unis s'est dégradée à concurrence de 6 % du GNP (Gross National Product). La position extérieure des États-Unis se dégrade progressivement à concurrence de 5 % de son GDP, c'est-à-dire 600 milliards de dollars de déficit. Cela nécessite pour l'économie américaine la mobilisation de 75 % de l'épargne mondiale, rien que pour financer la surconsommation américaine par rapport à sa production. Qui est prêt à financer ce déficit des États-Unis ? Ce sont évidemment les pays pauvres, ainsi que les pays riches, et plus particulièrement l'Europe et le Japon.
Il serait vraiment inacceptable que les pays émergents qui acceptent de financer ce déficit, doivent attirer les capitaux en raison de leur taux de croissance important. Ce sont surtout les pays asiatiques qui acceptent d'accumuler des réserves internationales, c'est-à-dire de couvrir le déficit fiscal et le déficit de la balance des États-Unis, à concurrence de 600 milliards de dollars par an.
Le résultat en est que les réserves externes de la Chine, de Taiwan, de Hong Kong, de la Corée et de la Malaisie s'élèvent à 1 000 milliards de dollars. Il s'agit de réserves que la population de ces pays n'a pas la capacité d'investir à cause, entre autres, des taux de change sous-évalués. Ils ont des dettes principalement dans leur balance courante et réduisent la consommation de façon presque artificielle à cause d'une politique d'échange liée à une stabilisation du taux de change par rapport au dollar.
Il en résulte des conséquences majeures pour l'Europe. Les États-Unis éprouvent de plus en plus de difficultés à financer leur déficit, sauf à subir une dévaluation de leur monnaie et une appréciation correspondante de l'euro. Cette charge de répartition dans les taux de change devrait normalement être équilibrée au niveau mondial. Mais le Japon, la Chine et les autres pays asiatiques préfèrent avoir des taux de change stables par rapport au dollar, ce qui facilite les exportations vers les États-Unis. C'est donc l'économie européenne qui a été la grande victime de l'ajustement mondial. D'où une croissance européenne très réduite par rapport aux économies asiatiques.
Il est important de souligner que ce débat est actuellement en cours et est souvent alimenté par les analyses du FMI. Quand les pays du G 7 se réunissent, leur documentation de base est constituée par les rapports du FMI.
M. Mahoux a constaté que les gouverneurs de la BCE continuent à mener une politique monétariste. Si les analyses du FMI sont exactes, l'on peut s'interroger sur l'opportunité de poursuivre cette politique. Tout en estimant à sa juste valeur la compétence des experts de toutes les institutions citées, il note qu'il y a parfois des analyses inadéquates, et donc non fiables. Il se rappelle les analyses erronées lors de la crise asiatique. La commission a interpelé une série d'experts à ce sujet, pour leur demander comment ils en étaient arrivés là. Ils ont alors répondu s'être fiés aux avis des experts du FMI.
Il en a tiré deux conclusions : d'abord, si nos experts s'en réfèrent systématiquement à ceux du FMI, autant interroger le FMI directement; ensuite, force est de constater que le FMI n'avait apparemment pas vu venir la crise asiatique, ou du moins n'en a-t-il pas informé correctement ses correspondants.
Mme Lizin va encore plus loin, en se demandant si cette absence d'avertissement du FMI était délibérément organisée en dehors des instances du FMI, de façon bilatérale entre les États-Unis et les pays qui soutiennent le dollar, dans le but de déstabiliser la zone-euro.
Mme Crombé-Berton voudrait savoir si l'affaiblissement des économies européenne et japonaise résultant de la dépréciation du dollar était due à la seule décision de laisser le dollar se déprécier sans l'intervention de la Banque centrale américaine, ou bien à d'autres causes, comme l'accumulation du déficit, ou encore la combinaison des deux.
M. Kiekens explique que l'appréciation et la dépréciation du dollar découlent de facteurs tout à fait détectables. L'appréciation dans la deuxième partie des années '90 était due aux entrées de capitaux aux États-Unis, les investisseurs étant convaincus (à juste titre ou non) que la productivité et la rentabilité des investissements étaient plus élevées dans ce pays qu'ailleurs.
On observe aujourd'hui le mouvement inverse. La cause en est que la politique fiscale des États-Unis, combinée à d'autres éléments, comme le surinvestissement (bubble) dans la technologie, a provoqué un reflux des investissements ainsi qu'un besoin de financement accru, vu l'ampleur du déficit. En 2000, l'excédent fiscal des États-Unis était de 1,2 % du GDP, il s'élève cette année à plus de 6 %, soit un recul de 600 milliards de dollars.
Tout ceci devant être financé, il y a eu dépréciation et, en contrepartie, appréciation de la monnaie européenne. Si d'autres monnaies ne se revalorisent pas, c'est à cause de la politique délibérée de la Banque centrale japonaise tendant à la création de liquidités. Au Japon, on observe une déflation et une baisse des prix. Les investisseurs spéculent sur la baisse des prix pour postposer leurs investissements. La Banque centrale japonaise, désireuse de mettre fin à cette déflation, crée des liquidités. Mais les gens ne sont pas prêts à emprunter en Yen, même à un taux zéro. La seule possibilité restante est d'acheter des dollars et de vendre du Yen, c'est-à-dire de déprécier la monnaie nationale par rapport à la monnaie américaine, alors que cela devrait être l'inverse. Par conséquent, les partenaires commerciaux en Asie, ne voulant pas que leur position se détériore par rapport à celle du Japon, maintiennent également le cours de leur monnaie par crainte de perdre des parts de marché en Asie. La Chine a ses propres raisons : son système bancaire ne permet pas les flux libres de capitaux, et elle veut protéger son système assez fragile. C'est la raison pour laquelle elle stabilise sa monnaie par rapport au dollar.
Selon les calculs du FMI, l'euro est surévalué à concurrence d'environ 5 %, par rapport à tous ses partenaires commerciaux. En revanche, il est sous-évalué par rapport au dollar. D'où le risque que le dollar se déprécie davantage.
La solution serait que le Japon et la Chine parviennent à remettre de l'ordre dans leur économie, et que, grâce à cela, les économies asiatiques puissent accepter une appréciation de leur monnaie par rapport au dollar, ce qui faciliterait une répartition équitable entre toutes les zones économiques du monde.
Une autre tâche incombe aux États-Unis : celle de réduire leur déficit fiscal à la base de leurs emprunts.
Mme Lizin se demande si l'on ne pourrait pas, en tant qu'européens, élaborer une stratégie, par exemple avec la Chine. Nous avons une monnaie très forte qui est encore en augmentation par rapport au dollar. Les États-Unis, de leur côté, financent leur guerre à nos dépens. Il est en effet constant que la Belgique, tout comme la France et l'Allemagne, se trouve en situation difficile. Le FMI peut-il générer une stratégie de réplique, ou est-il trop dominé par les États-Unis ?
M. Kiekens répond que la conclusion de la dernière réunion du Fonds à Dubaï contenait un avis à tous les pays pour qu'ils assument chacun leur juste part dans le rétablissement du marché monétaire : les États-Unis en diminuant leur déficit fiscal, l'Europe en prenant des mesures structurelles pour la réforme de son marché du travail et pour la gestion de la productivité.
M. Mahoux estime que les experts, même ceux du FMI, ne sauraient être qualifiés d'objectifs. Ils sont liés par une certaine idéologie économique. Si l'on considère par exemple le problème du Japon, on constate que les japonais ont tellement peu confiance en leur monnaie qu'ils n'investissent plus. Mais il n'y a pas de politique d'investissement public au Japon, qui puisse générer une relance. Ni pour ce qui concerne les pays riches, ni par rapport aux économies pauvres, le FMI ne met en exergue les politiques d'investissement de ce type, parce qu'on les considère comme des politiques de dépenses. Il n'en reste pas moins que ces politiques sont des éléments de relance. Il serait intéressant de voir auprès des instances du FMI une appréciation positive de ces investissements, ce qui pourrait inciter certains pays à les utiliser.
M. Kiekens n'est pas d'accord avec ces explications, et l'exemple même du Japon le démontre. Le FMI n'aurait pas dû conseiller au Japon de faire des investissements publics. Cela n'a rien apporté, si ce n'est une situation d'endettement de 160 % de son GDP et un déficit de 7 %. Par conséquent, il y a une absence complète de confiance dans le chef des consommateurs qui sont confrontés à une dette catastrophique et à un vieillissement de la population extrêmement aigu.
M. Mahoux reproche à ce type de politiques une vision du tout ou rien, basée sur un certain modèle économique. Or, l'économie n'étant pas une science exacte, les pistes sont souvent tracées de manière trop équivoque, sans les nuances qui s'imposent. Il se rappelle que lors d'une réunion à Tokyo, ses collègues libéraux furent étonnés d'apprendre qu'un pays en déficit allait encore l'agrandir avec des investissements publics. Avant de rejeter l'idée que ces investissements puissent être ne fût-ce qu'un élément de relance, et de se focaliser sur l'augmentation de la productivité et la maîtrise de la dépense en termes d'emploi. Ce faisant, l'on ne tient pas compte d'un équilibre dans un politique économique, qui prend également l'aspect social en considération.
