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2 JUILLET 2002
Dans une société caractérisée par une plus grande ouverture, une mobilité et des échanges sans cesse croissants, la connaissance des langues constitue un atout majeur. Elle doit donc être une priorité de l'enseignement.
En outre, dans notre pays, la connaissance de la seconde langue nationale constitue presque une condition sine qua non pour l'obtention d'un emploi. Celui qui ne connaît que sa langue maternelle est donc fort défavorisé sur le marché du travail.
Comme l'étude d'une langue forme le regard à ce qui est commun et différent dans les cultures, comme c'est une manière de relativiser la pensée ethnocentrique, comme la connaissance de la langue de l'autre ouvre fondamentalement la voie à l'acceptation de l'autre, l'apprentissage des langues est le chemin du respect de l'autre dans sa différence et a des répercussions positives sur la formation de l'identité.
Malheureusement, force est de constater qu'après de nombreuses années d'études et malgré un nombre d'heures considérables consacrées à l'apprentissage des langues, nos enfants ne sont pas bilingues. Tout au plus ont-ils acquis une connaissance passive d'une autre langue que la leur.
Seuls sont bilingues ceux qui ont accompli tout ou partie de leurs études dans une autre langue que leur langue maternelle ou ceux dont les parents ont assumé les frais de séjour ou d'échanges linguistiques.
Ce n'est pourtant ni la faute des professeurs ni la faute des élèves. Mais, comme l'attestent des spécialistes de l'enseignement des langues, cet échec provient de l'approche que l'on a de l'enseignement des langues : la langue est un savoir-faire plutôt qu'un savoir. La langue est avant tout un moyen de communiquer, plus qu'un contenu ou qu'une matière.
C'est pour cette raison que les langues s'apprennent plus facilement lorsqu'elles servent à raconter, demander, ou à apprendre quelque chose. Cette approche est bien plus efficace que celle qui consiste à apprendre pour apprendre.
Il n'est dès lors pas surprenant de constater que l'immersion linguistique dans le cadre de laquelle des cours sont donnés dans une autre langue que la langue maternelle donne de si bons résultats. Les résultats de cette méthode sont d'autant meilleurs que l'enseignement est dispensé par des professeurs qui sont des « natives speakers ».
Or, notre législation linguistique en matière d'enseignement ne favorise absolument pas l'enseignement de matières par des « natives speakers ». En effet, pour pouvoir enseigner dans une école d'un rôle linguistique déterminé, les enseignants doivent faire la preuve de leur connaissance approfondie de la langue de l'école dans laquelle ils vont enseigner, alors même qu'ils enseignent dans leur langue maternelle qui n'est pas celle de l'école.
Pour favoriser l'enseignement par des « natives speakers » et donc l'apprentissage des langues par nos enfants, il importe d'assouplir les exigences linguistiques en la matière et de remplacer l'exigence d'une connaissance approfondie de la langue de l'établissement par une connaissance fonctionnelle de cette langue. L'échange d'enseignants entre les écoles des deux communautés pourra ainsi être encouragé. Il sera aussi plus aisé, pour les écoles voulant pratiquer l'immersion, d'engager des professeurs qui enseignent certains cours dans leur langue maternelle, langue autre que celle en vigueur dans l'école.
Par connaissance fonctionnelle, il y a lieu d'entendre une connaissance qui permette à l'enseignant de comprendre ses collègues, ses élèves et leurs parents, ainsi que de se faire comprendre d'eux dans le cadre de conversations courantes. Elle n'implique donc pas la capacité d'enseigner dans la langue de l'établissement ni celle de s'exprimer sans fautes. Elle n'implique pas non plus un niveau de compréhension de la langue sortant de ce qui est nécessaire dans des situations d'urgence vis-à-vis des enfants et dans des délibérations scolaires pour ce qui est des collègues et des parents.
La compétence pour déterminer le régime linguistique de l'enseignement appartient à chacune des communautés, pour la région de langue française et pour la région de langue néerlandaise. Cependant, pour les communes à statut linguistique spécial, cette compétence est restée fédérale mais ne peut, depuis la révision de l'article 129, § 2, premier tiret, de la Constitution opérée en 1988, être réglée que par le législateur spécial. C'est la raison pour laquelle la présente proposition est une loi à majorité spéciale.
Magdeleine WILLAME-BOONEN. Frans LOZIE. |
Article 1er
La présente loi spéciale règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.
Art. 2
L'article 13 de la loi du 30 juillet 1963 est complété par l'alinéa suivant :
« Dans les communes visées à l'article 129, § 2, premier tiret, de la Constitution, la preuve de la connaissance fonctionnelle de la langue de l'enseignement suffit pour les professeurs qui enseignent dans une langue autre que la langue de l'enseignement. »
2 juin 2002.
Magdeleine WILLAME-BOONEN. Frans LOZIE. |