2-1132/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2001-2002

1er JUILLET 2002


Traite des êtres humains dans le sport


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA SOUS-COMMISSION « TRAITE DES ÊTRES HUMAINS » À LA COMMISSION DE L'INTÉRIEUR ET DES AFFAIRES ADMINISTRATIVES PAR MM. DEDECKER ET LOZIE


SOMMAIRE


INTRODUCTION

Le vendredi 16 mars 2001, le Bureau de la sous-commission « Traite des êtres humains » a eu un entretien avec une délégation de la Commission d'enquête « CPI-CBF/NIKE du parlement brésilien concernant les transactions irrégulières de mineurs d'âge brésiliens dans le football ». Cette délégation (1) a remis un rapport intérimaire (2) de leurs constatations à la sous-commission « Traite des êtres humains » du Sénat. La Belgique est désignée dans ce rapport comme le centre d'importation européen de Brésiliens mineurs d'âge et comme la plaque tournante de l'envoi de footballeurs brésiliens en Italie, aux Pays-Bas, en Espagne, en France et au Portugal.

Suite à l'examen de ce rapport intérimaire brésilien, la sous-commission « Traite des êtres humains » a décidé de se pencher sur l'existence éventuelle de la traite des êtres humains dans le sport, en particulier dans le football.

Le lundi 19 mars 2001, la sous-commission « Traite des êtres humains » a entendu une série de témoins sur la traite supposée d'êtres humains dans le football.

Une victime de la traite des êtres humains dans le football a été entendue à huis clos.

Les personnes suivantes ont été entendues, le même jour, en réunion publique :

­ M. Musa Kanu, témoin de la traite des êtres humains dans le football;

­ M. Hans Vandeweghe, journaliste sportif;

­ M. Alain Courtois, secrétaire général de l'Union royale belge des sociétés de football association;

­ M. Jan Van Onsem, chef de service du service Clubs/Affiliations de l'Union royale belge des sociétés de football association.

Dans l'annexe 2 de son rapport annuel de mai 2001, le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme a analysé les problèmes que pose le transfert des joueurs de football. En outre, le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme a formulé 11 recommandations qui pourraient contribuer à résoudre le problème (3).

Environ un an après les premières auditions en sous-commission « Traite des êtres humains » et la parution du rapport annuel du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, la sous-commission a voulu savoir dans quelle mesure les pouvoirs publics et les responsables mêmes du monde sportif avaient pris des mesures pour lutter contre le phénomène de la traite présumée des êtres humains dans le sport.

Le 29 avril 2002, elle a dès lors organisé une audition publique :

­ de M. J. Leman, directeur du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme;

­ de M. Thierry Lhoir, secrétaire du Conseil consultatif pour l'occupation des travailleurs étrangers;

­ de M. Marc Gyssels, secrétaire général adjoint de l'Union belge de handball;

­ de M. Jean-Marie Philips, président de la Ligue professionnelle de football.

Le 6 mai 2002, les représentants des ministres fédéraux et régionaux compétents pour l'emploi ont été entendus en réunion publique.

Au cours de la réunion du 1er juillet 2002, les recommandations des rapporteurs ont été discutées et adoptées.

I. RAPPORT DES AUDITIONS

1. Au cours de la session de 2000-2001

1.1. Audition à huis clos, le 19 mars 2001, d'un témoin de la traite des êtres humains dans le football

Le témoin déclare qu'il est footballeur, originaire du Nigeria. Un Belge l'a vu jouer au Nigeria et lui a proposé de chercher un club en Europe. L'intéressé a donné son passeport au Belge qui s'est occupé du visa et l'a amené en Belgique. Après 34 jours, l'intéressé a cependant été abandonné à son sort et après avoir erré quelque peu, il s'est retrouvé au centre d'accueil Payoke. L'intéressé ne souhaite pas faire de plus amples déclarations : on peut contacter soit son avocat, soit la police à qui il a fait une déclaration complète. Il craint, s'il en disait davantage, d'avoir des problèmes au Nigeria.

Plusieurs sénateurs estiment que l'attitude de l'intéressé est sans doute inspirée par le fait que la sous-commission n'est pas une commission d'enquête et que les membres de la sous-commission ne sont pas non plus soumis aux dispositions de la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires (4).

1.2. Audition de publique du 19 mars 2001 :

­ M. Musa Kanu, témoin de la traite des êtres humains dans le football;

­ M. Hans Vandeweghe, journaliste sportif;

­ M. Alain Courtois, secrétaire général de l'Union royale belge des sociétés de football association;

­ M. Jan Van Onsem, chef de service du service Clubs/Affiliations de l'Union royale belge des sociétés de football association.

1.2.1. Témoignage de M. Musa Kanu

M. Musa Kanu déclare qu'il a été approché dans son pays natal par un manager, M. Brocken, et ensuite été amené en Belgique le 25 avril 1992. M. Brocken avait promis à l'intéressé de chercher un club et de payer une indemnité de transfert. 50 % de la somme de ce transfert serait partagée entre le joueur (30 %) et le club du joueur (20 %). Après un test, M. Musa Kanu a tout de suite été accepté par un club belge, à savoir le Sporting Club Lokeren.

Après un an, M. Musa Kanu constate que la somme du transfert n'a jamais été versée à son club et qu'il n'a jamais reçu sa part. Tout ce qu'il a reçu, c'est 32 000 francs (793,26 euros), alors qu'il a vu des documents indiquant que la somme du transfert s'élevait à 3 000 000 de francs (74 368,0 euros).

Après avoir posé plusieurs fois la question, M. Musa Kanu n'a plus entendu parler de M. Brocken. Lorsque le contrat de M. Musa Kanu avec son club arriva à son terme, celui-ci lui proposa un contrat de deux ans. Il refusa cependant parce que le salaire de base était trop bas. À ce jour, M. Musa Kanu n'a pas trouvé d'autre club. D'après M. Musa Kanu, il y a sans doute encore des managers comme M. Brocken, et il y a aussi d'autres personnes qui se trouvent dans la même situation que lui.

M. Monfils demande au témoin si le document sur lequel figurait le montant de 3 millions de francs (74 368,0 euros) était un vrai contrat mentionnant les clubs de football comme parties et mentionnant également le nom du joueur lui-même. Ce membre voudrait aussi savoir combien le joueur gagnait au Sporting Club Lokeren, en soulignant que pour obtenir un permis de travail, l'intéressé ne pouvait pas percevoir un salaire mensuel inférieur à 92 000-93 000 francs (2 280,62-2 305,41 euros).

M. Musa Kanu précise qu'il a vu des documents mentionnant le montant de 3 millions de francs belges (74 368,06 euros). Mais ce montant ne figurait pas dans son contrat. Par contre, son nom était mentionné sur le document qui faisait état des 3 millions de francs (74 368,06 euros). Son salaire mensuel s'élevait à 50 000 francs (1 239,47 euros) par mois.

Mme Willame-Boonen voudrait savoir de quels documents M. Musa Kanu disposait pour résider légalement en Belgique.

M. Musa Kanu répond qu'initialement, il ne disposait que d'un visa de transit et que ses documents n'ont été mis en ordre qu'au cours de la deuxième année de son séjour.

M. J.-M. Dedecker déclare qu'il connaît l'histoire de M. Kanu et la trouve navrante. Ainsi par exemple, conformément au droit du travail, on ne peut plus prêter de joueurs depuis 1987. M. Musa Kanu a cependant été prêté à Saint-Nicolas.

M. Musa Kanu précise que son contrat au Sporting Lokeren s'achevait en juin 1998 et qu'ensuite un contrat de deux ans lui a été proposé à Saint-Nicolas étant entendu que si ses prestations étaient bonnes, il serait renvoyé à Lokeren. Mais M. Musa Kanu refusa ce contrat et fut dès lors contraint de quitter l'appartement dans lequel il logeait.

Des amis lui procurèrent un toit à Borgerhout et il s'est alors présenté au CPAS dans cette commune.

M. J.-M. Dedecker souhaite savoir ce que devient son frère Prima Kanu.

M. Musa Kanu répond que son frère, qui est arrivé en Belgique à l'âge de 16 ans, a dû subir une opération au genou à un certain moment. Son frère est décédé d'une embolie à l'hôpital. Pour rapatrier le corps au Sierra Leone, l'intervenant souhaitait utiliser des billets d'avion auxquels il avait droit ­ conformément à des accords antérieurs ­ (à savoir 1 billet par an : il n'avait pas encore utilisé ces billets précédemment du fait de la situation instable dans son pays). Le président du club, M. Lambrecht, ne voulait cependant donner les billets nécessaires que si M. Kanu prolongeait son contrat, ce qu'il a refusé.

Mme Thijs voudrait savoir comment M. Musa Kanu est entré pour la première fois en contact avec l'intermédiaire qui s'est occupé du visa et s'il a dû effectuer une période d'essai préalable dans le club ou non. En outre, disposait-il d'un permis de travail ?

M. Musa Kanu répond que M. Brocken l'avait vu jouer à Freetown (Sierra Leone) et lui avait proposé de venir jouer en Europe aux conditions qu'il vient de mentionner. Initialement, il était en possession d'un visa touristique. M. Brocken lui a par ailleurs laissé entendre que la première année, il était à l'essai à Lokeren, mais M. Musa Kanu pense que Lokeren l'avait déjà accepté à ce moment.

Il avait une carte bleue sur laquelle figurait la lettre B. Pour sa première année, il avait un visa d'un an. À l'échéance du visa, il est retourné au Sierra Leone. Lorsqu'il est revenu en Belgique par la suite, il a reçu un permis de séjour et un permis de travail à durée indéterminée (avec la lettre A). Cette carte de travail avait été délivrée à Lokeren le 23 juin 1998.

Mme Thijs souhaite savoir si plusieurs joueurs de son club au Sierra Leone ou d'autres pays ont été transférés en Belgique. Sont-ils dans la même situation que M. Kanu ?

M. Musa Kanu répond par l'affirmative, étant entendu que les autres joueurs sont encore actifs dans un club mais pas tous en Belgique : ainsi, Rashin Wurie joue en Allemagne et Mohammed Sylla en Turquie. Ce dernier a successivement joué pour Lommel, Denderleeuw et Kapellen.

À la question de savoir comment M. Kanu subvient à ses besoins pour le moment, il répond que lui et sa famille vivent d'une aide du CPAS accordée par le CPAS de Borgerhout. Cette aide varie de 32 000 à 35 000 francs (793,26 à 867,63 euros) par mois.

Mme Lizin souhaite des précisions sur la rencontre entre M. Kanu et l'intermédiaire : celui-ci négociait-il pour le club ou pour son propre compte, M. Kanu était-il actif dans l'une ou l'autre milice à Freetown ou avait-il une profession ? Plusieurs jeunes étaient-ils intéressés par les propositions de l'intermédiaire ?

M. Musa Kanu précise que l'intermédiaire était venu à Freetown en reconnaissance et que quatre joueurs l'avaient déjà précédé. Au départ, l'intermédiaire n'a pas cité de club. Il disait seulement qu'il trouverait bien un club en Belgique pour l'intéressé. Lui-même était joueur à Freetown dans un club qui s'appelait les « Real Republicans ». L'intermédiaire l'a approché après l'avoir vu jouer quelques fois. Une somme a été convenue pour le transfert avec son club, qui ne l'a jamais reçue, sauf quelques équipements.

À la demande de Mme Lizin, M. Musa Kanu répond que M. Brocken n'est plus actif au Sierra Leone aujourd'hui, après avoir utilisé les mêmes pratiques dans trois ou quatre clubs.

Mme Lizin voudrait aussi savoir par quelle ambassade M. Musa Kanu et ses amis ont reçu leur visa.

M. Musa Kanu répond que cela a été réglé par l'intermédiaire du consulat à Freetown. La Belgique n'a en effet pas d'ambassade en Sierra Leone.

À la question de savoir si beaucoup de jeunes au Sierra Leone espèrent venir jouer en Europe par l'entremise d'un manager, M. Musa Kanu répond par l'affirmative. Pour le moment toutefois, les managers étrangers ne se rendent plus au Sierra Leone à cause des risques de guerre.

Mme Lizin voudrait plus de précisions sur les négociations : le club de l'intéressé à Freetown y participait-il ou non ? Comment les négociations se déroulaient-elles en Belgique ?

M. Musa Kanu répond qu'il a parlé à deux représentants de son club sans que rien ne soit mis sur papier. En Belgique, toutes les négociations ont eu lieu par l'intermédiaire de M. Brocken. Il avait l'impression que M. Brocken et le président du Sporting Club Lokeren étaient amis. Quant à savoir si M. Brocken a été payé par Lokeren pour effectuer cette mission de reconnaissance au Sierra Leone, M. Musa Kanu l'ignore.

Enfin, Mme Lizin demande si l'intéressé a cherché à avoir des contacts avec la Fédération belge de football association qui pourrait sans doute l'aider. M. Kanu répond être au courant de l'existence de ce groupement d'intérêt mais ne pas comprendre très bien ce qu'ils pourraient faire concrètement pour lui.

M. Hordies estime que l'histoire de M. Kanu n'a rien à voir avec de l'esclavage ou avec la traite des êtres humains. Il demande dès lors si M. Kanu connaît des personnes qui sont dans une situation plus difficile que lui.

M. Kanu reconnaît qu'il y a effectivement beaucoup de personnes qui sont dans une situation pire que la sienne. Il ne connaît pas leurs noms mais les rencontre régulièrement à Anvers. Ils pourraient aussi raconter leur histoire. M. Kanu joue au football avec eux le samedi à Anvers (Abattoir), pour le plaisir.

À la question de M. Hordies, M. Kanu répond qu'il est arrivé en Belgique à l'âge de 16 ans.

Concernant ses documents de séjour, M. Kanu présente une preuve d'inscription au registre des étrangers. C'est un document qui doit être renouvelé chaque année.

Le président, M. Wille, et M. Daïf constatent avec étonnement que ce document est daté du 19 mars 2001.

M. Kanu répond qu'on lui a volé ses documents dans le métro ce week-end. Ce matin, il est allé chercher un nouveau document à la commune de Borgerhout.

M. Daïf trouve remarquable que M. Kanu n'ait toujours pas de carte jaune valable 5 ans : quelqu'un qui réside valablement en Belgique depuis fin 1992 (donc depuis au moins 5 ans) reçoit une carte d'identité sur demande pour un séjour d'une durée indéterminée. Indépendamment de cela, l'intéressé peut aussi introduire une demande de naturalisation.

M. Kanu précise qu'à Lokeren, on a écrit au dos de son document de séjour « séjour temporaire ». Après trois ans, il s'est plaint à la commune de Lokeren parce qu'il était déjà sous contrat avec le club depuis trois ans. On lui a alors donné un autre document. Mais M. Kanu a ainsi perdu trois ans. Il a toutefois introduit une demande de carte jaune et l'aura bientôt.

M. Daïf souligne une fois encore que M. Kanu peut aussi introduire une demande de naturalisation, car il répond au critère des 3 ans.

M. Monfils souligne qu'il a appris par les médias que le club de Lokeren a injecté des moyens dans certains clubs africains et a fait venir un certain nombre de joueurs. On peut citer comme exemple la collaboration avec le club Satellite FC d'Abidjan en Côte d'Ivoire. Le membre souhaite que M. Kanu dise s'il a connaissance de tels échanges qui, d'après le membre, se déroulent tout à fait normalement et en parfaite transparence. D'autres Africains ont joué à Lokeren : il y a par exemple Andekanmi Olufade. A-t-il éventuellement rencontré d'autres joueurs de Lokeren qui evoluent avec succès dans le football belge et ont un statut professionnel et financier acceptable ?

M. Kanu répond qu'à l'époque où il est arrivé à Lokeren, des joueurs comme Samson Siasia et Peter Ogaba bénéficiaient d'un meilleur statut que lui. Ils avaient en effet été engagés comme « professionnels », alors que M. Kanu a d'abord été aligné dans l'équipe junior et n'a pu jouer avec les seniors que plus tard. Pour le reste, il ne connaît pas très bien la situation d'autres joueurs.

À la question de savoir s'il était au courant de relations entre clubs de football et clubs satellites, M. Kanu répond négativement. Il n'est informé des contacts entre Lokeren et Abidjan que depuis quelques mois.

Mme Thijs souligne que si un joueur s'affilie à un club, il doit signer un formulaire d'affiliation. En outre, étant donné que M. Kanu était mineur à l'époque, elle voudrait savoir qui a cosigné le contrat pour lui.

M. Kanu répond qu'il n'a jamais signé un tel formulaire.

À la question de Mme Lizin qui demande si M. Kanu n'a jamais été blessé et comment le remboursement des frais médicaux est réglé, M. Kanu répond qu'il a subi une opération et une échographie. Les frais médicaux étaient supportés par l'assurance du club. Il constate cependant que malgré qu'il ait payé des impôts pendant sa période à Lokeren, depuis qu'il est parti, il reçoit régulièrement des sommations pour payer des arriérés. Il n'a sans doute pas payé suffisamment d'impôts pendant sa période à Lokeren.

Mme Lizin voudrait savoir si l'on a jamais proposé à M. Kanu de jouer sous une autre nationalité, ou à d'autres personnes dont M. Kanu serait au courant. M. Kanu répond par la négative.

Il ajoute qu'il n'est plus lié à un club de football et qu'il est toujours à la recherche d'un club comme joueur libre.

1.2.2. Exposé de M. Hans Vandeweghe, journaliste sportif

M. Vandeweghe déclare en guise d'introduction que sa contribution consiste à replacer le sujet dans un cadre économique et social.

Il a cru comprendre que l'on évoquait deux filières de la traite des êtres humains en football : la filière brésilienne et la filière africaine. M. Kanu est de la filière africaine. Des Belges y participent activement. Il pense que le Brésil est bien placé pour l'avenir, s'il faut en croire la presse internationale. S'il y a eu une affaire Oliveira, elle sera certainement évitée à l'avenir.

D'après l'orateur, ce qui se passe dans le football belge est purement économique.

Le football belge connaît en effet un grand problème. Il est tout en bas de la chaîne alimentaire en Europe. Malgré quelques avantages intéressants, comme des charges sociales peu élevées et un excellent régime de pension, le football belge souffre.

S'ajoute à cela l'arrêt Bosman de 1995 de la Cour européenne de Justice. Jusqu'alors, on pouvait mettre les joueurs au régime du pain sec et demander malgré tout pour ainsi dire un milliard pour le transfert, ce qui a d'ailleurs été tenté quelques fois.

Une autre de ces affaires est inscrite au rôle; il s'agit de ce que l'on appelle dans le monde international le « Balog-case », qui étendra sans doute l'arrêt Bosman aux footballeurs venant de pays ayant des relations économiques avec des pays de l'UE. Les Africains et surtout les Brésiliens sont en fait les seuls joueurs avec lesquels on peut encore gagner de l'argent en Belgique. Leur valeur d'achat est faible et leur valeur de revente est très élevée, avec une plus-value importante donc.

Une tactique intéressante consiste à donner un contrat aux footballeurs et à les prêter ensuite. Dans le jargon belge, cela s'appelle détacher, ce qui est en fait interdit. Le détachement le plus connu est celui de M. Youla, un joueur de Guinée qui est la propriété de Lokeren, comme on peut le lire dans la presse, et qui a été détaché à Anderlecht. Le plus frappant, et on n'en parle jamais, est le prix de ce détachement, à savoir 30 millions de francs (743 680,57 euros). On n'a jamais loué un joueur pour une telle somme pour un an. D'après M. Vandeweghe, c'est étrange, car cette saison-ci, Besnik Hasi a été acheté par Anderlecht pour 40 millions de francs (991 574,10 euros). Besnik Hasi a donc été acheté pour seulement 10 millions de francs (247 893,52 euros) de plus.

M. Vandeweghe ne possède pas de preuves, mais on utilise une formule qui s'appelle dans le commerce automobile le leasing financier. La valeur résiduelle de M. Youla à la fin de la saison sera sans doute moins élevée, étant donné que 30 millions de francs (743 680,57 euros) ont déjà été payés. Ce qui se passera si Anderlecht n'achète pas M. Youla est une autre affaire. Cela, M. Vandeweghe ne le sait pas.

Ce qui précède illustre comment des clubs comme Lokeren gagnent de l'argent. On lui a confirmé que le manager du club de Lokeren ne gagne qu'un pourcentage sur les tranferts. Il ne perçoit en fait qu'une sorte d'indemnité pour ses frais.

Une autre remarque que fait M. Vandeweghe concerne l'arrêté relatif aux joueurs non-UE. En 1998, il trouvait le seuil très faible. Maintenant, il est de 1,080 million de francs (26 772,50 euros) environ, ce que les joueurs devraient à peu près gagner. Le monde du football s'est inquiété des nouvelles mesures et surtout de l'âge minimum de 18 ans. On ne pouvait en effet plus pu importer de joueurs de seize ans, comme M. Kanu.

Oliveira est peut-être plus âgé que ce qui figure sur son passeport. M. Vandeweghe voudrait par contre voir si, par exemple, Ebu Sillah du Club Brugeois n'est pas plus jeune que ce que dit son passeport.

Lokeren a déjà deux clubs satellites en Afrique, comme le FC Satellite à Abidjan. On le sait depuis longtemps. Pour le moment, il y a là un entraîneur limogé en Belgique pour des faits de corruption, comme dit son club.

Depuis la semaine dernière, Lokeren a un nouveau club satellite. Cette information a été publiée par Soccer Investor, une lettre d'information publiée en Angleterre qui traite de l'industrie du football. En Angleterre, on est assez clair à ce propos : il s'agit d'une industrie du foot, d'un commerce de talent footballistique.

La conséquence des mesures concernant les transferts est qu'un club et des intermédiaires sont partis en Afrique et ont conclu des contrats d'exclusivité, comme dans le cas de Yaounde et d'Abidjan, en vue d'un « transbordement » ou d'une « déportation » des jeunes talents que l'on y trouve.

M. Vandeweghe estime cependant que de telles pratiques doivent être traitées à un autre niveau que purement footballistique, étant donné qu'elles ont une dimension plus sociale que sportive. Ce n'est plus seulement du football et on touche à des domaines qui sont sans doute difficiles à concevoir pour le monde du football. M. Vandeweghe souhaite beaucoup de succès à la sous-commission ainsi que de la persévérance dans ses travaux.

M. J.-M. Dedecker demande à M. Vandeweghe pourquoi les équipes belges ne font pas de la formation elles-mêmes, étant donné qu'il reste risqué de faire venir en Belgique des Africains de l'Ouest et des Brésiliens.

En outre, le membre souligne qu'il existe un décret flamand concernant les intermédiaires de joueurs. Mais lorsqu'un joueur est transféré par exemple de Liège à Bruges, le décret ne s'applique toutefois plus.

Outre les véritables intermédiaires, il y a aussi des pseudo-intermédiaires ou intermédiaires à la petite semaine. Qu'est-ce que M. Vandeweghe peut nous en dire ?

En ce qui concerne la question de savoir pourquoi les clubs préfèrent importer des Africains de l'Ouest que de travailler avec des Belges, M. Vandeweghe ne peut que rassembler certains aspects. Il pense notamment à l'étude qui est en cours pour le moment à l'université de Gand et qui indique que les clubs sportifs belges, de football en particulier, ne sont absolument pas capables d'assurer une formation qui produise des athlètes à l'âge de dix-huit ans.

En Afrique occidentale et au Brésil, on va chercher des joueurs costauds. Les Africains de l'Ouest ont un autre système hormonal que les Européens. Ils sont plus forts et mieux adaptés aux sports de force et d'endurance. Le football est un sport de force et d'endurance par excellence. Dans le football, les Africains de l'Ouest sont donc très appréciés.

La réalité est que l'on importe du talent avec lequel on peut facilement travailler et qu'ensuite, on leur inculque un peu la vision ouest-européenne du football, comme la discipline et des éléments tactiques et techniques.

Le meilleur exemple que la Belgique laisse s'échapper du talent est, pour M. Vandeweghe, Gilles De Bilde. Il jouait à Anderlecht, mais n'était plus assez bon. Pourtant, il a été racheté par la suite par Anderlecht à Alost. Un autre exemple est un garçon turc qui jouait à Anderlecht, qui n'était plus assez bon mais qui joue actuellement en équipe première à Galatassaray, l'un des meilleurs clubs de Turquie qui continue sa campagne en Champion's League. Qu'il s'agisse de deux exemples anderlechtois est un pur hasard. En fait, d'après M. Vandeweghe, il s'agit d'une solution de facilité.

M. Vandeweghe poursuit en disant que pendant quelques mois, il a eu des contacts avec un grand nombre d'intermédiaires amateurs. C'est un système assez obscur, parce que l'on peut y gagner de l'argent facile. Un joueur qui marche bien peut rapporter à un amateur 4 à 5 millions de francs (99 157,41 à 123 946,76 euros).

M. Vandeweghe a lui-même tenté l'expérience et demandé à un intermédiaire s'il pouvait trouver un joueur pour la compétition néerlandaise. L'intéressé est pensionné mais d'après ses dires, il pouvait fournir quelqu'un sur commande. Un Sénégalais serait prêt dans les deux semaines, mais l'intermédiaire était plutôt spécialisé en joueurs originaires de Gambie. Ce qu'il avait « en portefeuille », n'était pas intéressant pour M. Vandeweghe, disait-il.

De tels intermédiaires ne sont pas suffisamment qualifiés pour ce genre d'affaires. La question est évidemment de savoir quelle qualification il faut exiger. Il existe bien une licence de la FIFA, mais les intermédiaires dont il a été question récemment en Belgique possédaient tous cette licence. Apparemment, elle ne constitue donc pas une garantie.

D'après M. J.-M. Dedecker, la situation aux Pays-Bas n'est pas aussi grave qu'en Belgique. Comment cela se fait-il ?

M. Vandeweghe explique qu'aux Pays-Bas, un club doit prouver que le joueur non-UE représente une plus-value, ce qui implique qu'il doit être international ou qu'il doit jouer dans une compétition très dure.

C'est surtout le salaire annuel d'un joueur non-UE qui fait que le seuil est élevé. Ils doivent gagner au minimum 750 000 florins brut (337 781,38 euros). En Belgique, il s'agit d'un treizième de cette somme. M. Vandeweghe est bien conscient du fait que les salaires sont plus élevés aux Pays-Bas ­ environ le double ­ mais treize fois plus, cela fait constitue évidemment une grande différence.

En passant, M. Vandeweghe signale que M. Khalou, l'un des meilleurs étrangers aux Pays-Bas, s'est plaint d'être exploité et sous-payé. Il s'est avéré qu'il gagnait 800 000 florins net (363 024,17 euros). Il se sentait malgré tout exploité.

M. J.-M. Dedecker voudrait savoir si une adaptation de la réglementation de l'Union belge de football association serait susceptible de remédier au problème.

M. Vandeweghe répond qu'il ne sait pas s'il cela doit se faire par la réglementation de l'Union belge. Il faudrait surtout une réglementation nationale du travail, comme l'arrêté qui avait été promulgué.

M. J.-M. Dedecker demande s'il est exact que le prêt ­ interdit depuis 1987 ­ se pratique toujours dans le monde du football.

M. Vandeweghe le confirme, mais se demande si l'Union belge doit faire la police. L'Union belge n'est pas tellement réputée pour dénoncer les problèmes, comme on a pu le remarquer, mais d'après lui, l'inspection sociale laisse également à désirer. On ne lit pas dans les journaux que trois Chinois travaillent dans l'arrière-cuisine d'un restaurant chinois et pourtant, l'inspection y fait une descente. Le prêt de joueurs est interdit, mais chaque année on en reparle dans les journaux. M. Vandeweghe renvoie à cet égard aux articles dans Voetbalmagazine, Het Laatste Nieuws, Het Nieuwsblad, et autres. Mais manifestement, personne ne réagit. Est-ce à l'Union belge de le faire ? M. Vandeweghe n'en sait rien, mais il estime que les autorités devraient intervenir plus efficacement.

Enfin, M. J.-M. Dedecker voudrait savoir si M. Vandeweghe est au courant de problèmes dans d'autres sports.

M. Vandeweghe doute que chaque étranger, joueur non-UE en Belgique, gagne au moins 1 million de francs (24 789,35 euros). Il ne vise pas par là les astuces comptables, qui se pratiquent pour le moment dans les divisions inférieures en football, où l'on enregistre des voitures pour 20 000 francs (495,79 euros) et un appartement pour 20 000 francs (495,79 euros) et où ils arrivent aussi à un million de francs (24 789,35 euros) de cette manière.

Il y a dans quelques sports de ballon une série d'étrangers qui jouent à des niveaux inférieurs et qui n'arrivent absolument pas au montant minimum, d'après M. Vandeweghe.

