2-984/1

2-984/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2001-2002

12 DÉCEMBRE 2001


Projet de loi portant assentiment au Protocole, fait à Bruxelles le 22 septembre 1998, complétant la Convention Benelux concernant la coopération transfrontalière entre collectivités ou autorités territoriales avec Exposé des Motifs commun, signée à Bruxelles le 12 septembre 1986


SOMMAIRE



EXPOSÉ DES MOTIFS


A. Généralités

Comme on sait, l'entrée en vigueur de la Convention Benelux concernant la coopération transfrontalière entre collectivités ou autorités territoriales le 1er avril 1991, offre un instrument juridique à la coopération transfrontalière locale de droit public. Cette convention n'a cependant pas rencontré le succès escompté, quoique la coopération transfrontalière en tant que telle eût pris son envol ces dernières années plus particulièrement dans le cadre d'INTERREG. En effet, d'innombrables projets transfrontaliers, dont quelques-uns seulement en application de la Convention, se sont réalisés au cours de la dernière décennie.

Les utilisateurs potentiels de la Convention n'ont cessé de souligner le caractère « limité » de son champ d'application. La Convention « se limite » effectivement aux collectivités et autorités territoriales énumérées à l'article 1er.

La pratique montre cependant que souvent d'« autres » instances exercent leurs activités dans le domaine de la coopération transfrontalière parallèlement ou en collaboration avec les autorités locales énumérées dans la Convention. Il s'agit par exemple de syndicats d'initiative autonomes, d'agences sous-régionales de l'emploi et de bureaux de placement, des sociétés de développement régional, des chambres de commerce, des sociétés de distribution de l'eau, des partenaires privés dans des intercommunales mixtes et de diverses fondations et associations sans but lucratif. On constate même souvent que ces instances jouent un rôle moteur dans la coopération transfrontalière.

Dans sa rédaction actuelle, la Convention exclut la participation de ces instances à des formes de coopération transfrontalière de droit public. Cette situation est perçue par les autorités locales ainsi que par les instances en question comme une lacune d'autant que les possibilités de coopération en droit interne sont beaucoup plus variées. Il convient de se référer plus particulièrement à la coopération public-privé qui est de plus en plus fréquente dans nos pays et même explicitement prévue par la loi du 22 décembre 1986 relative aux intercommunales, sur les intercommunales sous la forme d'intercommunales mixtes, ainsi qu'aux sociétés de droit privé créées par les communes aux Pays-Bas, par exemple dans le domaine de la distribution de l'énergie. Il est dès lors souhaitable de greffer les possibilités transfrontalières de coopération sur les nouvelles tendances et formes de coopération en droit interne.

De plus, d'autres Conventions relatives à la coopération transfrontalière, comme l'accord germano-néerlandais d'Anholt de 1991, l'accord signé le 10 mai 1995 entre la Rhénanie du Nord-Westphalie, la Rhénanie-Palatinat, la Communauté germanophone de Belgique et la Région wallonne et l'accord signé à Karlsruhe le 23 janvier 1996, entre l'Allemagne, la France, le Luxembourg et la Suisse, offrent à d'« autres » personnes morales de droit public et même, dans les deux premiers traités cités, aux personnes morales de droit privé la faculté de participer à la coopération transfrontalière de droit public.

Enfin, le Comité de Ministres de l'Union économique Benelux a très nettement confirmé lors de sa réunion du 20 novembre 1995 que la coopération transfrontalière était l'un des axes prioritaires de la coopération Benelux. C'est notamment pour ces raisons qu'il paraît indispensable de donner une nouvelle impulsion à la coopération transfrontalière locale en élargissant le champ d'application de la Convention.

B. Commentaire des articles

Article 1er

Les pays du Benelux peuvent autoriser d'autres personnes morales de droit public à s'engager dans la coopération transfrontalière sur la base de la Convention. Cette autorisation est accordée conformément aux règles du droit interne du pays, de la région ou de la communauté qui s'engage.

Les « autres personnes morales de droit public » ne pourront faire usage de la Convention que si des collectivités ou autorités territoriales de leur pays, communauté ou région, visées à l'article 1er, alinéas 1er et 2, participent aussi à la coopération. On indique ainsi que la coopération devrait rester sous l'égide des collectivités ou autorités territoriales.

