3-742/3

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2003-2004

16 JUIN 2004


Projet de loi-programme

(Articles 81 à 90 et 318 et 319)


Procédure d'évocation


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR MME LALOY


I. INTRODUCTION

Ce projet de loi relevant de la procédure bicamérale optionnelle a été déposé initialement à la Chambre des représentants en tant que projet de loi du gouvernement (doc. Chambre, nº 51-1138/1).

Il a été adopté à la Chambre des représentants le 10 juin 2004 par 83 voix contre 5 et 2 abstentions.

Il a été transmis au Sénat le 11 juin 2004 et évoqué le 15 juin 2004.

Les articles 81 à 90 ainsi que les articles 318 et 319 du projet ont été envoyés à la commission de la Justice. Celle-ci les a examinés lors de sa réunion du 16 juin 2004, en présence de la ministre de la Justice.

La commission de la Justice était également saisie de certains articles du projet de loi portant des dispositions diverses, soumis à la procédure bicamérale (1).

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE LA MINISTRE DE LA JUSTICE

La ministre présente les principales dispositions de la loi-programme en matière de justice.

L'article 81 du projet transpose dans notre droit une directive européenne qui modifie les deux directives comptables, relatives respectivement aux comptes annuels et aux comptes consolidés des entreprises.

L'objectif poursuivi est d'assurer au profit des intéressés une meilleure transparence s'agissant de la situation comptable des sociétés.

Lorsque l'utilisation d'instruments financiers par une société est de nature à influencer l'évaluation de son actif, de son passif, de sa situation financière et de ses pertes ou profits, différents éléments concernant les mesures prises par la société afin de se prémunir des risques y relatifs devront dorénavant être mentionnés à cet égard au sein des rapports de gestion que cette société est tenue de rédiger.

Vu les différents scandales qui ont émaillé depuis quelques années la vie des affaires, l'oratrice pense qu'il n'est nul besoin de souligner l'importance et l'intérêt d'informations de cette nature pour les différents intéressés.

Par ailleurs, l'obligation, dans le chef du management, de divulguer des informations à ce sujet est susceptible de mieux le sensibiliser aux dangers et aux aléas de l'utilisation inconsidérée d'instruments financiers. On est ainsi en droit de s'attendre à des actions plus réfléchies de la part des sociétés concernées.

Enfin, l'insertion de ces éléments dans le rapport de gestion de la société permet au commissaire aux comptes d'examiner la pertinence de ces derniers au regard de la situation comptable de la société.

La ministre aborde ensuite les modifications proposées à la loi du 27 juin 1921 sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations.

Ces modifications ont pour objet de compléter la loi du 27 juin 1921, telle que modifiée par la loi du 2 mai 2002, afin d'appliquer aux grandes ASBL, fondations et associations internationales sans but lucratif un régime de contrôle des comptes calqué sur celui des sociétés.

Ces personnes morales sont dorénavant soumises au principe d'établissement des comptes annuels et il s'impose donc de prévoir un jeu de règles en matière de contrôle de ces comptes.

Sauf choix contraire de l'association ou de la fondation, le contrôle des comptes sera ainsi effectué par un commissaire, membre de l'Institut des réviseurs d'entreprises.

La ministre précise que les modifications purement techniques qui sont proposées sont destinées, en matière de comptabilité des grandes associations et fondations, à parachever l'oeuvre du législateur de 2002.

Les articles 89 et 90 du projet de loi-programme tendent à modifier la loi du 24 février 1921 concernant le trafic de substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, psychotropes, désinfectantes ou antiseptiques. L'objectif est de re-préciser les pouvoirs d'investigation (perquisitions) de l'Agence pour la sécurité de la chaîne alimentaire et des officiers de police judiciaire en la matière. Ces pouvoirs ont en effet été élargis de manière démesurée par la loi- programme du 31 décembre 2003 et par la loi du 12 avril 2004.

L'article 89 définit les pouvoirs des officiers de police judiciaire. Pour rappel, l'ancien article 7, § 3, de la loi du 24 février 1921, qui précisait les pouvoirs des officiers de police judiciaire, avait été malencontreusement supprimé par la loi programme du 31 décembre 2003.

La loi du 12 avril 2004 avait pour objectif de restaurer les pouvoirs des officiers de police judiciaire. Le texte va toutefois au-delà de cet objectif, en ce qu'il élargit considérablement les pouvoirs de perquisition des officiers de police judiciaire.