Apparemment, personne ne s'intéresse à la filière des coureurs. Des coureurs kényans sont amenés en Europe. M. Vandeweghe est allé dans leurs camps d'entraînement : ce sont de véritables camps. Mais il a aussi vu où ces athlètes habitent normalement. Ils sont en tout cas mieux lotis dans ces camps. Ces gens gagnent 5 dollars par mois et en Europe, ils peuvent se faire 20 000 francs (495,79 euros) en un week-end. Ils utilisent un visa touristique de trois mois et courent le plus souvent possible. Cela constitue aussi une sorte de problème, mais M. Vandeweghe n'a pas connaissance de drames humains.

Le football saute évidemment aux yeux, parce que c'est le sport le plus pratiqué et le mieux payé. En Grèce, où le basket-ball est le sport le mieux payé, les problèmes sont comparables à ceux du football dans d'autres pays.

M. Hordies souhaite savoir s'il existe une pratique consistant à faire venir un maximum de jeunes en Belgique et à abandonner finalement à leur sort les joueurs non repris. Par ailleurs, le premier témoin et M. Vandeweghe ont parlé assez souvent d'Abidjan. Cette ville possède-t-elle un caractère particulier favorisant le trafic de footballeurs ?

M. Vandeweghe répond que la sélection s'effectue à deux niveaux. Étant donné que le seuil à l'entrée est faible ­ 1,080 million de francs (26 772,50 euros) ­ on prend le risque d'emmener un peu plus de joueurs que l'on ne peut en placer ici en première division. C'est évidemment le but : caser les joueurs au sommet. Plus le joueur est transféré à un niveau élevé, plus il rapporte à l'intermédiaire.

Il ne connaît en Europe aucun autre pays que la Belgique où l'on paie autant à un niveau aussi bas. Avec le seuil d'entrée à 1 million de francs (24 789,35 euros), toutes les équipes de première provinciale qui bénéficient d'un petit sponsoring peuvent se permettre un Africain de l'Ouest. Elles ne le font pas toutes, mais certains clubs le font effectivement.

La sélection ne se fait donc pas nécessairement dans le club d'origine, quoique ce soit malgré tout le cas dans une certaine mesure. Si un joueur peut être vendu, on essayera de l'emmener. Finalement, c'est à cela que cela revient.

La deuxième question concernait Abidjan. La Côte-d'Ivoire est un véritable paradis en Afrique occidentale : belles et larges routes, beaux stades, le pays est assez bien organisé, facile à parcourir, les vols sont pratiques.

M. Olufade qui joue maintenant à Lokeren est Togolais. Il est venu aussi en Belgique par Abidjan. Quelques clubs y sont aux mains de clubs occidentaux. Lokeren a Satellite Abidjan, mais ce n'est qu'une des sept équipes de première division là-bas. À Astec Mimosa Abidjan, où jouent les meilleurs, les clubs néerlandais, comme Feyenoord, ont aussi des intérêts.

Mme Lizin ne souhaite savoir s'il existe des pratiques identiques dans le basket belge. La sous-commission ne s'intéresse pas seulement au football mais à l'ensemble des disciplines. Elle constate avec étonnement que les responsables de certains clubs de première division de basket, à l'exception de l'intermédiaire qui a veillé aux transferts, ne connaissent même pas la nationalité de leurs joueurs. La sous-commission doit-elle se pencher sur l'ensemble des disciplines ?

Pour ce qui est du basket-ball, M. Vandeweghe pense que les importations de joueurs non-UE ont surtout lieu à partir des États-Unis. Comme on le sait, il s'agit surtout de Noirs américains, mais en Amérique, on est assez bien informé de ce qu'il faut payer. Contrairement à ce qui se passe dans le football, la Belgique n'est pas le dessous du panier. La Belgique figure parmi les cinq meilleurs pays d'Europe. La Belgique paie donc assez bien en basket. Un Américain qui ne réussit pas en Belgique trouvera plus facilement du travail aux Pays-Bas. C'est l'inverse du football.

Sur le plan des contrats de travail, M. Vandeweghe a même connu une situation dans laquelle on a été jusqu'à donner un contrat américain ou anglais à un Américain, ce que l'intéressé trouvait fort bien, puisqu'il pouvait en lire le texte. Seulement, un contrat anglais n'est pas valable en Flandre. Lorsque le joueur a dû s'en aller et a demandé le paiement complet de son contrat, on lui a répondu que cela n'était pas nécessaire, parce que le contrat n'était pas légal, étant donné que seuls les contrats en néerlandais ont force légale en Flandre. C'est arrivé quelques fois. C'est le seul problème dont il ait connaissance dans le basket. Par ailleurs, il n'a pas connaissance de situations problématiques en basket, si ce n'est les affaires habituelles, comme l'argent noir ou l'insolvabilité des clubs.

Mme Lizin estime que la sous-commission doit se pencher davantage sur la législation du travail, le respect des contrats de travail et leur conformité à une législation qui est elle-même très floue. En effet, le manager est un concept qui n'existe pas en droit du travail. La sous-commission devra aborder la question de l'argent qui circule à l'occasion des transferts. On découvre parfois que le montant du transfert n'équivaut pas à ce qui est payé au joueur. Selon de nombreux témoignages, il existe presque régulièrement un tel décalage quand il s'agit d'Africains ou de Sud-Américains. Un contrôle en la matière est difficile à imaginer. Ceci dit, la vice-première ministre et ministre de l'Emploi, Mme Onkelinx, a dit qu'elle était disposée à y consacrer un groupe de travail. Mme Lizin pense que c'est nécessaire. La Commission européenne ne s'est cependant pas exprimée en faveur d'une évolution stricte des contrôles du travail. Mme Lizin veut savoir si les personnes concernées sont attirées par un contrat ou par une possibilité de contrat. Les pratiques esquissées par M. Vandeweghe montrent qu'on amène trois ou quatre joueurs et qu'on les vend. L'intervenante souhaite savoir qui est responsable d'eux pendant la période qui précède la signature du contrat. La situation est un peu identique à celle d'un travailleur au noir. Si celui-ci démontre qu'on lui a fourni régulièrement du travail, il peut obtenir un titre d'emploi devant un tribunal du travail. Dans cette période floue, nourrit-on les joueurs étrangers ? Leur procure-t-on un logement ? Comment se passe la période qui précède la signature du contrat ? Dans la formule actuelle, donnerait-elle lieu à un droit au travail ?

M. Vandeweghe explique que les managers B roulent souvent avec de grosses voitures, pas pour impressionner mais pour pouvoir transporter plus de monde. Ils amènent leurs joueurs partout.

Il connaît des joueurs qui ont été maltraités, mais seulement par la presse. Il remarque aussi que les Africains sont souvent très satisfaits de l'accueil de leurs intermédiaires, ce qui ne l'empêche pas de se poser la question de savoir si ces intermédiaires agissent bien de manière sociale et éthique. En pratique, les garçons sont très vite testés par un club et si on les trouve pas suffisamment bons, par un deuxième, puis par un troisième et ainsi ils se fraient un chemin sur le marché belge. Il existe cinq divisions en Belgique, qui comptent chacune une trentaine de clubs, qui paient assez bien même aux niveaux inférieurs, de loin le plus de toute l'Europe occidentale. Les joueurs se retrouvent donc toujours bien quelque part. La période qui s'écoule entre l'importation et la vente, si on peut utiliser ces termes, est généralement très courte, même s'il arrive parfois qu'un intermédiaire reste un certain temps avec quelques joueurs sur les bras. M. Vandeweghe connaît au moins un intermédiaire qui héberge alors ces garçons chez lui. L'intermédiaire n'a en effet pas avantage à agir comme M. Brocken, car il se ferait bien vite une mauvaise réputation dans les clubs, parmi les autres Africains en Belgique et, à travers eux, parmi les joueurs en Afrique. Pour les intermédiaires, il est très important de bâtir une relation de confiance.

En Flandre, le placement de travailleurs est réglé par un décret entré en vigueur l'an dernier et qui stipule que les intermédiaires peuvent percevoir une seule fois sept pour cent du salaire brut du joueur de la part du club où le joueur est engagé. Cette mesure ne plaît pas tellement aux intermédiaires, parce que dans le temps, ils recevaient sept pour cent pendant toute la durée du contrat, alors qu'aujourd'hui cela ne vaut plus que pour un an.

M. Lozie fait remarquer que c'est récemment surtout que l'afflux de joueurs africains a attiré l'attention. Est-ce correct ou y a-t-il seulement un glissement dans l'offre ?

L'Afrique et le reste du Tiers-Monde restent les principales contrées d'origine, d'après M. Vandeweghe. Il est vrai que des joueurs viennent d'Australie, mais du fait du niveau de vie élevé là-bas, la problématique est très différente. Les joueurs asiatiques ne viennent pas non plus vraiment de pays du Tiers-Monde, mais de pays comme le Japon ou la Corée du sud.

Récemment, une attention particulière s'est en effet portée sur l'Éthiopie. Le club de football Ajax y a trouvé un crack et, de ce fait, on s'est dit que les Éthiopiens savaient faire autre chose que courir vite. Il est possible que maintenant on aille chercher des talents en Afrique centrale et de l'Est. M. Vandeweghe connaît par exemple un manager qui prospecte au Kenya.

M. Lozie demande s'il y a des indices montrant qu'il ne s'agit pas toujours de talent footballistique proprement dit, mais de traite des êtres humains ou de blanchiment d'argent.

M. Vandeweghe n'a pas connaissance de pratiques de blanchiment d'argent, mais il n'y a aucun doute quant au fait que de l'argent noir circule dans le football tout comme dans d'autres sports. Peut-être même plus dans le football, parce que c'est moins bien organisé et que les joueurs y sont moins bien payés.

En ce qui concerne la formation, M. Monfils n'a pas été convaincu par ce que M. Vandeweghe a dit de l'Africain, qui serait plus endurant au football; on l'a dit aussi à propos des nageurs blancs. En fin de compte, les uns et les autres sont parfaitement capables de nager comme de jouer au football. Il est cependant moins fatigant pour les clubs de faire venir quelqu'un par avion d'Abidjan que de former un joueur en Belgique. Quoi qu'on en dise, malgré l'arrêt Bosman, il est encore possible d'obtenir des indemnités de formation. La commission et la FIFA discutent d'un système qui permettrait de soutenir la formation dans les clubs. On a trop vite dit après ce fameux arrêt qu'il n'était plus possible de former des jeunes et qu'en conséquence on devait aller chercher les footballeurs ailleurs. Cela arrangeait les clubs qui ne possèdent pas de centre de formation, mais c'est faux, estime l'intervenant.

Quant aux permis de séjour et de travail, c'est simple : il y a des règles, il faut les appliquer. Fera-t-on le constat de carence des fonctionnaires ou de la justice ?

Le système est au point, il ne faut pas le changer. Si certains passent au travers, c'est le contrôle qui est en cause. Si on ne fait pas d'eux des joueurs qui ont été amenés ici par des responsables de clubs, il n'est pas question de les abandonner. Il faut trouver une formule qui permette le retour dans le pays d'origine avec un appui financier. Le membre essaie de trouver des formules. Si les footballeurs ainsi amenés en Belgique ne s'avèrent pas aptes au football de compétition, il faut leur permettre de se réinsérer dans leur pays et les y aider.

M. Monfils se pose la question de savoir si c'est normal que des intermédiaires aient dans leur portefeuille la représentation de joueurs d'un club au conseil d'administration duquel ils siègent. Ne pourrait-on faire l'analyse précise de la situation de ces intermédiaires ? Un décret existe en Flandre et le membre a déposé une proposition de loi en la matière avant même que la sous-commission ne se saisisse de ce problème. Il faut légiférer pour que des joueurs ne puissent être liés avec un intermédiaire par des contrats qui pourraient les empêcher de jouir de leur liberté de travail. C'est un problème considérable qui relève de la traite des êtres humains, indépendamment même des émoluments versés au sportif.

M. Vandeweghe ne souhaite pas répondre en théorie mais en se basant sur la pratique. En Flandre, il est interdit de travailler avec un intermédiaire non agréé. Le club de La Gantoise a conclu, voici quelques semaines, un contrat avec le centre-avant égyptien Ahmed Hosan, grâce à la médiation d'un intermédiaire qui n'est pas agréé en Flandre. Si La Gantoise l'avait obligé à se mettre en ordre sur ce plan, l'intermédiaire aurait sans doute proposé son centre-avant à un autre club. Dans la pratique, il est souvent très difficile de rester dans le droit chemin.

M. Monfils estime que la Flandre est allée un peu vite en besogne en légiférant par décret à propos des intermédiaires. Il s'agit d'un problème d'accès à la profession et donc d'une matière qui relève de la compétence fédérale. Ce qui résout aussi l'uniformité de son application dans le pays.

Le président, M. Wille, souligne malgré tout que le « Rechtskundig Weekblad » du 13 janvier 2001 fait référence à un communiqué de presse du 6 juillet 2000 ayant pour titre Meilleure protection sociale pour le sportif, dans lequel le ministre flamand de l'Emploi, M. Landuyt, déclare que le système des transferts n'est pas une compétence fédérale, mais communautaire. D'après lui, le sport lui-même est une compétence exclusive des communautés.

Mme Willame-Boonen voudrait savoir quel type de contrat les jeunes sportifs sont amenés à signer. Il existe une loi qui interdit la signature d'un contrat avant l'âge de dix-huit ans. Le jeune que la sous-commission a entendu était cependant ici depuis l'âge de seize ans.

Après tout ce que la sous-commission a entendu concernant l'esclavage économique ou sexuel, ce que l'on rapporte aujourd'hui sur l'esclavage sportif ne lui fait pas encore dresser les cheveux sur la tête.

Est-ce que M. Vandeweghe a eu connaissance de situations vraiment dramatiques, de jeunes mis dans des camps, entraînés contre leur gré, vendus pour une bouchée de pain et traités de manière épouvantable en Belgique ? C'est la situation des femmes importées des pays de l'Est pour le trafic sexuel. L'intervenante s'excuse de faire cette comparaison. Mais à part le problème de l'âge, elle n'a pas le sentiment que les situations soient comparables.

M. Vandeweghe répond par la négative. Les problèmes avec les jeunes joueurs africains ou brésiliens ne sont nullement comparables à la situation intolérable de la traite des êtres humains.

Il pense que, pour le moment, l'Europe envoie surtout un signal footballistique à l'Afrique : il est plus important que les garçons apprennent à taper sur un ballon et essaient ainsi d'arriver en Europe, que de creuser des puits ou d'aller à l'école. Parce que c'est comme cela que l'on arrive au paradis. Voilà la réalité. Il n'y a pas de véritables problèmes. C'est vrai qu'il existe des camps de football, mais ce sont avant tout des camps sportifs. Un film sur le camp de l'Ajax au Ghana montre que des choses curieuses se passent : il y avait une commission de contrôle de trois « inspecteurs » qui mettaient tous les garçons en rang après quelques matches, passaient le long de la rangée et poussaient hors du rang ceux qui n'étaient pas sélectionnés. Ce n'est pas pour cela qu'ils atterrissent dans la prostitution; ils rentrent généralement chez eux, même s'ils sont terriblement déçus. On a aussi raconté une histoire sur un enfermement dans des cages, mais c'est un cas isolé. Les problèmes ne vont généralement pas plus loin que ceux du camp de l'Ajax.

Les jeunes qui réussissent connaissent un meilleur sort en Europe que dans leur pays d'origine, même s'ils ne s'y retrouvent qu'en troisième division. En fait, ce sont des réfugiés économiques, qui ont la chance de savoir jouer au foot et qui peuvent ainsi entrer dans notre pays.

Mme Willame-Boonen signale qu'il y a des enquêtes en cours concernant ces abus. Elle rappelle aussi que sa question sur l'âge n'a pas encore reçu de réponse.

M. Vandeweghe admet qu'il s'est un peu trop emporté sur ce point, peut-être parce qu'il s'agissait de son club préféré. M. Hosan, de La Gantoise, avait dix-sept ans lorsqu'il signa son contrat. C'est interdit. La Gantoise a fait venir ses parents avec lui et leur a aussi fait signer un contrat.

Légalement, cela n'est sans doute pas permis non plus, mais Hosan joue comme un footballeur de 25 ans. Il ne s'agit certainement pas d'une exploitation physique, mais ce n'est en effet pas légal. Les joueurs de seize ans n'entrent plus dans le pays. Les Pays-Bas ont acheté des joueurs de douze ans il y a quatre ans, dont l'un, le Brésilien Leonardo, est devenu l'un des plus grands talents des Pays-Bas. À l'époque, il a été amené à Rotterdam avec un faux passeport. Tout le monde au Brésil est très enthousiaste à propos de Leonardo, mais on ne parle plus depuis longtemps des trois autres, qui ont été renvoyés.

Mme Thijs voudrait savoir s'il y a aussi des managers qui font bien leur travail ou si ce sont tous des escrocs. Il y aurait peut-être une solution dans la responsabilité solidaire des managers et des employeurs, qui seraient responsables pendant trois ans de toutes les dispositions concernant le travail, l'assurance maladie et autres des joueurs. Arrive-t-il souvent que l'on retire leurs papiers d'identité à de jeunes joueurs et qu'on les empêche ainsi d'aller voir ailleurs ? Y a-t-il des joueurs connus qui interviennent eux-mêmes comme managers ou comme intermédiaires pour des jeunes talents d'Afrique, d'Amérique latine ou d'ailleurs ?

D'après M. Vandeweghe, cela arrive et cela lui semble même tout à fait normal. Mais il ne connaît pas un seul joueur connu qui aille lui-même en prospection. Par contre, il connaît le cas d'un joueur d'Abidjan qui était venu à Feyenoord et qui semblait encore avoir un frère jouant également à Abidjan. Évidemment, l'intermédiaire ou le manager qui a amené le premier ici est plus recherché par les joueurs parce qu'ils pensent qu'il connaît tous les grands clubs. Que M. Khalou se prête à ce jeu pour conseiller à d'autres joueurs de s'adresser à son intermédiaire, est assez évident, mais M. Vandeweghe ne croit pas qu'il en tire profit personnellement.

Mme Thijs voudrait savoir si M. Vandeweghe connaît des joueurs de nationalité belge qui interviennent comme intermédiaire dans de telles transactions.

M. Vandeweghe répond par la négative. Par contre, il y a des joueurs qui se laissent utiliser pour faire de la publicité pour certains intermédiaires. Il ne sait pas s'ils y trouvent profit. Il s'agit d'ailleurs exclusivement de joueurs belges.

C'est vrai qu'il existe de bons intermédiaires, mais c'est le système qui ne va pas. En Europe, l'intermédiaire peut en effet se faire payer autant du club où il amène un joueur que du club où il en enlève un. En Amérique, ce serait impossible. Là, l'intermédiaire est en fait un employé du joueur, mais un joueur y gagne au moins 300 000 dollars. Moins serait difficile à trouver. L'intermédiaire travaille exclusivement pour le joueur, et il s'engage dès lors totalement pour lui. Il négocie aussi le contrat et reçoit pour cela un pourcentage fixe. En Belgique, on a longtemps travaillé sans contrats, mais avec des « gentlemen's agreements ». M. Vandeweghe connaît au moins un transfert vers un très grand club, où le manager du club a demandé à l'intermédiaire combien il voulait être payé. À quoi, l'intermédiaire a répondu que le manager pouvait décider lui-même, parce qu'il « donnait quand même toujours assez ». Résultat : quatre millions de francs (99 157,41 euros). À présent, c'est interdit, mais jusqu'il y a peu, les négociations se déroulaient comme cela. Il y a évidemment de bons intermédiaires. Ils sont d'ailleurs indispensables dans le football. Les meilleurs joueurs ne sont en effet guère capables de bien défendre leurs intérêts, beaucoup moins que les citoyens comme vous et moi. Ils ne connaissent pas la réglementation sociale, mais ils n'en savent pas beaucoup plus sur des choses très ordinaires, comme faire faire des réparations à leur maison, etc. Ils ne s'en occupent jamais eux-mêmes. Un intermédiaire peut les assister dans toutes ces questions.

La solution consisterait-elle en une responsabilité solidaire des intermédiaires et des clubs pour tout ce qui concerne les joueurs ? M. Vandeweghe en doute. La seule solution d'après lui serait de relever le seuil et d'augmenter de manière radicale le salaire minimum des joueurs non-UE. Pas autant qu'aux Pays-Bas; la moitié lui semble plus réaliste. Cela aurait pour effet que seuls les très bons joueurs viendraient encore en Belgique, cela rendrait tout le système plus transparent et, paradoxalement, cela favoriserait aussi l'émergence de jeunes talents belges. La constitution physique des garçons d'Afrique occidentale leur procure un avantage en matière de puissance et d'endurance, et les Africains de l'Est brillent surtout par leur endurance. Ce discours peut sembler étrange mais si M. Monfils, qui contredit cette affirmation, avait lu tous les ouvrages que M. Vandeweghe a consultés sur le sujet, il l'admettrait également : il est un fait que certains groupes de la population possèdent un avantage au départ pour certains sports. Comparer des Africains de l'Ouest de vingt ans avec leurs congénères européens qui ont passé presque toute leur vie sur les bancs de l'école, c'est comparer des pommes et des citrons.

M. Vandeweghe ne connaît pas d'exemples de joueurs dont on aurait confisqué les papiers d'identité, sauf un, à savoir des coureuses kényanes en Allemagne. Chez les footballeurs, M. Vandeweghe n'a jamais entendu parler d'un tel cas.

L'année passée, M. Vandeweghe a été personnellement invité pendant une semaine dans un camp de coureuses. Ce camp était tenu par une coureuse kényane, qui a d'ailleurs amélioré récemment le record du monde des vingt kilomètres. Outre son sport, elle s'occupe de la défense des sportives kénianes, notamment en les protégeant de l'excision et d'autres injustices de toutes sortes. Elle veut leur faire prendre conscience de leur valeur par le sport; c'est donc un travail qui a une dimension sociale importante. M. Vandeweghe ne peut évidemment pas mettre sa main au feu pour tout ce qui s'y passe, étant donné qu'il n'y est resté qu'une semaine. Mais ce qu'il a vu lui a donné l'impression que cela faisait partie d'un projet social avec pas mal d'enseignement, plutôt qu'une déportation de coureuses de talent. Si ces coureuses viennent en Europe, c'est pour gagner de l'argent par elles-mêmes. D'autres filles de seize ans qu'il a vu courir ici n'ont jamais gagné d'argent, elles ont seulement vu l'Europe et une partie du monde.

D'après ce qu'il sait, il y a effectivement quelques managers qui exploitent surtout des athlètes d'Afrique orientale. Cela signifie qu'ils les mettent tous dans une maison. Il voudrait d'ailleurs souligner que l'on ne peut pas attendre de grandes prestations d'un athlète si on ne le traite pas correctement. C'est pourquoi cela n'a pas de sens de raconter qu'en Allemagne de l'Est les athlètes sont rassemblés dans des camps de concentration. Il faut traiter les athlètes relativement bien pour en retirer un résultat positif. Ce n'est sans doute pas le cas dans la prostitution, mais les sportifs d'élite ne doivent pas seulement être bien nourris, ils doivent aussi se sentir bien dans leur peau. C'est à cette seule condition qu'ils seront capables de fournir de grandes prestations. L'exploitation physique est donc exclue. L'exploitation financière est par contre possible.

Chez les coureuses, M. Vandeweghe ne voit pas le problème. Les coureuses qui viennent en Belgique sont toutes des sportives de haut niveau qui viennent courir pour 20 000 dollars par compétition. Ce ne sont pas vraiment des filles pauvres.

1.2.3. Exposé de MM. Alain Courtois et Jan Van Onsem, représentants de l'URBSFA (Union royale belge des sociétés de football association)

M. Courtois explique qu'il parle au nom de l'URBSFA. Le choix d'entendre cette fédération est, selon l'intervenant, sans doute dû à ce que c'est l'URBSFA dont on parle le plus dans la presse en ce qui concerne les transferts. Il est disposé à donner à la sous-commission toutes les informations disponibles. Dans le passé aussi, la fédération belge de football association a toujours fourni aux sénatrices et aux sénateurs toutes les informations qu'ils demandaient. Le but de la fédération est de rendre clair et transparent le système des transferts. La fédération n'a aucun intérêt aux opérations occultes. Elle a des règles et elle s'y tient. Le but de la fédération, à la différence peut-être de celui des clubs, n'est pas d'attirer le plus possible de joueurs étrangers. Au contraire, puisque cela aurait un impact négatif sur la qualité de l'équipe nationale. Les clubs, par contre, visent à améliorer la qualité de leur équipe.

M. Courtois constate que l'on n'a pas démontré jusqu'à présent un trafic organisé d'êtres humains dans le sport. Il y a des cas isolés et dramatiques, il en est conscient, mais le but est précisément d'éviter qu'ils se présentent. L'URBSFA fait la chasse à ceux qui profitent de la situation des autres. C'est pourquoi il faut réglementer l'action et le statut des intermédiaires de joueurs. C'est ce que la FIFA essaie et elle vient d'ailleurs de modifier sa législation en la matière. L'objectif est d'instituer un ordre des intermédiaires qui fasse respecter les règles, et de faire en sorte que seuls les intermédiaires reconnus par la FIFA puissent organiser les transferts sous peine de pénalité pour les clubs.

M. Courtois n'est pas opposé à ce qu'il y ait des intermédiaires reconnus par la Flandre, et, pourquoi pas, par la Wallonie. La fédération veut la clarté. Il y a aujourd'hui quelque trente intermédiaires reconnus pas la FIFA en Belgique. Il y en a par contre beaucoup plus qui ne le sont pas et ce sont ceux-là qui sont à la source des problèmes. La fédération est en faveur d'un contrôle strict.

En qui concerne les documents, la fédération ne peut évidemment contrôler que ceux qui lui sont transmis. M. Van Onsem, du service des affiliations, expliquera le système que la fédération a mis en place. Si bien sûr quelqu'un présente des documents falsifiés, la fédération peut difficilement prouver la fraude. L'exemple le plus simple reste celui d'un Brésilien ou d'un Africain venant d'Italie, c'est-à-dire d'un pays de la zone Schengen, pour lesquels la fédération ne peut vérifier les premiers documents puisqu'ils l'ont déjà été en Italie. L'URBSFA est demandeuse d'une réglementation claire. Cela veut dire que tous les footballeurs qui jouent en Belgique doivent s'affilier à l'URBSFA.

M. J.-M. Dedecker prétend avoir des preuves que les intermédiaires avec lesquels M. Courtois travaille, concluent des contrats avec des managers de mauvaise foi. Il a aussi une preuve du fait que l'un de ces intermédiaires a versé cinq millions de francs (123 946,76 euros) à un compte en Suisse. Il voudrait savoir ce que fait l'Union belge contre ce genre de pratiques.

M. Courtois explique que la législation flamande concernant les intermédiaires vient d'être modifiée. Les cinq millions de francs (123 946,76 euros) dont parle le membre datent de l'époque où cette législation n'était pas encore en vigueur et ne peuvent donc servir d'exemple des pratiques actuelles. L'URBFSA respecte strictement les règlements de la FIFA. Ceux-ci stipulent entre autres que seuls les intermédiaires reconnus par la FIFA et par les fédérations nationales sont agréés en vue de régler des transferts.

M. J.-M. Dedecker souligne que la réglementation susvisée existe depuis quelque temps mais qu'elle n'est pas respectée. Le membre prétend pouvoir citer toute une série de noms d'intermédiaires de mauvaise foi, qui sont toujours actifs : Karel Brocken n'entre plus dans le pays par Zaventem, mais par Rotterdam ou Amsterdam; il y a aussi un certain M. De Bruyne, un M. Cooreman, un M. Gooyvaert. Tous ces gens sont radiés en Belgique, mais continuent à faire des affaires. Il sait en tout cas que la semaine passée, des joueurs ont encore été amenés du Nigéria à la demande de M. Cooreman et ont été testés dans un club. La demande de visa a aussi été réglée en concertation avec la même personne. Comment M. Courtois explique-t-il tout cela ?

M. Courtois explique que la FIFA veut justement mettre fin à ce genre de situations. Dorénavant, seuls les intermédiaires agréés par la FIFA organiseront des transferts.

M. J.-M. Dedecker se demande comment il est possible dans ce cas qu'une personne comme M. Cooreman, qui est suspendu depuis cinq ans déjà, puisse continuer à travailler ? Pourquoi accepte-t-on encore des joueurs sur la base d'une prise en charge par un tel personnage ?

M. Courtois répond que l'URBSFA n'est pas informée officiellement de pareilles pratiques. Il sait seulement qu'un contrat a été signé.

