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M. Olivier de Clippele (MR). - J'ai lu dans la presse qu'à Gand, sur 862 mariages enregistrés cette année, 140 font l'objet d'une présomption de mariage blanc.
Dans le cas d'un mariage blanc, l'un des deux conjoints est presque toujours une personne qui se trouve sur notre territoire sans permis de séjour ou qui a l'intention d'y entrer, d'y « forcer » sa résidence. L'objectif d'un tel mariage dans ces deux cas de figure est d'obtenir un permis de séjour grâce à la formalité du mariage.
Pouvez-vous me dire, monsieur le ministre, si sur le plan national, il existe également des chiffres en matière de mariages blancs ?
Vous n'ignorez pas que le nombre de mariages blancs risque fort de s'accroître lorsque la Belgique aura étendu le mariage aux personnes de même sexe. En effet, la Belgique, dans les limites de l'Europe Occidentale, est le pays européen qui autorise l'acquisition de la nationalité belge dans le plus court délai, à savoir après trois ans de séjour légal. Or, le mariage entre personnes de sexe opposé est aujourd'hui un moyen à effet immédiat et non contestable, pour légaliser une situation de séjour irrégulier.
Il est malgré tout de notoriété publique qu'organiser un mariage blanc entre une femme et un homme n'est actuellement pas si aisé, car les femmes ne se prêtent guère au mariage avec un inconnu en échange d'une somme d'argent.
Ne pensez-vous pas que l'extension du mariage aux personnes de même sexe ouvrira de nouvelles filières en matière d'octroi de permis de séjour ?
Avez-vous connaissance de l'existence de réseaux en matière d'organisation de mariages blancs en vue de régulariser le statut de personnes résidant de manière irrégulière en Belgique ?
Puis-je vous demander si vous avez examiné les conséquences possibles de l'actualisation de la proposition de loi qui vient d'être adoptée en commission de la Justice du Sénat ?
M. Antoine Duquesne, ministre de l'Intérieur. - Il n'existe actuellement, sur le plan national, aucun chiffre en ce qui concerne les mariages blancs.
Les services communaux de la population introduisent au Registre national des personnes physiques les informations relatives aux mariages sur la base des actes de l'état civil dont ils ont connaissance.
La fraude entachant éventuellement certains mariages n'apparaît pas en tant que telle dans les cas d'annulation desdits mariages : le Registre national des personnes physiques ne donne aucune justification de l'annulation des mariages.
Lesdites justifications mettraient d'ailleurs en évidence des données d'ordre judiciaire, ce qui serait contraire au souci de la protection de la vie privée.
Le 11 octobre 2000, j'ai envoyé aux administrations communales des directives demandant aux communes de collaborer dans le cadre d'une approche intégrée de la problématique du mariage de complaisance et de communiquer des chiffres à ce sujet à l'Office des Etrangers. Ces directives avaient été élaborées afin de pouvoir analyser la problématique des mariages de complaisance et des tentatives de conclure un tel mariage. Il faut savoir que l'Office des Etrangers n'a jamais été en possession des chiffres de toutes les communes et que ces directives n'ont pas été correctement appliquées.
Vu l'absence de données chiffrées périodiques complètes sur base des directives du 11 octobre 2000 et compte tenu du problème de traitement statistique des données chiffrées au sein de l'Office des Etrangers, afin de déterminer les tâches et possibilités des différents services et instances concernés par la lutte contre les mariages blancs, une première réunion a été organisée le 24 octobre 2002 avec les autorités compétentes : le Collège des Procureurs généraux, de Vlaamse Vereniging voor Burgerlijke Stand, le service public fédéral intérieur, le service public des Affaires étrangères, le service public fédéral de la Justice et la police fédérale.
Lors de cette réunion, il a notamment été convenu que l'Office des étrangers transmettrait un courrier aux différentes associations des Villes et Communes concernant l'application des directives du 11 octobre 2000.
Il a aussi été envisagé de constituer une base centrale de données où le processus de la demande de mariage jusqu'à la clôture du mariage peut être enregistré. L'Office des étrangers va consulter les services du registre national à ce sujet.
À votre question de savoir si la proposition de loi récemment adoptée en commission de la Justice du Sénat aura des conséquences et donnera notamment lieu à de nouvelles filières en matière d'octroi de permis de séjour, je voudrais vous donner divers éléments de réponse.
Tout d'abord, les partenaires de même sexe peuvent déjà - depuis 1997 - bénéficier d'une autorisation de séjour sur base de la cohabitation dans le cadre d'une relation durable. Je vous renvoie à la circulaire du 30 septembre 1997, publiée au Moniteur Belge du 14 novembre 1997. Après examen, il ressort que cette pratique n'a engendré aucun abus manifeste. On peut donc raisonnablement considérer que le mariage homosexuel n'aura pas pour conséquence directe d'augmenter les abus en la matière. Par ailleurs, il n'y a pas de raison de penser que les couples homosexuels se livreront plus volontiers que les couples hétérosexuels à des mariages de complaisance.
En cas d'adoption définitive de la proposition de loi à laquelle vous faites allusion, je veillerai à ce que les demandes de regroupement familial introduites par les couples homosexuels soient examinées avec la même vigilance que celles introduites par les couples hétérosexuels.
En ce qui concerne votre question relative à l'existence de réseaux en matière d'organisation de mariages blancs en vue de régulariser le statut de personnes résidant de manière irrégulière en Belgique, l'analyse de la pratique actuelle ne permet pas de constater l'intervention systématique de filières en vue d'organiser des mariages de complaisance.
Il convient de savoir que les personnes qui contractent un mariage de complaisance le font avec des membres de leur famille au sens large ou des connaissances.
Toutefois, on constate également que certains constituent des cibles privilégiées, notamment des jeunes désoeuvrés, marginalisés ou encore psychologiquement et physiquement affaiblis. Certaines personnes sont donc susceptibles d'exploiter ces faiblesses en proposant à ces jeunes des mariages de complaisance. Il est particulièrement difficile de lutter contre cette forme d'exploitation préalable à la conclusion d'un mariage.
Par contre, lorsque nous sommes saisis de demandes en pareilles circonstances, mon administration en informe le parquet, en vue d'une annulation éventuelle du mariage.
M. Olivier de Clippele (MR). - Je remercie M. le ministre de sa réponse. Je signale simplement qu'un problème de mariage blanc n'est pas un problème de couple. Il n'y a pas de résidence commune. La relation durable visée par la circulaire de 1997 ne concerne dès lors pas la problématique que je soulève.
M. Antoine Duquesne, ministre de l'Intérieur. - L'observation très intéressante de M. de Clippele ne change rien à la réponse que j'ai donnée.
-Het incident is gesloten.