3-743/3

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2003-2004

15 JUIN 2004


Projet de loi portant des dispositions diverses

(Articles 6 à 9)


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR MME LALOY


I. INTRODUCTION

Le présent projet de loi relevant de la procédure bicamérale obligatoire a été déposé initialement à la Chambre des représentants en tant que projet de loi du gouvernement (doc. Chambre, nº 51-1139/1).

Il a été adopté à la Chambre des représentants le 10 juin 2004 par 84 voix contre 33 et 2 abstentions.

Il a été transmis au Sénat le 15 juin 2004.

Les articles 6 à 9 du projet ont été envoyés à la commission de la Justice.

Celle-ci les a examinés lors de sa réunion du 15 juin 2004, en présence de la ministre de la Justice.

La commission de la Justice était également saisie de certains articles du projet de loi-programme soumis à la procédure facultativement bicamérale (1)

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE LA VICE-PREMIÈRE MINISTRE ET MINISTRE DE LA JUSTICE

L'article 6 du projet de loi à l'examen propose une modification de l'article 259 ter, § 4, alinéa 7 du Code judiciaire.

La loi du 3 mai 2003 a modifié cette disposition; elle est entrée en vigueur le 2 juin 2004.

Le projet de loi prévoit que, dorénavant, l'entretien du Conseil supérieur de la Justice avec le candidat fait l'objet d'un enregistrement sonore qui est conservé par le Conseil supérieur de la Justice avec le dossier de présentation.

Il ne sera donc plus obligatoirement rédigé un procès-verbal circonstancié comme le prévoit la disposition qui est entrée en vigueur le 2 juin dernier. Sur demande du Conseil supérieur de la Justice, il a été décidé de renoncer à cette rédaction systématique.

Toutefois, pour garantir les droits des candidats, il est prévu que l'entretien enregistré est transcrit lorsque le candidat introduit un recours au conseil d'État contre la nomination pour laquelle il s'est porté candidat.

L'entretien du candidat nommé à ladite fonction est également retranscrit; les procès-verbaux seront communiqués par le ministre de la Justice au Conseil d'État.

Cette modification permet de conserver une grande souplesse tout en garantissant les droits fondamentaux de toutes et tous.

L'article 8 du projet vise à modifier la loi du 29 novembre 2001 fixant un cadre temporaire de conseillers en vue de résorber l'arriéré judiciaire dans les cours d'appel. Ce cadre, fixé dans la loi du 29 novembre 2001, a été créé dans les cours d'appel pour une période de trois ans, qui a pris cours à la date d'entrée en vigueur des dispositions.

La loi de 2001 prévoit qu'il peut être pourvu aux places au-delà de l'expiration de la période de trois ans à condition de présenter un système d'enregistrement uniforme de la charge de travail des cours d'appel.

Or, la mesure de la charge de travail des magistrats des cours d'appel est en cours et n'a pas encore abouti.

Aussi, il a paru indispensable de prolonger le délai de trois ans et de le doubler afin de conserver les quatorze conseillers dans les cours d'appel. Cette disposition n'a pas soulevé de discussion particulière.

III. DISCUSSION GÉNÉRALE

Mme Nyssens demande si la mesure projetée à l'article 6 est souhaitée par le Conseil supérieur de la Justice.

Elle s'interroge également sur le caractère obligatoire ou facultatif de l'audition des candidats.

En effet, un certain nombre de candidats se présentent à plusieurs postes, et l'on peut supposer que bon nombre d'entre eux ne demanderont à être entendus qu'une fois.

La ministre confirme que la mesure prévue à l'article 6 est bien demandée par le Conseil supérieur.

L'audition des candidats n'est pas obligatoire, mais elle a lieu de manière systématique, car il est évident que tous les candidats saisissent cette opportunité de défendre leur candidature.

Mme de T' Serclaes souhaite des précisions sur les cas et les délais dans lesquels les enregistrements des auditions sont conservés.

La ministre répond que l'audition est toujours enregistrée. L'enregistrement est conservé jusqu'à l'expiration du délai de recours, si celui-ci n'est pas exercé.

S'il y a recours, l'enregistrement est conservé jusqu'à ce qu'une décision définitive soit intervenue.

M. Hugo Vandenberghe se demande s'il ne faudrait pas à tout le moins prévoir un résumé de l'audition.

En effet, il pourrait y avoir des éléments, relatifs par exemple aux conditions de nomination, dont il devrait subsister une trace, pour permettre au candidat d'apprécier l'opportunité d'un recours.

Le système projeté risque d'avoir pour effet pervers la multiplication des recours, puisque l'introduction d'un recours est la condition nécessaire pour obtenir la retranscription de son audition.

L'intervenant aimerait savoir quelle est la situation actuelle à ce sujet.

La ministre répond qu'à l'heure actuelle, la retranscription devrait être systématique.

Le projet prévoit d'enregistrer toutes les auditions, mais de ne les transcrire qu'en cas de nécessité, c'est-à-dire lorsqu'un recours est introduit.

M. Coveliers comprend la préoccupation qui sous-tend l'article en projet. En effet, le prescrit légal actuel, à savoir la retranscription intégrale et systématique de toutes les auditions, est apparemment impossible à respecter.

