2-215

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Belgische Senaat

Handelingen

DONDERDAG 4 JULI 2002 - OCHTENDVERGADERING

(Vervolg)

Vraag om uitleg van de heer Josy Dubié aan de vice-eerste minister en minister van Buitenlandse Zaken en aan de staatssecretaris voor Ontwikkelingssamenwerking over «de dreigende hongersnood in Zuidelijk Afrika» (nr. 2-823)

M. Josy Dubié (ECOLO). - Du 10 au 13 juin dernier s'est tenue à Rome une réunion de chefs d'État et de gouvernement, réunion dont le but était d'envisager les mesures à prendre pour accélérer la lutte contre la malnutrition qui, selon les agences spécialisées des Nations unies, affecte encore quelque 800 millions de personnes à travers le monde. Cette réunion était organisée conjointement par la Food and Agriculture Organization - la FAO - et le Programme alimentaire mondial - le PAM - qui ont lancé un véritable appel au secours à propos de la menace de famine qui concerne au moins dix millions de personnes en Afrique australe.

Plus d'une centaine de chefs d'État et de gouvernement de pays du tiers-monde étaient présents à Rome, mais seulement deux représentants au plus haut niveau des pays développés avaient estimé utile de faire ce déplacement, soit beaucoup moins que les chefs d'État, rois, princes ou ministres de pays riches qui, dans le même temps, avaient jugé indispensable de se trouver dans les tribunes des stades de football de Corée ou du Japon pour assister aux matches de la coupe du monde. Vous par contre, monsieur le secrétaire d'État, étiez présent à Rome avec une délégation belge, ce dont je vous félicite.

Selon les agences spécialisées de l'ONU, des millions de personnes, surtout des enfants, sont menacées de famine à brève échéance au Malawi, au Zimbabwe, au Lesotho, au Swaziland, au Mozambique et en Zambie. En Angola, la famine fait déjà aujourd'hui des milliers de morts comme le dénonce MSF-Belgique, présent sur place.

En novembre 2001 à Doha, lors de la réunion ministérielle de l'OMC, et en mars dernier à Monterrey ; au Mexique, lors de la Conférence des Nations unies sur le développement, les pays riches ont affirmé leur souci de lutter contre la pauvreté. Comment dès lors expliquer l'absence à Rome des nombreux chefs d'État présents à ces deux importantes réunions, au moment précis où leurs belles paroles pouvaient se transformer en actions concrètes pour aider certains des pays parmi les plus pauvres du monde en Afrique australe à faire face à la tragédie qui menace une grande partie de leur population ?

Les causes de la famine, qui touche déjà ou qui menace plusieurs des pays d'Afrique australe, sont nombreuses et diversifiées. Sécheresse, inondations, guerres civiles, mauvaise gouvernance, corruption, étranglement économique, détérioration des termes de l'échange, etc. Toutes ces causes sont connues. Quoi qu'il en soit, il reste que les populations affamées n'en sont pas les responsables mais les principales victimes. Il est certainement plus utile, à long terme, « d'apprendre à pêcher à ces populations que de leur donner du poisson à manger », selon une formule célèbre. Il reste que dans la situation d'urgence actuelle, le temps presse. Il faut donc donner aux organes spécialisés des Nations unies, en particulier au PAM, les moyens de faire face à la situation. Au total, selon le PAM, qui, malgré ses appels pressants, ne voit pratiquement rien venir, l'ensemble des pays d'Afrique australe touchés par la famine auraient besoin de 1,2 million de tonnes d'aide alimentaire d'urgence et de 4 millions de tonnes supplémentaires pour faire la soudure jusqu'à la prochaine récolte.

M. le secrétaire d'État peut-il nous dire quel est le montant de la contribution belge au PAM ?

Compte tenu de l'urgence, vu la menace de famine, quelles mesures supplémentaires le gouvernement belge compte-t-il prendre pour aider le PAM à faire face à ses obligations ?

M. Eddy Boutmans, secrétaire d'État à la Coopération au développement. - Comme le souligne M. Dubié, une partie de l'humanité est privée du droit élémentaire d'avoir tous les jours le minimum de nourriture indispensable. L'un des grands objectifs du millénaire est de réduire de moitié, en 2015, le nombre de personnes qui, dans le monde, sont menacées de famine ou de sous-alimentation. C'est à la fois ambitieux et scandaleux puisque cela signifie que nous nous fixons comme objectif, dans une quinzaine d'années, d'avoir encore plusieurs centaines de millions de personnes victimes de sous-alimentation.

Ce sont les objectifs au sujet desquels les leaders du monde se sont accordés en septembre 2000, lors de l'assemblée générale de l'ONU, dite du Millénaire.