M. J.-M. Dedecker prétend qu'il peut pourtant apporter les preuves. La question est de savoir quel contrôle l'URBSFA exerce. Que fait l'URBSFA contre ce genre de situations ? Ne pourrait-elle par exemple veiller à ce que ce ne soient pas les intermédiaires mais bien les clubs qui assurent la prise en charge et que quelques dirigeants de clubs soient solidairement responsables ?

M. Courtois répond que si un joueur veut s'inscrire à l'URBSFA, il doit toujours passer par un club. La FIFA a raison en disant que le contrôle doit aussi être amélioré en amont.

M. J.-M. Dedecker s'inquiète du fait que ce système existe déjà depuis pas mal de temps, mais qu'il ne semble pas fonctionner. L'URBSFA est-elle disposée à instaurer un organisme de contrôle ? Il ne souhaite pas faire le procès de M. Courtois ou clouer l'URBSFA au pilori, mais éliminer les situations problématiques. Il comprend fort bien qu'il est pratiquement impossible pour l'URBFSA de contrôler l'ensemble des 450 000 joueurs affiliés. Pourtant, il faut trouver des méthodes pour s'attaquer aux problèmes. Par exemple en augmentant le traitement minimum, en interdisant que les joueurs soient prêtés etc. Maintenant, les joueurs arrivent par exemple au SK Lokeren par un intermédiaire, puis il passent au Verbroedering Geel, au Rita Berlaar et, finalement, ils jouent à Hout-si-Plout sans que quiconque puisse encore vérifier. Si l'Union belge exigeait que chaque joueur qui entre dans le pays reçoive un contrat à l'essai ou rentre dans son pays, le problème serait déjà presque résolu.

M. Courtois est d'accord quant au fait qu'il convient d'intensifier le contrôle.

M. Van Onsem signale, en guise d'introduction, que tout ce qu'il avait l'intention d'expliquer a déjà été évoqué. Les auditions précédentes des témoins ont montré que les membres de la sous-commission sont relativement bien informés. Il souhaite malgré tout répéter certaines choses. Avant 1995, trois étrangers seulement pouvaient jouer par match en Belgique. Si l'on ne respectait pas cette règle, le club perdait des points. On a trouvé une solution : ceux qui n'avaient pas la nationalité belge étaient considérés comme footballistiquement belges après un certain temps. Les garçons de moins de dix-sept ans lors de leur affiliation devenaient automatiquement des sportifs belges. Les autres devaient rester affiliés cinq ans sans interruption à un club belge. Ils n'étaient donc pas inclus dans le maximum de trois étrangers. Ce fut peut-être la raison pour laquelle M. Oliveira affirma tout à coup avoir trois ans de moins, et donc être âgé de moins de dix-sept ans. Il devenait ainsi immédiatement belge pour le foot et pouvait jouer tout de suite sans être compté dans le maximum de non-Belges. M. Van Onsem ne sait pas si ce fut la raison de son rajeunissement, mais c'est possible. À présent, le temps est passé évidemment.

L'arrêt Bosman de la Cour de Justice en 1995 ne permettait plus que l'on fasse une distinction entre les ressortissants des États membres de l'Union européenne. L'Union belge a poussé le raisonnement plus loin et a prévu que l'on ne pouvait plus faire de distinction entre Belges et étrangers en général, donc même par rapport à des citoyens non-EU. À partir de ce moment, on pouvait par exemple jouer avec un onze composé exclusivement de Brésiliens ou de Nigérians. Aucun règlement ne l'interdisait.

Après l'arrêt Bosman, lors de l'installation d'un nouveau système informatique, l'URBSFA a estimé que l'utilité de la mention de la qualité de citoyen de l'UE était faible. C'est pourquoi depuis 1995, elle ne note plus que la qualité de Belge ou non des joueurs. M. Van Onsem ne peut par conséquent répondre à la question de savoir combien d'étrangers jouent en Belgique, puisque l'on ne note cette caractéristique que depuis 1995. M. Van Onsem ne dispose pas d'informations pour la période qui précède. Par contre, il peut rechercher quelle est la nationalité d'un joueur et de quelle façon il est entré en Belgique.

Le seul contrôle s'effectue lors de l'arrivée dans notre pays de nouveaux joueurs venant de l'étranger. M. Van Onsem estime que M. Dedecker a peut-être raison de dire qu'il faut plus de contrôle. La réglementation de la FIFA oblige l'URBSFA à demander un certificat de transfert international. Pour les citoyens de l'UE, l'URBSFA demande un formulaire d'affiliation et éventuellement l'accord du club étranger. Si le joueur n'appartient pas à l'EEE (Espace économique européen), l'URBSFA demande toujours une preuve d'inscription au registre des étrangers ou au registre d'attente des réfugiés politiques. Dans certains cas, une copie d'une carte d'identité ­ par exemple italienne ­ est délivrée. À la suite des accords de Schengen, l'URBSFA est tenue d'accepter ces documents. L'URBSFA ne sait alors pas s'il s'agit d'un faux. Mais il est faux de dire que l'URBSFA accepte n'importe quel document. L'URBSFA effectue un contrôle sérieux. Pour une petite équipe de quatrième provinciale, elle a même un jour téléphoné à la préfecture en France pour vérifier si un joueur pouvait ou non venir jouer en Belgique. Il y a donc un contrôle sévère.

L'URBSFA a convenu avec le ministère de l'Intérieur que la preuve de l'inscription au registre n'est pas nécessaire si le joueur est un footballeur professionnel qui gagne assez pour adopter le statut de professionnel en Belgique. Ce montant était fixé à 541 128 francs (13 414,21 euros) avant 1999. À la suite de l'intervention de la Commission paritaire nationale pour le sport, ce montant a été doublé en 1999. Entre-temps, une modification de la loi sur le sportif à temps partiel a quadruplé ce montant. Le montant indexé est actuellement de 1 148 500 francs (28 470,57 euros). Comme ce montant est inférieur à ce qu'il est dans d'autres pays, certains joueurs étrangers, prêtés ou non, viennent jouer en Belgique. Aux Pays-Bas, ce montant est treize fois plus élevé. Les clubs néerlandais essaient de faire jouer temporairement en Belgique des garçons qu'ils ne souhaitent pas aligner dans leur équipe première. L'interdiction de prêt temporaire est contournée par la conclusion d'un transfert définitif et un rappel ultérieur du joueur d'un commun accord. Il s'agit alors d'une interruption de carrière. Entre-temps, le joueur est occupé dans un autre club et par la suite, il retourne dans son club initial.

Il existe encore une autre exception. L'URBSFA collabore aussi avec le centre d'accueil PAG-ASA. Dans quelques cas, l'URBSFA a donné l'autorisation de jouer au football malgré le fait qu'il n'y avait pas d'inscription au registre des étrangers ou au registre d'attente des réfugiés politiques. Il s'agit de quatre ou cinq cas pour l'ensemble de la Belgique. Si ces réfugiés ne pouvaient pas jouer, ils n'auraient aucun revenu.

M. J.-M. Dedecker demande s'il a bien compris ce dernier point : les quatre ou cinq personnes ont donc un revenu grâce à l'un ou l'autre circuit au noir parce que sinon ils devraient vivre d'une allocation du CPAS ? Mais on ne peut quand même jouer professionnellement au football que si on a conclu un contrat de travail prévoyant un salaire minimum de 1 148 500 francs (28 470,57 euros) ? Quel statut ont ces gens leur permettant de jouer ici et là pour gagner quelque chose ?

M. Van Onsem explique que quelqu'un qui n'est pas inscrit au registre des étrangers ne peut être inscrit au registre de la FIFA. Dans ce cas, il ne gagne pas le minimum de 1 148 500 francs (28 470,57 euros). Normalement, cette personne ne pourrait pas jouer professionnellement. Si le centre d'accueil PAG-ASA demande de laisser jouer cette personne pour des raisons d'intégration, elle peut le faire à un niveau inférieur, où on peut quand même gagner quelque chose.

M. J.-M. Dedecker confirme qu'à un niveau inférieur on gagne beaucoup d'argent au noir. M. Onsem n'est pas au courant.

M. J.-M. Dedecker prétend être informé d'une quarantaine de personnes qui jouent de cette manière. Les gens viennent en Belgique maintenant parce qu'ils savent qu'ils peuvent venir jouer ici et gagner de l'argent au noir.

M. Van Onsem conteste cette affirmation.

Récemment, son service a été contrôlé par l'inspection de l'Union belge. Il y a sans doute des abus, c'est vrai. Que peut-on y faire ? L'une des possibilités consisterait, au lieu de se fier à une déclaration du club, à exiger la preuve de la demande de carte de travail. Cela pourrait constituer une amélioration du règlement.

M. J.-M. Dedecker estime que les abus peuvent être combattus en exigeant une carte de travail avant qu'un joueur puisse jouer.

M. Van Onsem estime que l'on ne peut quand même pas demander à l'arbitre de contrôler la carte de travail.

M. J.-M. Dedecker maintient qu'il faut assainir la situation. Il propose que l'on instaure la règle que quelqu'un qui veut jouer au football possède au moins une carte de travail.

Mme Thijs souhaite encore ajouter une chose concernant le centre d'accueil PAG-ASA. Les gens qui déposent plainte dans le cadre de la traite des êtres humains dans le football ne peuvent plus retourner dans le milieu contre lequel ils ont déposé plainte. Donc, en fait, ils ne pourraient pas retourner dans le milieu du football. Comme l'affirme le témoin, ces gens n'auraient alors plus rien à faire. Cela peut parfois s'avérer positif, mais d'après elle il n'est pas légal d'autoriser une exception. La loi sur la traite des êtres humains a été élaborée à l'exemple de la loi sur la prostitution. Les victimes de la traite des êtres humains qui se retrouvent dans la prostitution ne peuvent pas retourner dans la prostitution une fois qu'elles ont porté plainte. Cette loi s'applique aussi aux victimes de la traite des êtres humains dans le football. En principe, elles ne pourraient pas retourner dans le football.

Mme de T' Serclaes déclare être étonnée de voir recueillies par PAG-ASA quatre personnes qui ne lui semblent pas devoir l'être. En effet, les centres d'accueil comme PAG-ASA existent pour accueillir des personnes en vue de les extraire et de les protéger des milieux de la traite des êtres humains mais aussi pour leur permettre de collaborer avec la justice dans le démantèlement de ces réseaux. C'est dans ces conditions que sont octroyées à ces personnes des autorisations provisoires de séjour. Cela ne lui semble pas correspondre à la situation qui a été décrite. On ne peut pas oublier que c'est la lutte contre les réseaux de traite qui est l'objectif de la loi sur les centres d'accueil.

Mme Thijs explique qu'elle estime que dans le cadre des victimes de la traite des êtres humains dans le football, on pourrait élaborer une règle différente de celle applicable à la prostitution. Le football est quand même un autre monde que le monde de la prostitution. Peut-être les garçons qui ont déposé une plainte pourraient-ils jouer dans une division inférieure. Actuellement cependant, la loi interdit de retourner dans le milieu d'où l'on vient.

M. J.-M. Dedecker estime que le monde du football bénéficie de toutes sortes de règles de faveur. L'importation de joueurs et le fait qu'ils reçoivent immédiatement un contrat de travail sans qu'il y ait une valeur ajoutée, est déjà contraire à la loi. Dans un club de football, des Africains de l'Ouest peuvent jouer sans problème, mais il faudrait attendre un an pour pouvoir engager une infirmière originaire de l'Afrique de l'Ouest, et en plus, dans ce cas, l'employeur doit prouver que la candidate apporte une plus-value.

M. Van Onsem donne les informations complémentaires suivantes sur les intermédiaires de joueurs. Seuls ceux qui possèdent une licence de la FIFA peuvent intervenir comme intermédiaires. Les interventions d'autres personnes qui travaillent avec des clubs belges, et il y en a même parmi celles-ci qui sont radiées des listes de l'Union belge, sont sanctionnées par la réglementation de la FIFA. La sanction peut consister en une annulation du transfert, en perte de points, en amendes, etc.

Toutefois, pour le moment, on n'intervient pas à l'encontre des intermédiaires parce que personne ne dépose plainte. Probablement les uns doivent-ils se taire par peur des autres. Le président de l'Union belge a un jour demandé et obtenu que l'URBSFA prévoie une case pour l'intermédiaire sur chaque document de transfert entre des clubs belges. 30 000 transferts ont lieu chaque année entre clubs belges. Cette case n'est complétée pour aucun de ces 30 000 formulaires de transfert. Un intermédiaire qui n'est pas agréé par la FIFA ne va évidemment pas signer son arrêt de mort en remplissant cette case.

M. J.-M. Dedecker demande si la FIFA ne peut pas l'imposer.

M. Van Onsem part du principe que l'intermédiaire ne signera quand même pas ! L'Union belge y a peut-être intérêt, mais le club et le joueur lui-même non. C'est précisément grâce à l'intermédiaire ­ qu'il soit bon ou mauvais ­ que le joueur espère pouvoir améliorer sa situation. L'URBSFA n'a aucun moyen de contrôle. La seule chose que l'on puisse faire, c'est radier un intermédiaire, on ne peut pas l'arrêter. On ne pouvait pas non plus intervenir par rapport à la corruption dans le monde du football jusqu'à ce qu'elle soit rendue punissable voici peu.

M. Courtois estime qu'il faut rechercher une méthode pour renforcer le contrôle.

M. Monfils se dit étonné. Des dispositions légales existent, mais tout le monde semble vivre en marge de la loi et s'en accommoder. C'est curieux. Il faudrait plutôt une commission d'enquête à ce sujet.

Il voudrait connaître les conditions de reconnaissance qui ont été imposées aux trente intermédiaires reconnus par la FIFA. Y a-t-il des incompatibilités liées à cette reconnaissance ? Est-ce qu'il y a des conflits d'intérêts possibles lorsque des intermédiaires prennent en charge la carrière de sportifs et leur font conclure des contrats d'emploi avec des sociétés ou des associations dont ils sont eux-mêmes des dirigeants ? L'intervenant n'a pas d'objection à l'existence de managers, d'intermédiaires, si cette profession est bien encadrée.

M. Courtois explique que, pour devenir intermédiaire FIFA, il faut réussir un examen qui comporte une audition de l'intéressé sur les règles du jeu, les règles d'affiliation et de transfert. Mais les intermédiaire FIFA doivent aussi respecter un certain nombre d'incompatibilités comme l'impossibilité d'être intermédiaire FIFA et d'avoir la direction d'un club. Certains ont démissionné de la direction de clubs. D'autres intermédiaires considèrent qu'ils peuvent continuer à jouer un rôle important dans un club s'ils ne sont pas chargés officiellement de la direction ou s'ils ne sont pas membres du conseil d'administration.

M. Hordies voudrait vraiment comprendre le statut des quatre jeunes accueillis au PAG-ASA.

L'an passé, la sous-commission « Traite des êtres humains » a rendu visite à Anvers au centre d'accueil de PAYOKE où elle avait déjà rencontré une dame responsable du suivi de jeunes footballeurs victimes de réseaux de traite des êtres humains. Quelles sont les relations de l'URBSFA avec ces centres d'accueil ? Est-ce que l'URBSFA a reçu ou eu vent de plaintes concernant le trafic de jeunes footballeurs ? Il ne parle pas de commerce ordinaire mais de trafic.

M. Courtois ne connaît pas la situation des jeunes qui se trouvent dans le centre PAG-ASA. Ils ont été accueillis là lorsque M. Courtois était à l'étranger. Mais il est prêt à rassembler et à livrer à la sous-commission des informations. Il imagine que la situation est semblable à celle du joueur réfugié politique en France et qui désire venir jouer en Belgique. Il y a une volonté d'intégration qui s'exprime ainsi, à tort ou à raison.

Il répète que l'URBSFA n'a pas connaissance d'un trafic organisé. Mais il est sûr qu'il y a eu et qu'il y a encore des jeunes « importés » sous l'ancienne législation et qui ont été mis dans des conditions inhumaines. Ces situations existent en Belgique et en France aussi. Pour que les choses soient claires : M. Courtois souhaite et a toujours voulu que la situation des joueurs soit simple. Dans les relations du joueur avec son club, il doit y avoir un employé et un employeur, et une convention collective de travail avec des droits et des obligations.

S'il y a des intermédiaires, il importe que leur rôle soit bien défini et circonscrit. L'URBSFA n'a aucun intérêt à avoir des intermédiaires de style « B ».

Les conventions collectives sont négociées en commission paritaire, le cadre est donc en place. Pour les intermédiaires, la réglementation FIFA s'applique. L'URBSFA la précisera et mettra au point un système applicable. Le but est d'éviter ainsi les abus.

M. Hordies a retenu des auditions que certains clubs ont, en Amérique latine ou en Afrique, des camps d'entraînement ou des conventions avec des clubs locaux pour préparer la venue de joueurs. Est-ce que l'URBSFA a connaissance de ce genre de situation pour des clubs belges ?

M. Courtois répond qu'il y a des relations entre clubs, sans doute. Mais il n'a pas connaissance de camps où des jeunes seraient entraînés dans des conditions inhumaines puis envoyés dans notre pays.

Mme Willame-Boonen revient sur la visite de la sous-commission « Traite des êtres humains » au centre d'accueil PAYOKE à Anvers. On y a signalé le problème posé par des joueurs de football qui n'avaient pas donné satisfaction à leur club et couraient le risque d'être repris dans des réseaux de prostitution. C'est sans doute en cela que consiste le lien entre PAYOKE, PAG-ASA et SÜRYA, et celui du transfert des jeunes joueurs. Qu'advient-il de ces jeunes qui ne réalisent pas les exploits attendus ? Rentrent-ils dans leurs pays ? Ils ont probablement vécu plus confortablement ici que les jeunes de leur pays. Les renvoie-t-on tout simplement ? Ne risquent-ils pas d'être dès lors tentés d'entrer dans des filières mafieuses qui n'ont plus rien à voir avec le football, mais qui leur permettent de vivre assez agréablement ici ?

M. Van Onsem répond qu'auparavant quand le contrat de ces joueurs s'arrêtait, ils restaient néanmoins encore liés au club. Aujourd'hui, grâce à l'arrêt Bosman de la Cour de Justice de Luxembourg, ils sont libres, comme l'a exprimé le joueur que la sous-commission a entendu. Ils doivent donc chercher eux-mêmes un club. S'ils n'en trouvent pas, ils font ce qu'ils veulent. Ces personnes ne sont même plus affiliées à l'URBSFA. Que peut faire l'URBSFA en tant que fédération sportive ? Ce n'est pas son rôle de chercher à savoir si ces personnes restent ou non en Belgique. Si leur niveau de jeu n'est pas suffisant pour travailler dans les divisions supérieures, ils chercheront dans d'autres divisions. En division 1 et 2, il n'y a qu'une minorité de joueurs qui sont peu payés : M. Oliveira n'est pas une victime.

Mme Willame-Boonen retient que ce n'est donc pas le problème de l'URBSFA, mais que l'Union reconnaît tout de même qu'il y a un problème pour tous ces jeunes.

M. Courtois retient la suggestion que l'URBSFA demande aux clubs d'assumer une obligation de suivi des jeunes qu'ils font venir en Belgique. Cette suggestion n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd.

M. J.-M. Dedecker demande si le traitement de base des joueurs ne doit pas être augmenté, jusqu'à cinq millions de francs (123 946,76 euros) par exemple. Le montant actuel date en effet de la période d'avant l'arrêt Bosman.

M. Courtois reconnaît que le montant actuel est ridiculement bas. Une augmentation sera discutée en Commission paritaire nationale des sports.

M. Lozie demande s'il a bien compris qu'un véritable prêt de joueurs d'un club à l'autre n'est plus autorisé. Ces deux dernières années, des accords de coopération ou des fusions interviennent entre des clubs néerlandais et belges. En Belgique, le salaire de base est inférieur à ce qu'il est aux Pays-Bas, mais on peut gagner de l'argent plus facilement dans les divisions inférieures. De ce fait, la Belgique devient un terrain de recrutement, une zone où les joueurs peuvent être testés en n'exigeant pas de conditions trop sévères pour leur premier contrat et gagner quand même leur vie à un niveau inférieur. Les accords de coopération doivent-ils être vus dans ce contexte ?

Le monde du football a ses entrées dans les services qui délivrent les permis de séjour. Quand on veut engager quelqu'un de l'étranger pour une mission d'enseignement, même comme professeur invité, ou dans l'industrie, cela peut prendre des mois. Est-ce que cela passe par un contact direct entre l'Office des étrangers et l'Union belge, les clubs ou le manager ? Comment cela se passe-t-il concrètement ? Qui demande le permis de séjour ?

M. Van Onsem explique que les clubs de football sont les employeurs, pas l'URBSFA. L'Union belge est seulement informée de l'exitence du contrat. L'URBSFA reçoit une notification, c'est un document qui indique qu'un contrat a été conclu et satisfait à toutes les prescriptions légales et réglementaires. Dans les cas où il s'agit de citoyens non-UE, il faut aussi joindre un document, signé par le club, qui confirme que le joueur gagne effectivement ce qu'il doit gagner en tant qu'étranger. L'URBSFA ne contrôle pas si ce joueur dispose vraiment d'un permis de travail. Généralement, il faut en effet trois mois environ avant que le permis de travail soit accordé et que le joueur soit inscrit dans le registre. L'URBSFA a conclu cet accord jadis avec le ministère de l'Intérieur. Si cette réglementation était supprimée, un joueur qui veut jouer en première ou en deuxième division devrait attendre trois mois.

M. Lozie voudrait savoir si l'Office des étrangers donne l'autorisation à l'Union belge de travailler en zone grise pendant quelques mois.

M. Van Onsem répond que l'URBSFA ne contrôle pas, au moment de la notification, s'il y a un permis de travail. L'URBSFA sait que la personne inscrite a un statut professionnel et qu'elle recevra un permis de travail et sera automatiquement inscrite au registre des étrangers. L'URBSFA n'a pas de soupçon quant au fait que cela ne se ferait pas. On part du principe que la situation du joueur sera réglée après trois mois.

M. Lozie continue à trouver remarquable que les choses aillent si vite pour les footballeurs.

M. Van Onsem réplique que l'URBSFA n'est informée sur les accords de coopération que par la presse. Il n'existe aucune réglementation à ce sujet, même pas au plan international. Il s'agit d'accords conclus entre deux clubs. Il lit ce que les journaux écrivent à ce sujet, mais ni dans la réglementation de la FIFA, ni dans la réglementation belge, il n'en est question.

M. Lozie souligne que les clubs sont quand même contrôlés pour le moment pour l'octroi d'une licence. Vérifie-t-on aussi à cette occasion si les clubs sont financièrement solvables ? Dans ce cas, l'URBSFA doit tout de même connaître le statut juridique du club ?

M. Van Onsem réplique que pour les entreprises, on ne vérifie pas non plus si elles ont conclu un accord avec une entreprise étrangère.

Le président, M. Wille, trouve cette comparaison malheureuse.

M. Lozie demande si l'on exige seulement une déclaration sur l'honneur concernant l'indépendance du club. Si le club n'est qu'une composante d'un accord international de coopération, quel sens cela a-t-il de lui donner une licence ? M. Van Onsem dit que c'est à la commission des licences d'en juger.

M. J.-M. Dedecker précise que les clubs sont des ASBL. Ils ont un chiffre d'affaires de plus d'un milliard de francs. Il qualifie ce que fait Lokeren d'activités d'import-export. Il considère que c'est du colonialisme de plantations footballistiques en Afrique.

Ne serait-ce pas une victoire pour le football belge si avec l'Union belge, les intermédiaires et quelques managers des grands clubs, on élaborait une réglementation en vue de réduire le nombre de joueurs étrangers ? Des 450 joueurs de première division, il y en a 200 de 51 nationalités différentes. Cinq seulement des 36 clubs de première et deuxième division sont financièrement sains.

Si l'on adoptait une telle réglementation, les clubs seraient obligés de former les jeunes et d'aligner leurs propres joueurs. Ainsi, l'évolution des jeunes serait assurée. Seuls les clubs qui jouent avec leurs propres joueurs, comme l'Eendracht Alost, peuvent nous sauver.

M. Courtois déclare qu'il est d'accord avec l'intervenant précédent. Le problème de demain est la situation financière des clubs belges, et en particulier des clubs des divisions inférieures. La formation des jeunes est un point important pour les clubs. Le sport est une forme de protection de la jeunesse. Pour le moment, il y a 230 000 jeunes de moins de 18 ans qui jouent au football, accompagnés par des volontaires. Sans eux, la pratique du sport ne serait pas possible aujourd'hui. Une fédération comme l'Union belge, mais aussi d'autres fédérations, ont un rôle à jouer dans la société et dans la communauté. Le but n'est certainement pas d'engager encore plus d'étrangers à l'avenir. L'URBSFA n'y a aucun intérêt.

Ensuite, il faut former les jeunes dans les clubs. Si l'URBSFA n'assume pas cette formation, elle ne joue pas son rôle social. Il faut former la jeunesse, pour lui éviter la délinquance, mais aussi en général, pour la protéger.

En ce qui concerne les étrangers, M. Courtois souhaite conclure un accord clair entre les employeurs et les travailleurs. Il veut aussi que la situation des intermédiaires soit clarifiée. Pour le reste, les clubs doivent recevoir des moyens, non pas pour engager des étrangers, mais pour former les jeunes.

M. Courtois appellerait ces joueurs étrangers des mercenaires; ils sont payés avec des sommes considérables, ils reçoivent appartement et voiture. Il faut que les clubs forment leurs propres jeunes. L'avenir, c'est eux. Ce sont eux qui feront en sorte que le sport garde sa valeur sociale. Il ne faut pas que le sport devienne seulement un moyen pour certains pays d'exporter des personnes.

2. Session 2001-2002

2.1. Audition publique du 29 avril 2002 de :

­ M. J. Leman, directeur du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme;

­ M. T. Lhoir, secrétaire du Conseil consultatif de la main-d'oeuvre étrangère;

­ M. M. Gysels, secrétaire général adjoint de l'Union belge de handball;

­ M. J.-M. Philips, président de la Ligue professionnelle de football.

2.1.1. Exposés introductifs

2.1.1.1. Commentaire de M. Johan Leman, directeur du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, sur les recommandations contenues dans le rapport annuel du centre de mai 2001

Avant d'examiner les propositions du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme qui figurent dans son rapport annuel de mai 2001, M. Leman juge utile, en guise d'introduction, d'informer les membres de la sous-commission de l'affaire « Omo Monday et Manasseh Oshiaku contre KSV Roeselaere » qui est à ce jour l'affaire la mieux documentée par des faits concrets.

M. Leman précise qu'il ne le fait pas dans le but d'anticiper le déroulement du procès ou pour révéler des éléments « personnels » du dossier, mais pour que l'on puisse estimer la problématique à sa juste valeur.

1. De quoi s'agit-il dans l'affaire « Omo et Mana » ?

Selon M. Leman, les éléments négatifs du dossier sont les suivants :

1. Il y a intervention d'intermédiaires et l'un d'entre eux au moins a été suspendu par l'URBFSA. La direction du club était au courant de la chose.

2. Au moins un des joueurs recrutés au Nigeria est mineur. La direction du club le savait, en tout cas après l'arrivée du (des) joueur(s) en question.

3. En quelques semaines, un intermédiaire belge ayant une réputation douteuse a su obtenir, à l'ambassade de Belgique à Lagos (Nigeria), un visa de tourisme (daté du 7 juillet 2000) pour quatre joueurs dont un au moins était mineur, départ en avion le 8 juillet 2000.

4. À la fin de 2000, l'ambassade du Nigeria à Bruxelles a vieilli deux joueurs de deux ans et a adapté les documents officiels en conséquence.

5. Avant son départ, on avait dit à Mana qu'il allait rejoindre un club de football italien et à Omo qu'il allait rejoindre un club de football français. Ce n'est qu'à l'aéroport qu'ils se rendirent compte que les billets d'avion indiquaient la Belgique comme destination.

6. Pendant un certain temps, ils n'ont pas été rémunérés par le club de Roulers. Deux de leurs compagnons ­ car ils étaient quatre au départ ­ ont été mis dans un avion qui les ramena à Lagos; l'un d'eux n'a jamais reçu le moindre franc (l'autre a reçu une fois 30 000 francs ou 743,68 euros). L'entraîneur de l'époque n'était pas convaincu de leur talent.

7. Lorsque Mana devenu majeur s'est enfin vu proposer un contrat, le montant de la rémunération était inférieur au minimum légal pour un joueur étranger (alors que ce minimum est déjà nettement inférieur aux montants en vigueur dans les autres pays européens). Ce qui n'est pas mentionné dans son contrat, mais qu'on lui communique oralement comme faisant partie du contrat, c'est qu'il doit en même temps assurer la subsistance d'Omo.

