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De voorzitter. - De heer Didier Reynders, minister van Financiën, antwoordt namens de heer Antoine Duquesne, minister van Binnenlandse Zaken.
Mme Anne-Marie Lizin (PS). - Je regrette que ce soit, une fois de plus, M. Reynders qui réponde à la place de M. Duquesne.
Je vous lis donc le texte de ma demande d'explications, adressée au ministre de l'Intérieur :
Dans une réponse laconique à ma question du 14 janvier, réponse lue en votre nom par M. Reynders, vous avez fait parvenir au Sénat des éléments incorrects et incomplets du déroulement policier, sur le territoire belge, des faits relatifs à l'expulsion inexpliquée de deux Belges - dont le frère d'un sénateur - par l'État israélien, le 26 décembre 2002.
Ma demande d'explications porte donc sur les éléments qui concernent la police belge et, en particulier, sur les pratiques d'échange en cas d'expulsion, de vérification des identités, et sur le comportement des personnes chargées du contrôle à l'arrivée.
Sur les quatorze personnes de la mission de contact avec les populations palestiniennes, qui sont arrivées à l'aéroport Ben Gourion, deux ont été autorisées à entrer, Brigitte Ernst et Pierre Lardot, échevin d'Ixelles. Douze, par contre, sont mises en cellule après une fouille et un long interrogatoire. Dix sont expulsées, accusées de tenter d'entrer illégalement en Israël pour chercher un emploi. Cela correspond, sans doute, à la seule catégorie dans laquelle elles peuvent être classées en droit israélien. Nous disposons du document justificatif.
Deux ont été expulsées sans aucun motif écrit, mais il a été déclaré, à Tel Aviv, à un journaliste du journal Le Soir par le porte-parole du ministère israélien de l'Intérieur, et responsable de l'aéroport, qu'ils étaient d'extrême gauche, propalestiniens, ce qui est exact, et sympathisants des terroristes, ce qui, par contre, est aussi faux que dangereux.
La dernière accusation se retrouve dans la déclaration sur la lutte contre le terrorisme, adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies. Les conséquences risquent donc d'être très importantes pour les personnes pouvant être taxées, dans les circuits informatiques mondiaux, de ce genre de comportement. Deux citoyens belges sont donc expulsés d'Israël, avec, inscrits quelque part dans un dossier, les mots « sympathisants du terrorisme ». Nous ignorons quelle est la destination des dossiers israéliens, mais des données sur les personnes sont échangées entre de multiples réseaux policiers, et je rappelle que le système d'écoute de la police fédérale belge a été confié à une entreprise israélienne. Cette inscription « sympathisant du terrorisme », dont nous ignorons l'usage, est donc, à un moment donné, décidée de manière totalement arbitraire, dans un aéroport, par les autorités israéliennes. Il n'existe aucune procédure de contestation.
Votre réponse n'est pas correcte. Confirmez-vous que l'information ne circule pas à propos de ce cas entre Israël et la Belgique, mais surtout entre la Suisse et la Belgique ? Les deux personnes expulsées ont en effet été conduites sous escorte, dans l'avion de la Swissair, en direction, tout d'abord, de Zurich. La police israélienne les accompagne jusqu'à l'entrée de l'avion et remet leurs passeports à la chef de cabine et au commandant de bord, sans aucun autre document. À la demande de restitution des passeports, après avoir consulté le commandant de bord, on remet ceux-ci aux intéressés. Commentaire dans l'avion : cette situation de personnes expulsées sans aucun autre document que le passeport est exceptionnelle. À Zurich, les policiers signalent aux personnes que le commandant a prié la police suisse de les laisser entièrement libres. En Suisse, les choses se déroulent normalement, comme dans tout pays correct qui ne prendrait pas pour argent comptant le comportement de la police israélienne de l'aéroport. Ils sont également traités de façon normale dans le vol Zurich-Bruxelles ; ils rentrent dans l'avion et en sortent avec leur passeport en poche.
Il est donc totalement inexact de prétendre que l'information provient de Suisse. L'information de la police belge ne peut venir que d'Israël. À cette question clé portant sur le type d'information venue d'Israël, nous voulons une réponse précise, monsieur le ministre, à défaut de quoi nous développerons à nouveau une demande d'explications à ce sujet.
Se borner à répondre que la Suisse est responsable est totalement incorrect. En effet, dès le départ de l'avion suisse, la Suisse a exprimé la volonté très claire de ne pas donner la moindre suite à la demande israélienne.
En revanche, arrivés à Bruxelles, dans leur pays, les intéressés ont été confrontés à la situation inverse. Le commandant de bord et le chef de cabine ont déclaré ne rien savoir de passagers expulsés puisque la Suisse n'a transmis aucune information à ce sujet. Pourtant les policiers belges ont fait l'appel alors qu'ils disposaient déjà des noms. Ils ont réclamé les passeports des intéressés et les ont emmenés.
Cela prouve bien qu'une information mentionnant ces deux noms et ces deux numéros de passeport était bel et bien parvenue jusqu'aux policiers belges. Elle ne pouvait provenir de Suisse.