Pour assurer le financement de ces objectifs, notamment la réduction de moitié de la sous-alimentation n'est qu'un élément, la Conférence de Monterrey a été organisée. Un consensus a pu y être dégagé et peut être considéré comme un pas dans la bonne direction mais le gouvernement belge et moi-même, en particulier, avons déjà affirmé publiquement qu'il était insuffisant pour atteindre, en 2015, les objectifs du Millénaire.

C'est dans ce cadre qu'il faut considérer la Conférence de Rome, convoquée par le directeur général de la FAO, Conférence initialement prévue pour octobre ou novembre de l'an dernier mais reportée à la demande d'un certain nombre d'États, suite aux événements du 11 septembre.

Elle a finalement eu lieu entre la Conférence de Monterrey en mars et la Conférence de Johannesburg sur le développement durable qui aura lieu en août et septembre prochains. C'est ce qui explique la présence d'un nombre restreint de chefs d'États et de représentants de gouvernements à Rome. En effet, la lutte pour la sécurité alimentaire étant l'un des aspects du développement durable et faisant partie du consensus de Monterrey, on ne pouvait envisager de nouveaux engagements lors de ce Sommet de Rome, situé entre les deux autres conférences.

Il n'empêche qu'à Rome ont eu lieu les débats auxquels la Belgique a participé de manière très active sur des thèmes de sécurité alimentaire à long terme, à savoir le rôle, la forme et l'importance de l'agriculture, mais aussi de la pisciculture, de la pêche, etc, dans le cadre des objectifs du Millénaire.

Nous nous sommes également penchés sur l'aspect de crise. En effet, il faut distinguer, d'une part, la sécurité alimentaire structurelle et, d'autre part, le fait que depuis plusieurs mois, une partie de l'Afrique est confrontée à des problèmes aigus de famine.

Je crois dès lors pouvoir affirmer qu'il n'est pas très inquiétant que des progrès importants n'aient pas été enregistrés à Rome. Ce qui est, en revanche, plus préoccupant, ce sont les faibles progrès engrangés lors de la Conférence de Monterrey. Espérons qu'à Johannesburg les avancées seront plus importantes.

Quant à votre question sur les mesures que compte prendre la Belgique pour lutter contre la famine, je voudrais souligner que la lutte contre l'insécurité alimentaire structurelle a été, pour le Parlement, le motif fondamental de la mise sur pied du Fonds de survie belge qui travaille depuis plus de dix ans dans plusieurs pays, essentiellement de l'Afrique subsaharienne, à des programmes et des projets visant à garantir ce type de sécurité alimentaire régionale.

Au début de l'année, nous avons organisé, avec la commission parlementaire d'accompagnement du Fonds de survie, la visite de plusieurs projets et effectué une étude approfondie des réalisations du Fonds alimentaire dans certaines régions de Tanzanie. Selon l'impression générale des parlementaires et la mienne, il s'agit d'excellentes initiatives développées par la population locale, ce qui est essentiel dans tout projet important de développement.

Ces efforts, d'un montant de quelque 20 à 25 millions d'euros par an, concernent des projets qui visent essentiellement à prévenir des crises telles que celles que nous connaissons aujourd'hui dans certains pays d'Afrique.

Cela n'enlève évidemment rien à la nécessité de venir en aide aux populations en proie à une crise concrète. Vous avez cité l'Angola et mentionné les causes multiples de la famine dans un pays qui s'éternise depuis vingt-cinq ans dans une guerre civile atroce et qui semble à présent pouvoir se pacifier. Tout cela laisse des traces, comme cela a marqué le Burundi et risque d'aggraver la situation au Congo.

Je ne vous cache pas ma grande préoccupation par rapport à la situation de sécurité alimentaire en République démocratique du Congo : les gens sont à bout, bien que la production agricole continue à être soutenue. Les produits ne sont pas acheminés vers les villes, faute de routes et de mesures de sécurité suffisantes.

Je crains donc que, même si l'on parvient à stabiliser la situation dans ce pays, il risque de se produire, dans un ou deux ans, une pénurie alimentaire très grave.

Nous essayons par tous les moyens de prévenir les crises lorsque c'est possible ou d'apporter notre aide lorsqu'il est trop tard.

La Belgique s'est engagée, par le Traité international sur l'aide alimentaire, à offrir l'équivalent de 30.000 tonnes de blé par an. Nous remplissons amplement cette obligation. Nous aurions pu inclure le PAM dans les organisations multilatérales subventionnées structurellement et limitées légalement à une vingtaine. Nous ne l'avons pas fait tout en collaborant régulièrement avec cet organisme à des projets d'aide alimentaire. En 2002, notre aide alimentaire, via le PAM, atteindra ainsi 3.140.000 millions d'euros dont 1.2 million pour l'Afrique australe.