8. Lorsque les deux garçons laissèrent entendre qu'ils ne renouvelleraient pas leur contrat dans ces conditions, on leur déclara qu'ils devaient quitter le pays dans les cinq jours. Le bourgmestre et les chefs de la police firent soudainement preuve de beaucoup de zèle pour mettre fin à cette situation irrégulière.

9. Dans le contrat d'intermédiaire passé entre l'intermédiaire suspendu par l'URBSFA et le club, il est stipulé qu'en cas de transfert, 30 % iraient au club et 70 % à l'intermédiaire, avec un minimum de 500 000 francs (12 394,68 euros) pour le club. Le club ne prend absolument aucun risque et l'intermédiaire réalise une affaire en or. On peut en outre se demander, selon M. Leman, ce qui est convenu « sous la table ».

Quand on relit les dispositions de la loi relative au trafic des êtres humains, on constate qu'il y a dans le cas qui vient d'être exposé, plusieurs éléments que l'on pourrait examiner à la lumière des dispositions de celle-ci. Il faut attendre la décision du juge. M. Leman tient à souligner qu'à ce jour, il ne connaît aucun cas de ce type qui se serait produit en Belgique et dans lequel un juge aurait statué.

Les éléments positifs que les intéressés, l'intermédiaire et le club invoquent à leur décharge, sont les suivants :

Omo et Mana ont été logés correctement et entretenus en nature.

1. Omo et Mana pouvaient aller et venir à leur guise.

2. Par leur jeu, Omo et Mana avaient la possibilité de mieux se faire connaître, y compris auprès d'autres clubs, et, donc, de développer leur carrière en profitant d'occasions qu'ils n'auraient sans doute pas eues au Nigeria. Et, effectivement, après l'amélioration de son contrat et la régularisation de celui-ci, Mana est même resté au KSV Roeselare, après un grand tapage dans les médias et les modifications requises au niveau de la direction de KSV Roeselaere. Omo se trouve maintenant à Gand ...

M. Leman estime également que les éléments suivants ont leur importance pour une bonne appréciation des faits :

1. L'URBSFA n'a manifestement pas un grand droit de regard sur ce qui se passe dans chaque club et elle ne dispose manifestement d'aucune possibilité de sanction contre un club qui ne respecte pas le règlement de la FIFA.

2. Manifestement, les clubs belges voient dans la pratique visée un bon moyen pour combler temporairement certains vides dans leur effectif sur le terrain, d'une part, et pour se constituer un capital spéculatif et réaliser un bénéfice appréciable lors de certains transferts, d'autre part.

3. M. Leman se demande dans quelle mesure ils concilient cela avec une bonne politique des jeunes au niveau des clubs.

2. Aperçu de la situation dans plusieurs pays voisins

a) France

­ Aucun footballeur hors UE n'est admis en dessous de l'âge de 18 ans.

­ En ce qui concerne les plus de 18 ans, chaque club peut compter 3 joueurs hors UE (+ 2 jouant en France depuis au moins 5 ans).

­ D'après le journal Le Monde du 10 janvier 2001, il y avait 78 cas douteux de joueurs qui seraient porteurs de faux papiers européens; la fédération française de football s'engage à retirer des points aux clubs qui emploient des joueurs porteurs d'un faux passeport. C'est ainsi que l'équipe de Saint Étienne s'est vu infliger une pénalité de 7 points (Le Monde du 31 janvier 2001).

b) Italie

­ Aucun footballeur hors UE n'est admis en dessous de l'âge de 18 ans.

­ En ce qui concerne les joueurs de plus de 18 ans hors UE, chaque club ne peut pas en aligner plus de 3, mais peut en revanche en avoir 5 sous contrat.

­ 50 footballeurs seraient nantis d'un faux passeport (« Metro » du 5 février 2001).

­ 24 joueurs et leurs clubs font actuellement l'objet d'une instruction judiciaire.

­ Les clubs italiens se sont empressés d'affilier leurs Brésiliens à des clubs brésiliens.

c) Pays-Bas

­ Aucune limitation du nombre de joueurs hors UE, mais ceux-ci doivent prouver qu'ils ont déjà participé à une compétition comparable à la première division aux Pays-Bas.

­ Les clubs sont tenus de verser à ces joueurs un salaire minimum de 13,5 millions de francs (334 656,26 euros), soit une fois et demi le montant du salaire d'un joueur néerlandais ... [pour les joueurs de 18-19 ans : 3/4, environ 7 millions (173 525,47 euros)].

­ Une enquête de l'Inspection du travail effectuée en 1999 a montré que 18 footballeurs de moins de 18 ans jouaient sans permis de travail dans 6 clubs professionnels.

­ À la suite de l'affaire Leonardo (Feyenoord), M. Leman apprend que ce jeune Brésilien est arrivé aux Pays-Bas dès l'âge de 12 ans, ramené du Brésil par des recruteurs néerlandais. Il a reçu un faux passeport avec la complicité de Feyenoord. Deux jours avant son 18e anniversaire, Leonardo a reçu un permis de séjour provisoire. On sait que 658 Brésiliens ont quitté leur pays dans le même but. Ils ont atterri en Italie, en Espagne, en Allemagne et ailleurs ... (« Observer » du 26 novembre 2000).

d) Angleterre

­ Chaque club ne peut aligner que 3 joueurs hors UE, mais leur nombre par club est illimité.

­ Il est interdit d'acheter un joueur hors UE qui ne compte pas à son actif au moins 15 sélections en équipe nationale de son pays (y compris dans les catégories de jeunes).

e) Allemagne

Chaque club doit avoir au moins 12 joueurs allemands sous statut salarié.

3. La situation en Belgique

Il n'existe aucune limitation du nombre de joueurs hors UE, mais les clubs doivent respecter les règles suivantes :

­ les joueurs doivent être âgés de 18 ans;

­ le salaire minimum est 20 fois moindre qu'aux Pays-Bas;

­ le 3 août 2001, l'URBSFA et la ligue professionnelle ont conclu un accord, en concertation avec la ministre de l'Emploi, fixant le minimum à 1 148 500 francs (28 470,57 euros). En fait, l'URBSFA était disposée, selon M. Leman, à placer la barre plus haut, à savoir 10 fois plus haut (le centre avait proposé 5 fois ce montant). La ligue professionnelle a toutefois refusé;

­ l'argument de l'URBSFA a été d'aligner quelque peu la réglementation belge sur la norme générale européenne ...;

­ la ligue professionnelle n'a toutefois pas accepté cette proposition;

­ M. Leman attire aussi l'attention des membres de la sous-commission sur le fait que dans l'intervalle, on a vu fleurir un grand nombre de partenariats entre des clubs belges et des clubs anglais, néerlandais et français, apparemment dans le but de faire acquérir la nationalité belge à ces joueurs afin qu'ils puissent être repris ensuite par le club partenaire non belge.

4. Bilan de l'exécution des propositions du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme

M. Leman affirme très clairement que tout est question de « business ».

Le législateur belge a créé un cadre légal qui permet aux clubs belges, grâce au fait que les législations sont un peu plus sévères dans les pays voisins, de mettre au point des systèmes permettant d'améliorer les finances des clubs belges, en d'autres termes de résorber leur retard par rapport aux pays voisins. Ce retard est imputable à de médiocres recettes TV, à un nombre peu élevé de supporters, etc. Des systèmes comme les partenariats, ou la spéculation financière autour de jeunes talents non-ressortissants de l'UE constituent-ils des formes de trafic d'êtres humains ? Du point de vue technique, si toutes les réglementations sont respectées, M. Leman estime que non.

Ce qui est positif, c'est que le législateur belge n'autorise pas de transfert de jeunes footballeurs non-ressortissants de l'UE de moins de 18 ans.

M. Leman considère comme positif le fait que le législateur belge ait fixé un salaire minimum, lequel est, certes, infiniment moins élevé qu'à l'étranger mais n'en est pas moins acceptable en tant que rémunération minimale.

Encore faut-il, selon M. Leman, que les autorités veillent à ce que ce minimum soit respecté. La voie la plus évidente semble être celle de contrôles répétés de l'Inspection sociale. Des contrôles répétés, car on sait que les affaires se font pendant toute l'année, et non en début ou en fin de compétition.

Domenico Ricci, de l'African Football Management (AFM), qui a commencé sa carrière en faisant le commerce de jeunes footballeurs ghanéens, puis a étendu celui-ci à la Côte d'Ivoire, au Mali, au Nigeria et à l'Afrique du Sud, a déclaré dans une interview qu'il travaillait avec plus de 100 clubs dans 10 pays différents et qu'il réalisait 70 % de ses transactions au Portugal, en France et en Belgique. Domenico Ricci n'est pas un intermédiaire officiel, agréé par la FIFA. D'après M. Leman, cela en dit long.

5. Quand peut-on parler de trafic d'êtres humains ?

Lorsque même la législation minimale belge n'est pas respectée.

Selon M. Leman, de telles pratiques se produisent. On peut les éviter de la manière suivante :

a) un contrôle effectué par les Inspections du travail dans toutes les régions;

b) l'implication de l'URBSFA dans tous les aspects contractuels des clubs occupant des joueurs non-ressortissants de l'UE : ainsi, un contrat avec un joueur non-ressortissant de l'UE devrait être radicalement nul si l'intermédiaire n'est pas mentionné explicitement et agréé par l'URBSFA ou s'il n'est pas enregistré simultanément par l'URBSFA, cosignataire. M. Leman présume toutefois que cela nécessite une initiative des pouvoirs publics, parce que l'URBSFA ne fait pas le poids face à la ligue professionnelle.

N.B. : il y a en Belgique plus de 200 intermédiaires actifs, alors que 26 seulement sont agréés. Proportionnellement, on effectue donc beaucoup trop de tests qui n'aboutissent pas à des contrats, les joueurs concernés restant ensuite sur le carreau ...;

c) il faut donc mettre au point une formule imposant au club qui teste un joueur de rédiger un document officiel, signé par le club et par le joueur, dans lequel sont stipulés les droits et devoirs des différentes parties. L'URBSFA devrait officialiser ces documents et sanctionner le non-respect de cette réglementation.

d) l'URBSFA doit pouvoir être rendue coresponsable lorsque des points du règlement de la FIFA ne sont pas respectés. Selon M. Leman, cette question devrait être réglée de préférence par les pouvoirs publics, car l'URBSFA ne fait pas le poids face à la ligue professionnelle;

e) il faut veiller scrupuleusement à ce que les jeunes aient au moins 18 ans avant d'obtenir un contrat; il en va de même des formules intermédiaires par lesquelles on veut les attirer chez nous avec des projets d'apprentissage à temps partiel (le RWDM, par exemple, voulait acceuillir de cette façon 40 Coréens de 16 à 18 ans);

f) il faut uniformiser la réglementation relative à la participation des joueurs non européens aux matches officiels. Il convient d'instituer une réglementation qui limite à trois le nombre de joueurs non européens alignés dans les matches officiels, étant donné que cette réglementation est déjà en vigueur dans la plupart des pays européens.

En guise de conclusion, M. Leman résume la situation de la Belgique comme suit : la possibilité d'aligner un nombre illimité de joueurs non membres de l'UE et le niveau peu élevé des salaires font de la Belgique une plaque tournante. Le caractère limité des contrôles effectués ne permet pas d'y faire obstacle.

2.1.1.2 Exposé introductif de M. Thierry Lhoir, secrétaire du Conseil consultatif pour l'occupation des travailleurs étrangers

À la suite de la publication des propositions du Centre pour l'égalité des chances, la ministre de l'Emploi a demandé au Conseil consultatif pour l'occupation des travailleurs étrangers de donner un avis sur ces propositions. M. Lhoir signale en passant que ce conseil, institué en 1992, est chargé légalement de donner un avis lorsque la ministre de l'Emploi prend des arrêtés d'exécution de la loi relative à l'occupation des travailleurs étrangers. En l'occurrence, ce n'est pas un avis formel qui était demandé sur un projet de texte d'arrêté royal : c'était un avis comme le conseil peut en donner sur des sujets qui le concernent, dans ce cas-ci sur les propositions du Centre pour l'égalité des chances.

Ces propositions ont été à l'ordre du jour de deux réunions du conseil. Celui-ci est composé de représentants de divers ministères concernés par les questions d'immigration (Intérieur, Affaires étrangères, Emploi et Travail, Affaires sociales), de représentants des partenaires sociaux (syndicats et employeurs), de représentants des régions et d'un représentant du Centre pour l'égalité des chances. Si la réglementation de l'occupation des travailleurs étrangers relève du pouvoir fédéral, l'application des normes, d'après la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, relève de la compétence des régions. Ce sont les régions qui octroient le permis de travail et les autorisations d'occupation des travailleurs étrangers.

Lors de ses discussions, le conseil consultatif a abouti à un avis quasi unanime, favorable à la proposition du Centre pour l'égalité des chances concernant l'augmentation du salaire minimal requis pour octroyer le permis de travail aux sportifs professionnels étrangers. Il est apparu également, peut-être davantage qu'une question de réglementation proprement dite, qu'il s'agit surtout d'une question de contrôle. Il y a également des recommandations plus techniques. Le conseil a proposé l'établissement d'un contrat type pour les sportifs professionnels. Il a également demandé que la Commission paritaire nationale des sports soit consultée.

Des discussions proprement dites, il ressort qu'il y a toutefois quelques hésitations. Il pourrait y avoir quelques problèmes surtout en ce qui concerne la réglementation qui traite des sportifs professionnels en général; certaines fédérations sont souvent moins prospères que celle des footballeurs en particulier. D'un point de vue juridique, la question s'est posée de savoir si on pouvait légitimement faire une discrimination entre le salaire des footballeurs, comme le propose le centre, et celui d'autres sportifs. M. Lhoir fait également observer que le montant repris actuellement dans la réglementation, même s'il est plus bas que dans certains pays voisins, a quand même été doublé par rapport à ce qu'il était avant le 1er juillet 1999, date de l'entrée en vigueur de la réglementation actuelle. À ce jour, l'administration n'a pas encore reçu du cabinet ministériel de l'Emploi des instructions formelles pour adapter la réglementation ou pour donner un suivi à ces propositions.

Le 25 octobre 2001 cependant, le président du conseil a écrit à la ministre lui signifiant que le conseil émet un avis positif sur la proposition d'augmenter le montant de la rémunération minimale pour l'octroi d'un permis de travail. Toutefois, le conseil suggère qu'à l'occasion de la fixation du nouveau montant, une attention particulière soit accordée au contrôle de l'application de la réglementation. Le conseil a constaté que même le montant actuel n'est pas respecté dans la pratique.

D'autres problèmes sont cités dans le rapport du Centre pour l'égalité des chances, comme la question des intermédiaires. Dans ces cas-là, la réglementation du bureau de placement payant est applicable. Cette réglementation relève de la compétence des régions. Le placement des travailleurs a été régionalisé, conclut ainsi M. Lhoir.

2.1.1.3. Exposé de M. Marc Gysels, secrétaire général adjoint de l'Union belge de handball, sur la réglementation de lutte contre la traite des êtres humains élaborée par la Vlaamse Handbalvereniging

M. Gysels précise qu'il est secrétaire général de l'aile flamande de la Fédération de handball et secrétaire général adjoint de l'Union belge de handball. Il s'agit d'une fédération scindée comme le sont la plupart des fédérations sportives.

M. Gysels précise, en guise d'introduction, que l'affiliation des joueurs et, en particulier, le système de licence relève de la compétence de la communauté sportive. La Vlaamse Handbalvereniging prend les décisions à propos des licences des joueurs flamands, y compris de ceux qui participent à la compétition belge. La ligue francophone prend les décisions à propos des licences des joueurs wallons. Il en va ainsi en ce qui concerne non pas seulement la Fédération de handball, mais aussi des autres fédérations sportives.

1. Calendrier.

La nouvelle réglementation a vu le jour à la suite des auditions qui ont été organisées au sein de la sous-commission « Traite des êtres humains » le 19 mars 2001. En mai 2001, la Vlaamse Handbalvereniging a reçu une circulaire officielle du ministre flamand de l'Emploi et du Tourisme, M. Landuyt, qui dénonçait clairement le problème de la traite des êtres humains dans le sport. De plus, il y a un an, les médias s'intéressaient beaucoup à la question.

Sur requête de M. Gysels, le conseil d'administration a chargé la cellule juridique, composée de trois juristes et de plusieurs collaborateurs, d'examiner le phénomène de la traite des êtres humains et les moyens de le combattre.

Au mois d'août 2001, un projet de réglementation a été soumis au cabinet du ministre flamand de l'Emploi. M. Gysels a aussi demandé à plusieurs sénateurs que cette réglementation soit évaluée. Ensuite, M. Gysels a repris les concertations avec les cabinets de l'Emploi et de l'Intérieur. La Fédération belge de basket-ball était aussi représentée à ces réunions avec les cabinets, tout comme la Fédération royale belge de volley-ball. À la fin du mois de novembre 2001, la nouvelle réglementation a été approuvée par le conseil d'administration de la Vlaamse Handbalvereniging.

2. Publication.

La réglementation est entrée en vigueur, pour la Vlaamse Handbalvereniging, le 15 décembre 2001 (après avoir été publiée le 5 décembre 2001). Cela signifie concrètement, selon M. Gysels, que, depuis le 15 décembre 2001, la réglementation est applicable à tous les nouveaux joueurs étrangers à affilier. On a donné à tous les joueurs déjà affiliés un délai allant jusqu'au 1er février 2002 pour se conformer à la réglementation. Cela signifie que les joueurs dont les clubs n'étaient pas en mesure de produire, au 1er février 2002, les documents réglementaires, étaient d'office privés du droit de jouer à partir de cette date. Il leur était donc interdit de s'aligner dans le cadre de la compétition.

3. Réglementation.

La réglementation veut notamment que le joueur non-ressortissant de l'UE ait un titre de séjour valable de plus de trois mois dans le Royaume. Cela vaut pour un réfugié politique reconnu comme tel, pour un candidat réfugié politique dont la demande a été déclarée recevable et pour un étudiant, dans le cadre du regroupement familial, sur la base d'une autorisation délivrée par le ministre compétent en application de l'article 9 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, ou en application de l'article 10, alinéa 1er, 2º et 3º, de la loi du 15 décembre 1980 (acquisition de la nationalité).

En d'autres termes, le titulaire d'un visa touristique ou d'un permis de séjour de moins de trois mois ne peut pas participer à la compétition belge de handball dans les clubs flamands. Les clubs flamands doivent présenter une preuve originale récente (elle ne peut pas dater de plus de quinze jours ouvrables avant la date de l'envoi recommandé de l'inscription au registre des étrangers), ainsi qu'une copie du permis de séjour de plus de trois mois.

Lorsque cette réglementation n'est pas respectée, deux cas sont possibles : des individus et des clubs peuvent demander à quelqu'un de signer une carte de membre. Tout membre de la Vlaamse Handbalfederatie qui demande à quelqu'un de signer et qui le fait en violation des dispositions précitées, risque immédiatement de se voir infliger une amende de 250 à 1 000 euros et d'être suspendu, d'être définitivement démis de toutes ses fonctions ou de voir son affiliation à la fédération supprimée ou rendue impossible. Le club auquel il est affilié est solidairement responsable du paiement de l'amende qui lui est infligée. Si un club demande à quelqu'un de signer une carte de membre en violation des dispositions précitées, l'amende sera évidemment un peu plus élevée : elle variera entre 500 et 10 000 euros.

M. Gysels précise que cela ne vaut que pour le cas où l'on a demandé à quelqu'un de signer une carte de membre. En d'autres termes, cela ne signifie pas encore que l'intéressé peut jouer. La Vlaamse Handbalfederatie reçoit la carte de membre signée, mais les intéressés ne peuvent pas encore jouer. Les joueurs ne bénéficient que d'une autorisation temporaire de jouer ou d'une autorisation de jouer jusqu'au terme de la période de validité de leur permis de séjour (pour les travailleurs, il s'agit de leur permis ou de leur carte de travail). Si on leur retire leur permis ou leur carte de travail, ils n'ont plus le droit de jouer.

En outre, la fédération a toujours le droit de demander des documents en vue d'examiner une affaire. Si le club ne répond pas dans les 15 jours, le joueur en question n'a plus le droit de jouer. La fédération n'est pas tenue de faire savoir à partir de quelle date un joueur n'a plus le droit de jouer. C'est le club lui-même qui a la responsabilité de le faire.

4. Perspective sous laquelle le problème se pose.

Enfin, M. Gysels soulève le problème des fédérations sportives organisées au niveau régional. Dans bien des fédérations qui ont été scindées, l'affiliation des joueurs relève de la compétence de la Ligue, et, plus précisément, de son aile wallonne ou de son aile flamande. Les joueurs en question participent ensemble à la compétition nationale, mais ils sont affiliés soit à la Ligue flamande soit à la Ligue wallonne.

Force est dès lors de se demander ce qui se passe si une aile de la Ligue respecte d'emblée la réglementation et l'autre non ou avec quelque retard. Les clubs flamands de handball ont estimé que la nouvelle réglementation est susceptible de favoriser la concurrence déloyale. Comme le seul objectif de la Vlaamse Handbalvereniging était de se conformer à la loi du 13 avril 1995 contenant des dispositions en vue de la répression de la traite des êtres humains au moyen de la nouvelle réglementation, celle-ci a été maintenue.

Le conseil d'administration de l'Union belge de handball a toutefois regretté que la Vlaamse Handbalbond ait agi seule.

M. Gysels attire quand même l'attention sur le fait que la Ligue wallonne est également convaincue de la nécessité d'une réglementation adaptée, si bien qu'elle appliquera la même réglementation dès que commencera la nouvelle compétition (en septembre 2002).

Le deuxième problème auquel M. Gysels s'est heurté au cours de l'élaboration de la réglementation est celui qui vient du fait que certains clubs ont des attitudes fondamentalement différentes à l'égard des clandestins. Certains clubs ont estimé que les fédérations sportives ont le devoir de proposer aux clandestins qui sont officiellement enregistrés de faire du sport. Selon M. Gysels, les personnes dont il s'agit en l'espèce ne remplissent pas les conditions prévues par la réglementation en vigueur. Les avocats des clubs en question déclarent qu'il était question de personnes qui étaient bel et bien enregistrées au CPAS, de personnes dont les besoins humains essentiels étaient bel et bien satisfaits et qui en avaient les preuves, mais qui ne pouvaient pas présenter celles-ci conformément à ce que prévoit la réglementation. Il y a donc un problème. Les clubs estiment que, comme ces personnes sont enregistrées officiellement, elles doivent pouvoir jouer. Selon M. Gysels, la cellule juridique de la Vlaamse Handbalbond estime que cette comparaison n'est pas valable. D'un côté, il est question des droits de l'homme ou de besoins humains et, de l'autre, de l'offre de possibilités de pratiquer un sport.

2.1.1.4. Exposé de M. Jean-Marie Philips, président de la Ligue professionnelle de football

M. Philips tient à préciser clairement certaines choses. La première, qui est essentielle, est qu'il ne représente pas la fédération, l'URBSFA (l'Union royale belge des sociétés de football association); il est le président de la Ligue professionnelle de football. C'est une ASBL qui fait partie de la Fédération de football et qui regroupe les dix-huit clubs jouant en Division I nationale.

Il est fait aujourd'hui un reproche essentiel de traite des êtres humains surtout dans le monde du football à cause du fait que le football est très populaire.

Depuis l'audition publique de la sous-commission du 19 mars 2001 au Sénat avec entre autres des représentants de l'URBSFA, certaines choses ont changé. M. Philips peut toutefois difficilement répondre aux griefs qui seraient faits par rapport à des promesses formulées in illo tempore et qui aujourd'hui n'auraient pas été tenues. Il peut uniquement informer les membres de la sous-commission sur la situation actuelle sur le plan du règlement de la Fédération belge de football et la manière dont la Ligue professionnelle de football l'applique.

En ce qui concerne le règlement de la Fédération de football, M. Philips explique qu'il y a des modifications essentielles qui ont eu lieu au cours de l'assemblée générale, et de 2000 et de 2001. Des mesures ont été prises à la suite des attaques et des reproches ­ fondés ­ que le public et la sous-commission ont formulés à l'encontre de certaines pratiques dans le milieu du football. La Fédération de football a ainsi introduit la licence de club professionnel ou de club rémunéré. M. Philips explique que dans une sémantique assez particulière au monde du football, il existe des joueurs professionnels, des joueurs non amateurs et des joueurs amateurs. Cette distinction a également ses influences au niveau de la rémunération et des règles applicables à la qualification de chacun de ces joueurs.

En ce qui concerne les amateurs, l'URBSFA prévoit aujourd'hui que tout non-ressortissant EEE-EU doit être inscrit dans le registre des étrangers, doit être reconnu comme réfugié politique ou comme candidat réfugié politique avant de pouvoir être affilié à la Fédération belge de football, faute de quoi ce joueur ne reçoit pas de licence et ne peut donc pas jouer au football en équipe première, donc des matches à qualification.

Les non-amateurs et les professionnels ont le système suivant : il leur faut impérativement présenter à la fédération un permis de travail, faute de quoi ils n'auront pas de licence et ne pourront donc pas jouer en équipe première, ni gagner leur vie en Belgique. Ce permis de travail est délivré tantôt par la Région flamande, tantôt par la Région wallonne, avec parfois quelques différences dans les procédures ou dans le respect des délais. Cependant, il y a une certaine uniformisation de la réglementation aujourd'hui, en ce qui concerne le football, tant en Flandre qu'en Wallonie et dans la Région de Bruxelles. À défaut de ce permis de travail, le joueur ne reçoit pas de qualification et ne peut donc pas jouer. Jusqu'à cette saison-ci, si un joueur était aligné sans licence, le club était passible d'une amende, quoique M. Philips lui-même ait demandé en assemblée générale que l'on change cela. Cette situation sera redressée en juin 2002. Non seulement le joueur sans qualification entraînera alors la perte des points pour son équipe, mais il se verra infliger une amende ainsi qu'au club employeur.

La délivrance du permis de travail est basée essentiellement sur l'allocation d'un salaire minimum légal pour un joueur étranger. L'arrêté royal du 9 juin 1999 fixant le montant du salaire minimum d'un joueur professionnel précise que c'est quatre fois le salaire minimum fixé par la loi du 24 février 1978 ou l'arrêté royal pris en exécution de cette loi. La Fédération belge de football va toutefois plus loin que le strict minimum. Pour les joueurs étrangers de plus de 18 ans et jusqu'à 23 ans, le salaire minimum réglementairement obligé est 5 fois le minimum et non pas 4 fois. Au-delà de 23 ans, le salaire minimum est de 10 fois le minimum réglementaire. Il s'agit, selon M. Philips, d'une mesure positive prise au sein de la fédération, à la demande insistante de la Ligue professionnelle et pas toujours au grand bonheur des autres divisions qui, ayant moins de moyens que la première division, se voient ainsi privées d'une certaine source d'approvisionnement en joueurs étrangers.

M. Philips signale que la FIFA a conclu un accord avec les fédérations qui existent dans la Communauté économique européenne. Le reproche selon lequel l'URBSFA ne respecte pas le règlement de la FIFA, est facilement explicable, selon M. Philips, pour une raison purement chronologique. Le règlement de la FIFA a été voté à Buenos Aires le 5 juillet 2001 pour entrer en application le 1er septembre 2001. La Fédération de football n'a pas l'habitude, explique M. Philips, de changer les règles du jeu pendant la partie ni d'imposer les règles de la belote quand on joue au poker. Par conséquent, les dispositions utiles sont prises pour qu'en juin 2002 il y ait une transposition quasi intégrale des règles de la FIFA dans le règlement fédéral belge. Les nouvelles règles essentielles de la FIFA prévoient une interdiction de transfert international pour tout joueur âgé de moins de 18 ans, avec une exception dans l'Espace économique européen. Là, on peut transférer à partir de 16 ans à condition que le pays d'accueil soit légalement autorisé à offrir un contrat de travail à un garçon de 16 ans de Belgique. La loi sur le contrat de travail considère comme majeure à partir de 16 ans, la personne désirant conclure un contrat de travail. La Fédération du football est d'avis que si un apprenti boucher peut signer un contrat à 16 ans, il n'y a pas de raison pour qu'un apprenti footballeur ne puisse pas signer également un contrat. Hors Europe, une interdiction formelle de transfert existe en dessous de 18 ans, sauf en cas de regroupement familial ou dans l'hypothèse où toute la famille vient habiter en Belgique.

En Europe, les footballeurs ressortissants de l'UE peuvent conclure un contrat de travail à partir de 16 ans. Il s'agit là d'une disposition particulière convenue au sein de la Commission paritaire nationale des sports. Ce ne pourra être alors qu'un contrat à temps partiel parce qu'en Belgique, de 16 à 18 ans, une obligation scolaire partielle doit être respectée. Il est donc impossible et interdit de donner à un joueur de 16 ans un contrat de professionnel à temps plein. On peut peut-être le payer comme un joueur à temps plein, mais il ne peut en tout cas prester qu'un maximum moyen de 80 heures par mois en faveur de son club employeur.

