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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 4 JUILLET 2002 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Demande d'explications de M. Philippe Mahoux à la ministre de la Protection de la consommation, de la Santé publique et de l'Environnement sur «l'échinococcose alvéolaire humaine et les problèmes de santé publique qu'elle pose» (nº 2-825)

M. Philippe Mahoux (PS). - L'échinococcose alvéolaire est une maladie parasitaire due à un ver plat de la famille des tænia, l'échinocoque multiloculaire ou alvéolaire. Il s'agit en fait d'une maladie très grave, potentiellement mortelle, qui se caractérise, après infection accidentelle, par l'envahissement et la destruction progressive du foie chez l'être humain.

L'atteinte simule un cancer du foie et peut donner lieu à des métastases vers d'autres organes vitaux. Lorsque la maladie se déclare sur le plan clinique, le pronostic est réservé, voire mauvais.

En fait, la destruction progressive du foie entraîne, au départ, des signes peu caractéristiques : douleurs abdominales, ictère fluctuant, modifications de certains tests biologiques spécifiques du système hépatique.

Tous ces facteurs amènent le médecin à réaliser une échographie ou un examen par scanner afin de poser un diagnostic précis d'échinococcose alvéolaire. Un examen sanguin peut également être pratiqué pour le dépistage, pour confirmer le diagnostic et assurer le suivi après intervention chirurgicale.

Il n'existe aucun vaccin contre cette maladie. Le traitement consiste en l'ablation chirurgicale large des lésions et, en cas de destruction étendue du foie, seule la greffe hépatique peut sauver le patient. Certains médicaments sont utilisés pour freiner l'évolution de la maladie mais ils doivent être administrés à vie car ils sont incapables d'assurer la guérison à eux seuls.

Au niveau belge, le parasite a été observé pour la première fois chez le renard roux en 1992 dans le massif ardennais.

Au niveau européen, les foyers sont le massif alpin et les régions avoisinantes.

Au niveau mondial, la maladie est décrite chez l'homme là où le cycle de l'échinocoque alvéolaire peut se dérouler, c'est-à-dire dans les régions froides et au relief accidenté de l'hémisphère nord. Dans certains pays, en Chine par exemple, la maladie est fréquente.

Madame la ministre dispose-t-elle d'informations statistiques complémentaires sur la situation actuelle de l'échinococcose en Belgique ?

Dispose-t-on de données chiffrées quant au nombre de cas humains observés en Belgique, que la maladie ait été ou non contractée sur notre territoire ?

Des enquêtes sont-elles en cours dans les différentes régions du pays ?

Des mesures spécifiques sont-elles envisagées pour informer la profession médicale, notamment afin d'améliorer le diagnostic précoce et d'augmenter les chances de traitements ?

Dispose-t-on de données chiffrées quant aux dépenses annuelles liées aux médicaments prescrits pour cette maladie ?

Des mesures préventives sont-elles prises à destination des hôtes intermédiaires, essentiellement les animaux domestiques, chiens et chats, pour lesquels un traitement antiparasitaire peut être appliqué ? Pour les renards, un tel traitement semble évidemment difficile à appliquer.

Mme Magda Aelvoet, ministre de la Protection de la consommation, de la Santé publique et de l'Environnement. - En ce qui concerne la situation actuelle et les chiffres relatifs à cette maladie dont nous disposons, plusieurs études ont estimé la prévalence du parasite chez le renard dans diverses régions du pays. Les résultats sont différents selon les régions, car l'altitude joue un rôle déterminant. La prévalence la plus forte est observée en Suisse et en Allemagne, surtout dans la partie montagneuse de ce dernier pays.

En Belgique, dans la province du Luxembourg, la prévalence se situerait entre 15 et 51%.

Cette différence assez grande est due au fait que la population est relativement réduite ; dès lors, le nombre d'échantillons limité rend les calculs malaisés.

L'Institut Pasteur m'a signalé qu'une étude réalisée entre 1998 et 2002 révèle, pour l'ensemble de la Région wallonne, que 33% des renards sont infectés. Ce taux est de 1,6% en Hesbaye et de 2% en Flandre. Il y a donc un gradient d'infestation décroissant d'est en ouest lié probablement aux variations géoclimatiques.

En ce qui concerne les cas humains en Belgique, depuis 1999, six cas ont été recensés. Deux cas ont entraîné le décès des personnes infectées. Il est à noter que l'incubation de la maladie est de 10 ans et que, si l'incidence augmentait chez le renard, le nombre limité de cas humains augmenterait également après quelques années. On n'a toutefois pas constaté d'augmentation significative des cas durant ces deux dernières années.

Plusieurs instances ont financé des programmes de recherche qui sont terminés. C'est le cas de l'IEV, de la Région wallonne, de l'Institut de médecine tropicale et des universités d'Anvers et de Liège.

La Région de Bruxelles-Capitale vient d'initier un programme de surveillance de la population vulpine à Bruxelles essentiellement axé sur l'échinococcose. L'administration de l'environnement en Flandre - AMINAL - assure le même type de suivi.

Il existe aussi un réseau européen de surveillance qui a recensé 580 cas humains dans sept pays européens. Ce réseau tente d'évaluer le rôle des chats et des chiens dans l'épidémiologie de la maladie.

Le Conseil supérieur d'hygiène a été saisi du problème en 1999 et a émis un avis axé essentiellement sur le développement de la surveillance, la vermifugation des animaux domestiques et l'information du public. Il est exact qu'une information dirigée vers le grand public et une autre, spécifiquement destinée aux médecins, s'avèrent nécessaires. Plusieurs articles ont déjà été écrits à ce sujet. Étant donné la rareté de la maladie, cette information devra être faite en tenant compte du meilleur rapport coût/efficacité.

Le coût annuel du traitement varie entre 5000 et 15000 euros par patient.

M. Philippe Mahoux (PS). - Je m'en tiendrai évidemment à l'aspect épidémiologique.

Les chiffres que vous citez sont assez inquiétants si on les compare, sur le plan humain, aux conséquences de l'encéphalopathie. D'après ce que vous dites, il y aurait eu six cas depuis trois ans, dont deux mortels, et, sur les quatre autres, on n'a pas de renseignements précis sur le stade actuel de la maladie, sachant très bien que l'évolution se fait toujours vers une disparition de la fonction hépatique et donc, une traduction chirurgicale.

En ce qui concerne les moyens dont nous disposons, on sait que la prévention ne peut être mise en pratique qu'en réduisant la prévalence de l'infection de l'hôte intermédiaire.

J'aimerais donc connaître les mesures qui peuvent être prises en ce qui concerne cet hôte intermédiaire. On a vu que des mesures radicales avaient été mises en oeuvre notamment pour des pathologies affectant le cheptel. Pour certains hôtes intermédiaires tels les animaux domestiques, on pourrait envisager des campagnes de traitement. Vous avez parlé de la prévalence chez les renards, madame la ministre, mais pas chez les animaux domestiques. Je présume qu'aucune étude n'a été réalisée à cet égard. Il serait cependant intéressant d'y procéder. La prévalence de 35% dans certaines régions du pays me paraît énorme.

-L'incident est clos.