Le texte de l'article 6bis en projet (article 89 du projet de loi) reprend textuellement le texte de l'ancien article 7, § 3, de la loi du 24 février 1921. On préserve de la sorte l'équilibre entre les impératifs liés à la lutte contre le trafic des stupéfiants, et le nécessaire respect des droits fondamentaux.

L'article 90 du projet de loi-programme précise quant à lui les pouvoirs des membres du service public fédéral Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement.

Ces pouvoirs doivent s'inscrire dans le cadre spécifique de leurs missions. Lorsqu'on se trouve en présence d'une infraction, il convient d'appliquer le droit commun de la procédure pénale.

C'est la raison pour laquelle il est précisé que ces personnes pourront dorénavant pénêtrer, entre 5 heures du matin et 9 heures du soir, dans les lieux de vente, délivrance, fabrication, préparation, conservation et entreposage, et tous les lieux soumis à leur contrôle.

En dehors de ces heures, l'autorisation du président du tribunal de première instance sera requise. La saisine de ce magistrat est en effet davantage indiquée que celle du tribunal de police qui n'a aucune compétence en la matière.

Les lieux habités reçoivent la protection de droit commun : un mandat de perquisition devra être délivré par le juge d'instruction. C'est conforme au principe d'inviolabilité du domicile.

Lors du débat à la Chambre, il a été décidé de remplacer le terme « pénétrer » par le terme « visiter ». Le souci était d'éviter toute ambiguïté sur la portée du pouvoir reconnu aux autorités : elles peuvent non seulement entrer dans les lieux visés par la loi, mais aussi y faire des fouilles.

III. DISCUSSION GÉNÉRALE

Mme Nyssens accueille favorablement l'article 83, qui tend à modifier la disposition relative au droit des membres de consulter les pièces au siège de la société. Durant la discussion relative à la nouvelle loi sur les ASBL, l'intervenante avait déjà déposé un amendement à cet égard, parce qu'elle estimait un peu excessive la possibilité, pour tous les membres, de se rendre au siège et d'exiger de consulter l'ensemble des pièces.

L'article 83 prévoit que les dispositions de l'article 10, alinéa 2, de la loi sur les associations sans but lucratif et les fondations ne s'appliquent pas si l'association a nommé un commissaire.

Mais que se passe-t-il lorsqu'aucun commissaire n'a été nommé? En effet, l'arrêté royal d'exécution de la loi du 2 mai 2002 prévoit que les dispositions relatives à la consultation des pièces n'entreront en vigueur que le 1er janvier 2005.

Mme de T' Serclaes souhaite profiter de l'occasion pour attirer l'attention sur le fait que l'application de la loi du 2 mai 2002 pose quand même toute une série de problèmes. Par conséquent, il serait bon de procéder, à un moment donné, à une évaluation approfondie de cette loi. Le projet de loi à l'examen constitue un pas dans la bonne direction, mais il ne suffit pas.

Entre-t-il dans les intentions de la ministre de procéder à l'évaluation de la loi importante du 2 mai 2002? Dans l'affirmative, quelles mesures a-t-elle déjà prises à cet effet?

De plus, l'intervenante veut souligner la situation particulière à Bruxelles et plus précisément le mauvais fonctionnement du greffe dans ce ressort. La ministre a déjà été interpellée à plusieurs reprises à ce sujet. A-t-on pris des mesures pour améliorer la situation à Bruxelles? Les personnes qui s'adressent au greffe sont-elles déjà mieux accueillies?

Selon Mme Vienne, la pratique montre que les associations sans but lucratif, surtout celles de taille petite ou moyenne, ne sont pas encore prêtes à faire face aux modifications législatives. Il semble donc très prématuré de procéder, dès à présent, à une évaluation; il faut d'abord laisser au secteur le temps de s'adapter.