En ce qui concerne les « autres personnes morales de droit public », on peut songer entre autres aux associations de centres publics d'aide sociale en Belgique, aux corps de police régionaux et aux bureaux régionaux de placement (RBA) aux Pays-Bas.

Article 2

Pour ne pas porter préjudice au caractère intrinsèquement public de la coopération envisagée dans la Convention, la participation des personnes morales de droit privé est soumise à des conditions strictes. Par cette approche restrictive, les auteurs du Protocole additionnel entendent faire évoluer la coopération transfrontalière dans le prolongement de la coopération public-privé qui existe actuellement à l'intérieur du pays.

La condition préalable à la participation des personnes morales de droit privé aux formes de coopération de droit public est que le droit interne de chaque pays, région ou communauté y participant doit autoriser pareille coopération.

Pour les personnes morales en question, les possibilités juridiques de coopération transfrontalière peuvent difficilement aller au-delà de ce que permet la coopération interne. Le Grand-Duché est visé en l'espèce car les personnes morales de droit privé n'y peuvent pas actuellement participer à une coopération basée sur le droit public.

Les conditions strictes mises à la participation des personnes morales de droit privé se justifient également du point de vue des règles régissant la tutelle administrative de cette coopération.

Les personnes morales que les auteurs ont à l'esprit sont notamment :

­ les personnes morales privées qui assurent un service d'utilité publique à l'intérieur du pays soit d'initiative, soit sur demande, soit encore sous la tutelle ou sans la tutelle d'une personne morale de droit public ou qui y sont investies d'une autorité publique quelconque. Cette double formulation s'imposait pour préciser les personnes morales visées simultanément selon les conceptions néerlandaises et belges. Par « personnes morales qui assurent un service d'utilité publique », on peut entendre en Belgique par exemple la société publique flamande des déchets (Openbare Vlaamse Afvalmaatschappij). Par « personnes morales investies d'une autorité publique quelconque à l'intérieur du pays », on entend aux Pays-Bas entre autres les chambres de commerce;

­ les sociétés ou fondations dans lesquelles les communes détiennent une participation majoritaire. La « participation majoritaire » s'entend à la fois du capital et du droit de vote. En Belgique, les centres d'entreprises à capital public majoritaire et la société wallonne de traitement des déchets répondent à cette définition. Aux Pays-Bas, les syndicats d'initiative (VVV) et les sociétés de distribution d'eau sont notamment visée;

­ les personnes morales remplissant une mission d'exploitation dans une intercommunale mixte. On songe en particulier aux partenaires privés dans les intercommunales mixtes de distribution de l'énergie en Belgique (électricité, télédistribution, gaz ...). À cet égard, la condition supplémentaire est que l'intercommunale dont cette personne morale de droit privé fait partie, doit aussi participer aux formes de coopération. Ce lien avec la personne morale de droit public est une condition sine qua non en particulier pour la Communauté flamande.

Comme le prévoit l'alinéa 3, l'application concrète de la Convention requiert la participation des collectivités ou autorités territoriales visées aux alinéas 1er et 2 aux formes de coopération. Il convient de souligner également que les collectivités ou autorités territoriales devront jouer un rôle moteur dans la coopération.

Il est à noter que le droit interne des pays partenaires peut imposer des conditions encore plus sévères à la coopération.

Ainsi, conformément à l'article 11 de la loi sur les intercommunales, les communes devront toujours détenir une participation majoritaire dans les organes directeurs de la collectivité.

Comme la participation des personnes morales de droit privé dans des collectivités de droit public n'existe pas au Luxembourg et est donc impossible dans un cadre transfrontalier, il a fallu trouver une formulation générale pour ne permettre des coopérations sur base de l'alinéa 4 que lorsque ce genre de coopération est autorisé par le droit interne de chacune des Parties Contractantes concernées par la coopération visée.

Article 3

Le reste du texte de la Convention doit être adapté aux modifications apportées à l'article 1er.

C. Instances belges compétentes pour approuver le protocole

Aux termes de l'article 1er, alinéa 1er, de la Convention Benelux concernant la coopération transfrontalière, cette Convention s'applique, pour ce qui concerne la Belgique, aux :

­ provinces, communes, associations de communes, régies communales autonomes, centres publics d'aide sociale, polders et wateringues.

