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3 JUILLET 2003
La présente proposition de résolution reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 10 octobre 2002 (doc. Sénat, nº 2-1299/1 2002/2003).
Le rôle du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale est décisif pour de très nombreux pays en développement. Les politiques d'ajustement structurel ont été critiquées pour leurs effets négatifs sur les droits économiques sociaux et culturels, par la régression qu'elles entraînent, notamment le renchérissement des denrées de base, de l'enseignement et de la santé publique.
La Banque mondiale parle aujourd'hui d'une coalition mondiale contre la pauvreté. L'idée n'est pas neuve et l'engagement des états en cette matière est déjà pris et répété à de multiples reprises : Copenhague, New York.
C'est la méthode qui n'est pas encore aujourd'hui adéquate.
Ce qui est à la base des insatisfactions dans le monde et de leur expression hostile, ce n'est pas une analyse quantitative des richesses, ce n'est pas seulement l'existence d'« obstacles au commerce », ce n'est pas l'absence d'un climat favorable à l'investissement, « la nécessité d'accroître la productivité ou d'accélérer la croissance ». C'est le désintérêt des États pour orienter l'ensemble des institutions internationales de développement, disposant des moyens financiers, vers l'exercice par chaque individu, de ses droits fondamentaux et vers les projets de dépôts élaborés par et avec des populations pauvres elles-mêmes. Il ne peut donc s'agir de structurer artificiellement un schéma qui nous entraînerait, après les coûts sociaux des politiques d'ajustement structurel, vers d'autres erreurs d'orientation créatrices d'opposition parfois violentes tant au Nord qu'au Sud de notre monde (voir les Poverty Reduction Strategy Papers).
Si les institutions financières internationales (IFI) souhaitent conserver un rôle accepté et acceptable pour tous les citoyens du monde, elles se doivent d'intégrer dans leur charte et dans leurs pratiques, les droits de l'homme ainsi que leur mise en oeuvre effective et l'octroi de moyens pour mener les politiques nécessaires à la jouissance de ces droits (programme de logements, changements des pratiques d'héritage, programme de création d'emplois comprenant des emplois pour les femmes et les catégories exclues ...).
La fonction des IFI ne se mesure pas uniquement à l'égard de leur ordre juridique interne propre mais il convient de les situer dans le champ complet de leurs responsabilités au sein des institutions internationales. Elles ont à cet égard une obligation de vigilance qui impose de se doter des moyens de veiller à ce que les activités, programmes et pratiques menées ne portent pas atteinte aux droits de l'homme garantis par la Charte des Nations unies, la Déclaration universelle des droits de l'homme et les instruments internationaux en matière de droits de l'homme. Il faut que soit dépassée cette attitude minimaliste pour aboutir à une ambition fondée à la dimension de notre potentiel de richesse et de connaissances, qui entrerait les droits universels de l'homme comme objectif dans les programmes des IFI.
De nombreuses voix se font entendre pour réclamer une réforme en profondeur des IFI : parmi les mesures les plus fréquemment citées figure le fait de rattâcher le système de Bretton Wood à l'ensemble de la structure des Nations unies, par un traité qui relierait les diverses structures de droit international y compris l'OMC. La contribution la plus novatrice en la matière est celle de l'organisation Attac, qui vise à créer un droit de recours citoyen contre les décisions des IFI.
La régulation mondiale ne peut pas être définie uniquement en termes institutionnels; la question des droits a son importance. Il est indispensable de faire en sorte que les IFI se soumettent au droit international, particulièrement aux traités et aux accords auxquels ont souscrit la plupart de leurs États membres. C'est l'idée qu'il est possible de réguler l'économie et les échanges en respectant les droits de l'homme. Cette référence aux droits fondamentaux est de plus en plus centrale dans la mobilisation et les revendications des mouvements sociaux dans le monde.
Afin d'assurer le respect des droits dans la régulation des économies nationales et de l'économie mondiale, il est essentiel de progresser dans deux directions : en premier lieu, admettre la justiciabilité des droits fondamentaux économiques, sociaux et culturels, c'est-à-dire reconnaître qu'une personne physique ou morale soit en mesure de demander réparation devant la justice si elle estime que ces droits ont été violés; deuxièmement, mettre en place au niveau international des instances de recours susceptibles de juger ces situations.
Ceci supposerait d'obtenir une transformation du cadre juridique dans lequel fonctionnent les juridictions internationales, afin de permettre aux membres de la société civile (citoyens et leurs associations) d'ester en justice auprès des juridictions nationales de même qu'à l'échelon international contre les États, les entreprises ou les organisations internationales.
Anne-Marie LIZIN. |
Le Sénat,
A. estimant utile de proposer d'adapter le mandat des institutions financières internationales afin de créer les conditions d'une cohérence globale du système;
B. estimant nécessaire d'intégrer l'obligation pour les IFI de respecter les droits économiques, sociaux et culturels, tels que définis dans les Pactes internationaux;
1. recommande de modifier les « Articles of agreement » afin de respecter les engagements internationaux de l'État belge, en matière de droits économiques, sociaux et culturels;
Pour le FMI, l'article 1(ii) du mandat : ajouter « Human Rights » après « levels of employement »; l'article 4(ii) : ajouter « respect of Human Rights » après « price stability »;
Pour la Banque mondiale, l'article 1 (iii) : ajouter « implementation of Human Rights » après « standard of living »; l'article 3 section 5 (b) ajouter après « efficiency », « from a point of view of respect of Human Rights »; l'article 5 section 8 : compléter par « with a special annual report on his impact on human rights, social economic and cultural implementation »;
2. recommande d'ajouter à la section 8 de l'article 9 des « Articles of agreement » du FMI : « toute violation des droits de l'homme commise dans l'exercice de son mandat par un fonctionnaire du Fonds monétaire sera poursuivie devant les instances judiciaires du pays dont il relève »;
3. recommande d'ajouter à la section 8 de l'article 7 des « Articles of agreement » de la Banque mondiale : « toute violation des droits de l'homme commise dans l'exercice de son mandat par un fonctionnaire de la Banque sera poursuivie devant les instances judiciaires du pays dont il relève ».
19 juin 2003.
Anne-Marie LIZIN. |