2-193

2-193

Belgische Senaat

Handelingen

DONDERDAG 21 MAART 2002 - NAMIDDAGVERGADERING

(Vervolg)

Vraag om uitleg van mevrouw Nathalie de T' Serclaes aan de minister van Binnenlandse Zaken en aan de minister van Justitie over «de maatregelen die genomen werden voor het verhoor van slachtoffers van seksuele agressie» (nr. 2-748)

Mme Nathalie de T' Serclaes (PRL-FDF-MCC). - De nombreuses questions ont déjà été posées au ministre de l'Intérieur ; elles concernaient les conséquences de la réforme des polices sur les enquêtes menées sur les délits sexuels. Certains problèmes concrets et pratiques se posent sur le terrain. Lors de la réforme des polices, on a confié l'audition des victimes d'abus sexuels à la police locale. Or, précédemment, dans certains arrondissements judiciaires, des équipes s'étaient spécialisées dans ces auditions. Vous avez pu, avant de devenir ministre de la Justice, visiter les locaux qui avaient été spécialement conçus pour ces auditions, notamment à la gendarmerie de Bruxelles. Un personnel spécialisé y travaillait. La réforme des polices a modifié cette répartition. Aujourd'hui, dans l'attente d'une spécialisation éventuelle de membres de la police locale pour ces auditions, on doit faire face à des difficultés pratiques. Les magistrats du parquet ou de l'instruction s'en plaignent. Ils ne peuvent en effet plus faire appel à ces équipes spécialisées dans la mesure où celles-ci ont été réparties dans des corps différents. Dès lors, compte tenu des obligations qui leur sont imposées, elles ne peuvent être disponibles au moment voulu, même si, théoriquement, elles pourraient apporter leur expertise.

Un problème concret se pose. L'actualité montre que la manière dont sont entendues les victimes d'agression sexuelle, spécialement les enfants, est particulièrement importante, et que cela ne peut se dérouler n'importe comment tant du point de vue du lieu que de la façon de procéder.

Je me fais le porte-parole de l'inquiétude qui persiste sur le terrain pour qu'une solution transitoire acceptable soit trouvée. Les magistrats qui ont à connaître de ce type d'affaires ne sont pas opposés à l'idée de la répartition à opérer entre le niveau fédéral et le niveau local quoique toutes les polices locales ne disposent pas de l'expertise nécessaire. En tout cas, pour l'instant la situation n'est pas satisfaisante et nous ne pouvons attendre encore durant des mois. En effet, on en est encore au stade du recrutement des formateurs et donc loin de la formation des équipes spécialisées sur le terrain, que ce soit aux niveaux local ou fédéral.

Dès lors, je vous fait part de mon inquiétude à ce sujet et j'aimerais pouvoir être rassurée sur le fait que, par exemple, les magistrats pourraient encore faire appel aux équipes spécialisées avec lesquelles ils ont l'habitude de travailler au moins dans une période intermédiaire, alors que cela ne semble pas pouvoir être le cas aujourd'hui.

M. Marc Verwilghen, ministre de la Justice. - Je vais aborder deux volets : un volet général et une réponse aux quatre questions de Mme de T'Serclaes.

J'ai déjà répondu une dizaine de fois tant à la Chambre qu'au Sénat à des questions portant sur les dispositions prises en matière d'audition de victimes d'agressions sexuelles.

Mais il est vrai que les questions posées aujourd'hui sont pertinentes en ce qu'elles concernent plus précisément l'arrondissement judiciaire de Bruxelles.

L'arrondissement de Bruxelles possède depuis 1996 beaucoup de savoir-faire en matière d'audition de mineurs, des personnes avaient été formées dans les trois anciens corps de police. Ainsi la gendarmerie disposait-elle d'un réseau « d'auditionneurs », la police judiciaire d'une section « moeurs » et plusieurs polices communales bénéficiaient d'enquêteurs compétents en cette matière. L'arrondissement de Bruxelles et quelques autres furent des précurseurs, bien qu'il faille constater que les initiatives bruxelloises existaient de manière parallèle et offraient peu de garantie quant à la continuité.