Au moment de l'interpellation des intéressés, toutes les télévisions étaient déjà présentes. Il n'empêche que les intéressés ont été emmenés en voiture cellulaire. Quelle est la nature de l'information qui a permis d'emmener deux citoyens belges possédant des papiers corrects dans une voiture cellulaire à leur arrivée en Belgique ? Est-ce parce qu'ils ont été déclarés terroristes par un quelconque agent dans un aéroport israélien ? Sur quel type de document ce genre d'information est-il transmis ? Qui prend finalement la décision ?
Les deux intéressés ont été conduits dans un couloir réservé aux personnes soumises à l'article 127bis, ce qui est anormal pour des personnes de nationalité belge. Ils ont demandé à voir l'officier de police. Le policier à qui ils ont eu affaire s'est comporté comme un malappris alors qu'il savait que l'un des intéressés était le frère d'un sénateur. De plus en plus discourtois, le policier s'est enfermé avec les passeports.
Cette attitude est radicalement différente de celle de la police suisse et il convient de déterminer pour quelles raisons le policier belge s'est comporté de manière si différente. Il faudrait pour cela disposer de la copie du document israélien. Je vous demande donc de la fournir au Parlement. Cette pièce, envoyée par un individu, à nos yeux, non qualifié de l'aéroport israélien, mentionne en effet certains éléments qui doivent être connus. Ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est non seulement les éléments transmis dans un système informatique que l'on ne domine pas mais aussi le mode de diffusion de cette information.
Il est évident que les deux intéressés, connus pour leurs positions depuis de très nombreuses années, ont toujours été des interlocuteurs de la police et de la gendarmerie et sont connus de l'ordinateur de la police fédérale. On ne peut donc nullement douter que le contrôle ait été abusif et fondé sur des informations venant de Tel Aviv. Les policiers belges avaient largement le temps de consulter le fichier central et de filtrer ces informations.
Dans quel cadre ces informations israéliennes ont-elles été transmises ? Qui les a lues et les a jugées ? Qui a décidé de leur donner une suite dans un si court laps de temps ? Pourquoi la police belge a-t-elle adopté une attitude tellement différente de celle des policiers suisses ? Un échange de vues pourrait-il être organisé entre les pays européens sur la manière de traiter les personnes expulsées d'Israël ? En attendant, la boucherie se poursuit à Gaza et il est évident que ces péripéties font partie d'une politique que mon groupe juge inacceptable. Nous exigeons donc la clarté sur les procédures venant d'Israël dans ce domaine.
M. Didier Reynders, ministre des Finances. - Je vous donne lecture de la réponse que M. Duquesne m'a prié de vous communiquer.
Je confirme les renseignements qui vous ont été communiqués le 14 janvier, à l'occasion de votre première question, à laquelle il a été répondu que les dispositions et prescriptions des conventions internationales avaient été scrupuleusement respectées et que l'intervention des policiers de l'aéroport national était correcte.
Sur votre insistance, je rappelle que, conformément à la Convention de Chicago, les personnes refoulées ont été mises à la disposition de la police belge par la compagnie aérienne assurant le transport, en l'occurrence la SWISS et non le commandant de bord que vous mentionnez, qui pour ce faire, a prévenu le service d'immigration de l'aéroport de Bruxelles-National. Lors de ce contact, l'identité des personnes n'a pas été communiquée.
Quant aux autorités suisses, elles n'avaient aucune raison d'engager une procédure particulière liée à la Convention de Chicago puisque les personnes refoulées n'étaient qu'en transit à l'aéroport de Zurich. C'est ainsi qu'elles ont effectivement remis les passeports à ces personnes.
À aucun moment, je le répète, il n'y a eu de transmission d'informations des autorités israéliennes vers la police belge. Je suis formel : aucun document n'a été reçu ou donné aux autorités israéliennes.
À titre personnel, je présume qu'il sera dès lors très compliqué de vous fournir un document qui n'existe pas.
À l'arrivée de l'avion sur le tarmac, c'est le personnel de cabine qui a désigné les personnes refoulées à la demande des policiers.
Le déplacement de l'avion vers les bureaux de la police ne s'est pas fait en véhicule cellulaire, comme vous le prétendez, mais à l'aide d'un minibus anonyme du type Renault Master. Or, vous savez que les seuls véhicules cellulaires dont dispose la police sont de marque Iveco et clairement identifiables.
Ce minibus a d'ailleurs été récemment acquis par la police, sur les recommandations de la commission Vermeersch, pour pouvoir assurer plus discrètement et plus humainement ce type de transport de personnes. Le véhicule est spécialement aménagé afin d'éviter que les personnes transportées ne se blessent. Pour des raisons de sécurité, l'ouverture des portières arrière ne se fait que par l'extérieur.
Les personnes refoulées ont effectivement été séparées des autres passagers et conduites aux bureaux de la police de l'aéroport.
Dans les bureaux, conformément aux dispositions légales, deux procédures ont été diligentées : l'une, administrative, au profit de l'Office des étrangers, l'autre portant sur le contrôle frontalier. Ce dernier contrôle portant sur les documents de voyage et sur la vérification dans la banque de données des personnes signalées est d'ailleurs appliqué à tous les passagers entrants hors Schengen. Cette procédure leur a été expliquée sur place.
