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M. François Roelants du Vivier (MR). - Même si nous ne sommes pas très nombreux pour en parler, je voudrais toutefois, monsieur le ministre, vous féliciter très vivement pour la parution, à votre initiative et à celle de M. Ylieff, d'un « Livre blanc pour la modernisation des établissements scientifiques nationaux ». Il a été récemment soumis au gouvernement qui en a pris acte, ce qui est une bonne chose. Il sera intéressant de connaître sa réaction à vos propositions.
Je voudrais insister sur un des aspects du Livre blanc : les musées fédéraux. Le Livre blanc a l'ambition légitime de refinancer un secteur qui a été délaissé pendant de nombreuses années par les gouvernements qui se sont succédé, amenant les responsables de nos musées fédéraux, tous situés à Bruxelles à l'exception du Musée royal de l'Afrique centrale à Tervuren, à devoir réduire le nombre de gardiens et fermer des salles, sporadiquement ou en permanence. Hier encore, Mme Cahen, le conservateur du Musée du Cinquantenaire, s'exprimait à ce sujet dans la presse. Elle espérait des évolutions positives.
Votre démarche est d'autant plus intéressante qu'elle s'inscrit à contre-courant d'une tendance européenne visant à effectuer des coupes claires dans les budgets des grands musées. Tout récemment encore, le British Museum a annoncé une réduction budgétaire de près de dix millions d'euros, soit 14% de son budget annuel, entraînant notamment la fermeture de plusieurs de ses 76 salles et le licenciement de 150 gardiens. Il ne s'agit que d'un exemple parmi d'autres. Cette tendance se manifeste même dans des pays d'ancienne culture. Je pense notamment à ce qui s'est passé ces dernières années en Italie.
Je vous sais donc gré d'avoir réagi dans le bon sens en soulignant qu'il est important de réinvestir dans ce domaine. Le constat établi par le Livre blanc est honnête et implacable : les lacunes dans la modernisation de nos musées sont très nombreuses et les risques que cette situation fait courir à la protection du patrimoine culturel qui y est conservé sont considérables. Vous avez bien insisté sur les risques très préoccupants d'incendie et sur tout ce qui concerne la sécurité en général. J'ai notamment épinglé les cinq pages consacrées à la sécurité des utilisateurs, des visiteurs, du personnel et du patrimoine. Les milieux intéressés savent qu'il n'existe aucune politique de sécurité, que l'on n'emploie pas assez de gardiens, que ceux-ci ne bénéficient d'aucune formation et que les inventaires sont lacunaires.
Or, j'assistais la semaine dernière, en Espagne, à une réunion des unités de police spécialisées de l'Union européenne pour le trafic illicite des oeuvres d'art. On se plaint, dans différents pays, du caractère incomplet des inventaires des musées, même des grandes institutions nationales. Ce n'est pas le cas dans tous les pays mais la Belgique est malheureusement un des États qui ne disposent pas d'un inventaire complet. Du reste, j'ai récemment visité, à la police fédérale, la base de données reprenant les oeuvres d'art volées sur notre territoire. Il faut savoir que, chaque année, leur nombre varie entre 10.000 et 12.000 et que 9 à 10% d'entre elles proviennent des musées. Lorsque j'ai souhaité obtenir un renseignement sur une des oeuvres volées dans un musée, on m'a montré la fiche descriptive mais aucune photo n'était disponible. Dans un autre cas, on disposait du titre de l'oeuvre - en l'occurrence, une sculpture - mais pas de sa description.
Il y a donc des lacunes importantes alors qu'il est fondamental de disposer d'un bon inventaire.