L'alinéa 2 de cet article dispose que chaque Partie Contractante peut, après concertation avec les pays partenaires et conformément aux règles du droit interne qui lui est propre, désigner de nouvelles collectivités ou autorités territoriales auxquelles s'applique la Convention.

Sous réserve des exceptions prévues à l'article 6, § 1er, VIII, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, tel qu'il a été remplacé par la loi spéciale du 13 juillet 2001 portant transfert de diverses compétences aux régions et communautés, la législation organique relative aux communes et aux provinces est transférée à la compétence des régions à partir du 1er janvier 2002.

Demeurent notamment de la compétence de l'autorité fédérale en vertu de ces exceptions, l'organisation de et la politique relative à la police et aux services d'incendie, ainsi que la tutelle spécifique en matière de lutte contre l'incendie.

L'article 5, § 1er, II, 2º, de la même loi, précise que la politique d'aide sociale, en ce compris les règles organiques relatives aux centres publics d'aide sociale, constitue une matière personnalisable telle que visée l'article 128, § 1er, de la Constitution et relevant dès lors de la compétence des Communautés.

Aux termes de l'article 6, § 1er, 10º, les polders et les wateringues relèvent de la compétence des régions.

Le Protocole additionnel a pour but d'inclure d'autres personnes morales dans le champ d'application de la Convention.

En vertu de l'article 1er du Protocole, les pays partenaires peuvent autoriser d'autres personnes morales de droit public à s'engager dans la coopération transfrontalière sur la base de la Convention. Ces autres « personnes morales de droit public » ne pourront faire usage de la Convention que si des collectivités ou autorités territoriales de leur pays, communauté ou région, visées à l'article 1er, alinéas 1er et 2, de la Convention participent aussi à la coopération. On peut songer entre autres aux associations de centres publics d'aide sociale en Belgique.

La Conférence interministérielle pour la Politique étrangère a décidé le 11 février 1998 que la Convention, ainsi que le Protocole additionnel y relatif, constituent un traité « mixte » tel que visé à l'article 167, § 4, de la Constitution, à savoir un traité ne portant pas exclusivement sur les matières qui relèvent de la compétence des communautés ou des régions par ou en vertu de la Constitution.

Le protocole doit par conséquent également être approuvé et par toutes les Communautés et Régions.

Suite à l'avis du Conseil d'État, l'attention est attirée sur le fait que dans l'état actuel des choses, les accords de coopération relatifs aux modalités de conclusion des traités mixtes signés à Bruxelles le 8 mars 1994 entre d'une part l'Etat fédéral, les Communautés et les Régions et d'autre part l'État fédéral, les Communautés, les Régions et le Collège réuni de la Commission communautaire commune ne prévoient pas la participation de la Commission communautaire française à la conclusion de traités mixtes. Quant à la Commission communautaire commune, elle est associée pour les matières relevant de sa compétence au processus de négociation des traités mixtes et elle est appelée à donner son assentiment à ces traités mais non à les signer.

Le ministre des Affaires étrangères

Louis MICHEL.

Le ministre de l'Intérieur,

Antoine DUQUESNE.


PROJET DE LOI


ALBERT II,

Roi des Belges,

À tous, présents et à venir,
SALUT.

Sur la proposition de Notre ministre des Affaires étrangères et de Notre ministre de l'Intérieur,

NOUS AVONS ARRÊTÉ ET ARRÊTONS :

Notre ministre des Affaires étrangères et Notre ministre de l'Intérieur sont chargés de présenter, en Notre nom, aux Chambres législatives et de déposer au Sénat le projet de loi dont la teneur suit :

Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.

Art. 2

Le Protocole, fait à Bruxelles le 22 septembre 1998, complétant la Convention Benelux concernant la coopération transfrontalière entre collectivités ou autorités territoriales avec Exposé des Motifs commun, signée à Bruxelles le 12 septembre 1986, sortira son plein et entier effet.

Donné à Bruxelles, le 4 décembre 2001.

ALBERT

Par le Roi :

Le ministre des Affaires étrangères,

Louis MICHEL.

Le ministre de l'Intérieur,

Antoine DUQUESNE.


