2-1567/3

2-1567/3

Sénat de Belgique

SESSION DE 2002-2003

2 AVRIL 2003


Projet de loi modifiant la loi du 24 juillet 1973 instaurant la fermeture obligatoire du soir dans le commerce, l'artisanat et les services en vue d'instaurer une fermeture obligatoire des dancings


Procédure d'évocation


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES ET DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES PAR M. RAMOUDT


Ce projet de loi a été déposé en tant que proposition de loi à la Chambre des représentants le 16 janvier 2003 et il a été adopté le 27 mars 2003, puis transmis le même jour au Sénat.

Le Sénat a évoqué le projet le 1er avril 2003. Le délai d'examen expire le 2 juin 2003. La commission a discuté le projet au cours de sa réunion du 2 avril 2003.

I. EXPOSÉ DU MINISTRE DES TÉLÉCOMMUNICATIONS ET DES ENTREPRISES ET PARTICIPATIONS PUBLIQUES, CHARGÉ DES CLASSES MOYENNES

Le présent projet de loi entend faire suite à certains problèmes de sécurité rencontrés par quelques communes avec des dancings qui ont une activité permanente pendant plusieurs jours de suite. Le texte proposé entend modifier la loi du 24 juillet 1973 instaurant la fermeture obligatoire du soir dans le commerce, l'artisanat et les services et qui poursuivait le but de protéger les PME et les petits commerces de façon à permettre aux commerçants d'avoir un repos régulier et de prévenir, par ailleurs, une certaine concurrence déloyale.

Cette législation prévoit une fermeture obligatoire des commerces entre 20 heures et 5 heures du matin et, le vendredi, entre 21 heures et 5 heures du matin. Les établissements horeca et les dancings sont expressément exclus du champ d'application de ladite loi. C'est la raison pour laquelle il convient de la modifier afin de pouvoir y soumettre les dancings.

II. DISCUSSION

M. Roelants du Vivier aurait souhaité avoir l'avis du gouvernement sur le présent projet de loi.

Le ministre déclare qu'il a reçu et entendu les bourgmestres et parlementaires concernés et qu'il a accepté que le problème soit traité par le biais d'une proposition parlementaire. Le ministre est d'avis qu'on se trouve actuellement confronté à un problème de sécurité et estime par ailleurs que cette matière relève plus de la compétence de son collègue de l'intérieur que de la sienne. Le ministre laisse le soin au Parlement de décider s'il y a lieu de modifier la loi mais il en soutient néanmoins l'objectif.

M. Van Quickenborne demande si le moyen utilisé est justifié par le but recherché. L'intervenant attache une grande importance aux libertés inscrites dans la Constitution. Une de ces libertés est la liberté d'entreprise, laquelle implique l'exploitation de dancings en vue de divertir les citoyens. Une autre de ces libertés est celle de pouvoir organiser sa propre vie.

De plus, il y a lieu d'être attentif au fait que le présent projet trouve son origine dans un problème survenu dans un dancing qui est situé à la frontière française et qui reste ouvert du vendredi soir au lundi matin. Hormis ce cas particulier, tous les dancings de ce pays connaissent des périodes de fermeture.

L'intervenant estime, par ailleurs, qu'on oublie les gens qui apprécient sortir et est d'avis qu'on ferait mieux d'utiliser, voire même, le cas échéant, de compléter la législation existante afin de répondre à ce problème de sécurité. L'orateur fait référence, pour ce qui est de la pléthore de lois applicables au secteur horeca, notamment à la législation flamande (Vlarem) et à la nouvelle loi communale. La législation existante permet au bourgmestre d'intervenir en cas de problème.

L'orateur estime qu'il convient d'examiner le problème posé quant au fond et de vérifier si la législation existante ne suffit pas pour permettre l'intervention du bourgmestre. Si la commission devait être d'avis qu'il convient tout de même d'instaurer un temps de fermeture, l'intervenant estime qu'il faudrait appliquer en la matière une autre réglementation que ce qui est prévu dans le cadre rigide du présent projet.

M. Ramoudt constate que le projet de loi à l'examen n'a pas bénéficié de l'attention requise à la Chambre des représentants et a été examiné d'une manière assez unilatérale du point de vue géographique ­ seulement la zone frontalière ­ et dans la mesure où le secteur concerné lui-même n'a pas encore été entendu. L'intervenant trouve en outre bizarre que l'autorité supérieure doive intervenir dans une affaire qui peut être réglée au niveau local.

L'orateur constate en outre que notre société est soumise à un processus de changement permanent et que les habitudes de sortie ont évolué dans ce sens, que l'on sort maintenant au petit matin. Il est indéfendable à cet égard d'obliger des milliers de jeunes à quitter les dancings le matin à 6 heures. Ils causeront des problèmes et la police de la circulation routière sera débordée par leur masse.

