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25 AVRIL 2002
Personne ne conteste qu'une politique de surveillance routière efficace peut contribuer à améliorer sensiblement la sécurité routière. Des experts routiers, comme Miran Scheers, déclarent que « lorsqu'il s'agit d'influencer le comportement routier, une telle politique a au moins autant d'impact que les mesures éducatives, techniques et d'infrastructure » (Via Secura, nº 45).
Ces derniers temps, les appels du renforcement des contrôles sont devenus plus pressants. Diverses propositions ont été formulées en vue de créer un traitement administratif, en vue d'augmenter le montant des amendes en matière de roulage et de les lier ou non au revenu, en vue de placer la police de la circulation routière sous la tutelle du ministre des Communications, etc. Or, sur le terrain, les choses évoluent peu. Les habitants de Peer ont raison : le principal problème résulte du manque de contrôle. On ne doit pas créer de nouvelles règles si on est incapable d'imposer le respect des règles existantes.
Au-delà de toutes les belles promesses, il y a la réalité sur le terrain, qui est déplorable : on paralyse la police locale qui est chargée du contrôle sur la majorité des routes : une masse de directives confuses coulées dans une multitudes de circulaires, un statut que les communes sont incapables de financer et qui réduit la capacité opérationnelle, des dotations fédérales insuffisantes, etc. Or, c'est précisément au sein de ces zones locales que le contrôle serait le plus efficace (voir ci-dessous). Les autorités locales constatent, impuissantes, qu'il y a mécontentement croissant chez leurs administrés alors qu'elles n'ont pas les moyens d'agir efficacement.
1. La surveillance routière
On entend par surveillance routière l'ensemble des mesures et des moyens servant à faire respecter les règles de la circulation et à empêcher qu'elles soient à nouveau enfreintes. Vu l'importance du trafic, nous considérons la sécurité routière comme un pilier distinct dans le cadre des activités des services de police. Il n'empêche qu'on y a consacré que peu d'attention lors de la réforme des polices parce que cette réforme était axée essentiellement sur le problème de la criminalité. D'autres missions de police comme le transport de fonds et de détenus, le traitement d'apostilles relatives à la constatation de nuisances sonores dans les dancings occupent de plus en plus longtemps les agents. On est dès lors en droit de se demander comment la ministre des Communications, Isabelle Durant, va pouvoir tenir la promesse, gratuite semble-t-il, qu'elle a faite et qui implique que la vitesse de chaque automobiliste sera encore contrôlée à huit reprises au cours de 2002, sans parler de la multiplication par cinq du nombre de contrôles d'alcoolémie qu'elle a annoncée. Le ministre de l'Intérieur ne s'en émeut point parce qu'il se rend compte que ses services de police ne seront pas en mesure de mettre en oeuvre les propositions ambitieuses en question. Le syndicat de la police a déclaré de son côté qu'il était irréaliste d'augmenter le nombre de contrôles au niveau local (8 janvier 2002).
Les responsables politiques locaux sont confrontés à une situation gênante en ce sens que les médias répètent à l'envi à la population que la sécurité routière est une priorité et que les contrôles seront renforcés, alors que le corps de police est inopérationnel.
2. Les chiffres : le doigt sur la plaie
Lorsque l'on analyse la ventilation du nombre d'accidents et de victimes par type de route, l'importance d'une politique de surveillance locale devient évidente.
Au cours de l'année 2000, il y a eu, en Flandre, 3 049 accidents ayant entraîné des lésions corporelles sur les autoroutes et les échangeurs. En revanche, on a recensé 16 488 accidents avec lésions corporelles sur les routes régionales et provinciales et 13 486 sur les routes communales. Bref, 10 % seulement des accidents ayant entraîné des lésions corporelles, soit un peu plus de 30 000, se sont produits sur des autoroutes. Cela signifie que 90 % des accidents ayant entraîné des lésions corporelles se produisent sur les routes dont la surveillance incombe à la police locale depuis la réforme des polices.
En ce qui concerne le nombre d'accidents mortels, nous constatons que la proportion est à peu près identique. Au cours de l'année 2000, il y a eu, en Flandre, 143 victimes d'accidents sur les autoroutes. Il y a eu 503 tués sur les routes régionales et provinciales et 225 sur les routes communales. Cela signifie qu'une grande majorité des victimes, soit 84 % d'entre elles, ont perdu la vie sur des routes qui tombent sous le contrôle de la police locale.
Par rapport aux pays étrangers, on peut affirmer effectivement que l'on assiste chaque année à une hécatombe sur les routes belges, principalement sur celles qui tombent sous le ressort des zones de police locale.