PROTOCOLE

complétant la convention Benelux concernant la coopération transfrontalière entre collectivités ou autorités territoriales avec Exposé des Motifs commun, signée à Bruxelles le 12 septembre 1986

Le Gouvernement du Royaume de Belgique,

Le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg,

Le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas,

VU la Convention Benelux concernant la coopération transfrontalière entre collectivités ou autorités territoriales,

VU l'avis du 14 juin 1997 du Conseil Interparlementaire Consultatif de Benelux,

CONSIDÉRANT qu'il s'est révélé nécessaire de compléter certaines dispositions de ladite Convention,

SONT CONVENUS DE CE QUI SUIT :

Article 1er

L'article 1er de la Convention Benelux concernant la coopération transfrontalière entre collectivités ou autorités territoriales est complété par un troisième alinéa libellé comme suit :

Chaque Partie Contractante peut, après concertation avec les pays partenaires et conformément aux règles de son droit interne, autoriser d'autres personnes morales de droit public que celles visées aux alinéas 1er et 2 à participer aux formes de coopération visées à l'article 2, si au moins une collectivité ou autorité territoriale visée aux alinéa 1er et 2, de l'État concerné, participe à ces formes de coopération.

Art. 2

L'article 1er de la Convention Benelux concernant la coopération transfrontalière entre collectivités ou autorités territoriales est complété par un quatrième alinéa libellé comme suit :

L'alinéa 3 s'applique également aux personnes morales de droit privé à condition qu'elles répondent à l'un des critères suivants :

­ personnes morales assurant un service d'utilité publique ou investies d'une autorité publique quelconque à l'intérieur du pays;

­ personnes morales dans lesquelles les collectivités ou autorités territoriales détiennent une participation majoritaire;

­ personnes morales remplissant une mission d'exploitation au sein d'une collectivité ou autorité territoriale qui participe elle-même à la forme de coopération visé à l'article 2.

La coopération tranfrontalière sur base des dispositions du présent alinéa n'est possible que lorsque le droit interne de chacune des Parties Contractantes concernées par la coopération autorise la participation de personnes morales de droit privé à une coopération entre collectivités ou autorités territoriales.

Art. 3

Les mots « et les autres personnes morales » sont insérés après les mots « ... collectivités ou autorités territoriales » aux articles 2 et 3 de la Convention Benelux concernant la coopération transfrontalière entre collectivités ou autorités territoriales.

Art. 4

1. Le présent Protocole est soumis à ratification et les instruments de ratification seront déposés auprès du Secrétaire général de l'Union économique Benelux.

2. Le présent Protocole entrera en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant la date du dépôt du dernier instrument de ratification.

EN FOI DE QUOI LES SOUSSIGNÉS, dûment autorisés à cet effet, ont signé le présent Protocole.

FAIT à Bruxelles, le 22 septembre 1998, en triple exemplaire, en langues néerlandaise et française, les deux textes faisant également foi.

Pour le Gouvernement du Royaume de Belgique,

Cette signature engage également la Communauté française, la Communauté flamande, la Communauté germanophone, la Région wallonne, la Région flamande et la Région de Bruxelles-Capitale.

Pour le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg,

Pour le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas,


EXPOSÉ DES MOTIFS


A. Généralités

Comme on sait, l'entrée en vigueur de la Convention Benelux concernant la coopération transfrontalière entre collectivités ou autorités territoriales le 1er avril 1991, offre un instrument juridique à la coopération transfrontalière locale de droit public. Cette convention n'a cependant pas rencontré le succès escompté, quoique la coopération transfrontalière en tant que telle eût pris son envol ces dernières années plus particulièrement dans le cadre d'INTERREG. En effet, d'innombrables projets transfrontaliers, dont quelques-uns seulement en application de la Convention, se sont réalisés au cours de la dernière décennie.

Les utilisateurs potentiels de la Convention n'ont cessé de souligner le caractère « limité » de son champ d'application. La Convention « se limite » effectivement aux collectivités et autorités territoriales énumérées à l'article 1er.