Mme Crombé-Berton revient sur le problème de la déflation au Japon, et demande quel remède y apporter. En outre, quant à la croissance américaine, il faut bien avouer qu'elle existe parce que les États-Unis ont creusé un déficit, même abstraction faite de l'effort de guerre. Nous avons profité indirectement de la croissance américaine.
Devons-nous réduire nos taux d'intérêt pour éviter l'appréciation du dollar ou faut-il laisser le déficit annihiler le pacte de stabilité comme le font les Français et les Allemands, ce qui permettrait de relancer la croissance comme aux États-Unis ?
M. Noreilde estime également que certaines différences idéologiques peuvent justifier une différence d'approche. Par ailleurs, que pense M. Kiekens de la politique monétaire européenne, et que va-t-il advenir du pacte de stabilité ? Il croit fermement dans les vertus d'une politique monétaire et il est convaincu que s'il y a croissance économique, c'est parce que les États membres européens sont conscients de leurs responsabilités. M. Dehaene a lancé le processus et le gouvernement actuel poursuit sa politique. Il est regrettable que l'Allemagne, qui s'est toujours portée garante d'une politique financière rigoureuse, lâche aujourd'hui la bride. Peut-être cela s'explique-t-il par certains motifs idéologiques qui animent M. Schröder.
Il pense que ce n'est pas une bonne chose et qu'il faut pratiquer une politique financière stricte. Il aimerait savoir ce que le FMI pense du pacte de stabilité, surtout à la lumière d'une interview publiée dans « De Standaard », dans laquelle on donne à penser que le FMI n'est plus inconditionnellement partisan d'un équilibre budgétaire nominal, même plus en ce qui concerne la Belgique, et qu'il faut accepter que l'on prenne des mesures ad hoc sous la forme d'un plafonnement de la croissance des dépenses. Cela signifierait en fin de compte que le FMI est favorable à une adaptation du pacte de stabilité en ce sens. L'orateur trouve-t-il cela réaliste ?
M. Galand a la conviction que les chiffres de croissance ne reflètent pas nécessairement l'état de l'économie du pays, parce qu'ils sont faussés par des flux spéculatifs et incontrôlables. C'est pourquoi il faudrait contrôler ces flux, par exemple en instaurant une taxe Tobin.
L'on constate d'autre part que des États ne parviennent pas à contrôler des capitaux qui se créent et qui, au lieu de s'investir pour créer des équilibres internes, échappent à tout contrôle des pouvoirs publics. C'est le cas de la Russie actuellement, où on a vu que les oligarchies peuvent se protéger de toute guidance de l'État dans la création de richesses internes.
Ensuite, l'on constate que la politique menée par le FMI à l'égard des pays les moins avancés a montré ses limites, puisqu'elle a déstabilisé pas mal d'États du Sud, entre autres en Afrique, qui est en état de convulsion permanente, avec des guerres à la clef. Il est indéniable que le FMI porte une part de responsabilité par ses politiques d'ajustement structurel. Comment envisage-t-il de conseiller la Banque mondiale et les États pour arriver petit à petit à structurer une augmentation de la capacité financière des gens, pour leur permettre de répondre à leurs besoin fondamentaux, en travaillant sur la demande plutôt que sur l'investissement. C'est la demande qui doit permettre d'en revenir à la satisfaction des besoins primaires. Il ne faut donc plus se satisfaire de voir une croissance, et de laisser ensuite les capitaux « fuir » implacablement vers des endroits rémunérateurs, en provoquant ainsi des débâcles dans les pays d'où sortent les capitaux.
M. Hostekint rejoint la question de M. Galand. Il voudrait donner une dimension sociale à la discussion, qui a été menée presque exclusivement sur le plan financier et monétaire jusqu'à présent. On a créé le FMI et la Banque mondiale immédiatement après la Deuxième Guerre mondiale, notamment en vue de renforcer la stabilité financière et monétaire. On y est parvenu pendant tout un temps, mais on constate à présent que les riches se sont enrichis et que les pauvres se sont appauvris. En vertu des statuts, les États membres doivent respecter les directives du FMI et de la Banque mondiale. L'octroi d'un prêt par la Banque mondiale est soumis de fait à des conditions très strictes qui, dans la plupart des cas, plongent encore davantage les pays moins développés dans les problèmes et qui ont surtout des conséquences graves pour les populations. Il voudrait savoir dans quelle mesure le FMI tient compte d'éléments sociaux lorsqu'il rédige un plan avec l'État membre concerné. Certes, l'aspect financier prime, mais il faut également prendre en considération l'incidence sociale d'un plan. L'objectif du FMI était de favoriser la mondialisation. Il existe à présent un mouvement altermondialiste qui veut s'attaquer à l'ordre économique mondial, pour promouvoir une plus grande justice en faveur du tiers-monde dans le Sud.
Mme Lizin veut revenir sur les mécanismes de collaboration entre le FMI et la Banque mondiale. En ce qui concerne le PRSP, c'est la Banque mondiale qui établit le programme avec le pays concerné. Comment le FMI apprécie-t-il la démarche du PRSP ?
On avait promis une vision globale pour ce genre de plans à la fin de l'année. Prévoit-on presque automatiquement des facilités de paiement ? Comment s'établit le lien entre la plan convenu avec la Banque Mondiale et la gestion des sommes octroyées ?
Par ailleurs, elle prend connaissance, par le biais d'ouvrages spécialisés, des méthodes de financement du terrorisme, de l'argent qui circule dans des conditions supectes dans les pays pétroliers, notamment en Arabie Saoudite, dans les émirats, au Soudan, au Congo et dans d'autres pays (trafic d'or et autres). Le FMI prend-il des mesures au sujet de ces circuits qui sont à la limite de la légalité ? Y a-t-il à ce sujet des consultations avec le monde pétrolier ?
M. Kiekens répondra aux questions dans l'ordre où elles ont été posées.
En ce qui concerne la situation du Japon, il est clair qu'il faut assainir la balance des banques, ce qui nécessite une restructuration en profondeur du secteur. Il faut aussi assainir les bilans de nombre de sociétés en difficulté.
Le FMI reconnaît que le déficit américain a contribué à la croissance imminente aux États-Unis. C'est un point positif très apprécié. Mais il faut constater qu'il subsiste des déséquilibres financiers plus aigus dans l'économie mondiale, particulièrement en Europe. C'est celle-ci qui en souffre.
Sur le plan de la politique monétaire européenne, le FMI est d'avis que le taux d'intérêt est adéquat. Il ne faut donc pas modifier la politique monétaire.
En ce qui concerne le pacte de stabilité, le FMI était parmi les premiers à recommander son interprétation souple, tout en soulignant la nécessité de respecter le pacte à long terme. Le pacte a comme règle essentielle des situations en balance au niveau fiscal. Eu égard, surtout, au vieillissement des populations, les charges fiscales vont augmenter de façon considérable à partir de 2010. Le FMI recommande de respecter le pacte, de sorte que la situation soit équilibrée en moyenne, c'est-à-dire compte tenu des cycles économiques. Par rapport à la Belgique, cette recommandation implique qu'il faut se préoccuper plutôt de la balance structurelle, en négligeant les impacts temporaires de l'évolution du cycle économique. Il faut donc veiller à avoir à tout moment, c'est-à-dire quelle que soit l'évolution du cycle, un budget en équilibre. Le fonds recommande un déficit nominal en période de conjoncture défavorable, plutôt de prendre des mesures fiscales pour contrer la tendance du cycle. Au niveau européen, le Fonds a été le premier à recommander de ne pas réagir chaque fois que la dégradation pouvait être expliquée uniquement par l'évolution du cycle.
En ce qui concerne la France et l'Allemagne, deux pays qui dépassent depuis plusieurs années consécutives les 3 % de déficit, le Fonds recommande des mesures structurelles, c'est-à-dire hors cycle, pour ramener graduellement le déficit dans la limite des 3 %. Ces mesures doivent impliquer au minimum une réduction du déficit de 0,5 % du GDP par an, étalé sur trois ans.
Il est acceptable que l'Allemagne ne prenne pas ces mesures, pour le budget 2004, pour autant que le gouvernement annonce dès à présent de façon crédible quelles seront ces mesures. Qu'en est-il actuellement ? Le gouvernement n'a pas respecté cette condition et continue à accumuler le déficit.
Comment faut-il contrôler les flux de capitaux spéculatifs ? Faut-il une taxe Tobin ? L'orateur renvoie à sa déclaration faite à la commission du Sénat il y a deux ans, et maintient son point de vue. Le Fonds n'est pas favorable à pareille taxe et considère que cela risque d'aggraver l'instabilité financière internationale. Le Fonds s'en tient actuellement à quelques grands axes pour augmenter la stabilité financière internationale et pour éviter ainsi des situations comme on en a connu au Mexique, en Asie, en Russie et au Brésil.