3. Le rôle-clé que l'on souhaite confier à la police locale
Bien que le gouvernement en place considère le problème de la sécurité routière comme prioritaire, il se décharge entièrement sur les communes du problème épineux du renforcement des contrôles de police.
Le ministre de l'Intérieur, M. Duquesne, a notamment déclaré, le 9 août 2001, que les contrôles routiers sur les routes régionales et sur les routes communales relèvent de la compétence de la police locale. Depuis, il a cependant tout fait pour « torpiller » cette police locale. C'est ainsi que le Fonds des amendes qui a été créé en application de l'article 226bis de la nouvelle loi communale et qui devait permettre d'élargir la capacité d'action de la police locale a été supprimé de fait par la loi du 7 décembre 1998 (on l'a, comme on dit, intégré dans les dotations fédérales). Il faut rappeler que le Fonds des amendes versait 7,5 % du montant total des amendes perçues (soit 6,8 milliards de francs) à la police communale !
Il y a évidemment un fond de vérité dans les déclarations du ministre Duquesne. Mme Miran Scheers, chercheuse à l'IBSR (Institut belge pour la sécurité routière) tient elle aussi un vibrant plaidoyer en faveur du développement, au niveau des zones de police locale, pour ce qui est de la circulation routière, d'unités spécialisées disposant des moyens logistiques nécessaires. Pour les actions spécialisées, elles doivent pouvoir compter sur un appui de la police fédérale.
Au vu des chiffres des accidents de la route et des victimes de ces accidents, d'une part, et de la nouvelle structure de la police qui se caractérise par une grande responsabilité des zones de police locale, d'autre part, on ne peut pas faire autre chose que responsabiliser aussi ces zones. Une petite enquête auprès d'une dizaine de bourgmestres flamands a appris que tous étaient favorables à une plus grande responsabilisation des autorités locales en la matière.
La police locale est en effet la plus à même de situer les problèmes (carrefours dangereux, excès de vitesse, concentration d'usagers de la route vulnérables, points noirs), et, donc, de les intégrer dans divers projets de contrôle routier ciblé. Comme il est impossible de constater toutes les infractions de roulage, il convient que l'on s'efforce d'organiser un contrôle routier plus ciblé permettant de lutter en priorité en fonction du moment et du lieu contre certaines catégories d'infractions de roulage. Des projets de contrôle routier ciblé améliorent les chances de succès. Les autorités locales peuvent traiter ces aspects dangereux de la circulation et les mesures nécessaires pour y remédier dans leurs plans de sécurité.
4. La responsabilisation de la zone de police
Nous proposons dès lors que l'on responsabilise complètement les autorités locales pour pouvoir réaliser les grands espoirs que l'on place dans les zones de police locale. Si les autorités locales décident par exemple de lutter plus sévèrement contre les excès de vitesse, elles devront mobiliser les effectifs et les moyens nécessaires à cela et elles ne pourront dès lors pas les affecter à d'autres missions peut-être plus sympathiques. En matière de sécurité routière, les avantages d'une politique de surveillance de la circulation compensent les inconvénients d'une répression plus sévère des infractions, tout comme, dans d'autres domaines, les bienfaits de la réalisation de certains projets compensent les désagréments liés à la perception des impôts nécessaires à cet effet. Actuellement, on n'utilise pas cet effet compensatoire en matière de circulation routière.
Lorsqu'un agent de police dresse procès-verbal, il s'ensuit très souvent une amende : perception immédiate, règlement à l'amiable ou sanction pécuniaire sur décision du juge de police. Actuellement, l'argent récolté tombe dans les caisses du gouvernement fédéral. Par notre proposition, nous voulons inverser cette situation.
Nous voulons que les autorités locales qui prennent leurs responsabilités pour pouvoir constater un nombre suffisant d'infractions de roulage, qui acquièrent l'appareillage indispensable à cette fin, comme des radars et des caméras fixes, et qui sont disposées à affecter du personnel à cette tâche, puissent tirer une partie des moyens financiers nécessaires du produit des amendes infligées.
Nous souhaitons ainsi responsabiliser complètement les autorités locales en établissant un lien étroit entre les amendes et la sécurité routière, comme il en existe un dans les autres domaines politiques entre les impôts et ce qu'ils permettent de réaliser. Le but ultime du renforcement des contrôles et de la verbalisation est évidemment de réduire le nombre d'infractions au code de la route. Si l'on y arrive, le produit des amendes diminuera et l'on pourra réduire le nombre de contrôles. À un moment donné, il y aura un équilibre optimal entre l'importance du risque d'être pris (et l'importance de l'effort en termes d'engagement d'effectifs et de moyens) et le nombre d'infractions (et le produit des amendes), et dans le cadre de celui-ci, les autorités locales prendront leurs responsabilités.