Si les personnes sont persona incognita dans l'ordinateur de la police fédérale, c'est parce que celui-ci ne contient que des données à caractère judiciaire et que dans ce contexte, les personnes n'étaient pas à rechercher.
Par ailleurs, il m'étonnerait que les policiers fédéraux, préposés aux contrôles, aient un jour négocié avec les intéressés « les plus importantes manifestations pacifiques de la capitale ».
L'ensemble des vérifications n'a duré que six minutes, en dépit du fait que les intéressés téléphonaient sans cesse avec leur portable.
Vérifications faites aussi, soulignons-le, par l'Inspection générale de la police, l'intervention des policiers à l'aéroport national était tout à fait conforme aux lois et aux conventions internationales. Les contrôles n'ont pas été disproportionnés. On ne peut d'ailleurs que se réjouir qu'avec les menaces latentes actuelles, le contrôle aux frontières se fasse avec sérieux et rigueur. Démotiver les policiers de faire correctement leur travail en mettant systématiquement en doute leur intégrité rendrait nos frontières plus perméables aux personnes véritablement mal intentionnées.
Je vous confirme donc les éléments que j'avais déjà eu le plaisir de vous lire le 14 janvier dernier.
Mme Anne-Marie Lizin (PS). - Je vous remercie, monsieur le ministre, de la manière parfaite et convaincue dont vous avez lu les textes fournis par votre collègue.
Je dois vous dire néanmoins que je n'y crois toujours pas. La faille du système réside dans le fait qu'à l'arrivée, on recherche deux personnes déterminées. Ce type d'information ne peut donc pas venir de Suisse et je suis certaine qu'il provient de Tel-Aviv.
Le ministère de l'Intérieur persiste à nier l'évidence, mais un jour nous saurons avec précision ce qui provient de ce pays, dont on peut dire que les pratiques et la façon de qualifier les personnes ne sont pas des plus délicates.
Concernant la police elle-même, je ne puis accepter ce que vous a fait lire votre collègue. Il est exact que les vérifications n'ont duré que six minutes parce que nous avons très rapidement pu conscientiser un policier dirigeant au sujet de ce qui était en train de se passer, de façon à ce qu'il puisse demander si le type de contrôle effectué était efficace, ce qui a d'ailleurs permis que les passeports soient immédiatement restitués.
On s'enfonçait dans un incident dû au fait que nous acceptons sans réticence les informations provenant d'Israël, ce qui est une lourde erreur.
Par ailleurs, je viens d'apprendre que le Mossad avait décidé que la Belgique serait un pays où il développerait ses activités. Cette annonce n'entraîne aucune réplique de l'État belge, qui trouve cette situation tout à fait normale. Nous échangeons des informations avec ce service et nous le protégeons même dans de telles circonstances, puisque nous incriminons les Suisses. Or, ces derniers disent clairement qu'ils ne répercutent plus rien, tellement les renseignements manquent d'objectivité. Tel est le sentiment qu'éprouvent les Suisses, mais nous, nous acceptons tout sans réserve.
Nous n'irons pas plus loin aujourd'hui parce que le ministre des Finances n'est pas habilité à répondre.
La Belgique fait preuve aujourd'hui d'une énorme naïveté et il y a, dans le chef d'Israël, une aggravation d'un certain type de comportement qui ne devrait pas échapper aux autorités publiques.
M. Didier Reynders, ministre des Finances. - Je remercie Mme Lizin de confirmer que les vérifications ont duré six minutes au maximum. J'ignorais que des échanges avaient eu lieu avec des dirigeants de la police fédérale, probablement par téléphone portable, puisqu'il semble que l'on ait téléphoné beaucoup durant cette période. Il y a donc eu une intervention auprès de la hiérarchie de la police fédérale.
Mme Anne-Marie Lizin (PS). - Vous pouvez demander à la firme NYS, propriété israélienne qui pourra vous indiquer les numéros de téléphone appelés par ces personnes.
M. Didier Reynders, ministre des Finances. - Pour le reste, c'est une question de foi. Même en tant que ministre des Finances, je ne puis plus m'exprimer à ce sujet. Mme Lizin croit qu'un document existe. Mon collègue de l'Intérieur affirme que ce document n'existe pas. Il est possible qu'un jour, madame Lizin, on sache si votre intime conviction sur l'existence d'un document reposait ou non sur des faits réels. Je puis en tout cas vous confirmer pour la troisième fois que mon collègue de l'Intérieur affirme qu'aucun document n'a été échangé avec Israël, ni dans un sens ni dans l'autre, et que ce ne sont pas les autorisés suisses, mais la compagnie SWISS, qui a communiqué une information. À l'arrivée, le personnel de cabine a mentionné les personnes concernées.
J'en resterai là parce que je n'ai aucun élément de réponse concernant la foi des sénateurs, même à travers les informations dont peut disposer un ministre des Finances.
-Het incident is gesloten.