M. Hugo Vandenberghe souligne que le projet à l'examen est un nouvel exemple de mauvais travail législatif et de manque de cohérence. Dans le cadre d'une loi-programme, les articles modifiés sont examinés individuellement. De plus, la répartition des matières est artificielle. C'est ainsi que la commission de la Justice n'a pas été saisie de la disposition relative à la prescription pour ce qui est de l'effet suspensif ou interruptif du commandement du fisc, bien que les principes généraux relatifs à la prescription et à la suspension et l'interruption de celle-ci figurent dans le Code civil. La commission des Finances doit voter en l'espèce une loi interprétative qui modifiera la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière, afin de ne pas perdre certains procès auxquels l'État lui-même est partie. Cela n'a pas la moindre utilité dans la mesure où cela entraînera inévitablement une procédure devant la Cour d'arbitrage, pour violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en corrélation avec l'article 6 de la CEDH. Pareilles questions ne doivent pas être réglées dans une loi-programme.

Des 300 articles que compte la présente loi-programme, 70 corrigent des lois antérieures, dont même des récentes. Certains corrigent d'anciennes lois-programmes, qui ont fait l'objet, en son temps, d'amendements qui ont été rejetés. C'est inacceptable et cela témoigne d'un mépris pour le Parlement. Le fait que le Parlement ne puisse pas jouer son rôle démocratique influence l'opinion publique et le résultat des élections.

En ce qui concerne les modifications proposées à la loi du 2 mai 2002, l'intervenant estime que la énième modification apportée à cette loi rénovée concerne en fait surtout les associations sans but lucratif. On ne tient absolument pas compte des petites associations. Pourquoi les sociétés reçoivent-elles par exemple cinq ans pour s'adapter à la nouvelle législation alors que les associations sans but lucratif ne reçoivent qu'un an ? On peut parler de discrimination à cet égard.

Il y a en outre un manque de concordance entre la législation relative aux associations sans but lucratif et les décrets régionaux.

L'intervenant ne peut accepter que l'on oblige les associations sans but lucratif à modifier constamment leurs statuts et que l'on complique constamment les procédures administratives pour ce qui est du dépôt des documents.

Les grandes associations sans but lucratif échappent à l'obligation de soumettre leurs documents comptables aux membres de l'assemblée générale. Le contrôle est généralisé en ce qui concerne les petites et moyennes entreprises. Pourquoi un membre ne peut-il pas contrôler les documents d'une grande association ? On peut en effet difficilement contrôler le travail du commissaire.

La ministre répond que la création d'un poste de commissaire permet précisément un plus grand contrôle. Par ailleurs, la transparence subsiste dans la mesure où un dialogue entre les membres et le commissaire reste parfaitement possible.

Mme Nyssens estime que l'on aurait facilement pu lever l'objection de M. Hugo Vandenberghe en insérant une disposition, comme celle qui existe en ce qui concerne les sociétés, qui prévoit expressément que le commissaire doit répondre aux questions des membres.

La ministre estime que la possibilité d'un dialogue entre le commissaire et les membres existe de toute évidence et qu'il ne faut aucune disposition expresse pour le confirmer.

En ce qui concerne l'évaluation de la loi du 2 mai 2002, la ministre reconnaît qu'elle s'impose, mais qu'il est trop tôt pour y procéder. Les associations n'ont pas encore fini d'apporter les adaptations nécessaires.

En ce qui concerne le fonctionnement du greffe du tribunal de Bruxelles, une circulaire est en cours d'élaboration. Par ailleurs, il existe un projet de protocole de coopération avec le tribunal de première instance.

Mme de T' Serclaes a l'impression que l'application pratique de la nouvelle loi sur les asbl va quelque peu au-delà des objectifs. Le législateur n'a certainement pas eu l'intention d'alourdir et de compliquer inutilement l'administration.

L'intervenante souligne qu'il ne faudrait pas en arriver à ce que l'on préfère la solution de l'association de fait plutôt que celle de l'asbl. La ministre souligne que la législation relative à la banque-carrefour a aussi compliqué les choses.

Mme Vienne ne craint pas que l'on opte tout à coup massivement pour l'association de fait. Il ne faut pas oublier que la forme juridique est souvent requise pour l'obtention de subventions.

IV. VOTES

L'ensemble des dispositions envoyées à la commission de la Justice est adopté par 8 voix et 2 abstentions.

À l'unanimité des 10 membres présents, confiance est faite à la rapporteuse pour la rédaction du présent rapport.

La rapporteuse, Le président,
Marie-José LALOY. Hugo VANDENBERGHE.

Le texte adopté par la commission est identique
au texte du projet transmis par la Chambre
des représentants
(voir doc. Chambre, nº 51-1138/029)


(1) Pour la discussion des ces articles, voir le doc. Sénat nº 3-743/3.