Déjà en janvier 2002, à une question que je vous avais posée, vous aviez répondu : « Les gardiens ne sont pas suffisamment préparés pour pouvoir aborder avec une efficacité maximale les diverses mesures de sécurité existantes. Le nombre de gardiens est beaucoup trop bas et constitue principalement le point faible de la sécurité. »
Dès lors, la proposition du Livre blanc d'engager 109 gardiens supplémentaires a toute son importance et représenterait une dépense de 2,162 millions d'euros. En revanche, je suis préoccupé par le niveau du budget récurrent de la formation. En effet, à la page 43 du Livre blanc il n'est prévu que 7.500 euros pour cette formation alors que 189.000 euros sont inscrits pour de nouveaux équipements de surveillance. Un budget de 7.500 euros, c'est vraiment négligeable. Ne faudrait-il pas s'inscrire dans la voie que suivent les Néerlandais et investir plus dans la formation des gardiens de musées tant en connaissance du patrimoine qu'en mesures de sécurité ?
C'est du reste la leçon que nous devrions tirer encore de l'histoire récente des vols perpétrés par Stéphane Breitwieser, un jeune serveur alsacien amateur d'art qui a volé plus de 239 oeuvres d'art dans de nombreux musées d'Europe, vols toujours accomplis le jour, pendant les heures de visite. Récemment, on a volé dans un musée de Cologne un bronze de Giacometti lors d'une ouverture nocturne en le remplaçant par une copie en bois. Cela s'est fait encore une fois durant les heures d'ouverture du musée. Les spécialistes de la sécurité des musées le disent : la sécurité de nuit est relativement bien assurée par des équipements informatiques assez sophistiqués. Le problème se situe durant la journée. La formation des gardiens s'avère donc fondamentale pour assurer la sécurité.
On estime les oeuvres d'art que contiennent nos musées à 6,2 milliards d'euros. On peut se poser néanmoins des questions quant à la manière dont cette estimation est établie puisque, en relisant l'inventaire des musées, je constate que la valeur du patrimoine des objets d'art ne varie pas depuis les années 1960.
Or, tout le monde sait que le marché de l'art évolue tant à la hausse qu'à la baisse. Je m'étonne donc de voir figurer une valeur constante. Il n'empêche que ce montant est important et justifie un budget plus ambitieux pour la sécurité de ces biens et singulièrement pour la formation du personnel de gardiennage. Ce serait un bon placement pour la préservation d'un patrimoine qui appartient à tous.
Je vous félicite encore d'avoir franchi une première étape avec la présentation du Livre blanc au gouvernement, qui en a pris acte. Ce Livre blanc n'aurait pu être rédigé sans la collaboration des directeurs des différents établissement compétents dans leurs domaines.
Les explications que je souhaite obtenir de votre part portent sur la suite des opérations.
Le gouvernement, au-delà de sa prise d'acte, est-il bien décidé à conserver dans le giron fédéral les établissements scientifiques fédéraux ? Je ne doute pas qu'une des raisons politiques à l'origine de votre Livre blanc est, bien sûr, d'insister sur la nécessité de maintenir ces établissements au niveau fédéral et de couper court à toute une série de rumeurs, comme celle qui prévoit, pour la Bibliothèque royale un sort aussi funeste que celui qu'a subi, en son temps, la bibliothèque de l'Université catholique de Louvain, soit la répartition des livres entre les Communautés, selon que leur cote était paire ou impaire, ce qui a fait et ferait de nous la risée de la communauté internationale.
Bien entendu, ce Livre blanc contient des propositions de moyens, en gros 25 millions d'euros. Le gouvernement a-t-il manifesté le souci de s'inspirer de ce Livre blanc lors de l'élaboration du budget 2003 ?
C'est la réalité qu'il va devoir affronter très concrètement.
Enfin, troisième question : puisque j'ai insisté sur cet aspect humain important non seulement pour les intéressés mais aussi pour la protection du patrimoine, ne considérez-vous pas que les moyens accordés à la formation des gardiens, les fameux 7.500 euros récurrents, devraient être plus importants ?
Je vous remercie de la réponse que vous allez donner mais, en tous cas, l'effort que vous avez entrepris mérite d'être largement soutenu. Sachez que je suis de votre côté à ce niveau.