Afin de savoir si le salaire minimal est maintenu, M. Philips estime qu'un véritable contrôle de l'Inspection du travail est nécessaire. À l'heure actuelle, M. Philips constate malheureusement un certain laxisme de la part des autorités et ce contrôle est transposé sur les fédérations. Ce n'est pas la tâche des fédérations, selon M. Philips.

Si un gendarme à l'aéroport de Zaventem voit débarquer 15 Africains qui prétendent être tous footballeurs professionnels, il semble à M. Philips qu'il devrait quand même être vigilant. Si les autorités contrôlaient mieux l'entrée du territoire belge, ce serait un premier obstacle à d'éventuelles dérives dont les clubs se rendraient coupables.

À la question de savoir si l'Union professionnelle de football est contractuellement engagée dans le cadre d'un contrat d'un joueur, M. Philips répond qu'il a établi un contrat type de joueur professionnel et non amateur qui, en division I, est suivi par l'ensemble des clubs. Il n'en est pas le seul auteur; il en est le cogéniteur avec une série de cabinets d'avocats. Ce contrat type est d'ailleurs remis aux syndicats ou aux représentants des employés au sein de la Commission paritaire nationale pour les sports. Dans ce contrat, l'obligation d'identification d'un intermédiaire est mentionnée en cas d'intervention de ce dernier et, pour la Région flamande, son numéro d'accréditation doit être noté, puisque là il y a encore une formalité particulière à accomplir par rapport aux Régions wallonne et bruxelloise. Il est évident que si un club ne déclare pas l'intervention de l'intermédiaire, la Fédération de football n'a aucun contrôle. En tout cas, les clubs ont l'obligation de le faire avec des sanctions pécuniaires à la clef, dans l'hypothèse où quelque chose de déplacé devait se produire.

En ce qui concerne la demande de limiter la période de test qui est une période dangereuse, M. Philips répond ce qui suit. Il ressort de l'accord entre la FIFA et l'UE que la période de test sera limitée fatalement, puisqu'il n'y aura plus, en Belgique, que deux périodes fixes de transfert, allant du 1er juin au 31 août, et la période hivernale du 1er janvier au 31 janvier de chaque année. En dehors de ces périodes, il sera impossible de qualifier ou d'enregistrer un joueur. Il y aura donc moins de mouvements perpétuels. Aujourd'hui on peut quasiment affilier quelqu'un jusqu'au 31 mars, en tout cas en première division, et jusqu'au 31 décembre dans les autres divisions nationales.

À la question de savoir pourquoi la Fédération belge de football n'applique pas le règlement de la FIFA en ce qui concerne les intermédiaires, M. Philips répond que la Fédération belge de football applique un contrôle des critères à respecter. La Fédération demande également, dans le cadre d'intermédiaires reconnus par l'autorité et travaillant en Flandre, qu'ils soient enregistrés par les pouvoirs publics flamands pour être acceptés comme étant des intermédiaires autorisés à exercer leurs activités dans la Région flamande.

M. Philips déclare qu'il n'est pas du tout contre la différenciation entre les communautés. Mais il se demande quand même pourquoi les pouvoirs publics flamands imposent aux intermédiaires des obligations qui compliquent la vie du club désireux de travailler avec des intermédiaires. Des intermédiaires, il y en a toujours dans le monde du football. Les clubs sont en outre souvent confrontés à des intermédiaires étrangers qui sont tenus de passer par un intermédiaire flamand reconnu.

Quant à la limitation du nombre de joueurs, M. Philips se déclare un fervent partisan d'une telle mesure. Il y a cependant un problème : limiter le nombre de joueurs peut aussi poser un problème au niveau de l'égalité des chances. Dire qu'on ne peut aligner que cinq ou six nationaux avec quatre ou cinq communautaires ou extra-communautaires, pose un problème :

1) de droit, lorsqu'il s'agit de ressortissants de l'Union européenne qui ont les mêmes droits que les Belges;

2) de limitation « d'immigration » de joueurs non ressortissants de l'Espace économique européen à qui on ne donne pas les mêmes chances pour arriver à réaliser leurs prestations.

Toutes les parties doivent avoir les mêmes chances. Par exemple, si on demande de payer 5 millions à un joueur de football de 18 ans, non-ressortissant de l'Union européenne, il y a là une discrimination envers les Belges pour lesquels il n'y a pas l'obligation de payer 5 millions. Mais si les clubs étaient obligés de payer 5 millions à chacun, ils iraient droit à la faillite.

L'« égalité des chances » a, selon M. Philips, un côté positif et un côté négatif. Un côté positif, dans le sens où il faut permettre aux pays en voie de développement d'avoir en Europe des ressortissants qui peuvent améliorer leur vie.

Il estime qu'il faut donner aux jeunes étrangers l'occasion de gagner correctement leur vie ici, mais il ne faut pas non plus discriminer les ressortissants belges par rapport à eux et ne pas placer la barre trop haut. Pour des raisons économiques, la fédération ne pourra pas continuer à exercer sa fonction d'employeur.

M. Philips termine ainsi son intervention. Il souligne qu'il n'est ni le défenseur ni le porte-parole de la Fédération. Il laisse cet honneur au président et au secrétaire général de la Fédération.

2.1.2. Échange de vues

M. J.-M. Dedecker précise que si la sous-commission s'intéresse en particulier au football, c'est pour coller à la réalité. Le football représente 70 % des emplois dans le monde du sport, contre 21 % pour le basket-ball et 7 % pour le volley-ball. Il souscrit sur un grand nombre de points aux déclarations de M. Philips, mais ne peut admettre l'inégalité de traitement entre les sportifs des différentes disciplines. M. Dedecker estime qu'il faut tracer les contours du cadre général : le football est la plus grande exception à l'arrêt général de l'immigration en Europe.

C'est précisément pour lutter contre les abus que le barème a été majoré dans le monde du football. M. Courtois, qui était à l'époque secrétaire général de l'URBSFA, a déclaré l'an passé devant la sous-commission que le chiffre de quatre fois le salaire de base était même ridiculement bas. L'URBSFA et la Ligue professionnelle se sont donc assises à la table des négociations pour augmenter ce montant. On a alors cherché une solution intermédiaire que l'assemblée générale de la Ligue professionnelle a toutefois apparemment rejetée.

M. Philips précise que l'instance compétente en cette matière est l'assemblée générale de la fédération. La Ligue professionnelle n'a absolument pas le pouvoir d'imposer quoi que ce soit au sein de la fédération. Elle n'a qu'un droit de véto.

M. J.-M. Dedecker estime en outre que les choses n'ont guère changé depuis l'an passé, ni au niveau des situations constatées, ni au niveau des joueurs, etc. On dénombre actuellement 22 dossiers judiciaires qui ont été ouverts pour faits de traite des êtres humains sur la personne de joueurs. Ces joueurs sont hébergés dans les centres d'accueil Payoke, Pag-Asa ou Sürya. Les clubs de première et de deuxième division totalisent quelque nonante joueurs africains.

M. Dedecker veut surtout dénoncer le manque de contrôle. Le laxisme dont l'URBSFA fait preuve dans cette matière est trop facile. Lorsqu'un club engage un joueur d'origine étrangère, l'Union envoie une carte grise à signer par le club et par le joueur, sur laquelle doit être indiqué que ce dernier est en règle par rapport aux nouveaux contrats de travail mentionnant une somme de 4 ou 10 fois le montant. Ce document est renvoyé à l'Union qui le valide avant de le renvoyer au club. Ce système est source de nombreux abus.

Pour étayer ses affirmations, M. J.-M. Dedecker présente à M. Philips quatre contrats de clubs qui ont engagé des joueurs croates dont les contrats sont totalement contraires au droit selon l'intervenant. Il s'agit de contrats de travail d'un montant de 56 000 francs (1 388,2 euros) par mois, qui ont été conclus l'an passé. Ces contrats ont été avalisés par l'URBSFA. Les joueurs en question ont tous reçu une carte de travail et la licence de footballeur professionnel. Or, selon M. J.-M. Dedecker, ces contrats ne sont pas du tout en règle du point de vue juridique. Il s'interroge à présent sur le contrôle que la Ligue professionnelle exerce sur ces joueurs. Pour éviter les dérives, l'URBSFA devrait éplucher ces contrats conclus avec des joueurs hors UE.

M. Philips réplique que si ce joueur gagne 56 000 francs (1 388,2 euros), le minimum légal est respecté. Les contrats ne sont pas notifiés à la Ligue. La Ligue professionnelle n'est qu'une ASBL créée au sein de l'Union belge de football. En d'autres termes, c'est l'Union belge qui est responsable.

Il ajoute qu'à partir de l'année 2003 tous les contrats conclus par les clubs de la Ligue professionnelle seront communiqués à la Ligue. La Ligue a fait sa police intérieure, indépendamment de la Fédération. On reproche à la Ligue une certaine volonté d'autonomie ou de séparatisme par rapport à la Fédération, mais il est des matières pour lesquelles la Ligue doit prendre son sort en mains, parce que la Ligue estime qu'elle n'est pas suffisamment secondée.

Cependant, lorsque la Fédération reçoit la copie du permis de travail d'un joueur non ressortissant de l'UE, il n'y a pas de raison que la Fédération refuse la licence, puisque c'est à l'organisme qui remet le permis de travail d'effectuer le premier contrôle.

Depuis que le ministre flamand de l'Emploi et du Tourisme, M. Landuyt, est intervenu, on a aussi entrepris des contrôles en Wallonie et à Bruxelles. Il y a aujourd'hui deux clubs de division 2 qui n'obtiennent pas leur licence. Le parquet fédéral a été chargé d'une enquête au sein de ces deux clubs, pour examiner si tous les contrats des non-ressortissants EEE sont conformes à la loi. S'ils ne la respectent pas, ces deux clubs seront dégradés en division 3. Le contrôle a donc débuté. Il est peut-être tardif, mais le monde du football est un organe difficile à mettre en branle, selon M. Philips.

La Ligue professionnelle comprend parfaitement les observations de M. J.-M. Dedecker et fera le nécessaire pour régulariser la situation. Elle préfère en effet que le législateur ne le lui impose pas.

M. J.-M. Dedecker se réjouit du nouvel élément, à savoir qu'à l'avenir, le texte même des contrats sera contrôlé. En ce qui concerne le contrôle des intermédiaires, l'absence de décret les concernant en Wallonie et à Bruxelles pose problème à ses yeux. La conséquence en est que même pour transférer un joueur de Bruges au Standard de Liège, il faut déjà recourir à deux intermédiaires, ce qui peut susciter des difficultés. Le contrôle antidopage est confronté à une situation similaire. Il existe déjà un décret sur le dopage en Région flamande depuis 1989. Il en existe un en Wallonie depuis le 8 mars 2001, mais le premier contrôle antidopage se fait toujours attendre.

M. J.-M. Dedecker pose encore une question à M. Philips sur le droit de prêt. Le travail n'est pas une marchandise, dit le professeur Blanpain, spécialiste en droit du travail; sinon, on pourrait parler de trafic d'êtres humains. Il existe encore, dans le monde du football, une coutume qui consiste, pour les clubs, à se prêter des joueurs et se transmettre les contrats. Juridiquement, ce n'est pas régulier. Le club prêteur doit rester l'employeur du joueur et payer la rémunération.

Le président, M. Wille, explique que c'était le cas des clubs de Lokeren et Sint-Niklaas.

M. Philips réplique que le prêt n'est de toute façon pas interdit; il est possible de prêter si l'on respecte certaines dispositions légales. Un club a la possibilité de céder provisoirement un joueur, avec suspension de son contrat. Un nouveau contrat est alors conclu avec le nouveau club. Les deux clubs restent solidairement responsables du paiement des rémunérations et le joueur peut retourner chez son premier employeur s'il marque son accord. On ne peut jamais contraindre quelqu'un à aller travailler ailleurs. S'il existe entre l'ancien employeur, le nouvel employeur et le joueur un accord tripartite qui prévoit que ce dernier ira jouer pendant un an dans le club X, où toutes les obligations sociales et fiscales seront respectées et garanties par le premier employeur, rien ne s'y oppose, à condition que l'inspecteur de l'Inspection du travail soit averti.

Il ajoute que la Commission nationale paritaire des sports prépare une CCT qui arrêtera les dispositions et les conditions prévoyant qui doit être averti et dans quelles conditions le prêt pourra être effectué. Des clubs comme Anderlecht, Bruges ou le Standard ont 42 joueurs sous contrat, parmi lesquels il n'y en aura de toute façon que 11 qui pourront jouer, avec 7 réserves. Le joueur classé vingt-cinquième a sans doute intérêt à être éventuellement prêté à un autre club. C'est aussi un moyen de permettre au joueur d'entretenir sa vigueur ou sa puissance de jeu. Toutefois, le prêt contre paiement est interdit. M. Philips a lui-même rédigé une circulaire à ce sujet à l'intention des clubs. Selon lui, le prêt dans le respect de l'accord entre les trois parties n'est pas illégal, à condition de respecter les dispositions de la loi de 1987.

M. Hordies voudrait revenir sur la question de M. Leman concernant le fait de savoir si les problèmes dans le football sont de la traite ou non. Il se demande encore quels sont les éléments qui indiquent qu'il s'agit de traite, d'esclavagisme ou plutôt d'une sorte de business, de concurrence déloyale, de salaires de bas de gamme... Est-ce que, par exemple, les jeunes qui arrivent se sont endettés ­ ou leur famille ­ de telle manière qu'ils sont prisonniers de leur situation ?

M. J.-M. Dedecker affirme qu'il y a une quinzaine de personnes dans les centres d'accueil Pag-Asa et autres. Quelle est la situation ? Quand ces jeunes n'obtiennent pas de contrat, se retrouvent-ils dans des réseaux de criminalité ? Que se passe-t-il quand ils n'ont plus de contrat, par exemple ?

En mars 2001, la sous-commission a reçu une délégation du Brésil d'une commission d'enquête brésilienne. Selon eux, la Belgique est en effet une plaque tournante quant à l'arrivée de jeunes ­ et surtout de jeunes footballeurs. La délégation a parlé de camps d'entraînement subventionnés par des clubs européens de renom, qui permettaient d'amener des jeunes qu'ils estimaient être intéressants.

Il rappelle que M. Philips disait que cela donnait à des jeunes des pays pauvres l'occasion de sortir de leur condition et de travailler. C'est un argument, encore faut-il savoir dans quelles conditions ils peuvent le faire. On peut prendre une main-d'ouvre étrangère dans la mesure où on n'a pas les possibilités de la trouver sur place, et dans certains secteurs il y a des lacunes. Y a-t-il une disparité de traitement par rapport à la possibilité d'engager dans le secteur sportif des travailleurs et dans d'autres secteurs non ? Comment cela s'explique-t-il ? On a aussi parlé des joueurs du Sud; y a-t-il également des arrivées des pays de l'Est ?

Le président, M. Wille, signale que les chiffres pour la Région flamande (pour l'année 2000) existent. 43,57 % ­ soit 105 sur 241 ­ des sportifs étrangers hors UE en Flandre ont une carte B et sont issus des pays de l'Est.(5)

M. Gysels précise que la Vlaamse Handbalvereniging applique le principe suivant lequel, lorsque ce n'est pas absolument nécessaire, on évite d'apporter des modifications au règlement en cours de compétition. Sinon, tous les clubs devraient constamment vérifier si quelque chose n'a pas été modifié et ainsi de suite. La principale motivation pour procéder malgré tout à une modification du règlement était que, s'il devait y avoir une action en justice et si des contrôles devaient être effectués, etc., la fédération, c'est-à-dire le secrétaire général, pourrait être tenue pour responsable par le juge. Pour M. Gysels, le fait que la Ligue francophone de handball n'a pas suivi en l'espèce la Vlaamse Handbalfederatie est l'affaire de la Région wallonne. Comme la compétition est organisée au niveau belge, certains clubs ont cependant parlé de concurrence déloyale.

Dans beaucoup de sports d'équipe, on joue des playoffs. On a une compétition régulière et ensuite, il y a les playoffs. En fait, c'est à ce moment-là que les prix sont vraiment distribués. On observe alors le phénomène suivant lequel un club qui parvient à attirer l'un ou l'autre bailleur de fonds ou sponsor, trouve encore un peu d'argent entre la fin de la compétition ordinaire et le début des playoffs et va chercher deux joueurs dans l'est ou le sud de l'Europe ou dans d'autres pays où se trouvent de bons joueurs. Les clubs wallons pourraient alors le faire, tandis que les clubs flamands ne pourraient pas le faire aussi facilement.

Le président, M. Wille, désire savoir si certains joueurs ont disparu de la compétition en raison de l'adoption du nouveau règlement.

M. Gysels répond, à titre d'illustration, que le meilleur tireur, qui jouait chez Initia Hasselt, a disparu de la compétition et qu'Initia Hasselt a été contraint de jouer dans les play-downs par la suite. Le joueur concerné a disparu de la compétition belge de hand-ball.

M. Gysels reconnaît qu'adopter les nouvelles dispositions réglementaires en cours de compétition n'a pas été évident du point de vue sportif.

Quant aux règles de jeu et de cohérence, il estime que celles-ci se situent ­ en tout cas pour l'Europe ­ au niveau de l'UEFA. Il faudrait un accord entre les différents pays. Si un pays applique des règles totalement différentes, il va de soi que celui-ci peut devenir la cible d'abus lorsqu'il est isolé.

Mme Lizin rappelle les textes de M. Rebello de la commission Nike du parlement brésilien, qui a soulevé un problème qui se posait par rapport à l'enfance au Brésil et qu'il a appelé des « trafics de mineurs ». On peut estimer que c'est ou non de la traite. À ce titre, on peut également parler de traite à propos de ceux qui partent du Bénin pour aller travailler en Côte d'Ivoire. Un enfant qui ne connaît que la pauvreté va estimer que le fait d'être une vedette de foot est une excellente chose. C'est le modèle qui peut être proposé à toute la pauvreté dans le monde. Il n'empêche qu'on ne peut pas accepter du trafic de mineurs à de telles fins.

La commission brésilienne faisait la différence entre deux niveaux d'exploitation. Des enfants de 12 à 18 ans qui ont une autorisation de la famille, qui voyagent et qui, ou conviennent, ou ne conviennent pas et sont renvoyés à leur famille, se font adopter, etc. Quand on connaît le nombre d'enfants sans famille au Brésil, on imagine qu'il y en a beaucoup pour qui la question ne se pose même pas, dit Mme Lizin.

Par contre, la situation diffère quand ils deviennent « bons ». La commission citait le club « Inter » de Milan qui a des hommes au Brésil qui s'occupent uniquement de l'organisation des camps d'entraînement physique et de la sélection de bons joueurs. Il a été démontré qu'il s'agit également d'un blanchiment d'argent : on leur fait un don en échange d'autre chose.

L'utilisation de l'abus se situe également là, puisqu'on leur demande de remettre une partie de leurs gains.

Le problème ne se limite pas au football, il touche également le basket-ball, par exemple. Il existe un intérêt anormal de firmes pour ce genre d'événements. En pratique, on croit que la firme dépense de l'argent pour le basket ou pour le foot mais en réalité elle en ramasse. Elle utilise les « petits » qu'on amène dans ce milieu et leur conseille de déclarer un gain supérieur à la réalité en disant que, sinon, ils n'auront rien. Le jeune va évidemment accepter.

Selon Mme Lizin, cela se passe partout, et sûrement pas uniquement d'un côté de la frontière linguistique : ce reproche, elle ne peut pas accepter. C'est le droit des Wallons de ne pas faire de règlements s'ils n'en veulent pas. Il est normal qu'il y ait des réglementations différentes dans un pays défédéralisé. Mme Lizin n'accepte pas que ce soit considéré comme de la concurrence déloyale.

Mme Lizin en revient à l'utilisation de jeunes pour blanchir de l'argent. Elle voit beaucoup de firmes qui peuvent être employeurs de ces gens. N'est-ce pas également un petit trafic ­ qui s'applique à des niveaux inférieurs à la première division, bien sûr ­ pour disposer de gens pour effectuer des travaux d'ordre personnel ? Elle se demande si généralement ces personnes ne deviennent pas aussi des gens de maison pour une série de patrons d'entreprises privées. Ceux qui y arrivent parviennent parfois à créer de petites entreprises, mais ce n'est pas toujours le cas. En réalité, presque tous passent par une période d'illégalité en travaillant au noir pour pouvoir survivre.

De l'avis de Mme Lizin, c'est la FIFA qui doit se poser de véritables questions par rapport à ses clubs ­ et pas seulement les Européens. Il faut qu'on arrive à convaincre chque niveau d'appliquer des règles mondiales parce que le football ­ et dans une moindre mesure le basket ­ sera toujours un énorme pôle d'attraction pour des jeunes issus de milieux pauvres. Au club de basket de Huy, par exemple, on ne parle aucune langue commune ­ c'est déjà rare d'y rencontrer quelqu'un qui parle anglais. Ce sont purement des show men et cela n'a plus rien à voir avec le sport. Et c'est ça qui continue à intéresser des entreprises ! Elle n'est pas prête à accepter un raisonnement sportif.

Mme Bouarfa estime qu'à la question de savoir s'il s'agit bien dans le sport de traite des êtres humains ou non, sur la base de tout ce qui a été dit dans les milieux sportifs ou dans la presse, on ne peut que répondre par l'affirmative puisqu'il s'agit d'exploitation et que les règles appliquées à des joueurs belges ou européens ne sont pas les mêmes dès lors qu'il s'agit de personnes venant de pays plus pauvres. Pour elle, il s'agit bien là de traite des êtres humains.

Sur la problématique de l'augmentation de la rémunération, Mme Bouarfa s'adresse à M. Lhoir. Dans l'avis du Conseil consultatif des travailleurs étrangers, on parle d'une augmentation, selon l'article 9 de l'arrêté royal du 9 juin 1999, qui passerait de 1 148 500 francs (28 470,57 euros) à environ 2 millions de francs (49 578,70 euros). Il s'agit bien là de la réglementation en vigueur pour l'occupation d'un travailleur étranger, dans n'importe quel secteur et concernant la première rémunération. Si elle a bien compris, cette réglementation s'applique à n'importe quel travailleur, dans tous les secteurs d'activités. Lorsqu'elle entend parler de transferts et des millions alloués à certains sportifs, elle se demande s'il y a bien lieu de légiférer sur la réglementation qui existe actuellement pour des travailleurs « normaux ». Elle pense qu'il faut envisager la situation dans son contexte et agir en fonction.

Mme Bouarfa souhaite savoir si les mêmes problèmes se posent pour les Nigérians dans le domaine du football.

Par contre, à M. Philips, Mme Bouarfa réplique simplement qu'il peut réunir toutes les assemblées générales qu'il veut, proposer ou modifier ses règlements, mais qu'en matière d'occupation de travailleurs étrangers, la législation actuellement en vigueur doit être appliquée.

En ce qui concerne les visas, qu'ils soient touristiques, pour des séjours plus ou moins longs ou pour des stages, la législation actuelle est très claire. Les demandes de permis de travail doivent être respectées. Il y a plusieurs types de permis. On peut ainsi demander un permis A qui, dans un premier temps, permet l'établissement définitif de la personne et lui permettrait, à un moment donné, de jouir des mêmes droits que les joueurs belges ou européens.

Mme Bouarfa souhaite savoir à quoi M. Philips se réfère lorsqu'il parle du permis de travail à haute qualification et du salaire minimum.

Mme Willame-Boonen souhaite quelques précisions quant aux propositions de conclusions du Centre pour l'égalité des chances et pour la lutte contre le racisme. Lorsque M. Philips parle du contrôle de l'âge des joueurs non-ressortissants de l'UE, on constate qu'il y a souvent falsification de l'âge. Les jeunes qui arrivent en Belgique prétendent avoir 16 ou 18 ans, alors qu'en réalité, ils n'en ont que 12, 13 ou 14. Procède-t-on à un réel contrôle de manière médicale, par l'analyse du poignet par exemple ? Qui effectue ce contrôle et à qui envoie-t-on les résultats ? Ceci faisait l'objet d'une des propositions du Centre, à savoir le renforcement du contrôle médical par un examen de l'ossature en vue de déterminer l'âge réel du joueur et d'éviter sa falsification. Mais qui accomplira toutes ces formalités dans le monde du football ?

M. Wille, le président, précise que lors des contacts qu'il a eus personnellement avec l'URBFSA au cours de l'année écoulée, on a dit que l'Union belge elle-même était plutôt encline à suivre les recommandations du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, mais que c'est précisément la Ligue professionnelle qui s'y est opposée dès le début.

Il est vrai aussi que ce n'est pas au sein de la Ligue professionnelle qu'on constate le plus grand nombre de problèmes, mais dans les divisions inférieures, où il s'agirait en fait de trafic d'êtres humains. Par ailleurs, le président ne souhaite pas ­ outre son irritation ­ s'exprimer pour l'instant au sujet de l'absence de l'Union belge, mais il est évident qu'à la lumière de ce qui précède, on peut comprendre que s'ils avaient été présents, le nombre de questions relatives aux divisions inférieures aurait probablement été considérable.

M. Philips répond d'abord à l'attention de Mme Bouarfa que le salaire minimum dont il parlait, c'est-à-dire cinq fois le salaire minimum ou dix fois le salaire minimum, représente la somme d'à peu près 275 000 francs (6 817,07 euros) qui est fixée par arrêté royal et qui est le salaire minimum du footballeur rémunéré.

Le montant de 275 000 francs (6 817,07 euros) sera porté à 283 000 francs (7 015,39 euros) au 1er juillet 2002. Il faut pour un joueur non-ressortissant de l'Espace économique européen âgé de plus de 18 ans et de moins de 23 ans, payer quatre fois suivant la loi et suivant notre réglementation relative au football cinq fois. Et lorsque le joueur est âgé de plus de 23 ans, on doit le payer dix fois le minimum. La Ligue professionnelle va six fois plus loin que ce qui est prévu dans la loi actuelle sur le salaire minimum du travailleur étranger.

La Ligue n'a aucun pouvoir réglementaire ou législatif. Elle regroupe 18 clubs sur 2 200, ce qui lui donne une possibilité de véto, mais jamais celle d'imposer quelque chose. C'est un très beau statut, mais parfois gênant parce que lURBSFA ne fait pas ce que la Ligue veut.

M. Philips ignore d'où le président a appris que c'est la Ligue professionnelle qui a refusé certaines propositions formulées. Il souligne que c'est l'assemblée générale de la Fédération qui décide tout.

Un règlement existe à présent et impose de payer cinq fois le minimum ou dix fois le minimum suivant que l'on a plus ou moins de 23 ans et M. Philips tient à souligner que ce règlement n'a pu être établi qu'à la suite de négociations très fermes entre la Ligue professionnelle et les autres composantes de la Fédération qui, elles, étaient absolument contre quelque modification que ce soit.

En ce qui concerne le trafic au départ du Brésil et les camps d'entraînement, M. Philips explique que le camp d'entraînement est un endroit où les sportifs se réunissent pour s'entraîner et qu'il n'y a pas lieu d'y voir une connotation péjorative. Il est exact qu'il existe dans certains pays européens ­ personnellement, M. Philips ne connaît pas de tels types de camps d'entraînement en Belgique ­ des centres qui accueillent des Nigérians, des Brésiliens, des joueurs de l'Europe de l'Est, pour les mettre à l'entraînement et voir si, effectivement, il y a moyen de former ces jeunes et d'en faire des footballeurs professionnels. Qu'il y ait des accords de partenariat entre la Juventus Turin, Lisbonne et le Brésil, c'est certain, qu'il y en ait entre Benfica et le Brésil, c'est tout aussi probable, entre le Real Madrid et d'autres clubs en Afrique. Pourquoi pas, si c'est un rôle éducatif et tant que l'on ne touche pas à la traite des êtres humains. Ceci est un problème sur lequel M. Philips ne veut pas se pencher. Mais il est vrai qu'il existe des accords de partenariat. Il en existe en Belgique; sauf erreur de M. Philips, Lokeren a quelques accointances en Afrique pour aller chercher des joueurs. À Beveren, M. Gilloux fait également appel à une école de formation en Côte-d'Ivoire.

