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M. Francis Poty (PS). - De nombreuses questions ou demandes d'explications ont déjà mis en évidence la problématique des véhicules belges circulant sur le territoire sous immatriculation luxembourgeoise, mais aussi française ou néerlandaise.
Déjà en novembre 1998, j'interpellais le ministre des Finances en insistant sur l'ampleur de la fraude qui lèse directement les recettes de l'État et indirectement les communautés.
Pour mesurer l'importance du problème, je rappelais, dans le cadre de mon intervention, que la taxe sur les contrats d'assurance était presque sept fois plus élevée en Belgique qu'au Luxembourg. En outre, la taxe de circulation est également d'un montant nettement supérieur en Belgique.
Certains ne se privent donc pas d'utiliser encore aujourd'hui cette « filière ». On estimait, à l'époque, qu'environ 20.000 à 30.000 véhicules circulaient sur notre territoire sous plaque luxembourgeoise. Même s'il est difficile de discerner les fraudeurs des autres usagers, ces chiffres sont impressionnants.
Certes, seule une véritable harmonisation fiscale visant à réduire ces situations marginales pourra apporter une solution définitive.
Depuis que vous avez repris de dossier, monsieur le ministre, les choses ont évolué. Quel est l'état actuel de la situation en matière de fraude ?
M. Didier Reynders, ministre des Finances. - Le choses ont effectivement évolué. Dès l'été 1999, lors du premier contact entre les gouvernements belge et luxembourgeois, le dossier a été mis sur la table, ce qui a d'ailleurs donné lieu à quelques communications. Le premier ministre luxembourgeois qui est, par ailleurs, en charge des Finances, avait lui-même évoqué la nécessité de prendre des mesures en la matière, ce que nous avons fait. Des contacts ont eu lieu avec les autorités luxembourgeoises et, surtout, sur le plan national, entre mon département et celui des Transports, puisqu'il fallait adapter la réglementation.
Aujourd'hui, en vertu de l'article 2, paragraphe 1er, de l'arrêté royal du 20 juillet 2001, un véhicule ne peut être admis à la circulation que s'il est immatriculé dans le répertoire de la DIV. Le paragraphe 2 du même article précise que peuvent également être mis en circulation les véhicules immatriculés dans un autre État membre de l'Union européenne, pour autant qu'ils portent les plaques d'immatriculation prescrites par la législation de l'État où ils sont immatriculés. Cela signifie donc que les véhicules à moteur et les remorques qui sont utilisés par des personnes résidant en Belgique, doivent être immatriculés en Belgique.
Cette règle souffre les dérogations suivantes :
Premièrement, les étudiants luxembourgeois résidant en Belgique - il n'y a pas d'université au Luxembourg - et qui sont inscrits dans un établissement scolaire belge. Ces étudiants peuvent apporter la preuve nécessaire à cette dérogation par leur carte d'étudiant. Si j'insiste sur ce point, c'est que nous avons à chaque fois dû définir l'exception et la modalité de preuve pour que les contrôles puissent avoir lieu.
Deuxièmement, les travailleurs résidant en Belgique qui utilisent un véhicule mis à leur disposition par un employeur luxembourgeois dans le cadre d'un contrat de travail. Dans ce cas, le contrat de travail devra prévoir la mise à disposition du véhicule pour l'usage privé du travailleur. En outre, le travailleur devra apporter la preuve qu'il est inscrit à l'Office de sécurité sociale luxembourgeois. Aussi, le fait d'être, par exemple, administrateur sans rémunération dans une entreprise au Luxembourg n'a pas d'incidence.
Troisièmement, un véhicule appartenant à une entreprise luxembourgeoise, immatriculé au Luxembourg au nom de cette entreprise et utilisé en Belgique uniquement dans le cadre de l'activité commerciale de ladite entreprise. Je citerai l'exemple du conducteur belge d'un camion immatriculé sous plaque luxembourgeoise au nom d'une société de transport établie au Luxembourg. Il peut évidemment circuler en Belgique avec ce véhicule.
Enfin, les fonctionnaires résidant en Belgique et travaillant au Grand-Duché de Luxembourg dans le cadre de l'Union européenne et qui, à ce titre, sont munis de leur carte d'accréditation.
Pour chacune de ces dérogations, un élément de preuve doit donc être fourni. En dehors de cette règle et des différentes dérogations, les véhicules circulant sur le territoire belge doivent porter les marques d'immatriculation de la Belgique.
Dès que nous avons pu mettre cette nouvelle réglementation en place, les contrôles ont pu commencer. Après une prise de position du collège des procureurs généraux en la matière, les premiers contrôles de douane ou de police ont eu lieu.
Nous assurons un suivi de cette logique de contrôle à travers le Benelux puisqu'un groupe de travail « marché intérieur » existe, avec un sous-groupe « fraude véhicules luxembourgeois ».
Des réunions ont déjà eu lieu à ce sujet, notamment en janvier de cette année. De nouvelles réunions sont programmées et nous réaliserons un état de la situation exacte des fraudes constatées depuis la mise en place de l'arrêté.
Je reçois des questions dans les deux sens. Certains de vos collègues de la Chambre, par exemple, constatent qu'en province de Luxembourg, les contrôles sont trop importants. Ils affirment qu'à certains endroits les contrôles seraient exagérés. Il est évident que les contrôles ont souvent lieu sur les mêmes tronçons autoroutiers.
Vous me demandez quelle est la réaction en matière de fraude. Je ne manquerai pas de vous communiquer le détail des infractions relevées soit par les douanes, soit par la police, et qui font ensuite l'objet d'un traitement par les parquets.
Pour l'instant, les contrôles sont en place. Depuis le moment où vous avez posé une question sous la législature précédente, les étapes suivantes ont eu lieu : d'abord, la conclusion d'un accord avec le gouvernement luxembourgeois, ensuite, en 2001, la modification de la réglementation belge et, enfin, avec l'aval du collège des procureurs généraux, puisqu'il faut lancer les opérations de contrôle, la mise en oeuvre desdits contrôles.
Sans doute y a-t-il en province de Luxembourg davantage de personnes qui remplissent certaines conditions de dérogation. À l'échelon du Benelux, nous travaillons pour affiner encore les cas de dérogation et les mécanismes de preuve. Il est en effet possible que, dans certains cas, il soit logique d'utiliser un véhicule portant une plaque luxembourgeoise.
Cela étant, la fraude est très importante et il était dès lors utile de conclure cet accord avec le gouvernement luxembourgeois, de modifier la réglementation et de lancer les contrôles.
J'ai demandé que dans le cadre du Benelux, on puisse faire un état de la situation des contrôles. La réglementation datant du 20 juillet 2001, il est normal, un an plus tard, d'établir un premier bilan, lequel ne laissera vraisemblablement pas encore apparaître des éléments tout à fait déterminants. Il faut laisser le temps aux contrôles et aux poursuites de se mettre en place.
En tout cas, je répète que les accords ont été pris, que la réglementation a été modifiée et que les contrôles ont lieu.