Contrairement à ce qu'un sénateur a suggéré, le Fonds a bel et bien réagi. Mais il est vrai qu'il n'a pas su anticiper la crise.
Le premier axe est qu'il faut que les pays concernés donnent davantage de publicité aux informations susceptibles d'être mises à la disposition des opérateurs du marché. Des données statistiques fiables sont très importantes à cet égard. Il ne faut pas que les opérateurs se fondent sur les données du FMI, qui étaient au demeurant secrètes à cette époque. Le Fonds a dès lors déterminé les normes pour la réalisation et la publication de ces statistiques. La plupart des pays émergents se sont alignés. Le Fonds a aussi décidé de publier toutes ses analyses, afin de permettre aux opérateurs de décider leurs investissements en connaissance de cause. Le Fonds est convaincu que cela contribuera bien plus à la stabilité, que de provoquer des crises de panique. C'est ce dernier réflexe qui conduit à des spéculations.
Le deuxième axe est de ne pas maintenir des taux de change fixes. La spéculation est surtout alimentée par la perspective des gains de change. Il ressort de l'analyse de toutes les grandes crises des années '90 qu'elles se produisaient toutes dans des pays ayant des taux de change fixes, qu'ils le soient de façon formelle ou informelle.
Le troisième axe consiste à éviter les prêts excessifs à court terme, qui sont générés surtout dans des régimes de taux de change fixes. Les investisseurs ont intérêt, dans ce cas, à financer leurs investissements par des prêts à taux bas dans une monnaie étrangère.
Les opérateurs thaïlandais et coréens, entre autres, préféraient se financer à court terme en dollars et en yens à un taux d'intérêt très bas, plutôt que sur le marché local à des taux très élevés, croyant que le taux de change entre le dollar et la monnaie locale ne changerait pas. Comment l'éviter ? C'est le système bancaire qui doit endiguer ces flux de capitaux. C'est lui qui, de manière essentielle, est le canal de transmission des capitaux à très court terme. Ce sont ces banques qui achètent des dollars et prêtent ensuite soit en monnaie locale au gouvernement, comme ce fut le cas en Russie, soit directement aux entreprises, en monnaie locale ou en monnaie étrangère. S'il y a une crise de change dans ce contexte, le système bancaire est en faillite parce qu'il ont pris des positions ouvertes excessives (c'est-à-dire dans certains cas à concurrence de plus de 100 % de leur capital propre). Cela peut être avantageux à un certain moment et mener à des rendements sur capital propre de 20 %. Dès que le taux change, le système bancaire périclite, avec une intervention de l'État à concurrence de 20 à 30 % du GDP en moyens fiscaux.
Le FMI en a tiré les conséquences et intensifie ses consultations conformément à l'article IV afin de vérifier de manière précise la qualité de la surveillance bancaire dans les pays émergents.
À la question de M. Hostekint sur la politique générale du FMI et de la Banque mondiale dans les pays les plus pauvres, l'orateur répond que le FMI et la Banque mondiale sont très préoccupés par cette question.
Vingt pour cent de la population mondiale détient 80 % des revenus annuels.
Par ailleurs, 20 % de la population n'a pas 1 dollar par jour pour survivre. Il s'agit là d'un déséquilibre important et qui, pour l'Afrique, ne fait que s'aggraver.
Le FMI constate que la situation des pays qui s'apprêtent à s'insérer dans l'économie mondiale s'améliore. Il s'agit de 24 pays qui ont une population de 3 milliards de personnes, et dont le taux de croissance est de 5 % en moyenne, et ce pendant plus d'une décennie, alors que ce taux est de 2,5 % seulement dans les pays avancés. Cette croissance soutenue est la condition essentielle pour atteindre une convergence dans les niveaux de vie. Ainsi, la Chine, le Brésil, le Mexique et d'autres pays sont capables de générer des taux de croissance soutenus, au-delà de 5 %. La Chine en est un exemple parfait et l'Inde se manifeste également à ce niveau, en étant capable de soutenir aussi des taux de croissance de plus en plus élevés grâce à une politique relativement récente qui consiste à s'ouvrir à une concurrence internationale et à une dérégulation de l'économie. L'exemple-clé en est le secteur informatique qui est très compétitif. L'exportation des produits et du savoir-faire en informatique représente 40 % des exportations totales de l'Inde.
En revanche, pas mal d'autres pays, qui représentent une population globale d'environ 1,5 milliards de personnes, se marginalisent de plus en plus, surtout l'Afrique subsaharienne, qui a connu, ces 25 dernières années, une dégradation du niveau de vie de sa population. Les calculs démontrent que, par tête d'habitant, la croissance annuelle y est négative à concurrence de 0,2 % par an.
Le FMI mène une stratégie internationale, qui est généralement acceptée et qui est basée sur 3 axes : le « consensus de Monterey ».
Le premier pilier est la responsabilité des États eux-mêmes pour l'amélioration de leur politique économique, la lutte contre la corruption, l'amélioration de leur gouvernance et la politique de lutte contre la pauvreté en augmentant les chances des pauvres afin qu'ils puissent participer pleinement à la vie sociale et économique. Il faut cibler l'amélioration de la santé et l'éducation de base. La part des dépenses réservée à l'éducation de base et aux soins de santé de base dans les pays pauvres a doublé pendant les 6 dernières années.
En 1999, ces dépenses étaient d'environ 6 % de leur GDP. Actuellement, le Fonds espère qu'elles puissent atteindre environ 12 % de leur GDP. C'est la preuve du succès de la politique du FMI et de la Banque mondiale qui consiste à recommander aux gouvernements de diminuer les dépenses improductives, comme celles destinées à l'armement, et d'augmenter les dépenses en faveur des pauvres. Nonobstant cela, les pays pauvres dépensent par année 200 milliards de dollars pour l'armement, soit nettement plus que les dépenses en matière d'éducation. Le FMI ne manque aucune occasion, lors de l'établissement de rapports sur des pays comme le Pakistan et l'Inde, de souligner que les dépenses militaires sont nettement plus importantes que pour les nécessités de base.
Le deuxième pilier consiste à augmenter l'aide au développement. Le FMI a obtenu que soit signé un accord international par lequel les pays s'engagent à atteindre les objectifs de développement du millénaire, c'est-à-dire la réduction de moitié de la pauvreté par le biais de 8 objectifs concrets, comme l'éducation. Les pays pauvres ne seront pas en mesure d'atteindre ces objectifs, même en améliorant leur politique en cours, sans une augmentation claire et nette de l'aide au développement.
Le FMI a constaté que l'aide au développement (ODA) était d'environ 0,4 % des GDP en 1960, alors qu'actuellement, elle n'atteint plus de 0,22 %, soit 54 milliards de dollars, contre 600 milliards de dollars pour les dépenses militaires.
Selon le calcul de la Banque mondiale, il faut au minimum doubler ce montant.
À Monterrey, l'on a pu obtenir un accord pour une augmentation de cette aide de 16 milliards de dollars, ce qui est encore nettement insuffisant pour permettre aux pays en voie de développement d'atteindre les objectifs du millénaire.
Tout l'agenda de la Conférence de Doha était lié à cela.
Cette stratégie ne sera toutefois pas nécessairement favorable à tous les pays en développement. Les pays les plus pauvres sont généralement dépendants et sont des importateurs nets de produits agricoles. L'objectif de la Conférence de Doha, est de supprimer les subventions dans les pays avancés, qui s'élèvent actuellement à 300 milliards de dollars (6 fois plus important que l'ODA). Il en résultera inévitablement une augmentation des prix agricoles sur le marché mondial. D'où une facture plus lourde pour les pays les plus pauvres.
Les pays qui bénéficieront davantage de cette politique seront certains pays exportateurs parmi les pays avancés, à savoir le Canada, la Nouvelle-Zélande, et des pays intermédiaires, comme le Brésil et l'Argentine.
Globalement, c'est une politique très complexe qui va dans la bonne direction, mais qui ne sera pas immédiatement bénéfique pour tous les pays.
L'on craint que les pays pauvres ne soient pas à même de concurrencer les grandes entreprise agricoles qui existent en Argentine, aux États-Unis et en Europe.
Un bref exposé sur le PRSP et la lutte contre le terrorisme s'impose encore. On a souvent, et peut-être à juste titre, reproché au FMI et à la Banque mondiale d'imposer des conditions que les pays concernés ne font pas leurs ou ne reconnaissent pas (« there is no ownership »). Le phénomène est maintenant reconnu et les politiques sont ajustées pour autant que les leaders politiques et la population entière acceptent de considérer cette solution comme étant la meilleure. C'est pourquoi les gouvernements sont invités à organiser un processus participatif impliquant les ONG, les parlementaires, les syndicats et les fédérations des entrepreneurs et les donateurs potentiels internationaux afin d'en arriver à une stratégie acceptée par la population et par les partenaires internationaux.