Là où M. Philips peut évidemment rejoindre Mme Lizin, c'est quand on exporte ou qu'on importe plutôt des jeunes de 12 à 18 ans, ce qui à présent devrait être interdit en application des règles de la FIFA et simultanément, des règles de la Fédération belge de football. La question est de savoir qui va contrôler si un joueur a triché sur l'âge ou pas. M. Philips ne connaît malheureusement aucun club dans le milieu du football professionnel qui soit à ce point bien organisé et qui ait un centre médical apte à contrôler ce genre de chose. La modification de la carte d'identité ou du passeport relève plus de l'individu lui-même et de l'autorité qui délivre ce passeport. Et il croit savoir qu'il n'y a pas que dans le milieu du football que certains problèmes de passeport se posent.

L'intervenant ajoute que, en préparant cette audition, il a relevé le cas particulier d'un ressortissant albanais qui se présente dans un club et demande à la Fédération belge de football d'être inscrit et d'être affilié. Aucun permis de travail et de séjour n'est joint à cette demande. Que fait la Fédération ? Elle la renvoie au club en lui demandant de présenter le permis de travail et l'identité du joueur; et le formulaire de la Fédération mentionne « Geen antwoord », donc affaire classée. Quelle n'est pas sa surprise en surfant sur l'internet local, de voir que ce même joueur se trouve à présent régulièrement enregistré à la Fédération sous une autre identité. Ceci pour dire que le contrôle ne peut se faire à la Fédération. Lorsqu'un deuxième cas se présente avec des papiers en ordre et un permis de travail en ordre au nom de M. X qui avant s'appelait M. Y, M. Philips a évidemment un petit problème !

M. Philips donne cet exemple simplement pour bien montrer que le football, comme toute organisation sportive, n'a que des compétences et des possibilités de contrôle limitées. La Ligue professionnelle est tenue de se plier aux documents officiels remis par les autorités. Donc le contrôle de l'âge et de la réalité de la situation lui échappe.

Il demande aussi si, lorsque dans un consulat ou une ambassade, quelqu'un vient demander un passeport pour un garçon de 17 ou de 18 ans, l'âge du demandeur est contrôlé. C'est au moment de la délivrance du visa que le contrôle de l'âge et de l'identité doit s'effectuer.

M. Philips revient à présent sur la remarque que faisait M. Hordies, concernant ce qui se passe lorsqu'un permis de travail est délivré et que le jeune arrive ici. La Fédération belge de football a instauré un nouveau système : le club qui fait venir un jeune joueur de l'étranger ne peut tester ce dernier qu'à la condition d'en avoir averti la Fédération et à charge pour le club de renvoyer ce joueur dans son pays à la fin du stage ou du test (si le résultat n'est pas jugé satisfaisant), de manière à éviter qu'il ne finisse dans des circuits parallèles ou qu'il ne sombre ensuite dans la délinquance.

Mme Bouarfa fait remarquer que l'employeur est obligé en tout cas de rapatrier la personne.

M. Philips répond que malheureusement, cette obligation n'était pas bien suivie dans le monde du football, mais c'est encore une avancée par rapport aux observations que la sous-commission avait formulées l'année dernière. M. Philips ajoute que, en ce qui concerne l'augmentation du salaire de base des joueurs, il a un problème d'ordre psychologique. D'un côté, on augmente le salaire de base et, de l'autre côté, le ministère des Finances donne une incitation à l'entrée des joueurs étrangers en disant qu'ils paient un tarif forfaitaire de 18 %, tandis que le Belge qui est en Belgique va payer suivant son salaire entre 32 et 52 % d'impôts. Il faut savoir ce que l'on veut. Ou bien on ne limite pas le nombre d'étrangers ou on opte pour une limitation, mais alors on va au bout du raisonnement et on n'incite pas les étrangers à venir.

M. Philips ajoute que la circulaire en question a été prise par le ministre des Finances à la demande des clubs de basket-ball. Dorénavant, elle sera également applicable aux joueurs de football. Des joueurs de clubs tels que Genk, Anderlecht, le Standard, ont donc élu domicile au-delà des frontières. N'étant plus résidents belges, ils paient par conséquent 18,50 % d'impôts.

M. J.-M. Dedecker admet que ce que dit M. Philips est exact, même s'il compare en partie des pommes et des poires. Lorsqu'un sportif étranger ou une sportive étrangère vient en Belgique, disons Mme Williams, joueuse de tennis, le fisc belge est tenu, en tant qu'organisateur de la compétition, de retenir 18 % à la source parce qu'il ou elle doit payer des impôts dans son propre pays. Du coup, les joueurs de football belges se font domicilier à Lille pour ne devoir payer eux aussi que 18 % en Belgique. On cherche des moyens de se soustraire à la législation sur la double imposition.

De telles initiatives sont toutefois de plus en plus critiquées; on les considère comme discriminatoires vis-à-vis des joueurs belges habitant en Belgique. Il n'en demeure pas mois qu'elles fournissent un moyen de régularisation.

M. J.-M. Dedecker estime qu'il importe de traiter tous les secteurs professionnels sur un pied d'égalité. Les footballeurs en provenance de pays extérieurs à l'Union européenne sont les seuls à pouvoir jouer dans un club avec un visa touristique. Ce qui vaut pour eux ne vaut pour aucune autre catégorie professionnelle.

M. Philips réplique que, normalement, on ne peut pas travailler en Belgique lorsqu'on n'est en possession que d'un simple visa. En effet, l'URBSFA demande aujourd'hui aux clubs qui engagent un joueur de produire également le permis de travail. Jusqu'à il y a quelques mois seulement, un visa touristique suffisait. Actuellement, si l'on veut obtenir une licence de footballeur professionnel ou de footballeur rémunéré, il faut produire un permis de travail, sous peine de ne pas être qualifié. Le club qui aligne un joueur sans permis de travail se verra infliger des amendes et perdra des points. Selon M. Philips, perdre des points de cette manière est la pire des choses qui puisse arriver à un club.

M. le président Wille souligne que l'Union belge de Handball a poussé la logique plus loin en interdisant l'usage d'un visa touristique.

M. Gysels précise que plusieurs éléments ont amené la Vlaamse Handbalvereniging à prendre cette décision. Premièrement, on a pu vérifier qu'il n'y avait pas « fraude ». Des personnes viennent en Belgique munies d'un visa touristique d'une durée de trois mois. Elles rentrent quelque temps dans leur pays d'origine et reviennent avec un nouveau visa touristique, ce qui n'est en fait pas permis par la loi. Entre la délivrance d'un premier et d'un second visa touristique, il doit normalement s'écouler un délai de trois mois. Deuxièmement, il y a aussi une raison d'ordre sportif. Lorsqu'on participe à une compétition, en équipe, c'est pour une saison entière. À quelle équipe aurait-on affaire dès lors qu'elle serait constamment modifiée ? Jadis ­ c'est moins fréquent de nos jours, selon M. Gysels ­, des joueurs de handball polonais retournaient quelque temps en Pologne puis revenaient munis d'un nouveau visa touristique. Or, la réglementation l'interdit.

M. Lhoir voudrait d'abord répondre à une question de M. Hordies. Le principe de base de la réglementation sur l'occupation des travailleurs étrangers est le suivant : le permis n'est accordé que s'il y a une pénurie de main-d'oeuvre dans un secteur déterminé. C'est l'article 8 de l'arrêté royal du 9 juin 1999 qui dit que l'autorisation d'occupation n'est accordée que s'il n'est pas possible de trouver parmi les travailleurs appartenant au marché de l'emploi un travailleur apte à occuper de façon satisfaisante et dans un délai raisonnable, même après une formation professionnelle adéquate, l'emploi envisagé. Mais ensuite, l'article 9 dit que, par dérogation à cet article 8, il n'est pas tenu compte de la situation du marché de l'emploi dans les cas suivants; suivent dix-sept catégories dont la onzième vise les sportifs professionnels pour autant que leur salaire atteigne un certain montant et également d'autres exemples. Il y a, à cet article 9, le sixièmement qui vise les travailleurs hautement qualifiés et le septièmement qui vise le personnel de direction et, dans ces deux cas aussi, la disposition en question fait référence à un montant de rémunération minimum qui est mentionné dans l'un ou l'autre article de la loi sur les contrats de travail.

Il est intéressant de noter, selon M. Lhoir, que, si le montant minimum pour le sportif professionnel est actuellement d'environ un peu plus de 1 100 000 francs (27 268,29 euros) et celui pour un travailleur hautement qualifié légèrement supérieur à 1 200 000 francs (29 747,22 euros), il n'y a donc pratiquement pas de différence entre le salaire minimum qui est requis pour l'octroi du permis de travail entre un travailleur hautement qualifié et le permis de travail pour un sportif professionnel. C'est un des arguments que l'on pourrait opposer à l'augmentation de ce salaire minimum.

M. le président, M. Wille, demande si l'administration attend la demande explicite de la ministre Onkelinx pour émettre un avis.

M. Lhoir répond que l'avis a été donné, mais que pour modifier le montant dans l'arrêté royal, l'administration attend les instructions du cabinet de la ministre de l'Emploi.

À la demande de M. Hordies et de Mme Bouarfa, M. Gysels explique pourquoi la Fédération de handball interdit aux demandeurs d'asile, qui bénéficient d'une aide d'un CPAS, mais dont la demande d'asile n'a toujours pas été déclarée recevable, de prendre part à la compétition de hand-ball.

Plusieurs clubs de hand-ball avaient envie de les affilier, mais lors de l'élaboration de la réglementation, le ministère de l'Intérieur a émis un avis négatif sur ce point.

Mme Bouarfa en déduit donc qu'à partir du moment où un demandeur d'asile n'a pas d'emploi, il n'y a rien qui s'y oppose et elle pense que la ministre Onkelinx l'a dit clairement : les sans-papiers et les demandeurs d'asile peuvent travailler. Donc, si un demandeur d'asile aidé par le CPAS, à un moment donné, a accès à une rémunération via le sport, il ne peut plus être aidé par le CPAS.

Mme Bouarfa estime que cela va de soi. À partir du moment où il a une autre source de revenus, il ne peut plus être aidé par le CPAS. Elle est d'avis qu'il faut donner la possibilité de sortir de la situation souvent précaire de demandeur d'asile, de réfugié ou de sans-papiers. Si le sport leur permet d'avoir accès à une vie tout à fait normale, elle ne s'y oppose pas.

M. Gysels réplique que le secteur sportif est partie demanderesse, mais qu'il attend aussi des directives claires de la part des pouvoirs publics. Ils peuvent jouer lorsqu'ils ont introduit une demande d'asile et que celle-ci a été déclarée recevable. Entre le moment où le demandeur d'asile introduit sa demande et celui où celle-ci est déclarée recevable, il peut s'écouler une longue période. Cela pose problème, tant pour le demandeur d'asile concerné que pour les clubs sportifs.

2.2. Audition publique du 6 mai 2002 :

­ de M. Jean-Paul Janssens, conseiller au cabinet de la vice-première ministre et ministre de l'Emploi;

­ de Mme Françoise Viatour, experte au cabinet de la ministre de l'Emploi et de la Formation de la Région wallonne;

­ de M. Eric Buyssens, conseiller, et de M. Michel Meert, attaché, au cabinet du ministre du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, chargé de l'Emploi, de l'Économie et de la Revitalisation des quartiers

2.2.1. Exposé introductif du président

Il y a environ un an, la sous-commission « Traite des êtres humains » a organisé des auditions de témoins privilégiés : joueurs de football originaires de pays extérieurs à l'Union européenne et représentants de l'URBSFA.

Le 29 avril 2002 a eu lieu une audition au cours de laquelle M. J. Leman, directeur du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, a présenté les 11 recommandations formulées dans le rapport annuel du Centre, daté de mai 2001, concernant la traite des êtres humains dans le sport. On a entendu également le secrétaire du Conseil consultatif de la main-d'oeuvre étrangère, et le secrétaire général adjoint de l'Union belge de hand-ball.

Le président estime fondée la critique de Mme Thijs, selon laquelle la sous-commission a attendu un an avant de formuler des recommandations mais il considère qu'il fallait d'abord donner le temps aux organisations concernées de mettre les choses en ordre. Il apparaît à présent que le secteur sportif n'est pas parvenu à se mettre d'accord et à décider lui-même des mesures à prendre.

Comme la compétence en matière d'emploi est partagée entre l'autorité fédérale et les régions, on a invité aussi bien les experts du ministre fédéral de l'Emploi que ceux des ministres régionaux de l'Emploi.

Le ministre flamand de l'Emploi, M. R. Landuyt, se fait excuser pour son absence à la réunion.

2.2.2. Exposé introductif de M. Jean-Paul Janssens, conseiller au cabinet de la vice-première ministre et ministre de l'Emploi.

La lutte contre la traite des êtres humains est plus que jamais une priorité. Les ministres de l'Emploi et des Affaires sociales ont décidé d'unir leurs forces et de développer des actions communes. En mai 2001 une protocole de coopération (6) en matière de traite des êtres humains, a été conclu entre l'Inspection sociale du ministère des Affaires sociales et l'Inspection des lois sociales du ministère de l'Emploi et du Travail.

Sur la base de ce protocole de coopération, une méthode de travail structurée et coordonnée a été développée pour mener au sein des divers arrondissements judiciaires des contrôles relatifs à l'occupation illégale des ressortissants étrangers. Dans chaque arrondissement judiciaire ou région, en moyenne une action de contrôle par mois est menée, de préférence dans un des secteurs exposés à la traite des êtres humains, c'est-à-dire :

­ restaurants exotiques;

­ entreprises de nettoyage;

­ entreprises agricoles et horticoles;

­ entreprises de récupération de chiffons;

­ ateliers de confection;

­ secteur de la prostitution.

Les deux services de contrôle disposent ensemble de 280 + 190, soit 470 personnes.

Les actions menées sont coordonnées avec les services de police, qui dépendent du ministère de l'Intérieur.

Chaque inspection a désigné un coordinateur fédéral qui, en collaboration avec les régions, organise les contrôles dans les arrondissements judiciaires. Cette coordination fédérale permet d'avoir une vue d'ensemble sur tout le Royaume.

Les deux services d'inspection sont devenus dans la plupart des arrondissements judiciaires des interlocuteurs privilégiés dans la lutte contre la traite des êtres humains. À ce titre, ils participent à des réunions périodiques de concertation rassemblant le Parquet, l'auditorat du travail et les services de police. Cette concertation est prévue à la suite de la circulaire COL.12/99 du Collège des procureurs généraux, avec pour objectif de coordonner les actions et enquêtes sur le travail au noir et autres infractions à la législation sociale qui peuvent éventuellement entrer dans le cadre d'un réseau de traite des êtres humains.

Le 4 mars 2002, les ministres Onkelinx et Vandenbroucke ont tenu une conférence de presse pour dresser un premier bilan, après quelques mois de fonctionnement du protocole de coopération : plus de 1 013 établissements ont été contrôlés, 1 862 personnes ont été contrôlées dont 426 indépendants et 1436 travailleurs. 845 travailleurs étrangers étaient employés légalement, 416 travailleurs étrangers étaient employés illégalement. 747 infractions ont été constatées.

Les enquêtes effectuées sont des enquêtes difficiles demandant beaucoup de temps et de main-d'oeuvre. Elles exigent beaucoup d'énergie pour la préparation, l'exécution et le traitement.

Le phénomène de l'exploitation économique ne peut pas être traité de la même manière que le travail illégal.

Il n'est pas évident, lors d'un contrôle sur un chantier, de savoir si la personne en question est exploitée économiquement ou pas. C'est n'est que la suite de l'enquête qui permettra de savoir si les conditions de l'article 77bis de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers ont été respectées.

Pour cette raison, les coordinateurs nationaux organisent des sessions d'information dans les arrondissements judiciaires avec les auditorats du travail pour expliquer l'importance des dossiers d'exploitation économique et pourquoi le but est des poursuites devant le tribunal correctionnel.

Le secteur de la construction et de la rénovation est un des secteurs les plus exposés à la traite des êtres humains.

M. Jean-Paul Janssens souligne que l'on a opté pour une approche globale. Bien que tous les secteurs aient été passés au crible, on a consacré une attention particulière aux secteurs plus propices à la traite des êtres humains. C'est la première fois que, dans la lutte contre la traite des êtres humains, les services de l'Inspection du travail réalisent des contrôles spécifiques de manière coordonnée.

En ce qui concerne le sport, M. Janssens souligne que ce secteur n'est soumis actuellement à aucun contrôle spécifique. Mais comme la plupart des autres secteurs professionnels, le secteur du sport fait aussi l'objet de contrôles spontanés et l'on examine les plaintes des travailleurs.

Le secteur du sport ne figure donc pas sur la liste des secteurs les plus propices à la traite des êtres humains. Le protocole de coopération entre l'Inspection sociale et l'Inspection des lois sociales, qui a tout juste un an, fera sans doute l'objet d'une évaluation. À cette occasion, on pourrait éventuellement ajouter de nouveaux secteurs à la liste des secteurs à contrôler par priorité.

En 1999, la vice-première ministre et ministre de l'Emploi et de l'Égalité des chances, Mme Onkelinx, a proposé son plan de lutte contre le travail au noir. Ce plan était articulé sur deux grands axes : d'une part, la prévention et, d'autre part, la répression. Ce plan a été adopté par le Conseil des ministres en octobre 1999. La mise en oeuvre du volet prévention a nécessité une discussion avec les interlocuteurs sociaux. Voilà plusieurs années qu'en France par exemple, le ministre compétent conclut des accords de partenariat avec des secteurs spécifiques. Le premier accord de ce type a été conclu avec le secteur de sociétés de déménagement.

Par le biais de ces accords, plusieurs secteurs sont associés activement à la lutte contre la fraude sociale et le travail au noir. Une des raisons pour lesquelles les secteurs sont prêts à participer à ces accords est que la fraude sociale et le travail au noir faussent la concurrence. La première évaluation de ces accords de partenariat, tels que ceux conclus en France avec le secteur des sociétés de déménagement, est positive. De plus, les interlocuteurs sociaux sont étroitement associés à la lutte contre le travail au noir, pour ce qui est tant du volet prévention que du volet répression. En cas d'ouverture d'une instruction judiciaire, le gouvernement demande en outre au secteur professionnel de se porter partie civile contre l'employeur qui occupe des travailleurs au noir. De cette manière, on donne véritablement à l'organisation professionnelle le statut de victime et d'ayant droit potentiel à des dommages-intérêts.

Le gouvernement belge est en train de reprendre à son compte la piste tracée par le gouvernement français. La vice-première ministre et ministre de l'Emploi et de l'Égalité des chances négocie actuellement avec le secteur de la construction en vue de conclure un accord de partenariat dans le cadre de la lutte contre le travail au noir. D'autres secteurs professionnels ont déjà fait savoir qu'ils étaient intéressés par cette approche, notamment le secteur des entreprises de nettoyage.

La ministre souhaite de cette manière conclure des synergies avec les travailleurs et les employeurs du plus grand nombre possible de secteurs professionnels en vue de lutter contre le travail au noir. C'est ainsi que des contacts ont été pris entre l'Inspection des lois sociales et le secteur du sport. On n'en est pas encore au stade de conclure un accord de partenariat, mais on s'est déjà mis d'accord sur un point concret, qui concerne l'affiliation des sportifs professionnels aux clubs sportifs. Il a été convenu que pour pouvoir s'affilier à un club, les sportifs professionnels doivent être titulaires d'un permis de travail. La première sanction prévue en cas d'infraction est une sanction sportive. Une sanction sportive touche davantage les clubs qu'une sanction administrative ou pénale. De plus, les sanctions sportives sont exécutoires immédiatement. Les sanctions sportives ont donc un effet nettement dissuasif contre le travail au noir.

En outre, on effectue aussi des inspections dans les clubs de sport.

On examine également les plaintes éventuelles des joueurs. On a ainsi examiné déjà des plaintes de basketteurs américains qui jouaient dans des clubs belges de première division. Il y a aussi bien des plaintes de joueurs amateurs que de joueurs professionnels.

L'Inspection sociale traite toujours ces plaintes de la même manière : on donne aux clubs en question l'occasion de se mettre en ordre avec la législation en vigueur; à défaut, on dresse un pro justitia, qui est transmis à l'auditorat du travail en vue d'éventuelles poursuites pénales. Si le dossier est classé sans suite, on inflige des amendes administratives.

Comme les régions sont compétentes pour la délivrance des permis de travail, il convient de collaborer avec les services régionaux. En général, cette collaboration se passe bien, selon M. Janssens. La transmission de l'information n'est difficile que quand le permis de travail est refusé. C'est regrettable, normalement les services fédéraux effectuent une inspection peu de temps après que le permis a été refusé.

À la suite de la publication des recommandations du rapport annuel de mai 2001 du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, la vice-première ministre et ministre de l'Emploi et de l'Égalité des chances a demandé à la Commission paritaire nationale des sports (CP nº 223) et au Conseil consultatif pour l'occupation des travailleurs étrangers d'étudier les propositions formulées par le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme en vue de modifier l'arrêté royal du 14 décembre 1999 fixant le montant minimal de la rémunération dont il faut bénéficier pour être considéré comme sportif rémunéré.

Cet arrêté royal est un arrêté d'exécution de la loi du 24 février 1978 relative au contrat de travail du sportif rémunéré. En application de l'article 2, § 1er, de la loi du 24 février 1978, le ministre est tenu de demander l'avis des partenaires sociaux.

La recommandation nº 5 du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme est rédigée comme suit : « Aujourd'hui, le salaire annuel minimum pour un contrat professionnel est de 1 082 256 francs (26 828,43 euros). Il conviendrait absolument d'augmenter ce salaire minimum pour les contrats professionnels en multipliant son montant par cinq afin d'arriver à un contrat professionnel annuel d'environ 5 millions de francs (123 946,76 euros). Cette réglementation aurait pour effet, dans un premier temps, de nous aligner progressivement sur les autres pays européens afin d'éviter que bon nombre de joueurs ne soient mis en dépôt dans un club belge par d'autres clubs européens. Dans un second temps, l'effet d'entonnoir dû au minimum salarial actuel en Belgique devrait disparaître et bon nombre de clubs belges cesseraient d'effectuer un trop grand nombre de transferts dans le but de trouver une main-d'oeuvre bon marché. »

Le Conseil consultatif pour l'occupation des travailleurs étrangers a émis un avis positif concernant cette proposition le 24 octobre 2001, ajoutant ce qui suit :

« Toutefois, le Conseil suggère qu'à l'occasion de la fixation du nouveau montant, une attention particulière soit accordée au contrôle de l'application de la réglementation. Il souhaite également que la notion de rémunération soit définie avec précision et, enfin, il y aurait lieu que soit joint à l'arrêté un contrat-type de sportif professionnel pour l'établissement duquel on peut se référer aux conventions conclues en Commission paritaire des Sports. »

Il ressort de l'avis que la Commission paritaire nationale des sports (CP 223) a émis le 22 janvier 2002 que les partenaires sociaux souhaitent également élargir la discussion. Voici les 5 points qui ont été retenus dans l'avis :

1. Une libre affiliation des ressortissants non-EEE, au sein de cercles sportifs, est garantie sous la condition que soient respectées les dispositions légales et réglementaires fédérales, régionales et/ou communautaires.

2. La pratique d'une discipline sportive sous le statut « non rémunéré » n'est autorisée que sous condition que soit produit un document officiel attestant de l'inscription du ressortissant non-EEE dans le registre des étrangers ou de la qualité de candidat-réfugié politique.

3. Le non-ressortissant EEE désireux de s'engager dans le cadre d'un contrat de sportif rémunéré ne pourra être affilié au sein d'une fédération sportive qu'à la condition que le club employeur produise un permis de travail en bonne et due forme répondant aux réglementations en vigueur en la matière.

4. La conclusion d'un contrat de travail répondra aux conditions et clauses reprises dans le contrat-type ci-joint.

5. Le sportif rémunéré non-EEE jouira au minimum des conditions et avantages salariaux tels que précisés par les dispositions légales et réglementaires régissant la matière. »

La Commission paritaire nationale des sports conclut son avis comme suit : « la Commission paritaire nationale des sports ne peut qu'appuyer et soutenir l'exercice des contrôles par l'autorité et recommander de sanctionner tout contrevenant à ces principes fondamentaux. »

M. Janssens souligne encore que les partenaires sociaux discutent toujours de la majoration du salaire minimum et des conditions de travail. La CCT qui règle les conditions salariales dans le secteur des sports expire toutefois le 30 juin 2002. En d'autres termes, les partenaires sociaux seront contraints de dégager un accord sur un nouveau salaire minimum au sein de la Commission paritaire nationale des sports. M. Janssens attire également l'attention sur un problème qui pourrait surgir à la suite de l'application des dispositions de la loi du 24 juillet 1987 sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d'utilisateurs. La pratique des clubs de football qui consiste à se prêter mutuellement des joueurs soulève des problèmes sur le plan du contrôle social. C'est surtout vrai lorsqu'on a affaire à un système en cascade suivant lequel un joueur est prêté à plusieurs clubs. Le contrôle devient alors presque impossible pour l'Inspection sociale. Selon les données de l'Inspection sociale, un tel joueur reste inscrit dans le premier club avec lequel il a conclu un contrat de travail. À l'heure actuelle, l'on négocie à cet égard avec l'URBFSA en vue d'élaborer un règlement qui obligerait les clubs à informer l'Inspection du travail au cas où ils prêteraient des joueurs.

Une autre manière de résoudre le problème pourrait consister en l'adoption, à la suite des discussions au sein de la Commission paritaire nationale des sports, d'une recommandation incitant les clubs à prendre l'habitude de signaler les prêts de joueurs à l'Inspection du travail.

Pour conclure, M. Janssens souligne qu'à son avis, les contrôles qui sont organisés tous les jours constituent l'essentiel. C'est la collaboration entre les divers services d'inspection, c'est-à-dire les fédéraux et les régionaux, qui donne les meilleurs résultats.

2.2.3. Exposé introductif de Mme Françoise Viatour, experte, attachée au cabinet du ministre de l'Emploi et de la Formation de la Région wallonne

En guise d'introduction, Mme Viatour donne un aperçu succinct des diverses mesures qui ont été prises par la ministre wallonne de l'Emploi et de la Formation depuis la publication, en mai 2001, des recommandations du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme concernant la traite des êtres humains dans le sport.

1. Information des clubs sur la législation existante

La ministre wallonne de l'Emploi n'a pas voulu sanctionner directement les clubs qui n'étaient pas en ordre à la suite des contrôles effectués. Elle a d'abord souhaité mener une campagne d'information et de prévention.

En mai 2001, la ministre a rencontré les responsables de l'URBSFA pour prendre des engagements de part et d'autre : l'URBSFA s'est alors engagée à modifier sa législation pour lier la demande de licence à la condition, pour le joueur, de disposer d'un permis de travail et de séjour. La ministre s'est engagée à laisser le temps nécessaire aux clubs pour se remettre en ordre durant l'été et à honorer les demandes d'autorisations d'occupation dans un délai de 10 jours si le dossier du joueur en question est complet.

Un courrier est envoyé à cette époque à toutes les fédérations sportives pour les informer de la législation et du délai estival laissé pour une remise en ordre.

En octobre 2001, une brochure a été éditée à 2 000 exemplaires et envoyée aux fédérations pour être diffusée auprès des clubs concernés par la problématique des sportifs étrangers hors UE.

2. L'inspection

En ce qui concerne l'inspection, un problème se posait depuis longtemps en Région wallonne; d'une part, les inspecteurs refusaient de prester des missions relatives aux permis de travail, prétextant leur rôle de conseil (surtout dans les matières du Programme de Résorption du Chômage (PRC) et Formation) plutôt que d'inspecteur. D'autre part, ils n'étaient pas non plus assermentés pour exercer la mission de verbalisation des infractions au sens de la loi de 1972.

Le 1er mars 2002, les inspecteurs ont cependant tous prêtés serment. De plus, les équipes ont été renforcées de trois inspecteurs.

Depuis deux mois, cinq inspecteurs sont désignés pour mener des opérations au sein des cellules d'arrondissement (avec l'Inspection des lois sociales, l'ONEM, l'auditorat, le parquet, ...). Les autres inspecteurs doivent cependant effectuer des vérifications des permis de travail dans les cas, par exemple, de refus ou des vérifications des conditions respectées (sauf s'il ya danger possible). En matière de permis de travail, les inspections s'effectuent à la demande de la cellule immigration de la direction générale de l'Économie et de l'Emploi (DGEE) ou bien par exemple dans le cadre d'opérations menées sur l'ensemble du pays. Mme Viatour donne l'exemple de l'inspection du club cycliste de Charleroi, la seule équipe professionnelle wallonne, parallèlement à la même mission menée en Flandre pour les clubs flamands.

Ainsi, conclut Mme Viatour, toutes les conditions sont réunies pour que les inspecteurs puissent remplir leur nouvelle mission d'inspection avec l'efficacité requise.