L'initiative récente de formation de chargés de cours et de sélection « d'auditionneurs » de mineurs d'âge s'inspire précisément des différences importantes qui existent à l'échelle nationale. Certains arrondissements possédaient de l'expertise, dont celui de Bruxelles, d'autres non. L'offre de formation était fort inégalement répartie. Nous voulons, en deux ans, parvenir à une approche de qualité, standardisée pour tous les arrondissements judiciaires du pays avec la garantie que l'expertise déjà acquise ne se perde pas.

Dans l'attente de la réalisation de ce programme, une mesure transitoire est prévue au point 7 de la circulaire ministérielle du 16 juillet 2001 relative à l'enregistrement audiovisuel de l'audition des mineurs victimes ou témoins d'infractions. Il y est stipulé que « en attendant que suffisamment de fonctionnaires de police soient formés conformément à la nouvelle formule, le procureur du Roi fera appel aux fonctionnaires de police déjà formés et bénéficiant d'une expertise pratique ». La directive du 20 février 2002 organisant la répartition des tâches, la coordination et l'intégration entre la police locale et la police fédérale en ce qui concerne les missions de la police judiciaire reprend ces principes, et ajoute que la police fédérale appuiera la police locale jusqu'à la réalisation d'un réseau d'arrondissement et cela au plus tard en 2004.

En outre, cette directive précise que tous ceux qui auditionnent les mineurs recevront une formation dispensée par des personnes expérimentées issues des trois anciens corps de police et travaillant en coordination avec l'école fédérale de recherche.

Pour répondre à votre première question, il me semble indiqué d'attendre la formation de ces personnes et de ne pas mettre en oeuvre des initiatives personnelles - même si elles émanent de bonnes volontés. Le savoir-faire qui caractérise notre pays depuis 1996 ne se perdra pas puisque plusieurs enquêteurs de l'arrondissement judiciaire de Bruxelles prendront part aux sélections des chargés de cours « audition de mineurs ». Ces enquêteurs expérimentés pourront ainsi partager leurs expériences et transmettre un même message non seulement à Bruxelles, mais à l'ensemble du pays.

En ce qui concerne votre deuxième question, vous laissez entendre que le réseau existant à Bruxelles serait intentionnellement déstructuré.

À ma connaissance, ce n'est pas le cas. Un tour de table réalisé début 2001 a démontré que 48 policiers bruxellois étaient formés à l'audition de mineurs ; 40 d'entre eux sont encore actifs. Ces renseignements ont été communiqués le 8 mai 2001 à Mme Thomas, substitut à la section Jeunesse du parquet de Bruxelles, avec la liste du personnel concerné.

Il est cependant exact que certains membres de l'ancienne gendarmerie ont quitté le réseau, de leur propre initiative, semble-t-il. Le Collège des procureurs généraux a récemment demandé aux parquets quels étaient les besoins locaux. S'il s'avère que la situation de l'arrondissement judiciaire de Bruxelles pose problème, il en sera tenu compte pour les priorités à accorder aux formations. D'après les prévisions, cela pourrait se faire à partir du mois de septembre 2002.

Pour répondre à votre troisième question, le service Sciences comportementales de la direction générale de la police judiciaire m'a proposé les noms des magistrats qui possèdent déjà une expérience dans le réseau d'arrondissement, conformément à la nouvelle politique.

Mme Pellens du parquet de Bruxelles fait partie de la commission, côté néerlandophone, et Mme Abras de l'arrondissement judiciaire de Dinant, du côté francophone.

Bien que l'implication d'un magistrat dans la commission de sélection ne soit en théorie pas essentielle, l'importance du choix des chargés de cours et la volonté de favoriser l'harmonisation entre la police et la magistrature ont motivé cette option.

Votre quatrième question semble découler d'un malentendu. En effet, comme cela a déjà été dit, l'expérience de terrain est indispensable pour être retenu en tant que chargé de cours. Les mots clés de la future formation « audition de mineurs » sont la mise en pratique et l'échange d'expériences. Comme vous l'avez souligné, une grande importance sera accordée aux aptitudes par le biais de jeux de rôles.