Le FMI joue un rôle très particulier dans la lutte contre le terrorisme. Il a élaboré avec le FATAF (Financial action task force) une méthodologie pour apprécier la politique de tous les pays. Chaque pays est invité à se concerter avec le fonds et à soumettre à discussion sa politique de lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme. Des rapports sont établis et publiés, pour autant que le pays concerné l'accepte. Le Fonds dispose ainsi d'une position-clé pour aider les pays à être efficaces dans la lutte contre le terrorisme et contre le blanchiment.
II.2.1. Audition de M. Guy Quaden, gouverneur de la Banque nationale de Belgique
M. Quaden précise préalablement qu'il tiendra un exposé, non sur la gouvernance du FMI ou la BM, mais bien sur la globalisation des marchés financiers.
Il faut préciser d'emblée que l'objectif institutionnel du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale (BM) est d'assurer la stabilité des marchés financiers, dans un environnement international qui profite actuellement d'un degré modéré d'inflation.
Les banques centrales ont, de leur côté, une autre priorité : garantir la stabilité purement monétaire, dans un contexte de conservation de pouvoir d'achat et d'une érosion monétaire modérée.
Le but global des institutions citées est d'éviter des troubles graves et « systémiques » qui perturbent les systèmes bancaires ou les marchés financiers.
Tout ce système doit être guidé, selon lui, par trois grands axes, qui sont, outre la stabilité, l'efficacité, qui mène à plus de croissance, et l'équité, qui mène à une certaine justice, ce qui est l'objectif principal. Le système doit fonctionner par une interaction constante entre ces trois axes.
L'interrogation sur le système global doit porter sur la contribution des marchés financiers à l'économie.
Il y a incontestablement une internationalisation des marchés financiers, qui mène à un degré d'ouverture plus grand. Cela se déduit entre autres des indicateurs financiers comparés des pays industrialisés et des pays en voie de développement. Ces indicateurs se basent sur les stocks d'actifs et de passifs financiers des pays industrialisés.
Il y a moins de flux de fuites financières.
Dans les pays en voie de développement, la courbe indique une diminution des restrictions des flux de capitaux. Ce mouvement s'est produit essentiellement dans les années '90.
Globalement parlant, l'on peut considérer qu'il y a dans le monde des entrées et sorties accrues, dans un contexte d'ouverture grandissante.
Les moteurs de ce mouvement sont l'évolution technologique accrue et une politique volontariste. Le résultat de cette analyse montre que les tendances à l'ouverture sont incompressibles et irréversibles.
En ce qui concerne la technologie, le développement des systèmes a été rendu possible grâce à la capacité de stockage accrue de données, ainsi qu'au transfert facile de celles-ci. On peut ainsi transférer facilement des milliards d'euros en quelques secondes.
L'évolution financière se fait par l'innovation (cf. les « produits dérivés »). Il s'ensuit que la globalisation est inévitable. Il faut dès lors se demander comment organiser au mieux cette évolution.
La dérégulation est un choix politique. Auparavant, les marchés financiers ont été cloisonnés, à la suite des événements des années '30.
Il y a incontestablement une tendance récente à l'ouverture. Il y a aussi l'exemple éclatant de l'UE et l'Union monétaire. Ces créations politiques ont sans aucun doute provoqué des flux de capitaux inconnus auparavant.
L'efficacité
L'efficacité consiste en des avantages potentiels pour l'ensemble des parties engagées. Ceci permet de réduire le coût de l'emprunt pour les emprunteurs. Les épargnants ont, d'autre part, de plus en plus de formules qui présentent de moins en moins de risques, grâce à la diversification. L'efficacité est réelle, comme le démontre le coût de plus en plus réduit de l'endettement.
La stabilité
Le deuxième aspect est la stabilité. L'internationalisation mène indubitablement à plus d'efficacité, mais il n'en résulte pas nécessairement plus de stabilité. Ce mauvais résultat apparaît à la suite d'une politique inappropriée et d'une mondialisation non proportionnée. Ceci est dû principalement au fait que les agents économiques prennent de plus en plus de risques.
Cela engendre un risque « systémique » et une plus grande volatilité des sources de revenus majorées.
Les vingt dernières années ont connu un développement des flux internationaux, ce qui va de pair avec des secousses du secteur financier et des crises systémiques. Ainsi a-t-on connu la faillite de la Barings Bank, et celle de la BCCI. Il y eut également les crises des « loan banks » aux USA, d'une banque japonaise et de certaines banques scandinaves.
Les crises financières se sont aussi produites dans les pays en voie de développement émergents. Les causes sont souvent internes, comme l'origine plus diverse des capitaux.
Mais même le professeur Stiglitz indique qu'il y a parfois des causes externes, comme la « contagion ». Il y a une bulle financière qui éclate, et qui a des conséquences au niveau du financement des pays en voie de développement.
Il y a un certain esprit grégaire, à défaut de la confiance nécessaire.
Le FMI provoque une évolution des fonds et une aide aux pays en voie de développement.
L'internationalisation donne lieu à plus d'efficacité, et concomitamment à des risques accrus pour la stabilité.
Les FSAP (Financial Sector Assessment Programs), effectués par des spécialistes qui analysent chaque pays, indiquent qu'il faut agir plus vite. Les comités « Lamfalussy » (du nom d'un ancien directeur du FME) chargés du contrôle des banques, des assurances et des bourses, ont été mis en place. En Belgique, la loi du 2 août 2002 a restructuré le contrôle des institutions financières, par la fusion de différents services en une seule CBFA.
La Banque nationale de Belgique a obtenu plus de compétences pour exercer le contrôle macro-prudentiel; tandis que des institutions comme la CBFA sont chargés du contrôle micro-prudentiel. La différence entre ces contrôles devient toutefois de moins en moins impertinente.
L'équité
En ce qui concerne l'équité, celle-ci impose que les différents agents soient traités de la même façon, qu'il s'agisse de petits ou de grands emprunteurs. Un traitement égal doit comporter une information égale. Cela concerne deux aspects : l'internationalisation des capitaux et la sophistication des produits financiers. Même les employés de banque ne comprennent plus les produits. Il faut donc que le contrôle prudentiel englobe l'info des consommateurs.
L'on constate également une harmonisation fiscale qui fait une distinction entre les revenus que le contribuable tire du travail et celui qu'il tire de l'épargne. Certains États font du dumping pour attirer des fonds venant d'autres États. Cette pratique doit être combattue par l'UE.
L'équité concerne aussi les relations entre débiteurs et créditeurs. Les débiteurs sont souvent les pays les plus pauvres. Il faut tenir compte de leurs préoccupations. Par ailleurs, les créanciers doivent aussi être traités correctement, si l'on veut encore trouver des prêteurs demain.
Corporate governance
En ce qui concerne la corporate governance, l'on constate différents scandales qui alimentent la discussion sur le contrôle des multinationales. Il y a d'abord eu Enron, aux USA, et ensuite, en Europe, Parmalat et Ahold. Heureusement, aucune banque n'était concernée. Cela indique que le contrôle des banques fonctionne mieux.
Le blanchiment d'argent criminel est aussi une question sur laquelle il faut se pencher. Force est de constater que les progrès technologiques ne profitent pas seulement au progrès de la société, mais aussi à des milieux qui trafiquent l'argent sale. Il faut combattre ce phénomène, et l'on s'y emploie.
Au niveau international, des initiatives ont été prises par le FMI et l'OCDE pour combattre ce fléau.
Conclusion
La conclusion générale qu'on peut tirer de cet aperçu est que les marchés financiers, qui ont été pendant longtemps fortement protégés, sont devenus plus souples depuis les années '70.
Ce mouvement est dû, d'une part, à des éléments idéologiques, c'est-à-dire la thèse qu'il fallait moins de contrôle et plus d'ouverture, et, d'autre part, à l'évolution technologique, qui a permis des mouvements à longue distance dans la seconde, qui sont difficilement conciliables avec un contrôle fastidieux.
Le point de vue le plus répandu parmi ceux qui mènent une réflexion théorique sur ces questions, est que la liberté accrue n'exclut toutefois pas les problèmes, comme le manque de stabilité et d'équité suffisantes.
Ceci a amené d'aucuns à vouloir réguler à nouveau, surtout dans l'espace UE. Mais il ne s'agirait plus d'un retour aux systèmes des années '30, mais d'une régulation souple adaptée aux pays industriels et à ceux en voie de développement.
M. Galand se réfère à un diagramme en forme de coupe de champagne, qui démontre bien l'inégalité de la répartition des richesses entre pays. La richesse mondiale est très concentrée dans les pays riches, tandis que 20 % des pays pauvres se retrouvent sans ressources financières.
Par-dessus tout, l'enrichissement est réservé à une certaine catégorie de la population.
La dérégularisation accélérée induit une instabilité supplémentaire, ainsi qu'une injustice planétaire.