M. Charles Picqué, ministre de l'Économie et de la Recherche scientifique, chargé de la Politique des grandes villes. - J'ose espérer que l'absentéisme dans cet hémicycle n'est pas l'expression d'un désintérêt pour cette problématique. Il est en tout cas certain que le Livre blanc ne sort pas maintenant par hasard. Je suis à l'origine de cette initiative. Il est vrai que le Livre blanc est surtout constitué par l'ensemble des observations, remarques et suggestions des chefs d'établissement. Mais j'ai souhaité que ce Livre blanc soit aujourd'hui sur la table du gouvernement et sur celle du parlement au moins pour quatre raisons.
La première est que nous sommes rendu compte, comme vous l'avez d'ailleurs fait remarquer, que le sort institutionnel de ces musées est évoqué de manière fréquente et répétitive. La pire chose serait de montrer quelque signe de désintérêt pour ces institutions car cela aurait vite pour effet de ressusciter - pour peu qu'elles aient disparu - des tentations de communautarisation, ou en tout cas, des tentations de trouver à ces institutions un nouveau cadre ou un nouveau statut.
Deuxièmement, des changements de direction vont être opérés. Le moment est donc opportun, vous en conviendrez, de relancer la dynamique de certaines institutions avec le concours des nouveaux venus.
Troisièmement, on observe un peu partout une tendance générale à considérer avec un certain désintérêt ces institutions marquées du sceau de la tradition et du classicisme dans la manière de présenter les collections et de mener des actions pédagogiques. Aujourd'hui, je dirais volontiers qu'on est parfois beaucoup plus enthousiasmé par la création d'un nouveau musée correspondant à un thème de l'époque et du temps que par le maintien dans un bon état de fonctionnement et de valorisation d'institutions qui sont souvent - il est vrai - fondées sur la collection et la recherche scientifique.
Quatrièmement, nous vivons un tournant en ce qui concerne le financement de telles institutions un peu partout en Europe et dans le monde. En effet, devant l'insécurité et les risques de voir des collections démantelées - même si ce n'est pas dans un délai rapide - il faut prendre des mesures qui sont parfois coûteuses.
Le problème de la numérisation effraie également parce que nous nous rendons bien compte que, si l'on ne parvient pas à digitaliser un certain nombre de données liées aux collections, ces institutions apparaîtront totalement archaïques. Mais, cela coûte très cher.
Enfin, se posent peu à peu des questions liées à la conservation des pièces, le parfait exemple en étant la conservation du papier.
Tout cela fait que ces institutions questionnent.
C'est pour cette raison que nous avons pris cette initiative de rédiger le Livre blanc qui montre bien notre volonté de garder, à ces institutions, un statut fédéral.
Il s'agit donc d'un plan pluriannuel de revalorisation et de modernisation. Il y a, dans ce Livre blanc, une expression de volontarisme pour la mise en valeur de ces institutions.
Il y a huit programmes d'action que je ne détaillerai pas ici puisque vous les connaissez. Il ne faut pas rêver, on ne pourra pas exécuter ces huit programmes simultanément, c'est absurde. Il faut donc mettre en oeuvre cette stratégie progressivement. Les mesures les plus urgentes relèvent de l'organisation de la gestion des musées. C'est là que nous aurons l'occasion d'évoquer, au Conseil des ministres, la question de la mise des directeurs sous mandat, le problème de l'engagement de nouveaux fonctionnaires pour les nouveaux métiers nécessaires à ces institutions - j'ai notamment parlé de l'informatique et de tout ce qui relève de la muséologie moderne - et, aussi, la sécurité des collections, du personnel et des bâtiments.
Il n'y a pas eu au gouvernement un long débat sur les orientations stratégiques. Peut-être était-ce prématuré car j'ai bien senti que la question sous-jacente était celle du financement.
