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De voorzitter. - De heer Antoine Duquesne, minister van Binnenlandse Zaken, antwoordt namens de heer Louis Michel, vice-eerste minister en minister van Buitenlandse Zaken.
M. Josy Dubié (ECOLO). - La Côte d'Ivoire est confrontée depuis plusieurs jours à une grave vague de violence, consécutive à une tentative de coup d'État.
Cette vague de violence a déjà fait plusieurs centaines de victimes. Le bilan pourrait d'ailleurs être plus lourd, car on est sans nouvelles de plusieurs régions de ce pays où vivent des populations d'origines ethniques différentes.
L'une des caractéristiques des violences que connaît ce pays depuis plusieurs années est en effet qu'elles reposent souvent sur l'exacerbation de prétendues différences ethniques et nationales, qui font aujourd'hui de ce pays une véritable « poudrière identitaire ».
Le concept « d'ivoirité » inventé de toute pièce pour faire obstacle à un homme politique, M. Ouattara, accusé de ne pas être ivoirien « de souche », a débouché dans un passé récent sur de véritables pogroms qui ont fait des centaines de victimes à l'occasion de flambées de violences souvent suscitées par la rivalité opposant des personnalités politiques.
Une réconciliation nationale fragile entre les différents dirigeants politiques est aujourd'hui mise à mal par la tentative de coup d'État, et il existe à nouveau un très grand danger de revoir l'exacerbation des passions identitaires déboucher sur un véritable massacre, voire sur un génocide.
M. le ministre peut-il nous communiquer les informations dont il dispose sur la situation actuelle en Côte d'Ivoire, qui semble extrêmement mouvante ?
M. le ministre pourrait-il nous dire ce qui a été ou pourrait être fait, au niveau belge mais aussi au niveau européen, pour éviter que ces violences ne débouchent sur un meurtrier embrasement généralisé, attisé par les passions identitaires qui minent la Côte d'Ivoire ?
Mme Anne-Marie Lizin (PS). - Je désire me joindre à la demande d'explications de M. Dubié, mais pas nécessairement dans le même sens, si ce n'est en ce qui concerne le respect du droit des gens dans un pays très important de l'Afrique de l'Ouest. Les témoignages dont nous disposons vont en sens multiples et il est vrai que, dans la ville d'Abidjan, une partie des ressortissants des pays voisins ont sans doute un réel sentiment d'insécurité.
Ce que nous savons de ce qui arrive pour l'instant aux populations Baoulé dans Bouaké et Daloa, et spécialement les fuites, qui ont dû avoir lieu, des populations locales ne partageant pas les positions des rebelles, est vraiment très inquiétant. Il y a aujourd'hui un rassemblement dans Yamoussoukro de toutes les populations civiles qui fuient les rebelles. Lorsque ces derniers sont arrivés, venant du nord, à Katiola et maintenant à Seguela et Bouaké, ils ont commencé à distribuer des armes aux jeunes de 10 à 15 ans avec comme seul mot d'ordre, dès le premier jour, d'être contre le président Gbagbo.
Au sein du groupe socialiste, nous pensons que tout soutien à des mouvements de déstabilisation de cette nature contre un président élu dans des conditions d'élection qui ont été acceptées, constitue un danger supplémentaire dans une partie de l'Afrique qui n'avait pas encore connu ce type d'évolution vers une partition du pays.
(Voorzitter: de heer Jean-Marie Happart, ondervoorzitter.)
Les rebelles de Bouaké ont annoncé cet après-midi qu'ils soutiennent M. Ouattara qui a d'ailleurs préparé l'opération depuis longtemps. Ils refusent véritablement d'accepter le résultat des élections.
L'ivoirité est un argument qui peut apparaître ethnique et qui, en l'occurrence, n'est pas correct. Il s'agit, en effet, du refus d'accepter, comme candidat à la présidence, une personne possédant la nationalité d'un autre pays. Il est vrai que, durant la première génération, sous Houphouët-Boigny, l'Afrique occidentale avait l'habitude de compter des ministres de plusieurs nationalités. C'était le cas en Côte d'Ivoire.
Mais, jusqu'à nouvel ordre, en Belgique ou en Allemagne, des étrangers ne peuvent pas encore poser leur candidature aux postes les plus élevés de l'État. Ce débat, qui a empoisonné l'élection de M. Gbagbo, est en train d'apparaître comme le refus de l'autorité d'Abidjan sur la partie septentrionale de la Côte d'Ivoire. La situation est catastrophique.