Il y a un besoin d'information accrue dans certains domaines, mais tous ne participent pas à ce mouvement, parce qu'ils ne disposent pas de moyens financiers.
Il donne l'exemple du paysan indien, qui n'a aucune information sur l'avenir de sa récolte, alors que de puissantes multinationales, qui achèteront ses produits, disposent de données provenant de satellites, qui détectent la qualité des produits, et prévoient la météo, ce qui leur permet de spéculer.
En ce qui concerne les soucis de sécuriser le crédit, il y a lieu de dire que le citoyen épargnant n'est pas immunisé, quant à lui, contre les prédateurs de l'épargne.
La question de la protection de cet épargnant mérite également une réflexion.
Un autre problème est constitué par l'existence de multiples paradis fiscaux, même dans l'enceinte de l'UE. Cela permet à des prédateurs de capter des sommes énormes sur le marché financier, tout en éludant les charges fiscales.
Que penser ensuite de la taxe Tobin comme parade à la volatilité des capitaux ?
Enfin, il s'inquiète de la gouvernance des IFI par rapport aux pays du Sud. On a ainsi laissé s'accumuler les dettes au Congo jusqu'à un niveau de 15 milliards de dollars, on a permis à M. Marcos de dominer seul aux Philippines et de massacrer sans aucune mesure de rétorsion, pour ne pas parler de l'Irak.
Il insiste sur la nécessité d'introduire une force régulatrice dans le concert international (FMI-BM-OCDE).
Mme Durant se soucie de la volatilité des capitaux, qui est parfois néfaste pour les populations des pays du Sud. Quels outils peut-on mettre en place pour contrer ce phénomène ?
La réponse devra tenir compte des limites de la gouvernance des IFI. Ainsi constate-t-on que ces populations n'ont plus du tout accès au crédit, mis à part les micro-crédits.
Comment peut-on par ailleurs maîtriser les « produits dérivés » ?
L'on invoque souvent les difficultés de nos banques belges à investir ailleurs, dans le but de soutenir le capital à risque. Mais le problème est réciproque : beaucoup d'entreprises congolaises pourraient profiter de tels crédits pour se développer et exporter en Belgique, si au moins elles pouvaient être aidées au niveau du capital à risque qu'elles veulent investir. Cette aide pourrait venir d'ici et constituerait aussi une forme d'aide au développement.
M. Dedecker voit poindre dans ce débat une contradiction entre aide au développement et manque de démocratie.
Le FMI a-t-il pour objectif de lutter contre les conditions de vie inhumaines ?
Le représentant belge au FMI représente également des pays hors UE. Rédige-t-il des rapports sur ces pays ou sur d'autres pays, sans faire mention de cette problématique ?
Mme de Bethune rappelle que plusieurs résolutions du Parlement relatives à la mondialisation traitent aussi de la dette du tiers monde et de l'annulation de cette dette. Il importe de revenir constamment sur ce point. Certains programmes développés autour de ce thème, tels que IPIC-2, fonctionnent mal. Il y a lieu de le souligner.
La présidente plaide pour autoriser à nouveau l'intervention des États dans les flux financiers, ce dont le FMI est un farouche opposant.
Des critiques très larges sont ainsi contrecarrées à tort. Il suffit de penser à l'exemple de la Russie, où l'on voit des spéculations de type maffieux, qui ont un impact direct sur la pauvreté des Russes. Le sens des responsabilités n'étant jamais rétabli, l'on suscite des critiques.
Il faut aussi réformer à l'intérieur du FMI. Au vu de ses expériences avec le PRSP et le PRJF, elle sait que jamais le FMI ne s'est penché sur le coût d'une santé raisonnable ou d'une éducation pour tous.
D'où sa proposition de résolution visant à insérer une démarche obligatoire de ce genre dans les accords de Bretton-Woods (les « Articles of agreement »), en tenant compte de ses effets sur la stabilité.
L'on ne peut pas passer sous silence les droits économiques et sociaux, auxquels souscrivent par ailleurs tous les États démocratiques représentés dans les enceintes des IFI.
Le gouverneur revient sur les principes de base qui règlent à son avis tous ces problèmes.
Le premier en est que la globalisation présente des avantages et des inconvénients, mais qu'elle est irréversible. Les évolutions technologiques empêchent tout blocage ou retour en arrière.
Le second est que les IFI sont améliorables, tout comme l'OIC.
La question fondamentale, dans ce contexte, est de savoir si le monde serait moins mauvais avec ou sans ces institutions.
La grande pauvreté concerne beaucoup de personnes, mais il y a lieu de constater que des progrès ont été faits ces dix dernières années. Il suffit de regarder les pays émergents comme la Chine et l'Inde.
Il est tout aussi vrai que le continent africain suit une évolution accélérée dans le sens de la pauvreté.
Il est vrai que l'internationalisation amène une aggravation de la pauvreté dans certains cas, mais il ne faut pas sous-estimer l'impact des problèmes internes au niveau de l'organisation de l'État.
En ce qui concerne la volatilité des monnaies et la répercussion sur les taux de change, il renvoie à l'audition qui a eu lieu à la commission des Finances du Sénat en l'an 2000.
Il est illusoire de penser que la taxe Tobin sera introduite en un coup de main. Elle présente en tout cas l'avantage d'atteindre deux objectifs par le biais d'une seule taxe. En effet, elle poursuit l'objectif de stabilité des marchés, et en même temps celui de l'équité, en rentrant de l'argent pour le développement.
L'inconvénient de la taxe Tobin est qu'elle ne permet pas de faire la distinction entre les transferts de capitaux qui sont réalisés de bonne foi et ceux qui sont réalisés de mauvaise foi. Le professeur Stiglitz confirme d'ailleurs cette analyse.
La distinction entre les transferts de capitaux réalisés de bonne foi et ceux qui sont réalisés de mauvaise foi existe depuis les années '70, puisqu'il y avait à l'époque un système de double marché.
Il y avait le marché où les cours du change étaient stables, réservé aux transactions commerciales, et l'autre, fluctuant, pour les transactions purement financières. La différence était en moyenne de 10 %. Ce système n'a pas découragé les spéculations.
La taxe Tobin n'atteindra son objectif que moyennant l'accord le plus large possible. Un accord limité aux seuls pays de l'UE est trop limité.
La meilleure façon d'éviter les grosses fluctuations est de diminuer le nombre de monnaies. L'euro en a été le meilleur exemple. Ceci doit être combiné avec une politique plus stable tendant à limiter la spéculation.
Le professeur Stiglitz indique aussi qu'il faut combiner la justice sociale avec la confiance des principaux opérateurs financiers.
L'euro offre la possibilité de diversifier les paiements internationaux. L'euro occupe actuellement la plus grande part dans les réserves internationales.
La proportion du dollar US et de l'euro dans les transactions commerciales est de 40-50 % contre 25 %.
Dans les réserves des Banques centrales, la quote-part du dollar est plus grande, et beaucoup de monnaies sont liées au dollar (comme en Chine). Les Banques centrales achètent toujours des dollars.
Il suffit de s'en référer à la liste de l'OCDE qui reprend les États qui ne respectent pas les normes morales. Cette liste est inattaquable. L'orateur est favorable à la mise sous pression des États qui ne respectent pas ces normes.
La morale a deux facettes : les épargnants sont effectivement victimes de financiers sans scrupules, mais aussi de leur propre cupidité.
Il y a eu des crises sérieuses, comme en Argentine, et des attaques terroristes;
À la différence des années 30, la stabilité des banques a progressé. Par contre, la protection de l'épargnant peut être améliorée.
Lors de l'assemblée générale du FMI, à laquelle le gouverneur assiste, l'on constate une différente perception entre l'Europe et les États-Unis. L'Europe considère que le peuple américain est sans coeur, qu'il ne se préoccupe pas des nations pauvres. Les États-Unis considèrent le FMI comme une bureaucratie, dominée par les sociaux-démocrates, qui donnent trop d'argent aux pays pauvres.
Le gouverneur tient cependant à souligner que le FMI n'a jamais été insensible aux conséquences sociales de ses programmes. Une évolution positive est aperçue.
Mme Lizin admet qu'il faut faire la part des choses : les délégués des pays sont influençables.
Le gouverneur insiste pour que les gouverneurs continuent à tenir compte de leur souvenir collectif : ils ne peuvent se défaire de l'influence de la perception due à leur pays d'origine.
Quant à la dette du tiers monde, il y a d'excellentes raisons pour l'effacer, mais à trois conditions :
les sources de financement doivent continuer à exister, et il faut dès lors protéger les prêteurs;
il ne faut pas dissiper les bons payeurs, en remettant indifféremment toutes les dettes;
il faut garantir la bonne utilisation de la masse financière gagnée, et éviter la corruption à ce niveau.
M. Alzetta précise d'abord son propre rôle, qui consiste à siéger en tant que suppléant au conseil d'administration de la Banque.