La pratique montre cependant que souvent d'« autres » instances exercent leurs activités dans le domaine de la coopération transfrontalière parallèlement ou en collaboration avec les autorités locales énumérées dans la Convention. Il s'agit par exemple de syndicats d'initiative autonomes, d'agences sous-régionales de l'emploi et de bureaux de placement, des sociétés de développement régional, des chambres de commerce, des sociétés de distribution de l'eau, des partenaires privés dans des intercommunales mixtes et de diverses fondations et associations sans but lucratif. On constate même souvent que ces instances jouent un rôle moteur dans la coopération transfrontalière.

Dans sa rédaction actuelle, la Convention exclut la participation de ces instances à des formes de coopération transfrontalière de droit public. Cette situation est perçue par les autorités locales ainsi que par les instances en question comme une lacune d'autant que les possibilités de coopération en droit interne sont beaucoup plus variées. Il convient de se référer plus particulièrement à la coopération public-privé qui est de plus en plus fréquente dans nos pays et même explicitement prévue par la loi belge sur les intercommunales sous la forme d'intercommunales mixtes, ainsi qu'aux sociétés de droit privé créées par les communes aux Pays-Bas, par exemple dans le domaine de la distribution de l'énergie. Il est dès lors souhaitable de greffer les possibilités transfrontalières de coopération sur les nouvelles tendances et formes de coopération en droit interne.

De plus, d'autres Conventions relatives à la coopération transfrontalière, comme l'accord germano-néerlandais d'Anholt de 1991, et les accords récemment signés entre la Rhénanie du Nord-Westphalie, la Rhénanie-Palatinat, la Communauté germanophone de Belgique et la Région wallonne et entre l'Allemagne, la France, le Luxembourg et la Suisse, offrent à d'« autres » personnes morales de droit public et même, dans les deux premiers traités cités, aux personnes morales de droit privé la faculté de participer à la coopération transfrontalière de droit public.

Enfin, le Comité de Ministres de l'Union économique Benelux a très nettement confirmé lors de sa réunion du 20 novembre 1995 que la coopération transfrontalière était l'un des axes prioritaires de la coopération Benelux. C'est notamment pour ces raisons qu'il paraît indispensable de donner une nouvelle impulsion à la coopération transfrontalière locale en élargissant le champ d'application de la Convention.

B. Commentaire des articles

Article 1er

Les pays du Benelux peuvent autoriser d'autres personnes morales de droit public à s'engager dans la coopération transfrontalière sur la base de la Convention. Cette autorisation est accordée conformément aux règles du droit interne du pays, de la région ou de la communauté qui s'engage.

Les « autres personnes morales de droit public » ne pourront faire usage de la Convention que si des collectivités ou autorités territoriales de leur pays, communauté ou région, visées à l'article 1er, alinéas 1er et 2, participent aussi à la coopération. On indique ainsi que la coopération devrait rester sous l'égide des collectivités ou autorités territoriales.

En ce qui concerne les « autres personnes morales de droit public », on peut songer entre autres aux associations de centres publics d'aide sociale en Belgique, aux corps de police régionaux et aux bureaux régionaux de placement (RBA) aux Pays-Bas.

Article 2

Pour ne pas porter préjudice au caractère intrinsèquement public de la coopération envisagée dans la Convention, la participation des personnes morales de droit privé est soumise à des conditions strictes. Par cette approche restrictive, les auteurs du Protocole additionnel entendent faire évoluer la coopération transfrontalière dans le prolongement de la coopération public-privé qui existe actuellement à l'intérieur du pays.

La condition préalable à la participation des personnes morales de droit privé aux formes de coopération de droit public est que le droit interne de chaque pays, région ou communauté y participant doit autoriser pareille coopération.

Pour les personnes morales en question, les possibilités juridiques de coopération transfrontalière peuvent difficilement aller au-delà de ce que permet la coopération interne. Le Grand-Duché est visé en l'espèce car les personnes morales de droit privé n'y peuvent pas actuellement participer à une coopération basée sur le droit public.

Les conditions strictes mises à la participation des personnes morales de droit privé se justifient également du point de vue des règles régissant la tutelle administrative de cette coopération.