Il faut se demander en outre si, au cas où les nouvelles dispositions seraient adoptées, les jeunes en question n'iraient pas à la recherche d'alternatives comme les « afterparties » qui pourraient être organisées en des lieux ne tombant pas sous l'application des dispositions en question. Ne serait-il pas question à cet égard d'une violation du principe d'égalité garanti par la Constitution ? Le secteur régulier ne risquerait-il pas de se trouver sous pression, par exemple en matière d'emploi ? Il faut se demander aussi si les dispositions en question ne porteraient pas atteinte au climat de tolérance dans lequel se déroule le contrôle en matière de drogue dans ces dancings et si l'on serait encore en mesure d'exercer un contrôle en matière de drogue dans le cadre des « afterparties ».

L'intervenant note enfin qu'il y a un manque total de transports publics au petit matin et que l'on aurait dès lors de toute évidence aussi à faire face à un problème de sécurité routière.

Vu le contenu des dispositions proposées et les observations qui viennent d'être faites, l'intervenant propose d'inscrire le projet dans une perspective plus large et de l'amender en ce sens.

M. Guilbert fait observer que les dispositions proposées tendent à solutionner un problème largement répandu, qui se situe entre autres dans les provinces de Flandre occidentale et de Hainaut et qui concerne les jeunes qui restent dans les mégadancings durant plus de 48 heures et qui y consomment de l'ecstasy et de l'alcool, se mettant eux-mêmes et les autres en danger et causant des nuisances dans le voisinage du dancing.

L'intervenant estime, lui aussi, qu'on n'a pas organisé suffisamment d'auditions à la Chambre des représentants, mais il évoque également un débat de société organisé par la télévision locale, d'où il ressort qu'à l'exception des clients des dancings, toutes les parties concernées sont favorables à une réglementation. Même les propriétaires des dancings sont disposés à prendre certaines mesures réglementaires, à condition que celles-ci soient appliquées de manière uniforme dans l'ensemble du pays. En outre, il y a lieu de fixer des limites à la liberté d'entreprendre, dès l'instant où celle-ci engendre des nuisances pour autrui.

Dans le cadre du présent débat, il importe en outre de signaler que certaines villes et communes ont pris leurs responsabilités en décrétant des heures de fermeture. Ces dispositions ont toutefois été annulées par des arrêts du Conseil d'État, faute de loi fédérale régissant cette matière.

Enfin, l'intervenant souligne que la présence simultanée de milliers de jeunes dans les rues peut entraîner des problèmes; compte tenu de ce risque, M. Guilbert était plutôt partisan d'une solution plus globale, qui tienne compte entre autres du caractère transfrontalier du phénomène. Il estime cependant que les dispositions à l'examen vont dans le bon sens, que l'évaluation proposée à l'article 4 est également un élément important et que les communautés et les régions ont, elles aussi, un rôle à jouer en la matière.

M. Caluwé estime que les accidents de la circulation au petit matin sont trop nombreux et que les dispositions proposées offrent une solution au problème d'une région spécifique. D'un autre côté, l'intervenant est d'avis qu'il ne faut pas réglementer trop sévèrement et que, de ce point de vue, l'article 5 proposé, qui offre la possibilité d'accorder des dérogations, présente un intérêt certain.

M. Ramoudt souligne que les dérogations accordées se situent simplement dans le cadre d'un renforcement des dispositions légales. Il est impossible de prévoir une marge plus large.

M. Siquet fait remarquer que l'article 2 proposé aura pour effet de faire entrer nombre de dancings (centres culturels, autres salles, etc.) dans le champ d'application de la loi. Les fêtes de village devraient donc également respecter les dispositions proposées et l'intervenant se demande si cela ne va pas à l'encontre de l'intention initiale du législateur, qui était de limiter les déplacements. De plus, on ne perçoit absolument pas dans quel sens les autorités locales peuvent accorder une dérogation aux heures normales d'ouverture.

Selon M. Roelants du Vivier, l'autorité fédérale doit également prendre ses responsabilités dans cette matière et légiférer, tout en permettant une certaine modulation.

M. De Grauwe se demande comment les défenseurs du projet vont résoudre le problème des milliers de jeunes (ivres) qui empruntent la voie publique en même temps. Pourrait-on réfléchir à ce problème ?

M. Van Quickenborne juge imprudent d'imposer de nouvelles règles à un secteur, sans avoir préalablement entendu les représentants dudit secteur. C'est pourquoi il propose d'organiser des auditions avec les intéressés.

La proposition d'organiser des auditions est rejetée par cinq voix contre cinq.

