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Mme Magdeleine Willame-Boonen (CDH). - En ma qualité de membre de l'ancienne commission Rwanda et à la veille de l'envoi de notre deuxième bataillon de commandos pour le Kosovo, je voudrais me faire l'écho des préoccupations, justifiées me semble-t-il, qui ont été exprimées aujourd'hui dans la presse par le colonel Léopold Henrot dans un article par ailleurs extrêmement dur, tant à l'égard des parlementaires dont je suis que du gouvernement dont vous êtes et dont le premier ministre n'est autre que l'ancien rapporteur de cette même commission.
À cet effet, je désire attirer l'attention du ministre et de mes collègues sur le fait que le deuxième bataillon se rendra au Kosovo sans chars Léopard pour cause de « difficultés logistiques » et avec un contingent dont les effectifs seront réduits d'un quart - cela nous rappelle des choses - en compensation du détachement que nous nous sommes engagés à envoyer en Afghanistan. En réduisant la taille de notre détachement, sans tenir compte des difficultés opérationnelles, nous mettons la sécurité de nos hommes en danger.
Le ministre est-il d'avis que cette manière de procéder est en totale contradiction avec les recommandations 8 et 9 émises par la commission Rwanda qui appelaient notre pays à ne plus envoyer de détachements trop réduits à l'étranger lorsque ceux-ci couraient le risque d'être employés par « une autorité étrangère hors de la protection d'un chef national dont le grade et l'expérience mettraient nos soldats à l'abri d'un engagement inconsidéré » ?
Je relis textuellement ces deux recommandations. Recommandation 8 : « Il y a lieu de vérifier si les moyens en personnel, en équipement et en armement, ainsi que les moyens financiers nécessaires, sont suffisants. Les moyens dont on dispose dès le début de l'opération doivent permettre réellement d'assurer au maximum la protection et la sécurité du personnel ».
Recommandation 9 : « Il faut prévoir un nombre suffisant d'hommes et un armement suffisant pour que le contingent belge puisse faire face à toutes les éventualités. Dans sa proposition, l'état major général devra toujours veiller à ce que le détachement belge puisse créer sa propre réserve mobile ».
En incise, je voudrais demander au ministre si ce dossier a été envoyé à la commission Missions de paix du Sénat, qui a pour objectif de veiller à ce que les différentes recommandations de la commission Rwanda soient respectées.
M. André Flahaut, ministre de la Défense. - J'ai moi aussi lu l'article commis par le colonel en retraite - j'insiste bien, en retraite - Henrot. Je me méfie toujours des articles rédigés dans une certaine presse par des généraux ou des colonels en retraite.
Mme Magdeleine Willame-Boonen (CDH). - Je suis aussi en retraite de la commission Rwanda.
M. André Flahaut, ministre de la Défense. - Je n'ai pas eu le plaisir de participer à la commission Rwanda, mais vous n'êtes pas colonel !
Le deuxième bataillon de commandos part au Kosovo avec son matériel organique, à savoir des blindés Pandur sur roues ce qui, me semble-t-il, était aussi préconisé dans les conclusions de la commission Rwanda, qui recommandait que nous changions de matériel et que nous le remplacions par du matériel plus souple, plus mobile, plus flexible, plutôt que de conserver des gros chars lourds. Peut-être le colonel Henrot est-il un de ces adeptes des chars Léopard et défend-il cette « caste » !
Les véhicules Pandur ont été spécialement achetés pour participer aux opérations humanitaires et cet achat découle directement de la commission Rwanda, comme je viens de le dire. Je présume que Mme Willame ne m'en voudra pas d'envoyer du matériel recommandé par la commission. Je suppose que vous n'êtes plus allée au Kosovo depuis un certain temps, madame. Pour ma part, je m'y suis rendu à quatorze reprises, à chaque renouvellement du contingent.
Le fait que des chars Léopard ne soient pas envoyés sur place n'est pas dû à de quelconques « difficultés logistiques », mais au fait que les autorités locales et celles de l'OTAN considèrent que nos véhicules blindés chenillés ne sont plus appropriés pour les missions dans les Balkans. Je ne vais donc pas aller contre l'avis d'éminents spécialistes en la matière, qui, eux, ne sont pas à la retraite. Il n'est pas question non plus d'envoyer un contingent réduit. Nous étudions actuellement cette possibilité, car je souhaiterais effectivement diminuer le contingent de 650 à 400 hommes. Cette décision figure dans une note de gouvernement.