Les personnes morales que les auteurs ont à l'esprit sont notamment :

­ les personnes morales privées qui assurent un service d'utilité publique à l'intérieur du pays soit d'initiative, soit sur demande, soit encore sous la tutelle ou sans la tutelle d'une personne morale de droit public ou qui y sont investies d'une autorité publique quelconque. Cette double formulation s'imposait pour préciser les personnes morales visées simultanément selon les conceptions néerlandaises et belges. Par « personnes morales qui assurent un service d'utilité publique », on peut entendre en Belgique par exemple la société publique flamande des déchets (Openbare Vlaamse Afvalmaatschappij). Par « personnes morales investies d'une autorité publique quelconque à l'intérieur du pays », on entend aux Pays-Bas entre autres les chambres de commerce;

­ les sociétés ou fondations dans lesquelles les communes détiennent une participation majoritaire. La « participation majoritaire » s'entend à la fois du capital et du droit de vote. En Belgique, les centres d'entreprises à capital public majoritaire et la société wallonne de traitement des déchets répondent à cette définition. Aux Pays-Bas, les syndicats d'initiative (VVV) et les sociétés de distribution d'eau sont notamment visée;

­ les personnes morales remplissant une mission d'exploitation dans une intercommunale mixte. On songe en particulier aux partenaires privés dans les intercommunales mixtes de distribution de l'énergie en Belgique (électricité, télédistribution, gaz ...). À cet égard, la condition supplémentaire est que l'intercommunale dont cette personne morale de droit privé fait partie, doit aussi participer aux formes de coopération. Ce lien avec la personne morale de droit public est une condition sine qua non en particulier pour la Communauté flamande.

Comme le prévoit l'alinéa 3, l'application concrète de la Convention requiert la participation des collectivités ou autorités territoriales visées aux alinéas 1er et 2 aux formes de coopération. Il convient de souligner également que les collectivités ou autorités territoriales devront jouer un rôle moteur dans la coopération.

Il est à noter que le droit interne des pays partenaires peut imposer des conditions encore plus sévères à la coopération.

Ainsi, conformément à l'article 11 de la loi sur les intercommunales, les communes devront toujours détenir une participation majoritaire dans les organes directeurs de la collectivité.

Comme la participation des personnes morales de droit privé dans des collectivités de droit public n'existe pas au Luxembourg et est donc impossible dans un cadre transfrontalier, il a fallu trouver une formulation générale pour ne permettre des coopérations sur base de l'alinéa 4 que lorsque ce genre de coopération est autorisé par le droit interne de chacune des Parties Contractantes concernées par la coopération visée.

Article 3

Le reste du texte de la Convention doit être adapté aux modifications apportées à l'article 1er.


AVANT-PROJET DE LOI SOUMIS À L'AVIS DU CONSEIL D'ÉTAT


Avant-projet de loi portant assentiment au Protocole, fait à Bruxelles le 22 septembre 1998, complétant la Convention Benelux concernant la coopération transfrontalière entre collectivités ou autorités territoriales avec Exposé des Motifs commun, signée à Bruxelles le 12 septembre 1986

Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.

Art. 2

Le Protocole, fait à Bruxelles le 22 septembre 1998, complétant la Convention Benelux concernant la coopération transfrontalière entre collectivités ou autorités territoriales avec Exposé des Motifs commun, signée à Bruxelles le 12 septembre 1986, sortira son plein et entier effet.


AVIS DU CONSEIL D'ÉTAT

29.705/4


Le CONSEIL D'ÉTAT, section de législation, quatrième chambre, saisi par le vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, le 8 décembre 1999, d'une demande d'avis sur un avant-projet de loi « portant assentiment au Protocole, fait à Bruxelles le 22 septembre 1998, complétant la Convention Benelux concernant la coopération transfrontalière entre collectivités ou autorités territoriales avec Exposé des Motifs commun, signée à Bruxelles le 12 septembre 1986 », a donné le 18 avril 2001 l'avis suivant :

Le protocole auquel la loi en projet tend à donner assentiment, porte sur la coopération transfrontalière entre collectivités décentralisées, coopération à laquelle pourraient être assocciées certaines personnes de droit public ou de droit privé, sans aucune restriction quant aux matières pouvant faire l'objet d'une telle coopération.

La formule de signature est précédée de la mention suivante :

« Cette signature engage également la Communauté française, la Communauté flamande, la Communauté germanophone, la Région wallonne, la Région flamande et la Région de Bruxelles-Capitale. »

Cette mention est celle généralement apposée lors de la signature des traités portant sur des matières relevant de la compétence de toutes les entités fédérées. C'est notamment celle qui figurait au bas du Traité d'Amsterdam.