Il y représente la Belgique, mais également l'Autriche, le Belarus, la République tchèque, la Hongrie, le Kazakhstan, le Luxembourg, la République slovaque, la Slovénie et la Turquie.
Il évoque ensuite quatre facettes moins connues de la politique de la Banque :
les droits de l'homme;
la relation Banque mondiale/parlements nationaux;
les politiques de réduction de la pauvreté;
la participation des pays en voie de développement aux décisions de la Banque.
Pour bien comprendre le fonctionnement actuel, il faut savoir où la Banque trouve son origine.
L'objectif de la Conférence de Bretton-Woods était de créer trois piliers en vue de poursuivre trois objectifs majeurs :
faciliter la reconstruction de l'Europe (Banque mondiale);
assurer la stabilité financière et monétaire (FMI);
restaurer et stimuler le commerce (GATT, devenu plus tard l'OMC).
La Banque a évolué depuis sa fondation. Elle s'est véritablement globalisée et a comme emprunteurs actuels les pays du tiers monde et les pays en transition.
La Belgique a, quant à elle, obtenu quatre prêts totalisant 76 millions de dollars entre 1949 et 1957. Les trois derniers lui ont été accordés pour le développement d'infrastructures au Congo.
Il procède à la description du Groupe de la Banque en commençant par la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), le guichet non concessionnel du Groupe.
La BIRD a été créée en 1945. Elle compte actuellement 184 membres. Pour être membre de la BIRD, il faut être membre de l'ONU et du FMI. Les seuls pays membres des Nations Unies qui ne sont pas membres de la BIRD sont : Monaco, le Vatican, Palau, la Corée du Nord et Cuba.
La Banque accorde des prêts au taux du marché pour des maturités inférieures ou égales à 20 ans.
Environ 6 % du total du capital souscrit actuel (le capital autorisé s'élève à près de 180 milliards de dollars) a été effectivement versé par les pays membres. Le solde constitue le capital appelable, callable capital qui sert de garantie aux emprunts de la Banque sur les marchés des capitaux. Du fait de la qualité de son actionnariat (États souverains), elle bénéficie d'une notation AAA qui lui permet d'emprunter aux taux les plus avantageux. Elle peut ainsi reprêter les ressources collectées à des taux qui sont également avantageux.
Elle ne prête qu'à des gouvernements ou à des institutions qui bénéficient de la garantie des gouvernements.
Il décrit alors les autres filiales (agences) qui poursuivent un objectif spécifique.
Il y a tout d'abord l'AID (Association internationale de développement). Elle a été créée en 1960 au moment de l'accession à l'indépendance d'un certain nombre de pays africains. La création de l'AID visait à permettre au Groupe de la Banque de pouvoir octroyer des crédits à des conditions plus favorables que celles de la Banque. L'AID est donc le guichet concessionnel du Groupe. Il prête aux pays les plus pauvres (gouvernements ou institutions bénéficiant d'une garantie du gouvernement) à des conditions allégées (crédits sans intérêt d'une durée de 40 ans).
Depuis peu, l'Association octroie des dons.
L'AID ne s'approvisionne pas sur les marchés de capitaux, et prête uniquement l'argent des donneurs. Pour cette raison, elle est amenée à reconstituer ses ressources tous les trois ans.
La SFI (Société financière internationale), créée en 1956, octroie des ressources financières pour le développement du secteur privé dans les pays en voie de développement.
Elle prête au secteur privé sans garantie des gouvernements et accompagne généralement ses interventions financières d'opérations d'assistance technique ainsi que de conseils visant à créer un climat favorable aux investissements.
Elle opère partout dans le monde.
Elle dispose d'un large éventail d'instruments tels que les prêts, les prises de participation en capital, les quasi-equity, les garanties ....
Il y a ensuite l'AMGI (Agence multilatérale de garantie des investissements), créée en 1988, qui joue un rôle équivalant à celui de l'Office national du Ducroire en Belgique.
Mais, à la différence de l'OND, ces activités sont strictement limitées à la couverture d'investissements et elle offre des couvertures à la carte (pas de police globale).
Enfin, il y a le CIRDI (Centre international pour le règlement des différends en matière d'investissement). Il s'agit d'un organisme d'arbitrage créé en 1966.
Les activités de la Banque se sont développées à l'origine en Europe, afin de financer la reconstruction après la seconde guerre mondiale.
La Banque s'est ensuite tournée vers les pays d'Afrique devenus indépendants. C'est alors qu'elle est véritablement devenue une institution de financement du développement.
Après la chute du mur de Berlin, le Groupe s'est également tourné vers les pays de l'Europe centrale et de l'Est et les anciennes républiques soviétiques. Elle est toutefois moins spécialisée dans ces régions que la Banque européenne pour la reconstruction et le développement.
L'orateur donne ensuite un aperçu de la répartition des activités par région et par secteur.
Il relève notamment que 50 % des crédits accordés par l'AID est réservé à l'Afrique.
Après avoir été une banque finançant avant tout les infrastructures jusque dans les années 70, la Banque s'est orientée, dans les années 80, vers l'ajustement structurel. Dans ce domaine, elle a connu des fortunes diverses. Dans les années 90, elle s'est surtout concentrée sur les secteurs sociaux et la santé. En 2000, elle a adopté les objectifs du Millénaire pour le développement et s'est rapidement rendue compte que la poursuite de ceux-ci requérait un certain niveau de croissance qui ne pouvait être assuré que par une intervention croissante du secteur privé. Ce secteur privé ne peut toutefois pas se développer en l'absence d'infrastructures appropriées. Pour ces raisons, la Banque va reprendre ses activités dans le financement des infrastructures.
Le retour à l'infrastructure sera axé sur la délivrance de services aux plus pauvres, non plus seulement par le biais de prêts à des pays souverains, mais aussi par le biais de partenariats publics/privés de façon à éviter le surendettement des États.
La Banque est également très active dans la lutte contre le VIH-sida qui doit être menée par des procédés innovateurs, et de préférence au niveau régional, plutôt que local.
Cette maladie se développant notamment le long des grands axes routiers en Afrique australe, elle nécessite la mise en place de programmes internationaux.
La Banque soutient également l'initiative PPTE (pays pauvres très endettés). Il s'agit toutefois d'une approche backward looking, qui consiste essentiellement à redresser les erreurs du passé. La Banque poursuit actuellement sa réflexion sur un programme davantage forward looking dont le but est d'éviter les situations d'endettement pour l'avenir.
Cette nouvelle approche ne mettra pas en péril la mise en oeuvre de l'initiative PPPT.
Un autre thème abordé structurellement par la Banque est la lutte contre la corruption. Cette lutte s'impose au regard des estimations indiquant une perte de deniers publics de 1 000 milliards de dollars par an par suite de corruption.
M. Wolfersohn a initié cette lutte lors de l'assemblée annuelle de Hong Kong en 1997, à l'époque où le le mot « C » était encore tabou.
La Banque a également développé sa collaboration avec la société civile. Le renforcement de cette collaboration s'exprime notamment dans les stratégies de réduction de la pauvreté.
La Banque joue un rôle actif dans les pays affectés par des conflits. Elle a notamment mis en place un Fonds « post-conflit ».
La Banque gère également un grand nombre de Fonds fiduciaires. Ces fonds sont généralement thématiques.
L'orateur aborde ensuite la structure de direction de la Banque.
C'est le conseil d'administration qui mène la politique quotidienne de la Banque, sous la houlette du Conseil des gouverneurs.
Le président est en même temps le Chief Executive Officer (CEO).
Ceci n'est pas sans poser de problèmes du point de vue de la « corporate governance ».
Il y a en tout vingt-quatre administrateurs et vingt-quatre suppléants.
Les cinq actionnaires les plus importants ont chacun un siège au conseil d'administration. Les autres doivent se regrouper.
L'orateur représente un groupe de dix pays, dont la Slovénie qui a été « promue », puisqu'elle ne compte plus demander de prêts à la Banque.
Les votes importants du Conseil des gouverneurs exigent une majorité de 85 %. Les États-Unis qui détiennent 16,41 % du capital disposent donc d'une minorité de blocage.
Les pays d'Europe, quant à eux, disposent globalement de 30 % des votes.
Leur pouvoir au sein du Conseil de la Banque reste toutefois limité. Alors qu'au niveau du FMI l'ancrage euro conduit à des politiques cohérentes, au niveau de la Banque mondiale, cela se ressent moins, puisque les discussions sur la politique de la Banque au niveau européen sont plus liées à la politique étrangère. Et l'on sait, par exemple, quelle a été l'incohérence des politiques étrangères des Européens vis-à-vis de l'Irak.
Les administrateurs européens essaient de se rapprocher. Ils se réunissent tous les 15 jours, mais le consensus reste difficile.
Des rencontres entre les administrateurs européens et des représentants de la Commission européenne (quatre commissaires et plusieurs DG) ont eu lieu à Bruxelles début 2004 pour voir quelles sont les synergies à envisager entre l'Europe et la Banque mondiale. Les convergences européennes doivent se bâtir lentement.