Les pays qui ont été choisis voici quelques mois sont précisément ceux au sujet desquels on nous annonçait qu'ils seraient touchés par une grave crise alimentaire. Il s'agit du Malawi, du Mozambique et du Zimbabwe. Pour le reste, la plus grande partie de notre aide alimentaire est octroyée aux pays d'Afrique centrale - le Burundi, la République démocratique du Congo et le Rwanda - ainsi qu'à l'Afghanistan et à la Palestine, un pays qui n'aurait normalement pas du tout besoin de cette aide mais dont vous connaissez la situation déplorable. Je propose de vous remettre ces chiffres par écrit.

La crise qui touche l'Angola est grave mais je voudrais toutefois la relativiser, tout en sachant que le principe moral qui prévaut n'est pas la banalisation ou la relativisation de ces choses-là.

Les chiffres desquels je dispose indiquent qu'environ 70.000 personnes sont directement menacées par la faim dans les diverses régions d'Angola. Ce nombre pourrait quelque peu augmenter car ces régions deviennent progressivement plus accessibles. C'est ce qui a poussé « Médecins Sans Frontières » à déclencher la sonnette d'alarme. Les médecins de MSF se rendent en effet compte, lorsqu'ils arrivent dans ces régions, que de graves problèmes y existent. Nous avons donc répondu à l'appel de MSF qui a introduit un dossier. À partir de la ligne budgétaire d'aide d'urgence, nous avons immédiatement attribué, voici plusieurs semaines, 400.000 euros à l'Angola.

Environ 30% du budget de l'aide alimentaire est consacré à des opérations de réhabilitation agricole et donc à la distribution de semences et d'outils aux petits agriculteurs. Je me rappelle que, lorsque je me trouvais au Burundi, j'ai assisté à ces distributions et ce n'était pas un spectacle agréable. Plusieurs centaines de personnes faisaient la file pour recevoir une aide alimentaire mais aussi des semences et des outils qui leur permettraient d'obtenir de la nourriture pour leurs besoins immédiats et de travailler eux-mêmes pour subvenir, durant les mois suivants, aux besoins alimentaires de leurs familles et de leurs communautés.

Ces programmes, organisés essentiellement par le FAO en coopération directe avec le PAM, sont extrêmement efficaces et très bien gérés et j'ai ressenti un certain orgueil à participer à ces opérations qui combinent l'urgence et l'autoproduction. Depuis lors, la situation des régions les plus touchées par une quasi famine, s'est fortement améliorée.

Nous essayons de favoriser l'achat régional. La Belgique n'octroie pas le moindre produit agricole belge dans nos programmes de 30.000 tonnes d'équivalent de blé. Nous achetons ou nous aidons le PAM et les autres organisations à acheter elles-mêmes des produits sur les marchés locaux ou régionaux. Nous ne voulons surtout pas que l'aide alimentaire décourage les producteurs locaux d'encore produire. Nous tentons donc d'aider, à la fois, les personnes immédiatement menacées et l'agriculture de la région la plus proche qui peut encore produire.

La semaine prochaine, j'irai d'ailleurs en RDC, inaugurer un projet de ce type. Vous savez qu'au Congo, la production alimentaire est très riche potentiellement et même réellement. Le problème réside dans le défaut de moyens de transport pour faire le lien entre les producteurs et les consommateurs.

Nous allons engager un programme d'aide alimentaire grâce aux achats qui seront faits dans des régions du Congo productrices d'excédents alimentaires. C'est la voie à suivre.

Cependant je réalise que, sans une mobilisation mondiale accrue, nous n'atteindrons pas même en 2015 ce but, pourtant scandaleusement peu ambitieux, de réduction de moitié du nombre d'affamés dans le monde.

M. Josy Dubié (ECOLO). - Je remercie le ministre de ses explications. Je partage son indignation devant le fait que l'objectif du millénaire ne sera pas atteint en 2015. Toutes les prévisions qui tiennent compte des résultats déjà obtenus montrent malheureusement que la réduction de moitié de la sous-alimentation mondiale ne sera pas réalisée.

Monsieur le ministre, je vous ai écouté avec beaucoup d'attention et je suis d'accord avec l'essentiel de ce que vous avez dit. Cependant, ma question était précise : elle consistait à évoquer une situation d'extrême urgence.