M. Malcorps estime que le texte à l'examen est incohérent et irréfléchi. Sur le fond, il peut souscrire à une proposition visant à fermer les dancings au moins 10 heures par jour. Il ne semble toutefois pas opportun d'obliger les dancings à fermer à 6 heures. Pareille interdiction pourrait en effet avoir toute une série d'effets secondaires néfastes qui nécessiteraient à leur tour de nouvelles mesures. Pour cela, il faudrait souvent avoir recours aux communes, aux régions et aux communautés. Or, à l'heure actuelle, on ne sait absolument pas si les instances en question accepteraient de prêter leur concours.

M. Guilbert pense que si les clients quittent les dancings en masse à 6 heures, cela ne doit pas poser de problèmes insurmontables. Le même phénomène se produit en effet aussi lors de matches de football et de concerts de musique pop. Le fait est que les personnes qui fréquentent les dancings sont souvent sous l'empire de l'alcool ou de substances psychotropes.

L'on ne peut pas instaurer une heure de fermeture sans autre mesure d'accompagnement. L'instauration d'une heure de fermeture requiert une préparation approfondie, à laquelle sont associées notamment la police communale et les instances compétentes en matière de protection préventive de la jeunesse. Elle nécessite par exemple aussi que les dancings ne s'opposent pas à l'immixtion des instances de protection de la jeunesse.

Enfin, l'intervenant demande si la définition de la notion de « dancing » s'applique aussi aux locaux où se réunissent des associations socioculturelles. Il ne semble pas que ce soit le cas, étant donné que la loi du 24 juillet 1973 concerne la fermeture obligatoire du soir dans le commerce, l'artisanat et les services.

Selon M. Siquet, la définition proposée de « dancing » est si large qu'elle s'applique aussi aux locaux en question.

M. Caluwé est d'avis que le projet de loi propose une solution à un problème réel. Cette solution ne peut toutefois pas être considérée comme une réussite absolue. La définition de la notion de « dancing » est trop large. Le projet introduit certes une échappatoire : les autorités locales peuvent prévoir des exceptions. La définition est toutefois à ce point large que l'exception sera plus fréquente que la règle.

M. Siquet fait remarquer que cela montre que la définition est lacunaire.

M. Istasse déclare que la question est trop complexe pour qu'on la traite dans la précipitation. Il lui semble opportun d'amender le projet. Cela permettra d'élaborer une solution mûrement réfléchie.

Le ministre répète qu'il souscrit sans réserve aux objectifs du projet de loi. Cependant, le gouvernement se conformera au verdict du Parlement.

En ce qui concerne la définition de la notion de « dancing », le ministre présume qu'elle s'applique aussi aux nombreuses petites salles où se réunissent les associations socioculturelles.

III. DISCUSSION DES AMENDEMENTS ET VOTES

Article 2

M. Siquet dépose un amendement nº 3, qui vise à compléter la définition de la notion de « dancing » par une disposition précisant qu'il s'agit d'un lieu qui consacre plus de cinq cents heures par an à la danse.

L'amendement nº 3 de M. Siquet est adopté à l'unanimité des 10 membres présents.

M. Roelants du Viver déclare qu'il ne souscrit à l'amendement proposé, non pas parce qu'il ne peut pas marquer son accord sur son contenu, mais parce que le fait d'amender le projet l'empêcherait de devenir loi. La matière à l'examen nécessite toutefois une réflexion approfondie.

Article 3

MM. Ramoudt et Van Quickenborne déposent l'amendement nº 2 qui prévoit que les dancings doivent être fermés pendant au moins 10 heures par jour.

M. Ramoudt souligne que cette limitation des heures d'ouverture répond à la demande des autorités locales des communes et des villes situées dans la région frontalière de mettre fin aux nuisances que peuvent causer les dancings ouverts 24 heures sur 24.

Selon M. Guilbert, il n'est pas très utile de prévoir qu'un établissement doit être fermé pendant au moins dix heures par jour si tous les établissements ne sont pas contraints de fermer aux mêmes heures.

L'amendement nº 2 de MM. Ramoudt et Van Quickenborne est adopté par 6 voix contre 4.

Article 4

M. Van Quickenborne dépose l'amendement nº 1 visant à compléter l'article par les mots « par le ministre compétent » de manière à indiquer clairement qui est chargé de l'évaluation.

Cet amendement est adopté par 8 voix contre 2.


L'ensemble du projet de loi amendé est adopté par 7 voix contre 1 et 2 abstentions.

Confiance a été faite au rapporteur pour la rédaction du présent rapport.

Le rapporteur, Le président,
Didier RAMOUDT. Paul DE GRAUWE.

Texte amendé par la commission
(voir doc. Sénat, nº 2-1567/4)