Mme Lizin estime qu'un processus doit se mettre en oeuvre à cet égard. Il faut coordonner avant d'octroyer.
Ainsi, les spécialistes délégués par la France viennent du Trésor, et non du département qui gère le développement. Il faut donc introduire un processus interne qui rapproche les deux branches.
M. Alzetta considère que le rôle des Trésors est important.
Il faut admettre que compte tenu des sujets traités, il y a, au sein de l'équipe des délégués des Finances de la zone euro, un esprit commun, qu'on ne retrouve pas toujours au sein des équipes des Affaires étrangères.
Les politiques de développement suivent souvent les politiques étrangères qui diffèrent parfois l'une de l'autre. Chacun des pays a des domaines d'intérêt qui l'intéressent et qui ne convergent pas nécessairement avec ceux des autres.
Lorsqu'il était encore responsable des Relations internationales du Trésor belge, l'orateur a initié plus de cohérence entre la Coopération au développement, les Affaires étrangères et les Finances. La politique de réengagement de la Belgique et des institutions financières internationales en RDC a été le premier cas d'application de cette coordination accrue.
M. Galand remarque que lors d'une concertation avec un groupe de contact des ONG, des réflexions ont été émises. Il se demande si l'orateur joue, au sein du conseil d'administration de la Banque, le rôle plutôt de représentant de la Banque, ou de celui de la Belgique.
Comment suit-il la déclaration du gouvernement belge ? Celui-ci appelle de ses voeux un changement de politique au niveau des PPTE et de la remise de dette, en aboutissant à une diminution de la dette de 3 %.
Un pays pauvre ne rencontre la Banque mondiale sur son chemin que pour se faire rappeler à l'ordre quand les objectifs financiers ne sont pas atteints.
La Banque occupe en outre le terrain du multilatéral en se « diversifiant ».
Il rappelle que l'organe approprié pour agir à ce niveau est le PNUD. Il suffit de voir le programme pour l'eau potable, où on a vu un investissement de 13 milliards de dollars, ce qui est peu. Or, la Banque agit avec le privé, en accordant notamment des prêts. Ceci s'est fait en faveur de la Lyonnaise des Eaux, en cogestion avec le gouvernement indien. L'on en arrive à une situation où ceux qui reçoivent l'eau sont ceux qui savent payer, et non pas ceux qui ne l'ont pas. Il y a lieu de se référer à la situation belge, où la distribution d'eau est un service public, qui en garantit l'accès.
L'intervenant est d'avis que le délégué de la Belgique doit interpeller la Banque en tant que tel, et doit essayer d'introduire le concept en vigueur en Belgique à la Banque.
Pour Mme Lizin, le mandat du délégué de la Belgique doit comprendre l'application des droits économiques et sociaux, et les droits de l'homme tout court.
M. Galand préfère les thèses de Stiglitz à celles de Wolfersohn. Comment obtenir ce revirement ?
Mme Lizin se réfère à sa proposition de loi relative au suivi de l'action gouvernementale en ce qui concerne les objectifs du Millénaire pour le développement qui a été adoptée au Sénat et transmise à la Chambre (doc. Sénat nº 3-579/1 à 5).
L'article 2 de la nouvelle loi stipule que le gouvernement dépose chaque année au Sénat un rapport déterminant les étapes réalisées pour mettre en oeuvre les objectifs du Millénaire pour le développement.
Le rapport comprend deux parties :
1º la première partie reprend les activités réalisées par les représentants de la Belgique au Fonds monétaire international, à la Banque mondiale et au PNUD;
2º la deuxième partie reprend l'analyse des progrès réalisés par le gouvernement vers la mise en oeuvre des objectifs du Millénaire pour le développement.
Ce rapport doit être établi en l'occurrence par le ministre des Finances et par le ministre de la Coopération au développement.
Par rapport aux objectifs du Millénaire pour le développement, cela ne doit pas être insurmontable, puisque les objectifs qui ont été fixés portent sur une obligation de résultats qui sont quantifiables en termes financiers.
L'intervenante s'interroge ensuite sur le lien Banque mondiale/services publics.
Elle se réfère à la Conférence mondiale des Villes, récemment tenue à Paris, qui a formulé une demande en vue d'une plus grande coordination de la politique internationale dans des domaines comme l'eau et les déchets. La Banque mondiale pourrait jouer un rôle en la matière.
M. Alzetta opine et indique que la Banque s'en occupe. Ses services examinent comment la Banque peut jouer un rôle dans le soutien aux sub-sovereign entities qui peuvent être des sous-entités des États (provinces, municipalités ...).
Cette réflexion a été est lancée au sein de la BERD.
La Banque mondiale a des contraintes fiduciaires qui l'empêchent d'intervenir directement. Ses obligations fiduciaires et ses règles de gestion sont strictes pour lui permettre de conserver sa notation AAA.
M. Alzetta confirme que la Banque s'occupe de beaucoup de problémes. Il est partisan d'une politique d'intervention plus sélective basée sur les avantages comparatifs.
Peut-être n'est-ce pas l'idéal (qui trop embrasse mal étreint), mais c'est inhérent à l'essence d'une institution internationale.
Ainsi cite-t-il son expérience à l'AID, où il a toujours plaidé en tant que deputy pour davantage de sélectivité. Être davantage sélectif relève parfois de l'impossible, puisque tout le monde préfère son créneau, à tel point que la situation devient parfois ingérable.
C'est ainsi que lors de la première réunion IDA-14 qui s'est tenue à Paris en février dernier, il a été demandé aux deputies de déterminer un nombre limité de thèmes (4-5). Ce sont finalement 14 thèmes qui ont été recommandés. Après une longue discussion, le nombre des thèmes a pu être ramené à 4 ... se subdivisant en 14 sous-thèmes.
Le même raisonnement vaut pour la Banque.
Son intime conviction est qu'il faut davantage coopérer entre institutions et se concentrer sur moins de thèmes. À cet égard, l'orateur relève l'exercice qui devrait se dérouler prochainement à Copenhague où un groupe de spécialistes tentera de définir un certain nombre de thèmes de développement.
Ensuite, les économistes vont se mettre au travail pour déterminer les thèmes qui permettraient d'obtenir un impact maximum sur le développement au moindre coût.
M. Galand trouve ces initiatives superfétatoires.
La communauté internationale a déjà fait l'inventaire des problèmes et des solutions à y apporter, lors des conférences de Rio et de Monterrey. À Rio, ce sont les États-Unis qui ont exigé l'intervention de la Banque mondiale pour la mise en oeuvre de certaines tâches. Ni Rio + 5 ni Rio + 10 n'ont apporté un quelconque résultat.
On constate même qu'il y a une diminution de l'aide japonaise.
Il faut donc définir les responsabilités de certains États en tant que moteurs du développement.
Le fait que la Banque mondiale doive donner une sort d'imprimatur pour la crédibilité des projets n'est pas acceptable.
Il y a lieu d'intégrer nos concepts européens sur le développement historique dans la façon de penser de la Banque.
Une autre question qui se pose est comment l'on doit parvenir à insérer les parlements dans ce processus.
M. Alzetta réplique que la Banque fait ce que les donneurs demandent. Elle prend peu d'initiatives de son propre chef.
Elle a aussi acquis une plus grande modestie dans ses approches. Entre 1980 et 2004, il y a eu une évolution fondamentale dans son attitude.
La Banque ne peut toutefois pas infléchir la politique des gouvernements en matière d'aide publique au développement.
Il faut savoir qu'avec ses 4,80 % du capital, même si cela le classe troisième en ordre d'importance, le groupe belge ne dispose que d'une influence relative. Par ailleurs, les administrateurs ne représentent pas un bloc monolithique.
Ainsi, au regard de la problématique de l'intégration des droits de l'homme dans la politique de la Banque, tous les membres n'ont pas la même approche.
La diversité au niveau du personnel représente par contre une opportunité.
Il y a parmi eux 85 Belges en tant que personnel régulier et 56 en tant que consultants et temporaires.
La circonscription belgo/autrichienne préside le comité du personnel.
Les thèmes qui y sont abordés sont multiples mais un des thèmes central est celui de la diversité au sein de l'institution. La problématique hommes/femmes, le problème de l'équilibre racial, la problématique des nationalités sont des thèmes importants abordés par le comité.
Une problématique que la circonscription belgo/autrichienne voudrait voir discuter est celle de la différence culturelle.
Une majorité des fonctionnaires de la Banque sont des diplômés des universités américaines (Harvard, Yale, Chicago ...). Leur schéma de pensée ne correspond pas nécessairement à ce qui se conçoit en Europe en matière de politique économique. Il serait dès lors souhaitable de diversifier davantage le background éducationnel au niveau des recrutements.
M. Alzetta indique également que la Banque envisage de mettre le thème des droits de l'homme à l'ordre du jour.
Mme Lizin considère que le thème est une condition nécessaire.
