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M. Francis Poty (PS). - Dans notre pays, les placements éthiques représentent, selon certaines sources, 1,6 milliard d'euros. La croissance est faible et les produits en question sont encore marginaux, après plus de dix ans de présence sur le marché. Cependant, si la proportion de l'épargne et des investissements « éthiques » demeure modeste par rapport aux autres produits, il faut également préciser que notre pays dépasse la moyenne européenne.
En apparence, ces produits ne se distinguent pas des autres. Ils peuvent se présenter sous la forme d'un compte d'épargne ou d'une SICAV. La grande différence, évidemment, est que l'argent investi n'est pas réinjecté dans n'importe quelle entreprise. Ainsi, l'établissement bancaire s'interdira par exemple de réinvestir les fonds dans des sociétés qui se sont rendues coupables de graves pollutions ou de fraudes fiscales. Le gestionnaire sera également attentif à ne pas se procurer des obligations d'États où les droits de l'homme ne sont pas garantis ou sont bafoués. Certains sont même plus exigeants encore en s'assurant que les entreprises mettent en avant des politiques dans le domaine du respect de l'environnement ou de la promotion de l'emploi. Enfin, il existe également des produits permettant à l'épargnant ou à l'investisseur de céder une partie de ses intérêts à des projets d'économie sociale.
Une confusion relative semble encore présente dans le secteur. On se demande encore si les formules de placement proposées sont réellement plus « éthiques » que d'autres ou si cette qualification relève davantage du marketing. On s'attend à ce que le marché prenne vraiment de l'importance dans les années à venir mais il ne faudrait pas constater, parallèlement à cette évolution, une diminution de la qualité des fonds.
Votre département est-il attentif à ce dossier ? Disposez-vous d'informations complémentaires quant aux critères retenus pour les placements dits « éthiques » ?
M. Didier Reynders, ministre des Finances. - Il y a évidemment une évolution dans le domaine des placements considérés comme éthiques. Le département des Finances et la Commission bancaire, financière et des assurances suivent cette évolution. Pour l'instant, les qualifications et les critères proviennent essentiellement du secteur des organismes de placement. Les critères retenus par les gestionnaires de SICAV, puisqu'il s'agit souvent de SICAV, ont fait l'objet de recommandations de l'Association belge des organismes de placements collectifs. Ces recommandations sont basées sur trois principes.
Selon le premier principe, les OPC peuvent être qualifié d'éthiques s'ils ont de façon structurelle et publique un objectif ayant trait à la collectivité et répondant à des critères sociaux, écologiques ou à d'autres critères éthiques. Cela a lieu lorsque les capitaux collectés sont investis en respectant des normes préétablies qui peuvent être disqualifiantes ou positives. Les organismes de placement éthiques peuvent être classés en trois générations. La première concerne des organismes qui utilisent uniquement des critères disqualifiants, ce qui signifie que le gestionnaire de l'OPC exclut lors de la constitution du portefeuille les entreprises en fonction de leurs activités, services ou produits comme par exemple le secteur militaire, la production d'alcool, l'énergie nucléaire. Dans la deuxième génération, un choix est réalisé sur la base de certains aspects de ce que l'on entend par « entreprendre de façon éthique ». Cela signifie qu'à la constitution du portefeuille, le gestionnaire sélectionnera des entreprises qui jouent, dans un domaine déterminé, un rôle prépondérant et ont, par exemple, une gestion sociale remarquable ou font des efforts importants pour une production écologiquement responsable. Des labels sont parfois accordés à ces entreprises. Pour la troisième génération, le portefeuille sera constitué uniquement d'entreprises qui se distinguent de façon positive tant sur le plan de la gestion du personnel, de la relation avec l'environnement social, sur les efforts dans le domaine écologiques que sur les aspects éthiques de la gestion économique.
Le deuxième principe est que ces caractéristiques de l'OPC doivent être publiques. Cela implique qu'il y ait un rapport et des justifications provenant de l'OPC et une vérification régulière du respect des critères par un tiers indépendant, Ethibel, un réviseur d'entreprise ou une autre structure de certification.
Enfin, le troisième principe demande que l'OPC confirme à l'association belge des organismes de placements collectifs qu'il répond aux normes et peut donc être qualifié d'OPC éthique. L'OPC porte à lui seul la responsabilité de ce choix.
Je vous confirme donc que l'organisation de cette matière dépend du secteur lui-même. Ce sont les responsables de l'association belge des organismes de placements collectifs qui interviennent.
En outre, on a déjà songé à plusieurs reprises à donner des incitants pour orienter une partie de l'épargne vers les placements éthiques. Le gouvernement et moi-même sommes disposés à réfléchir à ce type d'incitants et spécialement en matière fiscale. Je dois cependant avouer que si l'on envisage de donner de tels incitants fiscaux aux placements éthiques, il conviendrait au préalable de s'interroger : Faut-il favoriser certains types de placement mobilier plutôt que de consacrer l'essentiel des moyens à la réduction de la fiscalité sur le travail ? C'est une question qui a déjà été débattue et qui a été tranchée, par exemple, en faveur de l'économie sociale qui a obtenu des avantages fiscaux pour les capitaux qui y sont investis.
Comment certifier par l'autorité publique que les placements concernés possèdent réellement les caractéristiques définies ? Aujourd'hui, il n'y a de labels que ceux qui sont décernés par le secteur quoique la puissance publique suive l'évolution de la situation. Ainsi demandons-nous régulièrement aux autorités régulatrices des marchés de vérifier que les règles mises en place par le secteur sont respectées. Si nous devions offrir des incitants, il nous faudrait franchir une étape supplémentaire et participer de manière plus active à la certification.