5. Les grands axes de la présente proposition
Nous proposons que l'ensemble du produit des amendes réprimant l'ensemble des infractions au code de la route constatées par la police locale sur les routes régionales, provinciales et communales (qui relèvent d'ailleurs de la compétence de la police locale depuis la réforme des polices) soit versé dans un fonds de surveillance routière. Les moyens versés dans ce fonds seraient redistribués à concurrence de 80 % entre les zones de police, et ce, de manière strictement proportionnelle au nombre d'infractions qui auraient été constatées au sein de celles-ci. Les 20 % restants seraient versés au budget fédéral, qui doit supporter les diverses dépenses, du tribunal de police notamment, et qui doit organiser la perception du montant des amendes. L'objectif de la présente proposition est de prévoir que le produit des amendes infligées à la suite de verbalisations de la police locale pour cause d'infractions au code de la route est versé jusqu'à concurrence de 80 % à la caisse communale. Le produit total des amendes pour infractions au code de la route s'élève actuellement à 6 milliards de francs au moins. On ignore quelle est, dans ce chiffre, la part exacte du produit des infractions commises en dehors des autoroutes, mais on peut l'évaluer à quelque 4 milliards de francs.
Le régime proposé pourrait amener très vite la police locale à faire montre d'une plus grande sévérité. Contrairement à ce que l'on a fait dans le cadre de longs débats et de certaines propositions qui ont engendré des discussions interminables, notre proposition ne touche pas à la structure actuelle. Elle peut être mise en oeuvre immédiatement et elle n'a pas la moindre incidence sur le processus selon lequel les juges de police locaux prennent leurs décisions, que ce soit pour infliger des peines alternatives ou des sanctions pécuniaires. Notre proposition resterait valable, même si le gouvernement fédéral décidait d'accélérer le traitement des infractions au code de la route au niveau fédéral en utilisant exclusivement la voie administrative ou en liant le montant des amendes au revenu.
La présente proposition prévoit des procès-verbaux distinctifs qui mentionneraient dans quelle zone de police l'infraction en question a été commise. L'élément distinctif doit être présent du début à la fin de la procédure (perception immédiate, règlement amiable, procédure devant les tribunaux). En fin de compte, c'est en effet chez le receveur des domaines et des amendes pénales qu'arrive tout l'argent perçu. Si l'argent perçu porte un élément distinctif, il est plus facile de le rembourser par la suite. Notre proposition ne touche en rien à la jurisprudence : la commune ne peut absolument rien faire pour ou contre le classement sans suite, elle ne peut pas influencer le montant de l'amende, et elle ne peut rien faire pour ou contre une politique de sanctions alternatives.
La création d'un tel fonds présente les avantages suivants :
1. Les communes et les villes qui mènent une politique de surveillance active s'inscrivant dans le cadre des plans de sécurité zonale (pour prévenir d'éventuelles aberrations) et qui engagent suffisamment d'effectifs et de moyens financiers pour ce faire, sont récompensées financièrement (incitant).
2. Les autorités locales qui sont le plus à même de situer les problèmes sont le mieux placées pour les résoudre. Comme nous l'avons déjà dit, les données chiffrées concernant les accidents ayant entraîné des lésions corporelles ou la mort, entre autres, montrent aussi que les communes jouent un rôle-clé.
3. On sait clairement qui est politiquement responsable en cas d'échec de la politique de surveillance routière avec toutes les conséquences qui s'ensuivent. Le niveau administratif en question doit dès lors supporter les conséquences de l'introduction ou non d'une politique de surveillance routière rigoureuse. Il s'agit en l'espèce d'une concrétisation du principe de l'autonomie administrative au niveau local.
4. L'action de la police locale doit être menée conformément aux plans de sécurité déjà établis, qui pourront être mis en oeuvre concrètement grâce aux moyens complémentaires.
L'autorité locale pourrait mettre en oeuvre efficacement et correctement ses plans de sécurité et, partant, améliorer la sécurité générale au niveau communal.
Article 2
En vue de la concrétisation d'une politique de surveillance routière efficace, nous proposons la création d'un fonds fédéral de surveillance routière.
Il offre aux citoyens la garantie que les moyens seront affectés exclusivement à la surveillance routière.
Le ministre de l'Intérieur est responsable de la gestion de ce fonds.