Des mercenaires participent aux opérations. Le patron de l'enseignement technique de Bouaké, qui a dû fuir dans des conditions extrêmes, nous a livré un témoignage de première main. Il nous a expliqué que les rebelles, habillés en militaires et disposant d'un équipement important - par exemple, des orgues de Staline -, demandaient, en entrant dans Katiola, s'ils étaient à Bouaké. Ils ne connaissaient donc ni la nature de la ville de Bouaké ni la géographie de la zone. Il s'agit donc bien de mercenaires dont l'objectif est de renverser un des seuls présidents socialistes élus de l'Afrique occidentale.
Cette évolution est très dangereuse. Nous souhaitons que la Belgique ne s'associe pas aux volontés de dépeçage de pays de cette nature, par exemple le Nigeria qui a vu passer, aujourd'hui, la plupart de ses provinces sous le régime de la charia. Nous sommes en train de tenter de sauver de la lapidation quelques malheureuses dont nous connaissons le nom. Il serait catastrophique pour l'Afrique noire que nous ne conservions pas une position claire sur la Côte d'Ivoire. Nous devons mettre tout le monde sur le même pied. Je ne peux accepter des comportements de ce genre. Nous ne souhaitons pas qu'ils soient soutenus par la Belgique. C'est la raison pour laquelle je voulais donner une autre tonalité à la demande de M. Dubié.
M. Josy Dubié (ECOLO). - Je suis assez sidéré en écoutant Mme Lizin. Je lui ferai remarquer que ma demande d'explications porte sur une situation potentiellement dramatique. Qu'on le veuille ou non, des gens sont aujourd'hui menacés dans les deux camps. Je ne prends pas parti. Je ne défends pas M. Ouattara. En revanche, vous défendez M. Gbagbo.
Je défends le fait que l'on a malheureusement réussi, compte tenu des événements récents, notamment le fait de décréter que sont ivoiriennes les personnes qui répondent à certains critères, à créer une situation potentiellement génocidaire qui fait que l'on diabolise l'autre. Cela risque de déboucher sur des massacres. Certains ont déjà eu lieu. C'est cela qui m'inquiète.
Vous défendez M. Gbagbo parce qu'il est membre de l'Internationale socialiste. Vous ne voulez pas savoir ce qui se passe. Moi, je ne défends personne ! Il existe un danger grave. Nous avons d'ailleurs l'intention de nous rendre sur place très bientôt et peut-être même déjà ce week-end. Nous voulons témoigner de ce qui est en train de se passer. Nous disposons d'informations qui n'émanent pas toutes du même camp. La situation est dramatique. Nous demandons au gouvernement belge et à l'Union européenne de faire en sorte que ce qui se passe là-bas ne débouche pas sur une tragédie. Rien de plus, rien de moins !
Je ne prends parti pour personne. Je ne suis pas l'agent de M. Ouattara comme on essaiera de le dire. Je ne suis pas l'agent du FMI même si M. Ouattara fut en son temps vice-président du FMI. C'est clair !
Mme Anne-Marie Lizin (PS). - Je partage le sentiment de M. Dubié sur le côté catastrophique de la situation. Il est clair que mon groupe est du côté du président élu et du refus de la partition de la Côte d'Ivoire. Il n'y a aucun espoir de réussir une fédération dans un pays où sont mélangées autant d'ethnies. Ce point est important à prendre en considération lorsqu'on fixera la position de la Belgique. Il ne faut pas, du fait d'opposer un candidat déçu parce qu'il a perdu les élections et qui organise une rébellion à partir du territoire...
M. Josy Dubié (ECOLO). - Ce n'est pas vrai. Rien ne prouve cela. Rien ne prouve que M. Ouattara soit l'instigateur de cette rébellion.
Mme Anne-Marie Lizin (PS). - Rien ne prouve le contraire. Cependant cela vient d'être reconnu cet après-midi. Il faut que vous adaptiez vos informations. La Belgique doit être extrêmement prudente dans la définition de l'attitude des Quinze qui se basera sur les informations françaises. Or, la France n'est pas si étrangère aux intérêts de M. Ouattara dont chacun sait qu'il est très lié avec les entreprise Bouygues...
M. Josy Dubié (ECOLO). - Vous faites de la politique politicienne au dépens d'un drame ...
Mme Anne-Marie Lizin (PS). - Vous soutenez Bouygues...