3. Avant-projet de décret pour l'agrément des services de placement

En dernier lieu, Mme Viatour met en exergue l'avant-projet de décret pour l'agrément des services de placement de la Région wallonne. Cet avant-projet de décret est lié à celui ratifiant la convention nº 181 de l'Organisation internationale du travail (OIT) qui ouvre l'accès du placement des travailleurs au secteur privé. Ces deux législations ont permis également de présenter un décret modificatif concernant le Service publique de l'emploi (SPE) dont les missions sont redéfinies dans ce nouveau texte. Tous ces textes étant liés, il n'a pas été possible d'avancer plus vite sur la problématique des agents dans le sport.

Cet avant-projet de décret a été présenté en première lecture au gouvernement wallon en mars 2002 et est actuellement soumis au Conseil économique et social de la Région wallonne (CESRW) pour avis.

Ce projet tient compte du placement des sportifs et impose ainsi également aux agents d'être agréés préalablement à l'exercice de leur profession.

Mme Viatour explique que le projet de décret prévoit, concernant cet agrément préalable, les conditions suivantes :

­ des conditions d'établissement stable sur le territoire de la région de langue française;

­ des conditions de compétence professionnelle [cinq ans d'expérience dans la gestion des ressources humaines et un niveau d'études au moins égal au Certificat d'études supérieures (CES)];

­ l'avis d'une commission consultative d'agrément au sein du CESRW;

­ une procédure d'agrément et notamment la durée ( deux ans au départ, renouvelable soit pour deux ans, soit pour une durée indéterminée et qui, par la suite, peut être suspendu ou retiré);

­ la transparence du marché de l'emploi notamment par une communication des offres d'emploi et des placements réalisés au SPE;

­ une plate-forme de concertation au sein du service études et statistiques de l'administration de la Région wallonne pour structurer la concertation obligatoire entre les agences privées et le SPE;

­ le rôle de l'Inspection de la DGEE au niveau de la surveillance et du constat des infractions.

Selon Mme Viatour, ce projet de décret est assez semblable au décret flamand. Toutefois, les différences concernent la durée de l'agrément, et la composition de la commission de l'agrément, les conditions de compétences professionnelles qui sont plus exigeantes en Région wallonne.

4. Révision de la législation relative à l'autorisation d'occupation des personnes étrangères

Mme Viatour termine son exposé en faisant quelques remarques sur la législation fédérale. L'arrêté royal du 6 juin 1999 est en cours de révision sur la base d'une réflexion communes aux trois régions. Celles-ci, sur la base de l'expérience acquise dans la pratique quotidienne de la législation, ont relevé une série d'incohérences et ont fait des propositions concrètes au gouvernement fédéral. Ce dernier en tient compte dans un projet de modification de l'arrêté royal.

Par contre, en ce qui concerne l'augmentation du salaire des sportifs professionnels, à la connaissance de Mme Viatour, rien n'a encore changé. Elle fait remarquer que, sur le terrain, si les gros clubs ­ surtout dans le football ­ ont des moyens énormes pour payer des joueurs étrangers, il n'en va pas de même dans d'autres disciplines sportives pour lesquelles le montant exigé actuellement pose déjà problème.

Elle signale que, dans le projet actuel de révision de l'arrêté royal, une rectification est demandée en ce qui concerne une dispense de permis de travail pour ceux qui viennent effectuer des prestations sportives de moins de trois mois (ces sportifs dépendent toujours d'un employeur à l'étranger).

2.2.4. Exposé introductif de MM. Eric Buyssens, conseiller, et Michel Meert, attaché au cabinet du ministre du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, chargé de l'Emploi, de l'Économie et de la Revitalisation des quartiers

M. Buyssens déclare qu'il peut, d'une manière générale, souscrire aux objectifs et aux principes qui guident la Région wallonne et la Région flamande dans la lutte contre les formes éventuelles de traite des êtres humains.

Depuis que certaines pratiques utilisées dans le football ont été dénoncées en mai 2001, le ministre du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, chargé de l'Emploi, de l'Économie et de la Revitalisation des quartiers, M. Tomas, a pris les mesures suivantes :

1º les services d'inspection ont effectué un contrôle auprès des deux clubs de première division établis sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale. Aucune infraction n'a été constatée à cette occasion. La seule irrégularité constatée concernait un joueur prêté. Le joueur en question avait été prêté par un club flamand à un club bruxellois mais était uniquement en possession d'un permis de travail flamand. Ce document ne permet toutefois pas d'être occupé comme travailleur dans un club bruxellois;

2º le ministre Tomas déposera prochainement au Parlement bruxellois un projet d'ordonnance intitulé « la gestion du marché mixte du marché de l'emploi ». Ce projet prévoit entre autres une procédure d'agrément pour les intermédiaires qui exercent leur activité dans le domaine sportif. Il prévoit également de doter les services d'inspection de pouvoirs de police qui leur permettront, en cas d'infraction, de dresser les procès-verbaux adéquats.

Pour ce qui est des problèmes qui concernent spécifiquement la traite des êtres humains, M. Buyssens estime qu'il n'appartient pas aux régions de réglementer en la matière, mais bien au pouvoir fédéral. La Région de Bruxelles-Capitale se montrera toutefois vigilante, comme les autres régions, lors de l'octroi des agréments aux intermédiaires sportifs.

Une législation fédérale est nécessaire également pour que les régions puissent agir. M. Buyssens cite le précédent des affaires relatives à la discrimination à l'embauche. La Région de Bruxelles-Capitale a déjà élaboré une réglementation en la matière pour les agences d'intérim et les entreprises de travail intermédiaire. Il n'est toutefois pas facile, pour la Région de Bruxelles-Capitale, lorsqu'une telle entreprise a déjà reçu un agrément, de le lui retirer à titre de sanction. Du moins aussi longtemps qu'un tribunal correctionnel n'a pas prononcé de condamnation.

2.2.5. Échange de vues

Mme Bouarfa est convaincue que les victimes de la traite des êtres humains doivent bénéficier d'une assistance sociale.

Est-ce prévu ? Si l'on veut effectivement en arriver à des condamnations du chef de traite des êtres humains dans le sport, il est essentiel, selon l'intervenante, de prévoir ce genre d'assistance.

M. Janssens lui répond que, pour cette asssistance, les victimes peuvent compter sur les trois centres d'accueil Pag-Asa (Bruxelles), Payoke (Anvers) et Sürya (Liège). Le problème est que les plaintes de ces victimes parviennent souvent tardivement au parquet, avec la conséquence que l'Office des étrangers peut entre-temps déjà expulser les intéressés. Il est clair, pour l'intervenant, que les services de police et les services judiciaires doivent être encore mieux informés de l'application de la loi sur la traite des êtres humains. Les coordinateurs nationaux des services d'inspection sociale examinent, conjointement avec le ministère de l'Intérieur, comment la police locale, par exemple, pourrait être formée à l'application de la loi sur la traite des êtres humains.

Mme Bouarfa souhaite de plus amples informations concernant le contrat-type qui serait utilisé par les clubs de football.

M. Janssens précise que l'arrêté royal du 14 décembre 1999 qui exécute la loi du 24 février 1978 relative au contrat de travail sportif rémunéré, prévoit que le montant qui doit être payé en guise de rémunération annuelle a pour conséquence que l'intéressé peut être considéré comme un « sportif rémunéré », lié par un contrat de travail au sens de la loi du 24 février 1978.

Les montants qui déterminent le type de contrat de travail applicable à l'intéressé, sont fixés par arrêté royal sur proposition des partenaires sociaux.

Le président souligne que l'augmentation du revenu minimum du sportif rémunéré constitue précisément une pierre d'achoppement. Alors que le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme et l'URBSFA proposent d'augmenter sensiblement ce revenu minimum pour le football, les représentants d'autres disciplines sportives contestent la faisabilité de cette proposition.

M. J.-M. Dedecker et Mme Thijs s'étonnent du fait que, lors de la fixation des secteurs prioritaires pour le contrôle par les services d'inspection intégrés, les sports, et en particulier le football, n'aient pas été retenus. Le rapport annuel de mai 2001 du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme révèle pourtant que 5 % des plaintes en matière de traite des êtres humains concernaient le secteur sportif.

M. J.-M. Dedecker estime en outre qu'en tant que ministre de tutelle du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, la vice-première ministre et ministre de l'Emploi, chargée de la Politique d'égalité des chances, Mme Onkelinx, devrait donner suite aux recommandations de ce centre.

Or, il ressort du procès-verbal de la réunion du 24 octobre 2001 du Conseil consultatif pour l'occupation des travailleurs étrangers qu'il n'a pas été tenu compte des recommandations du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme. Et M. Dedecker de citer l'extrait suivant de ce procès-verbal : « Le président propose que le conseil émette un avis positif sur la proposition du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme mais suggère de faire attention au contrôle, de définir la notion de rémunération et de joindre un contrat-type en annexe. On fera référence aux accords en la matière au sein des commissions paritaires. Il y a accord sur cette proposition. » Alors que, selon M. J.-M. Dedecker, le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme préconisait un salaire minimum égal à au moins cinq fois les montants actuels, et que le Conseil consultatif pour l'occupation des travailleurs étrangers était lui aussi favorable aux propositions formulées, la ministre Onkelinx ne les a pas retenues.

M. Janssens réplique qu'il appartient aux interlocuteurs sociaux au sein de la Commission paritaire nationale des sports de se prononcer sur l'augmentation du revenu minimum du sportif professionnel. Il renvoie à l'avis de la Commission paritaire nationale des sports du 22 janvier 2002, qu'il a cité.

M. J.-M. Dedecker ajoute qu'il a déjà posé à deux reprises une question parlementaire à la vice-première ministre et ministre de l'Emploi Mme Onkelinx, pour connaître le nombre de contrôles que l'Inspection du travail a déjà réalisés en Wallonie dans les milieux du football. Il constate que jusqu'à présent, il n'y en a eu aucun.

M. J.-M. Dedecker conclut de tout ce qu'il a entendu jusqu'à présent que les différentes autorités continuent tout bonnement de tourner autour du pot.

Il constate la même attitude apathique en ce qui concerne les intermédiaires de football : il y a en Belgique 240 intermédiaires actifs. Seuls 27 d'entre eux disposent d'une licence de la FIFA. Cela signifie que les autres échappent au contrôle des autorités si les régions ne prennent pas de décret pour réglementer l'agrément. À ce jour, un tel décret n'existe que pour la Flandre.

M. J.-M. Dedecker ne peut comprendre la façon de procéder plus lente des autres régions. Si elles le veulent vraiment, les autorités peuvent pourtant agir très rapidement. C'est ce que prouve la réglementation mise au point en l'espace de deux mois par le ministre des Finances, qui prévoit que les joueurs étrangers ne sont imposés forfaitairement qu'à concurrence de 18 % sur les revenus qu'ils tirent d'un travail en Belgique.

Enfin, M. J.-M. Dedecker tient à dénoncer une nouvelle fois les pratiques liées aux contrats de prêt. Le professeur R. Blanpain, spécialiste en droit du travail, est très formel à ce sujet. À ses yeux, en cas de prêt de joueurs, aucune indemnité ne peut être réclamée par le club prêteur, car il s'agirait alors de trafic d'êtres humains. Cela fait 15 ans que l'on est confronté à l'application des articles 31 et 32 de la loi du 24 juillet 1987 sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d'utilisateurs.

Mme Willame-Boonen estime qu'il importe de tout ramener à de justes proportions. Elle-même a pris contact avec les centres d'accueil Pag-Asa et Sürya, pour savoir combien de victimes du trafic d'êtres humains dans le sport sont accueillies pour l'instant dans ces deux centres. Pag-Asa accueille actuellement 15 victimes, dont 3 peuvent être qualifiées de victimes économiques et 12 de victimes de la prostitution. Chez Sürya, les proportions pour l'année 2001 sont les suivantes : 64 % sont des victimes de la prostitution, 6 % des victimes de l'exploitation dans le secteur horeca, 5 % des victimes de l'exploitation économique et 2 % seulement des victimes du trafic d'êtres humains dans le football.

M. Hordies se rallie à l'intervention de Mme Willame-Boonen. Lui non plus ne voit pas clairement si l'on peut ou non parler de trafic d'êtres humains dans le sport. En ce qui concerne les secteurs prioritaires en matière de contrôle du trafic d'êtres humains, M. Hordies demande à M. Janssens si les contrôles consacrent également une attention spécifique au secteur du personnel domestique et des personnes au pair.

M. Janssens répond que ces secteurs n'ont pas été retenus sur la liste des priorités du contrôle coordonné. Cela ne signifie toutefois pas que ces secteurs échappent entièrement au contrôle. Néanmoins, il est souvent difficile de procéder à un contrôle effectif, parce que les intéressés travaillent pour une famille. Cela signifie que l'on ne peut pas porter atteinte à la vie privée. Un contrôle ne peut être effectué qu'avec l'accord de l'employeur et du travailleur. En l'absence d'un tel accord, le consentement du juge de police est requis. Cela rend ce genre d'enquête encore plus difficile. En outre, lorsque l'employeur jouit d'un statut diplomatique, on se heurte aux privilèges et immunités diplomatiques. Les compétences des services d'inspection belges dans cette matière sont donc très restreintes.

M. Hordies souhaite obtenir davantage de précisions sur la définition de l'« exploitation économique ». Selon lui, il subsiste encore un certain manque de clarté sur le lien existant entre les notions de traite des êtres humains, de travail au noir et d'exploitation économique.

Il se base sur la définition qu'en donnent les Nations unies dans la Convention de Palerme. Les formes frauduleuses de services obligatoires en contrepartie de l'apurement de dettes sont à cet égard des éléments importants.

Dès lors, l'intervenant estime très important d'utiliser des définitions claires.

En ce qui concerne le secteur de la construction, M. Hordies rappelle que les travailleurs disposent tous d'une carte de sécurité sociale. L'introduction de cette carte a-t-elle été une bonne mesure dans la lutte contre le travail au noir ?

M. Janssens répond qu'en ce qui concerne le secteur de la construction, le travail au noir et l'exploitation économique se situent principalement dans le domaine de la rénovation. On travaille souvent, en l'occurrence, pour des particuliers. On connaît suffisamment les activités des Polonais.

Les organisations patronales ont elles-mêmes fait savoir qu'elles voulaient participer à la lutte contre ces pratiques illégales. En effet, de nombreuses entreprises belges souffrent de la concurrence déloyale.

L'introduction de la carte d'identité sociale est certainement une très bonne chose, mais on ne saurait oublier qu'on était confronté, dans ce secteur, à des activités qui s'exerçaient totalement au noir : les entreprises ne sont pas belges, l'employeur et le travailleur non plus. La seule parade efficace contre ces montages frauduleux dans lesquels on falsifie des documents est un contrôle approfondi sur place.

Mme Willame-Boonen souhaite obtenir à propos du football davantage d'informations sur ce que l'on appelle les « doubles contrats », pratique qui consiste à rédiger un contrat formel dans lequel tout paraît légalement en ordre, mais en marge duquel il existe un autre contrat « sous la table ». Cette pratique existe-t-elle ? Vise-t-elle à payer malgré tout des salaires plus élevés aux joueurs, mais en partie au noir ?

Y a-t-il à ce sujet un échange de données entre l'Inspection sociale et le fisc ?

En outre, elle souhaiterait que les représentants des ministres lui disent s'ils estiment que l'on peut parler véritablement de traite des êtres humains dans le sport.

Le président, M. Wille, fait remarquer qu'il est difficile de répondre à cette question, étant donné qu'il n'y a pas encore eu de décisions judiciaires de cet ordre. Il sait en revanche que plusieurs victimes de la traite des êtres humains dans le sport ont déposé plainte auprès de la justice.

Mme Willame-Boonen ajoute qu'elle a déjà posé une question à ce sujet à la vice-première ministre et ministre de l'Emploi, Mme Onkelinx. La ministre a répondu que l'on enquêtait bel et bien sur l'existence d'une filière dans ce domaine.

Le président, M. Wille, attire l'attention des membres sur la raison qui pousse les clubs sportifs à utiliser les doubles contrats : une partie du faible montant qui est payé aux joueurs de football doit être en fait remboursé au président ou aux autres dirigeants du club de football.

Ces derniers utilisent le système pour blanchir de l'argent noir.

M. J.-M. Dedecker déclare connaître cinq exemples de doubles contrats conclus entre des joueurs étrangers et des clubs de football belges.

M. Janssens souhaite toutefois souligner que le travail illégal est difficile à détecter, dans quelque secteur que ce soit.

Quand on parle de traite des êtres humains, par rapport aux compétences de la ministre de l'Emploi, on entend par là l'exploitation économique et non l'occupation illégale.

Les contrats dont parle M. J.-M. Dedecker sont des preuves d'occupation illégale, mais pas nécessairement d'exploitation économique, selon M. Janssens. Il existe donc, selon lui, un contrat de travail dans lequel une prestation est rétribuée par un salaire. Il insiste pour que l'on ne mène pas un débat en termes trop vagues.

M. J.-M. Dedecker peut souscrire en partie au raisonnement de M. Janssens, mais ne trouve pas normal que personne ne contrôle la légalité des contrats existants. Il estime que cette tâche incombe, en premier lieu, aux fédérations sportives. Si celles-ci ne s'en acquittent pas, il y a un problème.

M. Janssens tient toutefois à souligner qu'en ce qui concerne les contrats doubles, il ne faut pas perdre de vue que ces contrats illégaux n'existent pas pour les services d'inspection. Ils ne peuvent en avoir connaissance tant qu'ils ne disposent pas de preuves. Il est très difficile pour ces services de prouver que le travail au noir existe. M. Janssens cite l'exemple d'un club de football en Région wallonne qui avait passé un contrat avec de jeunes Africains qu'il payait environ 30 000 francs (743,68 euros) par mois. Ces Africains habitaient dans un appartement qui appartenait à une société dont l'administrateur délégué était également administrateur du club de football. Sur papier, il est toutefois impossible de trouver un lien entre le club de football et l'appartement. Ce genre d'éléments peuvent être divulgués uniquement par des informateurs issus du club lui-même.

M. Janssens réfute en outre l'affirmation selon laquelle les pouvoirs publics ne feraient rien pour empêcher la traite des êtres humains et le travail au noir. Depuis 1999, il existe un plan de lutte contre la traite des êtres humains, mais il importe de travailler d'une manière coordonnée et de ne pas se borner à effectuer des contrôles au hasard. Le gouvernement fédéral a explicitement opté pour une approche structurée autour de trois piliers : la prévention, l'information et la répression. En même temps, le gouvernement a veillé à ce que les contrôles sur le terrain par les services d'inspection sociale soient renforcés. Quelque 287 inspecteurs sociaux du ministère de l'Emploi sont actifs sur le terrain. Mais il est évident que, parmi les contrôles effectués, celui relatif à la traite des êtres humains ne constitue pas l'unique priorité. Plusieurs priorités ont été arrêtées. De plus, c'est grâce à la vice-première ministre et ministre de l'Emploi, Mme Onkelinx, que les services d'Inspection sociale peuvent dorénavant effectuer des contrôles coordonnés. Ceux-ci viennent de démarrer. C'est pourquoi M. Janssens demande que l'on patiente pendant un délai convenable afin que l'on puisse prouver que cette approche est la bonne. Les secteurs qui ont été sélectionnés comme faisant prioritairement l'objet du contrôle coordonné sont ceux qui sont les plus vulnérables sur le plan de l'exploitation économique. Les données recueillies par les services d'inspection seront transmises à l'auditorat du travail et M. Janssens espère que certains employeurs seront alors condamnés sur la base de la loi du 13 avril 1995 contenant des dispositions en vue de la répression de la traite des êtres humains et de la pornographie enfantine. Il découle toutefois de la jurisprudence que le simple fait qu'un employeur ne paie pas le salaire minimal à un travailleur employé au noir est insuffisant pour que l'on puisse parler d'exploitation économique. Il faut aussi qu'il y ait eu intention. Il n'y a pas encore beaucoup de jurisprudence en la matière, précisément parce que les faits sont si difficiles à prouver.

Pour ce qui est de la discussion relative au relèvement de la rémunération minimale des footballeurs professionnels, M. Janssens estime qu'une décision dans ce sens ne résoudrait pas les problèmes de la traite des êtres humains dans le domaine des sports. Un contrôle réel est nécessaire, mais ce n'est pas simple pour les services d'inspection.

M. Lozie souhaite étendre la discussion à d'autres sports, notamment le cyclisme. Jusqu'il y a quelques années, il était courant, dans les clubs de cyclisme du sud-ouest de la Flandre, que de jeunes coureurs professionnels se retrouvent dans une équipe cycliste par l'intermédiaire d'un sponsor. Celui-ci était amené par un tiers (dans l'affaire « Lebbe », c'était le bourgmestre local), qui veillait à ce que le jeune coureur professionnel ait un contrat de travail, sponsorisé par une entreprise déterminée. Mais il est clairement apparu que le parrainage comportait une opération de blanchiment pour l'entreprise en question.

Ces faits sont connus des instances judiciaires.

À ce propos M. Lozie demande à M. Janssens si, lorsqu'un coureur est sous contrat avec une entreprise, on exerce aussi quelque contrôle sur les activités du sponsor.

Dans l'affaire évoquée par l'intervenant, il s'est avéré ultérieurement que ces entreprises n'étaient pas toutes dignes de confiance.

L'intervenant regrette de devoir constater que pour le moment le parquet de Bruxelles ne poursuit plus l'investigation des faits, qui ont été révélés en marge de ce qu'on a appelé l'affaire « Lebbe ».

M. J.-M. Dedecker tient quand même à signaler que depuis que les faits de l'affaire « Lebbe » ont été mis au jour, la Ligue vélocipédique a pris des mesures. Le sponsor doit garantir, par coureur cycliste, un salaire minimum d'un an avec garantie bancaire.

Des mesures ont également été prises en volley-ball, en handball et en basket-ball.

Seule l'URBSFA n'a, jusqu'ici, pris aucune mesure dans ce sens. Elle refuse de contrôler effectivement les contrats entre les clubs et les joueurs. Pour un joueur de football qui gagne par exemple 743 680,57 euros par an, un club de football belge ne doit payer des charges sociales que sur un montant de 14 328,25 euros. Le reste du montant n'est plus imposé que fiscalement. À cela s'ajoute que sur ce montant, un joueur étranger ne doit payer que 18 % d'impôt sur le revenu. Si donc l'on autorise de surcroît un trafic d'êtres humains dans ce secteur, l'intervenant n'y comprend plus rien.

M. Lozie constate en effet qu'en dehors du football, différentes disciplines sportives ont pris des mesures. Mais à propos des autres disciplines sportives également, il se demande quelle entreprise se cache derrière les contrats de parrainage. Ce n'est pas toujours clair.

M. Janssens lui répond qu'il n'est pas facile de découvrir quelles entreprises se cachent derrière de tels contrats de parrainage. Les contrôles du travail au noir sont effectués par les services d'inspection sociale. Les compétences de ces inspecteurs sont énumérées dans la loi du 16 novembre 1972 concernant l'inspection du travail. Ces inspecteurs sociaux n'ont pas de compétence universelle et ne sont pas officiers de police judiciaire. En d'autres termes, ils ne peuvent que constater des infractions au droit social. Pour les autres infractions, ils ne sont pas compétents. Cette loi est conforme à une convention conclue au sein de l'Organisation internationale du travail. Les inspecteurs sociaux ne sont pas des policiers, ce sont des personnes qui agissent aussi préventivement et conseillent les employeurs et les travailleurs.

Lorsqu'un inspecteur social constate des infractions qui n'enfreignent pas le droit social, il mentionnera ces faits dans son rapport à l'auditorat du travail et demandera que l'auditeur du travail transmette ces constatations au parquet. C'est alors au procureur du Roi d'intervenir.

M. Lozie souhaite savoir s'il existe des statistiques indiquant à quelle fréquence les rapports des inspecteurs sociaux à l'auditorat du travail font état d'infractions à des lois autres que sociales, avec saisine du parquet.

M. Janssens répond que l'on ne dispose pas de tels chiffres, mais que l'on constate assez souvent des infractions telles que le travail au noir. Lorsque l'auditeur du travail suspecte que le travail au noir va de pair avec des revenus non déclarés, il transmet les éléments en sa possession au procureur du Roi. Celui-ci transmet les indices de fraude fiscale aux services d'inspection du ministère des Finances. Si la fraude fiscale est avérée, ces derniers procèdent à la taxation.

M. Lozie estime que ce système est peut-être efficace pour détecter et sanctionner la fraude fiscale, mais qu'il présente en revanche l'inconvénient que d'autres infractions telles que celles à la loi sur la traite des être humains ne sont pas instruites plus avant. Il importe donc que les inspecteurs sociaux et les auditeurs du travail signalent non seulement les infractions à la législation fiscale, mais aussi celles à la loi pénale.

M. Janssens précise encore que dans chaque arrondissement judiciaire, on procède tous les mois à un contrôle coordonné portant sur les secteurs qui, d'après les statistiques, sont les plus vulnérables à la fraude fiscale ou sociale ainsi qu'à l'exploitation économique.

Mme Thijs et M. J.-M. Dedecker continuent à trouver étrange que seul le sport ait été écarté des secteurs prioritaires à surveiller, alors qu'il ressort pourtant des chiffres recueillis par le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme que ce secteur est également sensible pour la traite des êtres humains.

M. Janssens souligne encore une fois que même si le sport ne figure pas sur la liste des secteurs prioritaires, cela ne signifie pas pour autant que ce secteur n'est soumis à aucun contrôle. C'est faux.

Mme Thijs demande ce que M. Janssens entend précisément par « sanctions sportives ». L'intention est-elle que l'URBSFA inflige elle-même des sanctions aux clubs ?

M. Janssens dit que selon lui, les clubs sportifs seront sans doute le plus sensibles à des sanctions sportives. On pourrait par exemple décider que lorsqu'un club aligne un joueur qui ne possède pas le permis de travail requis, le club fautif sera déclaré perdant sur le tapis vert, quel que soit le résultat du match. Mais il va de soi que M. Janssens n'entend pas exclure de la sorte toute autre sanction éventuelle (administrative ou pénale). Dans le cadre de la prévention, il faut prévoir des incitants, et les sanctions sportives pourraient en être un. M. Janssens rappelle en outre qu'une procédure judiciaire peut durer en moyenne jusqu'à trois ans.

S'agissant des formes de coopération entre les trois régions, Mme Thijs souhaite savoir dans quelle mesure la transmission d'informations par les trois régions n'est pas identique.

M. Janssens précise que l'autorité fédérale coopère évidemment avec les trois régions. La seule chose qu'elle a constatée, c'est que dans certains cas, les régions ne signalent pas systématiquement le refus de permis de travail. L'autorité fédérale le déplore parce que l'Inspection sociale procède automatiquement à un contrôle dans l'entreprise qui a introduit la demande de permis de travail, afin de vérifier si l'intéressé y travaille effectivement.

Pour le reste, la coopération est bonne entre les représentants du fédéral, ceux des régions et l'auditeur du travail au sein des cellules d'arrondissement, qui se réunissent une fois par mois.


II. RECOMMANDATIONS

La dénonciation médiatique des abus dans le sport par la sous-commission « Traite des êtres humains », en 2001, a permis d'enregistrer un net progrès dans cette problématique. Diverses fédérations sportives ont adapté leur réglementation à la législation en vigueur y afférente, notamment les fédérations de volley-ball, de basket-ball et de handball (dont le témoignage a été recueilli lors de l'audition du 29 avril 2002).

D'autres fédérations sportives, parmi lesquelles l'URBSFA (Union royale belge des sociétés de football Association), continuent à se soustraire à leurs responsabilités, qu'elles font endosser par la ligue professionnelle ou par les clubs. La sous-commission déplore au plus haut point leur absence ostensible à l'audition du 29 avril dernier et considère également cette attitude méprisante comme le refus de trouver une solution radicale au problème de la traite des êtres humains dans le sport.

Dans le prolongement des propositions faites par le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme dans son rapport annuel de mai 2001, la sous-commission formule les recommandations complémentaires suivantes.

1. Il convient d'intensifier les contrôles exercés par l'inspection sociale et l'inspection du travail dans les clubs, et ce, dans chaque région du pays : en Flandre, en Wallonie et à Bruxelles.

Le permis de travail, l'inscription dans un régime de sécurité sociale, le travail au noir, les conditions de travail, l'hébergement, etc., devraient être soumis à des contrôles.

2. La sous-commission « Traite des êtres humains » recommande aux trois régions de conclure un accord de coopération afin d'harmoniser le statut de l'intermédiaire de joueurs.

