3-54/1

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Sénat de Belgique

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2003

9 JUILLET 2003


Proposition de loi rétablissant l'article 61 du Code civil en ce qui concerne la preuve de la naissance à défaut d'acte de naissance

(Déposée par Mme Clotilde Nyssens)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 13 février 2001 (doc. Sénat, nº 2-652/1 ­ 2000/2001).

La naissance d'une personne est à l'évidence un fait auquel notre droit, à l'instar de tout système juridique d'ailleurs, accorde une importance fondamentale et dont découlent un nombre considérable de droits et d'obligations essentiels.

La naissance détermine l'état des personnes et toutes les conséquences juridiques qui s'y rattachent, que ce soit en termes de filiation, d'identification des personnes, de nationalité, de capacité civile ou pénale, etc.

En raison de son extrême importance, la naissance est soumise à l'établissement d'un acte de l'état civil strictement réglementé par les articles 55 et suivants du Code civil.

L'établissement des actes de naissance est ainsi régi par des règles spécifiques imposant des obligations rigoureuses, sanctionnées à la fois par la loi pénale et par la loi civile.

En principe, l'acte de naissance constitue l'unique preuve légale de la naissance, et il ne peut y être suppléé que dans des cas limités, repris à l'article 46 du Code civil ou admis par la jurisprudence :

­ ainsi, en cas de destruction ou de perte des registres de l'état civil, l'on peut obtenir un jugement déclaratif d'état civil qui tient lieu d'acte de naissance;

­ de même, lorsqu'un acte a été omis ou déclaré nul, l'on peut obtenir par la voie judiciaire une décision déclarative d'état civil, dont la transcription sur les registres tiendra lieu d'acte de naissance;

­ enfin, lorsqu'un acte de naissance existe, mais qu'on ne peut en rapporter la preuve, un jugement pourra y suppléer, aux termes d'une instance où le fait de la naissance aura été rapporté par toutes voies de droit; cependant, à la différence des deux hypothèses précédentes, ce jugement n'est pas déclaratif d'état et il ne fera pas l'objet d'une transcription, dès lors que l'acte de naissance dont on ne peut rapporter la preuve existe par ailleurs bel et bien.

Cette dernière hypothèse ne permet donc pas de porter définitivement remède à l'absence de preuve de l'acte de naissance, dès lors que la personne qui ne peut rapporter de copie ou d'extrait de son acte de naissance se verra dans l'obligation, pour peu que cette impossibilité demeure, de rapporter la preuve du fait de sa naissance par toutes voies de droit, à chaque fois qu'une procédure réclamera l'établissement du lieu et de l'époque de sa naissance.

Rapporter pareille preuve est souvent des plus contraignants. Aux témoignages doivent souvent s'ajouter des examens médicaux pénibles, qui retardent d'autant l'instance et le moment où la personne pourra obtenir la décision reconnaissant ou établissant le fait de sa naissance.

Il est évidemment nécessaire de garantir la plus grande exactitude quant à la naissance d'une personne, et l'examen des preuves doit demeurer des plus rigoureux.

Cela étant, l'on doit regretter que les personnes se trouvant dans l'impossibilité de produire un extrait ou une copie de leur acte de naissance soient obligées, lors de chaque procédure réclamant la production d'un tel acte, de se livrer à ce long, difficile et contraignant établissement de la preuve du fait de leur naissance.

Ainsi, il n'est pas rare de voir des personnes, souvent d'origine étrangère, dont le lieu et l'époque de la naissance avaient dû être établis lors d'une procédure d'adoption, être contraintes d'établir à nouveau le fait de leur naissance en vue du mariage, du divorce, de la naturalisation, etc.

Le législateur est déjà intervenu dans certains cas en vue d'alléger le fardeau de la preuve. Ainsi, en cas de mariage, les articles 70 et suivants du Code civil autorisent l'époux se trouvant dans l'impossibilité de se procurer son acte de naissance à rapporter un acte de notoriété. De même, la filiation maternelle et paternelle peut être établie par la possession d'état (articles 314 et 323 du Code civil).

D'autre part, la jurisprudence a assoupli les exigences requises dans des cas plus rares où, par exemple en cas d'enfant trouvé ou de personne frappée d'amnésie, la naissance peut faire l'objet d'un jugement provisoire déclaratif d'état.

En dehors de ces hypothèses limitées, les personnes qui possèdent un état civil, mais qui ne peuvent en rapporter une copie ou un extrait, restent obligées de prouver lors de chaque procédure le lieu et l'époque de leur naissance par toutes voies de droit.

La présente proposition a pour but de permettre à ces personnes de se prévaloir d'une instance antérieure au cours de laquelle leur naissance a été dûment établie pour éviter d'avoir, lors de chaque nouvelle procédure, à refaire la preuve de leur naissance.

Le jugement qui aura précédemment constaté la naissance de ces personnes pourra donc valoir comme moyen de preuve dans des instances ultérieures.

Pareille autorisation évitera ainsi aux personnes concernées d'avoir à établir à plusieurs reprises le lieu et l'époque de leur naissance.

Ces personnes auront néanmoins l'obligation d'établir lors de chaque procédure l'impossibilité dans laquelle elles continuent de se trouver de produire une copie ou un extrait de leur acte de naissance. Il convient en effet de ne réserver ce régime d'allégement du fardeau de la preuve qu'aux seules personnes effectivement confrontées à la difficulté, provisoire ou permanente, de se réserver le moyen d'établir leur naissance.

Le texte proposé peut être inséré sous la forme d'un article 61 nouveau du Code civil, dans le chapitre relatif aux actes de naissance.

Clotilde NYSSENS.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'article 61 du Code civil, abrogé par la loi du 31 mars 1987, est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. 61. ­ Toute personne placée dans l'impossibilité de se procurer son acte de naissance, et dont la naissance aura été dûment établie aux termes d'une décision coulée en force de chose jugée, peut se prévaloir de ladite décision dans toute procédure requérant la production d'un acte de naissance. »

23 juin 2003.

Clotilde NYSSENS.