La section de législation se demande toutefois pourquoi, en application respectivement de l'article 135 de la Constitution, en ce qui concerne la Commission communautaire commune, et de l'article 138 de la Constitution, en ce qui concerne la Commission communautaire française, ces collectivités fédérées n'apparaissent pas comme engagées par la signature du représentant du Royaume de Belgique pour le protocole, fait à Bruxelles le 22 septembre 1998, complétant la Convention Benelux concernant la coopération transfrontalière entre les collectivités ou autorités territoriales avec exposé des motifs comun, signée à Bruxelles le 12 septembre 1986.


Dans son avis 27.269/4, donné le 18 mars 1998, sur un avant-projet de décret devenu le décret du 13 juillet 1998 portant assentiment à l'Accord de coopération entre la Communauté française de Belgique et la Commission communautaire française de la Région de Bruxelles-Capitale relatif aux modalités d'exercice des relations internationales de la Commission communautaire française (1), la section de législation du Conseil d'État, examinant la question de la compétence de la Commission communautaire française en matière de relations internationales, concluait en ces termes :

« Il y a lieu, au contraire, de considérer que le transfert prévu à l'article 138 de la Constitution n'étant assorti d'aucune limitation, la Commission communautaire française est habilitée à conclure des traités. Le principe du parallélisme des compétences internes et externes est ainsi respecté (2). L'article 138 déroge, de manière implicite mais certaine, à l'article 167 de la Constitution.

En pratique, si la conclusion par le Collège de la Commission communautaire française des traités portant exclusivement sur des matières dans lesquelles la commission exerce les compétences de la Communauté française et leur assentiment par l'assemblée ne posent guère de problèmes, il en va autrement des traités dits mixtes.

On pense ici à la composition de la Conférence interministérielle de la politique étrangère qui devra être aménagée en vue de faire une place, selon des modalités restant à définir, à la Commission communautaire française, ce qui suppose une décision en ce sens du Comité de concertation (article 31bis de la loi du 9 août 1980 de réformes institutionnelles) (3). Il faudra également que, d'une manière ou d'une autre, la Commission communautaire française devienne partie à l'accord de coopération prévu à l'article 92bis, § 4ter, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (4). »

La compétence de la Commission communautaire française dans la matière traitée par le présent protocole ne fait pas de doute. Celui-ci étend en effet l'applicabilité de la Convention Benelux concernant la coopération transfrontalière entre collectivités ou autorités territoriales, aux « autres personnes de droit public », ainsi qu'« aux personnes morales de droit privé à condition qu'elles répondent à l'un des critères suivants :

­ personnes morales assurant un service d'utilité publique ou investies d'une autorité publique quelconque à l'intérieur du pays;

­ personnes morales dans lesquelles les collectivités ou autorités territoriales détiennent une participation majoritaire;

­ personnes morales remplissant une mission d'exploitation au sein d'une collectivité ou autorité territoriale qui participe elle-même à la forme de coopération visée à l'article 2. »

Les personnes morales visées par ces dispositions du Protocole, dans la mesure où elles exerceraient, dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, leurs activités dans les matières visées à l'article 3 des décrets II (5), et où elles devraient être considérées, soit en raison de leurs activités (6), soit en raison de leur organisation (7), comme appartenant exclusivement à la Communauté française, relèvent de la compétence de la Commission communautaire française.

Celle-ci, si l'on admet, comme dans l'avis 27.269/4 précité, qu'elle est habilitée à conclure des traités, aurait dû, conformément à l'article 92bis, § 4ter, alinéa 2, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (8), être associée à la négociation du présent protocole (9).

Un projet de loi portant assentiment à un traité mixte conclu sans respecter les modalités prévues par cette disposition de la loi spéciale est également contraire à celle-ci (10).


Pour le reste, la section de législation renvoie à l'objection qu'elle avait formulée au point II.2 dans son avis 18.011/2, du 16 juin 1987 sur un projet de loi devenu la loi du 23 mars 1990 portant approbation de la Convention Benelux concernant la coopération transfrontalière entre collectivités ou autorités territoriales, faite à Bruxelles le 12 septembre 1986, à savoir l'incompatibilité de l'article 3, § 1er, de la Convention Benelux avec l'article 25bis, actuellement l'article 34 de la Constitution (11).