Cette étude est également réalisée en concertation avec les autorités de l'OTAN. Je ne vois pas pourquoi, alors que l'OTAN annonce son intention de réduire son contingent au Kosovo de 30.000 à 15.000 hommes, soit de 50%, la Belgique ne pourrait pas décider de réduire sa participation d'un tiers. Nous sommes aussi en droit de revoir les efforts que nous fournissons.
Si nous participons, et ce sera sans doute le cas, à l'opération ISAF III, en Afghanistan, ce sont d'autres hommes et d'autres matériels qui seront envoyés sur place, car il s'agit d'une mission d'un autre type. Il faut envisager les opérations de façon globale, mais il n'existe aucun lien entre l'une et l'autre. En ce qui concerne la sécurité des hommes, elle est ma première priorité depuis le début de mon mandat.
Pour ce qui est des communications et des relations avec la Commission du suivi des missions à l'étranger, je puis vous rassurer : le contact est permanent. Ce midi encore, j'expliquais devant cette commission ce que nous avions fait et ce que nous comptions faire, en anticipant même sur certaines communications que je ferai, demain, devant le gouvernement.
Mme Magdeleine Willame-Boonen (CDH). - Vous avez ressenti ma question comme une offense personnelle, alors que c'est une simple demande d'informations, inspirée par la lecture du journal... Si je lis un article sur un sujet qui me tient à coeur, j'ai le droit, me semble-t-il, en tant que parlementaire, d'interroger le ministre compétent.
M. Philippe Moureaux (PS). - On ne vous en a pas empêchée !
Mme Magdeleine Willame-Boonen (CDH). - C'est le ton de la réponse qui m'a heurtée, monsieur Moureaux. Je ne suis pas, c'est certain, allée quatorze fois au Kosovo et le ministre est mieux placé que moi pour décider s'il convient de réduire le contingent de 650 à 400 hommes. J'ignorais que ce point figurait aujourd'hui à l'ordre du jour de la commission Missions de paix. J'ai entendu dire qu'elle s'était réunie hier, mais que ce sujet n'y avait pas été abordé.
Quoi qu'il en soit, je suis satisfaite d'avoir suscité l'intérêt du ministre et d'avoir obtenu une réponse assez complète à ma question. C'est d'ailleurs dans la logique des questions orales qui sont, chaque semaine, posées au Sénat.
M. Philippe Mahoux (PS). - Je signale simplement que cette commission que je préside remplit son rôle de la manière la plus régulière possible. Le ministre, soit à notre invitation, soit à sa suggestion, est toujours présent pour répondre à l'ensemble des questions qui lui sont posées.
Il est normal que vous ne soyez pas informée, madame Willame. Vous connaissez le statut particulier de cette commission où les informations doivent rester confidentielles, quel que soit d'ailleurs le niveau de leur confidentialité.
Je soulignerai également que M. Dallemagne était bien prévenu, puisqu'il m'a annoncé qu'il ne pourrait être présent. J'ai d'ailleurs admis, puisqu'il est assermenté, que son collaborateur puisse participer à la réunion.
Mme Magdeleine Willame-Boonen (CDH). - Vous n'avez pas répondu à la question de savoir si on a évoqué le Kosovo dans cette commission. Je ne pense pas que l'on trahirait un secret en me répondant par oui ou non.
M. Philippe Mahoux (PS). - La réponse est oui, mais cela vous avait déjà été dit, madame Willame. Je ne vais pas me mettre à confirmer ou à infirmer les réponses que le ministre vous donne.
Mme Magdeleine Willame-Boonen (CDH). - Je n'avais pas entendu cela de la part du ministre.
M. le président. - Ne vous inquiétez pas, madame Willame, il est clair que la commission du suivi des Missions ou le comité du suivi du Comité R a un nombre de membres limité. On ne retire donc nullement aux autres membres leur droit de poser des questions au ministre. Au Bureau, le ministre avait d'ailleurs dit d'emblée qu'il répondrait à cette question.
M. Philippe Moureaux (PS). - Il faut remplacer M. Dallemagne ; il est toujours absent !