Article 3
Les revenus de ce fonds proviennent du produit des amendes pour infractions routières constatées par la police locale.
Les recettes provenant du produit des amendes résultent de l'ensemble des dispositions législatives relatives à la circulation routière, à savoir :
les lois coordonnées relatives à la police de la circulation routière et leurs arrêtés d'exécution;
la loi du 21 juin 1985 relative aux conditions techniques auxquelles doivent répondre tout véhicule de transport par terre, ses éléments ainsi que les accessoires de sécurité, et ses arrêtés d'exécution;
la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs, et ses arrêtés d'exécution.
Article 4
Les moyens sont redistribués annuellement aux zones de police à partir de ce fonds, à concurrence de 80 % de manière strictement proportionnelle aux infractions qui y ont été constatées. Cela permet de soutenir financièrement les communes qui mènent une politique de surveillance énergique.
Les procès-verbaux sont distinctifs pour que l'on puisse déterminer dans quelle zone de police l'infraction a été constatée.
Les collèges de police ou le collège des bourgmestre et échevins sont tenus d'affecter les moyens ainsi obtenus au seul développement de la politique de surveillance routière. Ils établissent un rapport annuel à ce sujet. De la sorte, le citoyen est informé au sujet de la politique de surveillance routière menée par l'autorité locale.
La subvention peut être retirée en cas d'affectation incorrecte. Cette sanction garantit que les moyens seront bel et bien affectés à la surveillance routière.
Article 5
Les moyens de ce fonds sont réservés annuellement à concurrence de 20 % au budget fédéral en vue de couvrir les frais divers, soit notamment, les frais de fonctionnement des tribunaux de police et les frais d'organisation de la perception.
Article 6
Pour que l'on puisse redistribuer les moyens du fonds de manière strictement proportionnelle aux infractions qui ont été constatées par la police locale dans chaque zone de police, les procès-verbaux doivent mentionner si l'infraction a été constatée par la police locale ou par la police fédérale et indiquer dans quelle zone de police l'infraction a été constatée.
Article 7
Étant donné l'hécatombe à laquelle l'on assiste sur le réseau routier belge, il est prévu que cette loi entrera en vigueur dès sa publication au Moniteur belge.
Patrik VANKRUNKELSVEN. Vincent VAN QUICKENBORNE. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
Il est instauré un fonds fédéral de surveillance routière, dénommé ci-après le fonds.
Le fonds est un service de l'État à gestion séparée, au sens de l'article 140 des lois sur la comptabilité de l'État, coordonnées le 17 juillet 1991.
Le fonds est géré par le ministre qui a l'Intérieur dans ses attributions.
Art. 3
Le fonds collecte les moyens qui seront affectés à la mise en oeuvre d'une politique de surveillance routière dans les zones de police respectives.
Le budget du fonds est alimenté par les recettes des amendes infligées en cas d'infractions pour non-respect des lois et des arrêtés d'exécution relatifs à la circulation routière constatées par la police locale.
Art. 4
Quatre-vingt pour cent des recettes provenant d'une constatation faite par la police locale d'une zone de police déterminée sur le territoire de cette zone, sont affectés chaque année à cette zone de police (s'il s'agit d'une zone pluricommunale) ou aux communes (s'il ne s'agit pas d'une zone pluricommunale). À cet effet, tous les constats visés à l'article 3, alinéa 2, mentionnent le numéro de la zone de police et celui-ci est repris sur les formulaires de perception, de manière que l'on puisse répertorier les recettes du fonds par zone de police.
Les collèges de police ou le collège des bourgmestre et échevins affectent exclusivement les moyens ainsi redistribués au développement d'une politique de surveillance routière. Ils font rapport à ce sujet chaque année dans le cadre d'un plan de surveillance routière. En cas d'affectation incorrecte des moyens, la subvention est retirée.
Art. 5
Vingt pour cent des moyens du fonds sont attribués annuellement à l'autorité fédérale.
Art. 6
L'article 62 de la loi relative à la police de la circulation routière, coordonnée le 16 mars 1968, modifiée par les lois du 4 août 1996 et du 16 mars 1999, est complété par la disposition suivante :
« Tous les procès-verbaux mentionnent si l'infraction a été constatée par la police locale ou par la police fédérale telles que prévues par la loi du 7 décembre 1998 organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux.
Tous les procès-verbaux mentionnent également la zone de police où l'infraction a été constatée. »
Art. 7
La présente loi entre en vigueur le jour de sa publication au Moniteur belge.
6 mars 2002.
Patrik VANKRUNKELSVEN. Vincent VAN QUICKENBORNE. |