M. Josy Dubié (ECOLO). - Nous affirmons que nous ne prenons parti pour aucun des deux camps. Nous attirons l'attention des autorités belges et européennes, et nous leur demandons d'agir sur les deux parties pour que soit arrêté tout ce qui pourrait déboucher sur des actes génocidaires par la diabolisation de l'autre. Rien de plus.
M. Antoine Duquesne, ministre de l'Intérieur. - Voici donc la réponse de M. Michel.
La situation en Côte d'ivoire évolue de jour en jour. Au 15 octobre, la rébellion n'a pas faibli mais s'est, au contraire, étendue vers l'Ouest avec la prise de la troisième ville du pays, Daloa, que les forces loyalistes, appuyées selon certains par des renforts angolais, n'ont pu reprendre que partiellement.
Les tentatives de médiation menées pour le compte de la CEDEAO par mon homologue sénégalais, M. Gadio, ont été décevantes.
La mise en cause initiale et à peine voilée du Burkina Faso par les médias officiels ivoiriens comme partie au complot a favorisé des exactions nombreuses au détriment des ressortissants burkinabés vivant en Côte d'ivoire et, dans une moindre mesure, au détriment de résidants originaires d'autres pays de la région. Un appel au calme a été lancé et des mesures annoncées par le président Gbagbo, le 8 octobre.
Certains règlements de compte à fondement ethnique entre Ivoiriens ont également été signalés à la faveur des troubles, les principales victimes restant néanmoins les Burkinabés.
Les ressortissants occidentaux n'ont pas été visés par les violences jusqu'à présent, mais certains gouvernements, dont le nôtre, ont conseillé à ceux dont la présence n'était pas indispensable de quitter la Côte d'ivoire par précaution.
Notre pays et ses partenaires de l'UE, constatant les risques majeurs encourus à l'occasion de cette crise par la société ivoirienne et par le processus de réconciliation nationale en cours, ont très tôt réagi en rappelant, d'une part, leur attachement à l'ordre constitutionnel et aux institutions légitimes de la Côte d'ivoire, et, d'autre part, en appelant toutes les parties à la fin des violences par la négociation sous l'égide de la CEDEAO.
En outre, lors de plusieurs entretiens bilatéraux, tant avec des autorités ivoiriennes à Abidjan qu'avec l'ambassadeur de Côte d'ivoire à Bruxelles, l'attention du gouvernement ivoirien a été constamment attirée par nos soins sur la nécessité, pour ce qui le concerne, de préserver les acquis du processus de réconciliation nationale - qui a comporté la reconnaissance de la nationalité ivoirienne de M. Ouattara et la constitution d'un gouvernement d'ouverture -, en favorisant les conditions de sa relance par le dialogue.
Par mon dernier communiqué de presse du 9 octobre, qui a bien été reçu par les autorités ivoiriennes et, je l'espère, par toutes les parties au conflit, j'ai particulièrement condamné, avec la plus grande fermeté, toute velléité de donner à ce conflit une dimension relevant de la xénophobie et du sectarisme, et j'en ai appelé à toutes les parties pour qu'elles répriment sans délai les tentations dans ce sens qui pourraient exister en leur sein.
M. Josy Dubié (ECOLO). - Je remercie le ministre de sa réponse. Il confirme donc nos inquiétudes. Effectivement, la plupart des victimes ont été dénombrées dans la population burkinabé qui compte plus de trois millions d'individus en Côte d'Ivoire. Ces derniers sont tous assimilés à des agresseurs. C'est là le fond du problème. Certains vivent dans ce pays depuis deux générations, à des centaines de kilomètres de la frontière du Burkina Faso et n'ont pratiquement plus aucun contact avec ce pays. En diabolisant tous les Burkinabés comme étant les alliés des agresseurs ou des rebelles, on risque effectivement - et c'est cela que nous dénonçons - de faire en sorte que toutes ces personnes qui vivent là-bas deviennent des victimes potentielles d'un conflit ethnique et d'un génocide.
D'après les informations que j'ai reçues, plusieurs centaines de milliers de personnes sont déjà sur les routes et essaient de quitter la Côte d'Ivoire ; elles se dirigent soit vers le nord, soit vers l'ouest.
C'est dramatique, nous devons suivre cette situation et intervenir pour empêcher ce que nous craignons tous : des violences ethniques incontrôlables.
-Het incident is gesloten.