3. Pour prévenir des aberrations, notamment l'utilisation abusive du sport aux fins d'importation clandestine d'une main-d'oeuvre bon marché, les pays voisins ont instauré un salaire minimum élevé pour le sport professionnel. Aux Pays-Bas, par exemple, ce plafond est dix fois plus élevé qu'en Belgique. De ce fait, celle-ci reste le pays de transit et d'essai pour des joueurs professionnels potentiels, qui émigrent ensuite vers les pays voisins s'ils répondent à l'attente ou, dans le cas inverse, disparaissent dans la clandestinité.

Le salaire minimum actuel pour un joueur non-ressortissant UE à partir de 23 ans, qui est égal à 10 fois le salaire minimum prévu par la loi du 24 février 1978, soit 2 928 670 BEF (72 599,83 EUR), doit également être appliqué au joueur non-ressortissant UE âgé entre 18 et 23 ans (la limite actuelle est de 5 fois le salaire minimum, soit 1 464 335 BEF ou 36 299,92 EUR). C'est précisément dans cette catégorie d'âge que les abus sont les plus graves, puisque les joueurs aussi jeunes sont les plus vulnérables du fait qu'ils n'ont aucune notion de la législation en vigueur.

Les salaires minimums pour les joueurs non-ressortissants de l'UE doivent être contrôlés par les fédérations sportives et la sous-commission recommande au ministre, compétent en la matière, de responsabiliser sur ce point les fédérations sportives concernées et de les sanctionner en cas de non-respect.

Dans le système actuel, une déclaration unilatérale du club selon laquelle le salaire minimum est respecté suffit pour obtenir une licence de joueur. Dans la pratique, ces déclarations se révèlent souvent contraires au contrat de travail réellement conclu entre le joueur et le club.

Il est possible de prévenir une telle situation, qui mène souvent à la traite d'êtres humains (quatre exemples ont été cités durant l'audition du 29 avril 2002), en soumettant les contrats de travail à la fédération sportive concernée lors de la demande d'une licence de joueur. Celle-ci est alors coresponsable de la surveillance des clubs.

Le présent rapport a été adopté à l'unanimité des membres présents.

Les rapporteurs, Le président,

Paul WILLE.

ANNEXE I


RAPPORT INTERMÉDIAIRE SUR LES TRANSACTIONS IRRÉGULIÈRES DE MINEURS DANS LE FOOTBALL

La Commission d'enquête parlementaire (CPI) de la CBF/NIKE, créée pour examiner la régularité du contrat passé entre la Confédération brésilienne de football (CBF) et NIKE, à l'origine, a découvert des irrégularités dans les transferts de joueurs vers l'extérieur, qui impliquent notamment des mineurs.

Afin d'approfondir les recherches, une sous-commission des mineurs a été créée, qui a rédigé ce rapport préliminaire, résultat de son travail. Dans ce rapport se trouvent une description des faits, la présentation d'un cas à titre d'exemple et des suggestions pour éviter de tels délits.

1. Antécédents

La pratique qui consiste à modifier l'âge des joueurs au Brésil n'est pas récente. Il existe des rapports de chroniqueurs sportifs reconnus et anciens, comme João Saldanha et Sandro Moreira, qui parlent de sa fréquence. Le terme « chat », probablement issu de l'expression populaire « acheter un chat dans un sac », qui désigne des athlètes dont l'âge a été modifié, existait déjà dans les années cinquante.

À cette époque, les fraudes étaient commises par les clubs dans le but de renforcer leurs équipes dans les catégories inférieures (enfants, jeunes et aspirants) ou par les athlètes eux-mêmes qui trouvaient plus facilement une place en jouant avec des joueurs plus jeunes et donc plus fragiles.

Actuellement, vu la valeur des transferts des joueurs de football, les modifications sont demandées par des personnes qui sont presque toujours étrangères à la vie quotidienne des clubs et elles visent exclusivement l'obtention de gains élevés. Des « mafias », avec des ramifications qui vont d'endroits éloignés à l'intérieur du Brésil jusqu'à des capitales européennes, ont été mises sur pied afin de négocier vers l'extérieur des athlètes mineurs. Un exemple concret a été présenté par cette commission dans la ville de São Luís, où le système fonctionne au sein même de la Federação Maranhense de Futebol, avec la participation directe du directeur du département des registres et des transferts, M. Raimundo Nonato Pereira et la complicité de son président, M. Carlos Alberto Ferreira.

2. Mode d'action

Le système mis en place pour effectuer le trafic d'athlètes brésiliens vers l'étranger comporte deux filières principales : la première est constituée de « surveillants », des techniciens dans les catégories de base, assistants d'hommes d'affaires ou hommes d'affaires eux-mêmes, qui recherchent la « marchandise » parmi les jeunes qui tentent leur chance dans le professionnalisme; la deuxième, qui opère à partir des centres d'entraînement, financés par les hommes d'affaires et/ou les clubs étrangers, encourage le recrutement et la sélection de jeunes gens pour ensuite les vendre à des clubs au Brésil ou à l'étranger.

Le système « d'exportation » est clairement segmenté en deux types de marchés : le marché des adolescents qui n'ont pas encore d'avenir dans le monde du football et le marché des jeunes athlètes dont les noms ont déjà fait leur apparition dans le monde du sport, souvent via un processus de valorisation qui comprend une convocation pour les sélections sub-17 et sub-20. Ce processus en lui-même mérite des recherches plus approfondies de la part de la CPI.

En fait, le processus commence avec des adolescents qui ont entre 15 et 16 ans et qui font preuve de qualité lors des entraînements de sélection ou même sur les innombrables terrains de football. Les « surveillants » les désignent aux hommes d'affaires ou à leurs assistants. Et comme plus la personne est jeune, plus le potentiel de valorisation est grand, ils essaient de « réduire » l'âge des jeunes choisis par la falsification du certificat de naissance ou en fournissant un nouveau certificat qui donne une date de naissance postérieure à la véritable. De cette manière, un adolescent peut participer à des compétitions dans des catégories formées par des joueurs plus jeunes que lui.

Le « chat », vu son âge plus élevé, a davantage de chances de se faire remarquer dans des compétitions où les autres joueurs sont physiquement plus fragiles. Ceci rend possible sa promotion vers les catégories principales ou même vers les sélections brésiliennes sub-17 et sub-20, ce qui fait passer la valeur de son transfert à des sommes supérieures à deux ou trois millions de dollars.

3. Les intermédiaires

Il existe différents intermédiaires impliqués dans ces délits. Dans la filière Brésil/Belgique, on a cité les noms de Expedito da Silva Junior, Ted Junior, qui travaille en partenariat avec Rachid Tasmuth, marocain et propriétaire d'un café à Bruxelles, Emilio Ferreira, Fernandes Goyvaertes, qui travaillent comme joueurs encore inconnus.

Parmi les personnes déjà connues, on notera Giuseppe Rubolotta, en collaboration avec Enéas, radié en Angleterre. L'ex-joueur Wagner, Braid Ribeiro, Rogerio Henrotay, l'Espagnol Emilio Ferreira et Daniel Gurard sont également désignés comme des participants à ce système. Toujours dans la catégorie des personnes déjà connues, il y a l'homme d'affaires Juan Finger soupçonné de fraude fiscale et de non-respect de la loi 9 615/98 (loi Pelé).

Il existe au Brésil un réseau étendu d'hommes d'affaires et de leurs collaborateurs qui ont des liens étroits avec les présidents de fédérations et de clubs de football, ou avec les techniciens des catégories de base, etc. Comme l'ont indiqué les travaux de la CPI de la CBF/NIKE, de nombreux ex-joueurs célèbres agissent comme intermédiaires dans le transfert de joueurs vers l'étranger, comme par exemple Careca, Edinho et d'autres.

4. Belgique

Nous citons la Belgique, car ce pays est le grand centre d'importation de mineurs en vertu de l'absence de quotas concernant la participation d'athlètes étrangers dans ses clubs et parce que la loi belge privilégie les athlètes amateurs plus jeunes. Ce pays fonctionne comme une plaque tournante pour les autres pays européens, comme l'Italie, la Hollande, la France et le Portugal. En Belgique, le système est le suivant : les jeunes Brésiliens arrivent et sont emmenés vers l'intérieur où ils vivent en appartement ou en maison communautaire, tout en s'entraînant dans des équipes insignifiantes. En général, ils ne sont pas payés et reçoivent seulement l'alimentation. Certains signent même des contrats en français ou en néerlandais sans comprendre le contenu des clauses. Ceux qui sont acceptés (une petite minorité) sont négociés avec des clubs en Belgique ou à l'étranger. Mais pour la majorité, ceux qui ne sont pas retenus, ils sont abandonnés à leur propre sort, sans même avoir droit à un billet de retour. Et tout ceci dans un pays étranger, dont ils ne connaissent pas la langue et où ils doivent faire face à toutes sortes de problèmes.

Ces victimes sont alors soit soutenues par un Brésilien, soit elles vont travailler sur les chantiers, dans des commerces ou dans d'autres activités, en situation illégale.

L'exploitation des joueurs brésiliens en Belgique a pris de telles proportions qu'elle a attiré l'attention de la Commission des droits de l'homme du Parlement belge. Récemment, la législation a été modifiée : les équipes belges ne peuvent pas engager de mineurs de moins de 18 ans et elles doivent accorder des contrats d'une valeur minimum de 3 000 dollars par mois.

Pour illustrer ces informations, nous citons le livre Nelson, le jeune aux pieds d'or, livre écrit par le journaliste Daniel Renard, qui en est déjà à sa deuxième édition et qui se base sur l'expérience de quatre Brésiliens arrivés via M. Rubolotta et abandonnés ensuite.

5. Cas concret

Quant aux démarches de la sous-commission « Traite des êtres humains » en Belgique, elles ont attiré un grand nombre de joueurs, dont la plupart était arrivée via des intermédiaires, et qui cherchaient de l'aide pour pouvoir rentrer au Brésil. Les expériences de tous ces jeunes sont très similaires. Nous décrivons ici un cas qui s'est produit le 12 décembre 2000.

Un jour, alors qu'il s'entraînait dans l'équipe de la Juventus, à São Paulo, il a été invité à passer un test au centre d'entraînement de Pouso Alegre, Minas Gerais. Ce centre d'entraînement ne possédait qu'un terrain de football, le logement et un réfectoire.

Dans le cas présent, l'intermédiaire, grâce à la promesse d'un poste dans un grand club européen, a obtenu la procuration du père de l'athlète qui lui donnait le droit d'effectuer la vente du joueur. L'intermédiaire l'a convaincu de payer le billet pour l'aller et a exigé directement la somme de 500 dollars, quantité qui devait couvrir les frais encourus pendant le mois de tests au Brésil. Avant l'embarquement, l'intermédiaire a encore demandé 5 500 reals en disant que cet argent servirait pour l'obtention des documents. À cette époque, le jeune était en deuxième année au collège, mais il a abandonné ses études pour pouvoir jouer à l'étranger. Il a déclaré que, tout comme lui, les jeunes Pitton Junior, Eduardo, Emerson, Fábio, Lima et Rogério ont été emmenés en Belgique. Son aventure s'est terminée lorsqu'il a souffert d'une blessure au pied qui l'a empêché de s'entraîner. Le jeune ne peut retourner au Brésil qu'en fonction de la venue de membres de la CPI en Belgique. Il n'a reçu aucun paiement pour le temps qu'il a passé en Belgique et sa famille, en plus d'avoir vendu des biens pour payer le voyage, a des dettes qu'elle pas encore pu rembourser.

6. Préjudices

Les dommages causés par la mafia des trafiquants aux mineurs et à leurs familles sont très clairs, comme l'indique la description du paragraphe précédent, y compris par rapport aux études interrompues par le jeune. En général, l'histoire des autres jeunes n'est pas différente.

Le football brésilien souffre également de cette image négative provoquée par le travail des intermédiaires. Il faut également prendre en compte le nombre de jeunes qui n'ont pas été remarqués au Brésil.

Le fait que des jeunes sans expérience, en général sans beaucoup de culture, soient emmenés dans des pays et/ou des lieux qui leur sont inconnus, où le climat, la langue et les habitudes diffèrent, a certainement réduit à néant de nombreuses carrières prometteuses.

Le Brésil, en tant que pays, souffre aussi de cette publicité négative causée par les faits décrits ici. Le fait que de jeunes Brésiliens soient abandonnés à l'étranger, raconté dans un livre en Europe comme nous l'avons déjà dit, et les informations relatives à l'impunité de ceux qui commettent ces délits engendrent une publicité négative pour notre pays.

7. Conclusion

­ Cette commission, après examen approfondi des faits, a relevé des indices flagrants de l'existence de systèmes frauduleux, illégaux et illicites visant à transférer des joueurs vers l'étranger.

­ La voie d'entrée principale des athlètes mineurs est la Belgique, étant donné les circonstances favorables qui existent dans ce pays.

­ Le Maranhão est un des lieux où l'on « fabrique » le plus de « chats ».

­ Les intermédiaires délinquants agissent de façon ouverte, émettant tout type de document officiel pour eux et pour des tiers (certificats, cartes d'identité, passeports, etc.) sans être dérangés par les autorités policières.

­ Plusieurs hommes d'affaires entrent et sortent du pays, emmènent des mineurs en situation irrégulière vers d'autres pays, réalisent des transactions financières en marge du contrôle de la Banque centrale, comme s'il s'agissait d'une activité professionnelle normale, dans la légalité.

­ Des hommes d'affaires étrangers (belges, italiens, hollandais) participent directement et indirectement à ce système.

­ Des clubs de football, des fédérations, des dirigeants de clubs, des entraîneurs, entre autres, profitent de leur position dans le monde du sport pour faciliter et promouvoir le transfert irrégulier de jouer vers l'étranger. Nous n'avons observé de la part des autorités aucune répression.

­ Même si la CBF et d'autres fédérations font des discours en condamnant l'utilisation de « chats » dans le monde du football, dans la pratique, elles n'adoptent pas une attitude ferme envers ce genre d'irrégularité.

­ Il convient de souligner que dans certaines dépositions, il était clair que ce système fonctionnait en parallèle au trafic de drogue.

8. Suggestions

Pour rendre plus difficiles les délits des hommes d'affaires peu scrupuleux et éviter les problèmes causés aux athlètes mineurs, nous suggérons que cette commission envoie les propositions suivantes aux organes compétents.

À la FIFA

­ réglementer le transfert d'athlètes mineurs d'un pays à l'autre en fixant des conditions qui ne permettent pas leur exploitation;

­ imposer des normes qui rendent obligatoire l'inscription préalable à la confédération ou dans la fédération du pays d'origine du joueur mineur qui va être transféré vers un autre pays;

­ suggérer aux confédérations l'adoption d'une norme rendant obligatoire que le premier contrat professionnel du joueur soit signé ou enregistré dans son pays d'origine;

­ établir un modèle de contrat pour les mineurs qui contiendrait obligatoirement les clauses suivantes :

1º salaire assurant la subsistance des jeunes et de leurs familles (père et mère);

2º un contrat minimum qui ne peut être inférieur à deux ans;

3º obligation pour le club qui engage d'inscrire le jeune dans le système d'enseignement du pays;

4º assurance santé, assurance-vie, assurance contre la maladie et l'invalidité, permanente ou temporaire;

5º identification et signature du responsable du mineur et de l'intermédiaire qui a procédé au transfert de l'athlète;

­ interdire, dans les conventions, les clauses qui permettent l'utilisation de matériel sportif avec des couleurs ou des signes distinctifs de clubs étrangers en échange de l'obligation de transfert de mineurs d'un pays vers un autre;

­ ne pas admettre de procuration qui ne soit accordée par les parents, les tuteurs ou les responsables légaux des mineurs;

­ punir de façon rigoureuse les clubs qui sont de connivence avec les transferts d'athlètes irréguliers;

­ discréditer les intermédiaires qui servent d'intermédiaires dans des contrats illégaux impliquant des mineurs.

Au gouvernement brésilien :

­ enregistrer les centres d'entraînement des joueurs de football via le ministère des Sports;

­ faire en sorte que la police fédérale enregistre le départ de mineurs vers l'étranger lorsqu'ils sont accompagnés de personnes ne faisant pas partie de leurs familles;

­ inclure dans le matériel didactique destiné aux élèves de l'enseignement public des leçons expliquant les risques que les jeunes courent en essayant d'émigrer vers d'autres pays;

­ créer dans les ambassades brésiliennes et dans les consulats à l'étranger une ligne téléphonique pour aider dans leurs démarches les mineurs brésiliens qui ont été emmenés de façon irrégulière à l'étranger.

À la CBF

­ imposer un contrôle plus rigoureux et un jugement immédiat dans le cas d'athlètes irréguliers;

­ organiser et maintenir à jour le registre des jeunes qui jouent à l'étranger, ainsi que le registre des responsables de ces athlètes;

­ chercher à connaître et maintenir une communication ouverte avec les fédérations étrangères qui emploient des joueurs brésiliens;

­ mener une enquête pour examiner les dénonciations de l'implication d'hommes d'affaires dans la convocation d'athlètes pour les sélections sub-17 et sub-20.

Le député EDUARDO CAMPOS


ANNEXE II


PROPOSITIONS DU CENTRE
POUR L'ÉGALITÉ DES CHANCES
ET LA LUTTE CONTRE LE RACISME
(Rapport annuel de mai 2001)

Au vu des éléments développés ci-dessus, il convient de mettre les différents intervenants dans le domaine du football devant leurs responsabilités. Ceci ne pourrait être envisagé qu'à condition qu'une volonté commune d'éradiquer les dérives en matière d'entrée de joueurs sur le territoire belge soit développée.

Il convient aujourd'hui de faire certaines propositions afin de trouver des solutions à cette problématique :

1. Prévoir une sensibilisation par le biais du ministère des Affaires étrangères des différentes ambassades sur la problématique tout en renforçant le contrôle d'octroi de visas touristiques. Il convient absolument de stipuler la raison réelle pour laquelle la personne demande l'octroi d'un visa. Si le visa est demandé par un club pour un test, il convient de limiter la durée de séjour à la durée du test.

2. Interdiction formelle de transférer des joueurs de moins de 18 ans tout en prévoyant des sanctions pénales pour les contrevenants. Renforcement du contrôle médical par un examen de l'ossature afin de déterminer l'âge réel du joueur afin d'éviter des falsifications de l'âge.

3. Afin d'éviter toute dérive de la part des clubs employeurs d'une main-d'oeuvre étrangère, il convient que l'Inspection du travail amplifie les contrôles dans les différents clubs de première division mais aussi au niveau des divisions inférieures et cela dans les trois régions du pays. Ces contrôles devraient porter essentiellement sur le permis de travail, l'assujettissement à la sécurité sociale, le travail non déclaré, le respect des conditions de travail, l'hébergement, etc.

4. Lors d'une période de test, il conviendrait d'obliger le club à établir un document officiel entre le joueur et le club stipulant les droits et devoirs de chacune des parties : par exemple, obligation de prise en charge par les clubs des différents frais pendant la période de transfert, obligation de souscrire à une assurance soins de santé pour le joueur pendant toute la durée du test, obligation de prévoir le retour dans le pays d'origine du joueur, etc.

Ce document devrait être accompagné du visa du joueur et être officialisé par l'Union royale belge des sociétés de football association (URBSFA) avant le début du test.

Par ailleurs, à l'issue du test, le joueur ne pourrait en aucun cas passer dans un autre club pour un autre test sans avoir à nouveau souscrit un document officiel tel que prévu ci-dessus.

Les clubs contrevenant à cette réglementation se verraient sanctionnés par l'Union royale belge des sociétés de football association (URBSFA).

5. Aujourd'hui, le salaire minimum pour un contrat professionnel est de 1 082 256 francs. Il conviendrait absolument d'augmenter ce salaire minimum pour les contrats professionnels en multipliant son montant par cinq afin d'arriver à un contrat professionnel annuel d'environ 5 millions de francs. Cette réglementation aurait pour effet, dans un premier temps, de nous aligner progressivement sur les autres pays européens afin d'éviter que bon nombre de joueurs ne soient mis en dépôt dans un club belge par d'autres clubs européens. Dans un second temps, l'effet d'entonnoir dû au minimum salarial actuel en Belgique devrait empêcher bon nombre de clubs belges d'effectuer un trop grand nombre de transferts afin de trouver une main-d'oeuvre bon marché.

6. Uniformisation de la réglementation concernant l'alignement de joueurs extra-communautaires en match officiel. Il conviendrait de revenir à une réglementation en match officiel de trois joueurs hors UE alignés sur le terrain comme la plupart des autres pays européens. Cette réglementation devrait être prise par l'Union royale belge des sociétés de football association (URBSFA) et ne concernerait que les matches officiels. Par ailleurs, aucune limitation ne devrait être prévue dans l'effectif global de l'équipe.

7. L'Union royale belge des sociétés de football association (URBSFA) devrait voir ses moyens renforcés afin de faire face à ses différentes missions de contrôle tant des intermédiaires que des transferts (évalués à plus de 30 000 joueurs par an).

8. Comme le prévoit la nouvelle réglementation de la Fédération internationale de football association (FIFA) en matière de transfert édictée le 1er mars 2001, il conviendrait lors de chaque transaction pour laquelle un intermédiaire représente les intérêts d'un joueur que son nom et sa signature figurent sur le contrat de travail pour que celui-ci soit officialisé.

Par ailleurs, si un joueur ne fait pas usage des services d'un intermédiaire, cela doit également être mentionné expressément dans le contrat de travail.

9. Une réelle application des sanctions envers les clubs, les joueurs et les intermédiaires contrevenant aux différentes réglementations édictées par la Fédération internationale de football association (FIFA). Par ailleurs, la Fédération internationale de football association (FIFA) pourrait sanctionner l'Union royale belge des sociétés de football association (URBSFA) s'il s'avère que celle-ci a failli à ses missions.

10. Il conviendrait que la Communauté française légifère en concertation avec l'Union royale belge des sociétés de football association (URBSFA) et la Région wallonne sur le statut d'intermédiaire afin de s'aligner sur le décret qui a été pris par la Communauté flamande.

11. La Fédération internationale de football association (FIFA) devrait prévoir des sanctions envers les fédérations des pays contrevenant aux différentes réglementations en matière de transferts de joueurs affiliés. Des sanctions allant du blâme à l'interdiction faite à ces fédérations de participer à toutes les compétitions officielles pendant une durée limitée devraient être prévues.


ANNEXE III


PROTOCOLE DE COOPÉRATION DANS LA LUTTE CONTRE LA TRAITE DES ÊTRES HUMAINS CONCLU ENTRE L'INSPECTION SOCIALE DU MINISTÈRE DES AFFAIRES SOCIALES ET L'INSPECTION DES LOIS SOCIALES DU MINISTÈRE DE L'EMPLOI ET DU TRAVAIL

Vu la loi du 30 avril 1999 relative à l'occupation des travailleurs étrangers et l'arrêté royal du 9 juin 1999 portant exécution de cette loi;

Vu la loi du 27 juin 1969 révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs et l'arrêté royal du 28 novembre 1969 pris en exécution de cette loi;

Vu l'arrêté royal nº 5 du 23 octobre 1978 relatif à la tenue des documents sociaux et l'arrêté royal du 8 août 1980 relatif à la tenue des documents sociaux;

Vu la loi du 16 novembre 1972 concernant l'inspection du travail;

Vu la note d'orientation générale concernant la lutte contre le travail illégal, approuvée le 29 octobre 1999 par le Conseil des ministres du gouvernement fédéral, en particulier en vue de l'exécution du volet répressif concernant la poursuite de la lutte contre la traite des êtres humains;

Considérant les recommandations de la Commission parlementaire d'enquête chargée de l'examen d'une politique structurelle en vue de sanctionner et d'éradiquer la traite des êtres humains, en particulier le contrôle systématique du respect de la législation sociale dans les secteurs à risques;

Considérant les recommandations de la sous-commission « traite des êtres humains et prostitution », en particulier l'utilisation plus efficace d'instruments légaux existants du droit pénal social et la coopération entre les différentes instances;

Considérant l'objectif de la Task force « traite des êtres humains » créée au cabinet du premier ministre en vue d'obtenir un modèle en ce qui concerne la lutte contre la traite des êtres humains;

Considérant l'expérience pratique acquise par les cellules régionales « traite des êtres humains et secteurs à risques » du service de l'Inspection sociale et par les directions régionales de l'Inspection des lois sociales dans le cadre de leur lutte contre l'occupation illégale;

Considérant la volonté des services concernés, soutenus à ce sujet par leurs autorités politiques, d'approfondir et de renforcer leur coopération dans la lutte contre la traite des êtres humains, et de créer à cet effet une structure au sein de laquelle des actions durables sont développées;

il a été convenu ce qui suit :

1. l'Inspection sociale et l'Inspection des lois sociales s'engagent à organiser de manière systématique des contrôles communs de leur propre initiative en ce qui concerne le respect de la législation sociale dans les secteurs où le risque de traite des êtres humains est élevé, en vue d'obtenir un meilleur aperçu et une meilleure maîtrise de la situation, ce qui doit être profitable à la lutte contre la traite des êtres humains;

2. les terrains d'action prioritaires sont les suivants :

­ secteur de la prostitution;

­ agriculture et horticulture;

­ restaurants exotiques;

­ ateliers de confection;

­ entreprises de chiffons;

­ entreprises de nettoyage;

3. la fréquence des contrôles est fixée à une action par mois par arrondissement judiciaire (une action peut comporter un ou plusieurs contrôles ou avoir trait à plusieurs arrondissements judiciaires);

4. la manière dont les actions sont organisées, c'est-à-dire la mise en place d'une structure de concertation régionale, la détermination des priorités locales, la désignation des participants, la politique de contrôle à suivre, la concertation avec des tiers, fait l'objet d'une annexe au présent document;

5. des rapports spécifiques sont prévus; les formulaires et les instructions en la matière font l'objet d'une annexe au présent document;

6. les deux services d'inspection échangeront les instructions communiquées lors de leurs réunions de service concernant les réglementations qui relèvent de leurs compétences et qui sont utilisées dans la lutte contre la traite des êtres humains, ainsi que leurs directives spécifiques relatives à la lutte contre la traite des êtres humains;

7. les deux services d'inspection s'efforceront ultérieurement d'aboutir à une plate-forme informatique compatible en vue d'une collecte et un échange structurés d'informations concernant la traite des êtres humains. Les deux services d'inspection autoriseront l'accès mutuel aux banques de données gérées par leur département respectif, d'une part, et souscriront à des initiatives interdépartementales qui contribuent à structurer les flux d'informations en matière de traite des êtres humains, d'autre part;

8. compte tenu de la spécificité de l'intervention des services d'inspection, ces actions s'inspirent de la philosophie de la circulaire nº Col 12/99 du Collège des procureurs généraux, d'une part, en ce qui concerne la détermination des actions prioritaires, à savoir la traite des êtres humains dans le cadre de la prostitution et la traite des êtres humains dans le cadre de la législation sociale et, d'autre part, en ce qui concerne la manière dont la coordination des recherches et des poursuites est conçue, étant entendu que les services d'inspection insistent sur une politique adéquate en matière de poursuites;

9. en vue de l'application correcte du présent protocole, d'une part, et afin d'encourager une bonne entente et coopération, d'autre part, un coordinateur est désigné auprès des deux services; ces coordinateurs se rencontreront régulièrement afin d'examiner l'exécution du présent protocole et d'intervenir au besoin en vue de garantir la bonne application du protocole;

10. une attention particulière est également accordée à la stimulation de toutes les formes d'activités de formation communes qui favorisent l'intégration; il sera en particulier veillé à l'unité d'interprétation de textes légaux qui relèvent de la compétence des deux services;

11. les deux services d'inspection diffuseront le présent protocole parmi les membres de leur personnel, accompagné d'un exposé oral; il sera demandé en particulier que les membres du personnel mettent tout en oeuvre pour arriver à une coopération loyale;

12. le présent protocole est transmis pour information au Collège des procureurs généraux.

Fait à Bruxelles, le ....


(1) La délégation brésilienne était composée de M. Aldo Rebello, Président de la Commission CPI Nike, M. Eduardo Campos, rapporteur de la Commission CPI Nike, M. Silvio Torres, rapporteur de la Commission CPI Nike et M. Jurandyl Juarez, député.

(2) Voir le texte traduit en annexe I du présent rapport.

(3) Voir le texte des recommmandations en annexe II.

(4) Article 3, alinéa 4, de la loi du 3 mai 1880 sur les enquêtes parlementaires : « Les membres de la Chambre sont tenus au secret en ce qui concerne les informations recueillies à l'occasion des réunions non publiques de la commission. Toute violation de ce secret sera sanctionnée conformément au règlement de la Chambre à laquelle ils appartiennent. »

(5) Source : ministère de la Communauté flamande, section Migration et Gestion du marché du travail, cellule Migration, Rapport annuel 2000, pp. 69-72.

(6) Voir texte en annexe III.