Nous avons donc pris acte d'un plan stratégique que personne n'a contesté. De là à dire que le gouvernement s'est engagé à respecter le plan de financement qui est dans le Libre blanc, ce serait un mensonge puisqu'on a évoqué l'élaboration du budget 2003 et que c'est à cette occasion que je vais devoir introduire une demande pour satisfaire au moins les premiers besoins dont j'ai parlé.
Pour ce qui concerne les gardiens, les quatre musées fédéraux sont sur le point d'obtenir la validité du titre de service interne de gardiennage. Pour obtenir ce titre en conformité avec la loi de M. Tobback, des cours de base sur le gardiennage ont été organisés. Les gardiens ont donc suivi une première formation qu'ils ont tous réussie.
Sur base volontaire, certains d'entre eux ont demandé une deuxième formation pour le contrôle des personnes. Ils ont également réussi l'examen.
Nous devrions compléter tout cela par des tests psychologiques.
J'aurais souhaité que l'on accorde aux lauréats de cette formation une sorte d'allocation, histoire de les encourager.
Cela n'a pas été possible lors de la discussion du budget 2002. Maintenant que le Livre blanc est là et que cette initiative s'inscrit clairement dans une redynamisation de la gestion de ces institutions, je vais évidemment renouveler ma demande dans le cadre du budget 2003.
Pour ce qui est des chiffres, il faudra aussi faire confiance aux auteurs du Livre blanc. Ils avaient également cité le chiffre que vous avez avancé en ce qui concerne la formation, sachant très bien ce qui était prévu mais tenant compte du fait que des formations avaient déjà eu lieu. Des explications ont été données à ce sujet dans une fiche technique, que je consulterai.
Il s'agit d'un important débat, lié au sauvetage de notre patrimoine et de notre mémoire collective. Je souhaite le voir mené de la façon la plus sérieuse possible par le gouvernement.
Cette matière est suffisamment importante pour qu'au moment ad hoc, nos deux assemblées parlementaires puissent donner au ministre leur avis quant aux mesures prévues. Ce sera sans doute à l'occasion de l'élaboration du budget 2003 que nous mesurerons notre capacité à réaliser les grands plans stratégiques du Livre blanc. Je veux donc rester optimiste, car adopter une stratégie sans adopter les moyens adéquats serait inacceptable et jetterait un certain discrédit sur le travail réalisé.
M. François Roelants du Vivier (MR). - Je vous remercie de votre réponse.
Je suis content d'apprendre que vous envisagez d'informer tant la Chambre, qui a la compétence budgétaire, que le Sénat au sujet du Livre blanc et de son actualisation. Il est important que les parlementaires s'investissent davantage dans ce débat.
Par l'acte du gouvernement, le statut fédéral de ces musées est pérennisé. Cela me semble également important. Deux questions non négligeables se posent en ce qui concerne la muséologie. Les musées doivent, d'une part, être attractifs. Il faut faire en sorte qu'ils répondent aux préoccupations et aux attentes du public, et qu'ils soient moins figés que par le passé. Ensuite, la sécurité doit être renforcée. La criminalité organisée est devenue redoutable en ce domaine. J'ai participé à un récent colloque à ce sujet. Il apparaît de plus en plus que des vols d'oeuvres d'art servent aussi à alimenter d'autres types de trafic ainsi que des réseaux terroristes. Des représentants de Scotland Yard ont évoqué des cas de ce type, à partir de vols survenus dans les musées anglais.
Enfin, je vous demande de revoir la fiche du Livre blanc consacrée à la formation permanente des gardiens, laquelle est tout aussi importante que celle qui leur permet d'obtenir leur « diplôme » de gardiennage. Cela fait partie des motivations de ce personnel que, trop souvent, on a considéré comme un meuble dans les salles de musée.
-Het incident is gesloten.
De voorzitter. - De agenda van deze vergadering is afgewerkt.
De volgende vergaderingen vinden plaats donderdag 27 juni 2002 om 9.30 en om 15.00 uur.
(De vergadering wordt gesloten om 18.25 uur.)