La solution proposée semble être la moins mauvaise.

Mme Laloy demande si la mesure proposée vise à améliorer le recrutement.

M. Coveliers répond qu'elle concerne avant tout les droits des candidats écartés, en vue d'un éventuel recours au Conseil d'État.

La ministre ajoute qu'elle concerne également les droits des autres candidats à la nomination. En cas de recours, chacun doit pouvoir se battre avec les armes du procès-verbal.

Si le candidat qui exerce un recours obtient la retranscription de son audition, les autres candidats doivent l'obtenir aussi.

M. Hugo Vandenberghe reste d'avis que si, lors de l'audition, des éléments apparaissent qui soulèvent des problèmes substantiels pour la candidature, il faudrait pouvoir, d'une manière ou d'une autre, les acter immédiatement.

L'intervenant cite à titre d'exemple le cas où le Conseil supérieur estimerait que le candidat ne remplit pas les conditions légales.

Le candidat le conteste et reçoit 8 jours pour déposer une pièce complémentaire.

Cependant, le Conseil supérieur prend sa décision sans attendre la fin de ce délai de 8 jours.

Le candidat doit tout d'abord être informé de la décision, puis il doit demander la retranscription de son audition, pour pouvoir disposer d'une preuve.

M. Coveliers observe que toute la question serait alors de savoir ce qui est substantiel et ce qui ne l'est pas.

L'intervenant estime par ailleurs que, si un seul candidat exerce un recours, tous les candidats doivent recevoir tous les procès-verbaux de toutes les auditions.

Cela est en effet nécessaire pour pouvoir réellement apprécier la décision, au regard de la comparaison de toutes les candidatures.

M. Hugo Vandenberghe se rallie à cette observation. Une motivation peut en effet paraître pertinente à l'égard d'une candidature déterminée, mais perdre de sa pertinence si l'on considère l'ensemble des autres candidatures.

L'intervenant déplore par ailleurs que la disposition en projet doive être discutée dans le cadre d'une loi-programme.

La ministre répond que la décision que l'on prendra risque d'avoir une incidence en termes budgétaires, car le Conseil supérieur n'a pas les moyens, en l'état actuel des choses, de tout retranscrire systématiquement.

Lorsqu'un candidat écarté exerce un recours, il le dirige contre le candidat présenté, pour justifier d'un intérêt.

Son avocat peut cependant demander à examiner l'ensemble des procès-verbaux d'audition, qui devront alors être retranscrits.

Le Conseil d'État lui-même peut aussi le demander.

M. Hugo Vandenberghe en conclut que l'on ne peut détruire l'enregistrement au terme d'un délai de 60 jours.

En effet, si un recours est exercé le 60e jour, il s'écoule encore un certain temps avant que la ministre et le Conseil supérieur en soient informés.

L'intervenant estime que le Conseil supérieur de la Justice devrait prévoir un règlement d'ordre intérieur sur les conditions et les délais de conservation des enregistrements, et sur le moment où ils seront détruits.

La ministre déclare qu'elle invitera le Conseil supérieur à le faire.

En ce qui concerne l'article 8, et le système des conseillers temporaires, M. Coveliers fait observer qu'à l'origine, il s'agit d'une loi temporaire, adoptée en 1997.

S'il comprend que l'on ne puisse mettre fin immédiatement à ce système, l'intervenant estime qu'il serait néanmoins souhaitable que cette prolongation soit la dernière.

Outre le fait que les arguments invoqués en 1997 contre une telle loi demeurent valables, il n'est pas bon qu'une loi provisoire reste applicable aussi longtemps.

La mesure de la charge de travail, évoquée par la ministre, devrait permettre de définir combien de personnes sont réellement nécessaires.

M. Hugo Vandenberghe renvoie aux rapports d'activités des cours d'appel, où l'on a pu trouver des données relatives à l'impact du système des conseillers temporaires.

Il en résulte que cette mesure n'est pas négative, et qu'elle a pu contribuer à apurer une partie de l'arriéré judiciaire.

Si la mesure s'est révélée efficace dans le passé, il n'est cependant pas certain qu'elle le sera encore à l'avenir. Il faudra pour cela trouver de bons candidats pour remplacer les avocats qui ont rempli la fonction pendant quelques années, mais qui ne peuvent continuer indéfiniment à le faire, car cela pèse trop lourd sur leur activité professionnelle.

IV. VOTES

Les articles 6 et 7 sont adoptés par 9 voix et 3 abstentions.

Les articles 8 et 9 sont adoptés par 10 voix et 2 abstentions.

L'ensemble des dispositions envoyées à la commission de la Justice est adopté par 9 voix contre 2 et 1 abstention.

À l'unanimité des 12 membres présents, confiance a été faite à la rapporteuse pour la rédaction du présent rapport.

La rapporteuse, Le président,
Marie-José LALOY. Hugo VANDENBERGHE.

Le texte adopté par la commission
est identique au texte
du projet transmis par
la Chambre des représentants
(voir doc. Chambre, nº 51-1139/008)


(1) Pour la discussion de ces articles, voir le doc. Sénat nº 3-742/3.