L'organisation de réseaux locaux devra, en premier lieu, être débattue au sein de la concertation de recherche locale. Tant les autorités compétentes que la magistrature seront ainsi impliquées. Nous préconisons une participation de la magistrature à la sélection et à la formation locales mais, pour des raisons pratiques, la participation minimale a été limitée à un demi-jour « cadre légal » et « politique locale ». La participation d'un magistrat à l'évaluation finale n'est pas imposée, elle relève de la compétence de l'école de police concernée. Si celle-ci propose d'y intégrer un magistrat, nous ne pourrons que l'approuver.

Des formations continuées pendant lesquelles les membres du réseau auront l'opportunité de débattre de cas réels avec les chargés de cours sont également prévues. En outre, le service Sciences comportementales de la police fédérale pourra apporter un soutien permanent lors de la mise en marche des nouveaux réseaux.

La responsabilité des formations et de la future évaluation des membres des réseaux n'incombe cependant pas au service Sciences comportementales mais bien aux écoles qui organisent les formations.

Une évaluation biannuelle des membres des réseaux est prévue et effectuée par au moins un chargé de cours « Audition des mineurs » et un membre d'un service Sciences comportementales. Les magistrats des réseaux d'arrondissement concernés seront informés tant des procédés d'évaluation que du résultat final. L'avis d'évaluation peut donner lieu à l'abrogation du certificat de formation par l'école de police.

Par cette réponse détaillée, madame de T'Serclaes, j'espère avoir apaisé vos craintes que je comprends parfaitement et qui sont certes fondées mais ne concernent pas des problématiques policières. Nous avons veillé à ne pas gaspiller cette belle expérience qui était celle de Bruxelles.

Mme Nathalie de T' Serclaes (PRL-FDF-MCC). - Je remercie le ministre de sa réponse qui apporte des éléments complémentaires aux questions posées par d'autres collègues tant à la Chambre qu'au Sénat. Cependant, je voudrais souligner les problèmes que nous avons connus sous la précédente législature en ce qui concerne la capacité du parquet ou des magistrats instructeurs de faire appel à des enquêteurs. J'ai évoqué le problème particulier de l'audition des enfants. Les magistrats sont particulièrement inquiets car des enquêteurs avec lesquels ils avaient l'habitude de travailler ont été dispersés.

Je pense que nous sommes dans la bonne voie ; le réseau sera certainement un outil efficace lorsqu'il fonctionnera correctement. Il devrait permettre d'auditionner les enfants de façon adéquate. Je vous demande d'être attentif à la capacité des magistrats de faire appel à des enquêteurs, monsieur le ministre : comme vous le savez certainement, bon nombre d'entre eux se plaignent de certains problèmes et font appel au « dirju » qui invoque un manque de disponibilité des enquêteurs. La tension est grande entre les deux niveaux - il est notamment question d'heures supplémentaires - mais les agressions peuvent être commises n'importe quand, même la nuit. La situation n'est pas simple. D'importants problèmes subsistent sur le terrain et je vous demande de tâcher d'y remédier, monsieur le ministre.

M. Marc Verwilghen, ministre de la Justice. - Je resterai attentif au problème. La loi sur la protection pénale du mineur votée en novembre 2000 décrit d'ailleurs les procédures qui doivent être suivies en la matière. Celles-ci n'ont de sens que si les policiers sont formés à ce type d'audition audiovisuelle, beaucoup plus complexe que les autres. Par ailleurs, il faut savoir que les faits peuvent se produire à n'importe quel moment, 24 heures sur 24, sept jours sur sept, tout au long de l'année. Des dispositions doivent certes être prises mais des efforts considérables devront être consentis tant par la police que par le monde judiciaire. Depuis que des circulaires ont été envoyées à ce sujet, je constate que la magistrature, comme les services de police, fait de plus en plus ce que l'on attend de sa part dans ces circonstances très délicates.

-Het incident is gesloten.