Je partage votre approche selon laquelle la distribution gratuite ou peu payante peut perturber les marchés locaux et induire des conséquences négatives. Vous avez dit, monsieur le secrétaire d'État, que le PAM n'était pas repris dans la liste des organismes internationaux qui bénéficient du soutien de la Belgique. Je le regrette. Je sais que le PAM a plutôt mauvaise presse parmi les ONG parce qu'effectivement, il n'a pas été exempt de certaines erreurs dans le passé et spécialement dans la distribution alimentaire où il a parfois servi à écouler des surplus alimentaires, notamment américains, qui ont inondé les marchés locaux et ont eu comme conséquence de changer les habitudes alimentaires et de faire chuter les prix sur ces marchés. Je sais tout cela.

Toutes ces erreurs ont été corrigées. J'ai travaillé durant sept ans pour les Nations unies et j'avais des contacts réguliers avec le PAM. Aujourd'hui, le PAM achète d'abord sur place, à proximité des zones de famine, de la nourriture appropriée aux modes de consommation locaux pour l'acheminer dans les zones de famine. Je regrette franchement que l'on ne prenne pas en considération les menaces très précises qui existent et que reprend l'appel d'urgence du PAM : dix millions de personnes sont menacées de famine aujourd'hui en Afrique australe.

Je puis vous dire, monsieur le secrétaire d'État, qu'en 1984 et 1985, alors que j'étais reporter pour la télévision belge, je me suis rendu en Éthiopie, j'y ai vu les effets de la famine, j'ai ramené des images dramatiques qui ont bouleversé la Belgique. Je puis donc vous dire que nous aurons bientôt des images du même type en provenance du Swaziland, du Zimbabwe et d'ailleurs. Les causes de la famine y sont multiples : au Zimbabwe, elles sont politiques, au Swaziland, c'est la sécheresse. Quoi qu'il en soit, il y a urgence, la maison est en train de brûler. Il faut éteindre l'incendie. Il faut donner aux organisations spécialisées, dont le PAM est la première et la plus importante, les moyens d'intervenir massivement.

Ce que vous m'avez dit ne me rassure pas. Je trouve qu'il faut fournir un effort supplémentaire particulier pour tenir compte de l'appel d'urgence du PAM. La Belgique ne s'en préoccupe pas suffisamment, tout comme d'autres pays. Je crains dès lors que dans un avenir plus ou moins proche, nous soyons inondés de ces images de famine ; une prise de conscience de l'opinion publique forcera alors les pays occidentaux à prendre ces mesures que je souhaiterais voir prises avant que de telles images ne soient filmées.

M. Philippe Mahoux (PS). - La prévention est nécessaire.

M. Josy Dubié (ECOLO). - Comme moi, mais pour d'autres raisons, M. Mahoux a connu ces problèmes en tant que membre de MSF. Le secrétaire d'État a raison de dire que l'aide alimentaire peut être la pire et la meilleure des choses. Ce n'est certainement pas moi qui défendrais les envois massifs et gratuits de nourriture là où le besoin n'existe pas. Mais dans les cas où la maison brûle, il faut éteindre l'incendie et apprendre à pécher dans des circonstances différentes, comme disait Mao Tsé-toung.

En l'occurrence, je crois qu'aujourd'hui, la menace est tellement grave et l'appel au secours du PAM tellement évident qu'il faut y répondre et faire un effort supplémentaire.

M. Eddy Boutmans, secrétaire d'État à la Coopération au développement. - Je suis conscient, et je crois l'avoir dit moi-même, de la menace. Je n'ai tenu aucun propos négatif sur le PAM et je ne le ferai pas. Je suis généralement un défenseur des organismes de l'ONU, même si des fautes, parfois assez graves, ont été commises par le passé. J'ai gardé une impression positive de ce que j'ai vu au Mozambique et au Burundi, par exemple, et des actions habituellement menées par le PAM, souvent en coordination avec la FAO.

Par ailleurs, un montant d'environ dix millions d'euros sera réservé cette année à cette aide alimentaire et 3,140 millions d'euros seront acheminés via le PAM. Dans chaque cas, nous avons choisi le canal ou l'instrument qui nous semblait le plus approprié. Pour l'Angola, par exemple, nous avons choisi MSF. Est-ce un bon choix ? Ou faudrait-il systématiquement choisir le PAM ? Quoi qu'il en soit, je suis persuadé que cette aide sera acheminée sans problèmes par cette organisation vers les régions d'Angola les plus menacées.

J'ai omis de dire que nous disposons encore de cinq millions d'euros du passé. Nous avons décidé de mettre ce montant à la disposition du PAM, essentiellement pour des actions en Afrique centrale. Nous dépassons ainsi les chiffres que je vous ai donnés. Cet effort supplémentaire vise à rencontrer la situation menaçante qui prévaut actuellement.

-Het incident is gesloten.

De voorzitter. - We zetten onze werkzaamheden voort vanmiddag om 15 uur.

(De vergadering wordt gesloten om 12.00 uur.)