En effet, le développement doit comporter comme finalité la réalisation de la démocratie.
M. Galand insiste sur le fait que la pauvreté n'est pas la faute du sous-développement. Le sous-développement peut avoir des causes divergentes. Le vrai problème est de savoir ce qui cause la pauvreté. Celle-ci peut provenir d'un défaut d'infrastructures. Vu sous cet angle, la pauvreté en Inde n'est pas la même qu'en Afrique. Le concept de la Banque en la matière faire trop l'amalgame. Le vice-premier ministre Michel l'a récemment déclaré en commission des Relations extérieures et de la Défense du Sénat, lors d'un débat sur la situation au Congo : la Banque ne poursuivait pas le même but ou du moins pas la même méthode lorsqu'il s'agissait de reconstituer l'armée.
M. Galand dit avoir rencontré les délégués de la Banque à Kinshasa, qui ne se rendaient pas compte des divergences, parce qu'ils ne voulaient pas se rallier à un concept global.
M. Alzetta rétorque que la Banque ne peut pas allouer des crédits sans conditions. Le gouvernement de Kinshasa a tardé à remplir certaines d'entre elles.
Entre-temps, les négociations ont évolué et la Banque devrait soumettre au conseil d'administration le dossier concernant le prêt qui permettra de financer les actions liées à la démobilisation et la réintégration des combattants fin mai.
Mme Lizin pense, quant à elle, qu'il faut bien sûr contrôler l'usage qui est fait des crédits alloués.
M. Alzetta aborde ensuite la problématique du contrôle parlementaire et des contacts transversaux avec les Parlements. Il faut surtout instaurer des relations entre parlements du Nord et du Sud. Il est par ailleurs évident que les parlements du Sud sont étroitement associés aux interventions de la Banque puisqu'ils doivent généralement approuver les prêts contractés par leurs gouvernements.
Mme Lizin admet que des débats « contestataires » se déroulent dans certains de ces pays. Il s'agit alors de débats critiques et responsables.
Selon M. Cornil, il est intéressant de rencontrer les responsables des pays du Sud à cet égard. Ceci mène à constater un manque de cohésion sur la réforme des IFI. Il y a par exemple une forte contradiction entre les exigences de la Banque pour accéder à ses financements, et les conséquences négatives de ces politiques imposées (comme la privatisation des services publics) pour les populations.
Il faut ensuite se demander dans quelle mesure la Banque peut exiger que soit réalisée une politique des droits de l'homme pour accorder des prêts, par exemple en Birmanie et en Irak.
M. Alzetta pense que les orateurs font allusion à la notion de fiscal space qui représente la flexibilité budgétaire dont les pays disposent compte tenu du cadre budgétaire négocié avec le FMI. Ce cadre pose parfois des contraintes financières pour certains pays lorsque ceux-ci veulent mener une politique de santé proactive susceptible d'entraîner une sortie de ce cadre budgétaire.
Il évoque à cet égard avec satisfaction les échanges qui ont eu lieu récemment entre MM. Wolfersohn et Verwilghen. M. Wolfersohn a mis ce sujet à l'étude, et il sera sans aucun doute à l'ordre du jour du nouveau directeur général du FMI (M. Rato) lorsqu'il rencontrera les ministres des Finances.
La discussion va donc progresser et on peut noter également l'intervention du Dr. Piot en faveur du dégagement de davantage de fiscal space pour permettre un meilleur financement de la lutte contre le VIH-sida.
M. Alzetta indique que le Myanmar (Birmanie) ne reçoit plus aucun prêt de la Banque.
Il existe d'autres cas semblables. Il arrive en effet que des pays soient en arriérés de paiement, ce qui les exclut de la possibilité d'obtenir de nouveaux crédits et interrompt les décaissements sur ceux octroyés antérieurement.
Si l'Irak est en arriéré vis-à-vis de la Banque, cela ne pose pas de problème insurmontable dans la mesure où le montant des arriérés n'est que de 80 à 90 millions de dollars, un montant que l'Irak devrait être en mesure de payer.
En Irak, la Banque n'a plus de personnel sur place depuis que la situation de sécurité a empiré. Les agents de la Banque sont en effet partis avec les effectifs de l'ONU, à la suite de l'attentat qui, en août 2003, a coûté la vie à M. Vieira de Mello, le Haut Représentant des Nations unies en Irak.
Il faut souligner que la Banque n'a pas de structures de sécurité : elle dépend complètement de l'ONU dont elle partageait les locaux sur place.
Cela ne signifie pas qu'elle reste inactive dans le cadre institutionnel.
Ainsi y a-t-il des vidéo-conférences entre Amman et Baghdad, qui permettent de donner une formation à distance aux responsables irakiens. Un grand nombre de fonctionnaires de la Banque se trouvent, de façon temporaire ou permanente, à Amman.
La Banque a, en automne 2003, effectué une dizaine d'assessments dans différents domaines pour en faire l'évaluation et tracer les grandes lignes d'une intervention future de la Banque et de la communauté internationale.
S'agissant du Soudan, la Banque maintient des relations avec ce pays mais l'existence des arriérés empêche une reprise normale des opérations.
Mme Lizin se réfère à une explication de M. Reynders, ministre des Finances, dans laquelle il prétendait que le budget pour la Coopération était suffisant. Que penser de la taxe Tobin ?
M. Alzetta estime également que 0,7 % du PIB doit suffire, si tous les donneurs l'appliquent.
En ce qui concerne la taxe Tobin, il faut d'abord décider si elle est avant tout destinée à réguler le marché financier, ou si, par contre, elle vise essentiellement à financer le développement.
Selon M. Galand, il y a un lien entre les deux à travers l'objectif global poursuivi.
Si la taxe fait recette, l'on augmente les fonds pour le développement.
M. Alzetta estime qu'il faut se poser la question sur la destination des fonds récoltés par la taxe Tobin.
M. Galand est d'avis qu'il faudra de toute façon dépasser la zone euro pour créer un cadre d'États de droit international.
Sans quoi, l'on crée une bulle financière spéculative incontrôlable qui contribuera à la corruption, au trafic de drogue et aux paradis fiscaux, surtout si on a accès à l'épargne : il suffit d'analyser les catastrophes chez Parmalat et Vivendi.
Il acclame dès lors le principe énoncé par M. Alzetta, qui estime que pour certains flux financiers, il faudrait une régulation.
Le thatchérisme n'est pas de mise dans cette matière, et il faudrait organiser à ce propos une discussion horizontale avec les groupes de parlementaires. Cette possibilité existe à la Banque.
Mme Lizin insiste pour que l'on mette le thème des droits de l'homme à l'ordre du jour du groupe des dix pays représentés par M. Alzetta, et qu'on invite les parlementaires des dix pays.
M. Alzetta indique que parmi les dix pays de la circonscription belge, sept sont déjà membres de l'UE. Les délégués de ces dix pays se réunissent plusieurs fois par an et ceux qui font partie de l'Union auront encore davantage l'occasion de se rencontrer.
Mme Lizin insiste pour que l'on mette le thème des droits de l'homme à l'ordre du jour du groupe des dix pays représentés par M. Alzetta, et qu'on invite les parlementaires des dix pays.
M. Alzetta indique que parmi les dix pays de la circonscription belge, sept sont déjà membres de l'UE. Les délégués de ces dix pays se réunissent plusieurs fois par an et ceux qui font partie de l'Union auront encore davantage l'occasion de se rencontrer.
Mme Lizin, l'auteur de la proposition, explicite son initiative. La proposition de résolution vise à étendre les missions de base des institutions financières internationales que sont le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, en leur imposant de respecter les droits de l'homme. Pour cela, il faut modifier les statuts des deux institutions.
Le vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères déclare pouvoir se rallier à l'objectif de promotion des droits de l'homme, mais souligne le risque de voir d'autres États membres, et notamment les États-Unis, tirer prétexte de toute proposition de modification des statuts en question pour proposer d'autres modifications. Il va sans dire que ces autres modifications n'iraient plus que probablement pas dans le sens des objectifs voulus par l'auteur de la proposition de résolution. Selon le ministre, il n'est dès lors pas souhaitable au niveau diplomatique et dans les circonstances actuelles d'insister sur la modification en question.
Mme Lizin répond que le but est précisément de mettre les États-Unis sous pression.
À la suite de l'audition de M. Gino P. Alzetta, Mme Lizin dépose l'amendement nº 1 (voir doc. Sénat, nº 3-25/2, 2003/2004), qui vise à supprimer les points 2 et 3 du dispositif.
Cet amendement est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.
La proposition de résolution, ainsi amendée, a été adoptée par 7 voix contre 1 et une abstention.
Confiance a été faite aux rapporteurs pour la rédaction du présent rapport.
Les rapporteurs, | La présidente, |
Sabine de BETHUNE. Pierre GALAND. |
Anne-Marie LIZIN. |