La chambre était composée de :

M. R. ANDERSEN, président du Conseil d'État;

MM. P. LIENARDY et P. VANDERNOOT, conseillers d'État;

MM. F. DELPÉRÉE et J.-M. FAVRESSE, assesseurs de la section de législation;

Mme C. GIGOT, greffier.

Le rapport a été présenté par M. L. DETROUX, auditeur. La note du Bureau de coordination a été rédigée et exposée par Mme V. FRANCK, référendaire adjoint.

La concordance entre la version française et la version néerlandaise a été vérifiée sous le contrôle de M. R. ANDERSEN.

Le greffier, Le président,
C. GIGOT. R. ANDERSEN.

(1) Doc. CCF, session ordinaire, 1997/1998, nº 239/1.

(2) E. Cerexhe, « La réforme de l'État et les compétences internationales », RBDI, 1994, p. 10. Voir, dans le même sens, G. Craenen, « België in het buitenland. De nieuwe regeling van de buitenlandse betrekkingen », dans : A. Alen et L. Suetens (dir.), Het federale België na de vierde Staatshervorming, Antwerpen, Die Keure, 1993, p. 65; Ph. Gauthier, « La conclusion des traités » RBDI, 1994, pp. 38-39, note 32; J.-P. Pauwels, « Les traités internationaux : quels pouvoirs pour les commissions communautaires ? », Rev. b. dr. const. 1997/2, pp. 110-111; R. Witmeur, La Commission communautaire française : une copie à revoir pour un État fédéral achevé ?, Bruxelles, Bruylant, 1995, pp. 62-66.

(3) À titre provisoire, le 12 septembre 1995, le Comité de concertation a précisé que « la délégation de la Communauté française dans les conférences interministérielles peut comprendre une délégation de la Commission communautaire française pour les compétences dont l'exercice a été transféré à ladite commission et à la Région wallonne » (voir les réponses du ministre des Affaires étrangères et du premier ministre à une demande d'explication du sénateur Destexhe, Sénat, Ann. parl., 18 décembre 1996, p. 597, et 20 février 1997, p. 719).

(4) Voir dans le même sens la déclaration du ministre des Affaires étrangères selon laquelle « il conviendra ensuite de conclure avec la Commission communautaire française un accord de coopération du même type que celui signé avec la Commission communautaire commune. Cet accord devra par la suite faire l'objet d'une procédure d'assentiment par le fédéral, les communautés et les régions. » (ibidem).

(5) Décrets II du 19 juillet 1993 (du Conseil de la Communauté française) et du 22 juillet 1993 (du Conseil régional wallon et de l'assemblée de la Commission communautaire française) attribuant l'exercice de certaines compétences de la Communauté française à la Région wallonne et à la Commission communautaire française.

(6) Pour les matières visées à l'article 127 de la Constitution.

(7) Pour les matières visées à l'article 128 de la Constitution.

(8) Rendu applicable à la Commission communautaire française par l'article 4, 1º, des décrets II précités. L'alinéa 2 en question reste applicable tant que la Commission communautaire française n'aura pas été partie à un accord de coopération conclu conformément à l'alinéa 1er du même paragraphe.

(9) On relèvera qu'en revanche la Commission communautaire commune, à juste titre, était associée à la négociation.

(10) Voir, dans le même sens, mutatis mutandis, l'avis 24.106/9, donné le 29 novembre 1995, sur un projet de loi « portant approbation de la Convention entre le Royaume de Belgique et le Royaume des Pays-Bas portant réglementation de la navigation et des activités de loisirs sur la Meuse mitoyenne, signée à Bruxelles le 6 janvier 1993 ». Dans cet avis, la section de législation observait qu'une loi portant assentiment à une convention conclue sans qu'ait été accomplie la formalité de l'association prévue par l'article 6, § 4, 3º, de la loi spéciale de réformes institutionnelles, était contraire à cette disposition légale. Voir également l'avis 29.229/1, donné le 25 novembre 1999, sur un avant-projet de loi « portant assentiment à la Convention de coopération relative aux activités spatiales entre la Commission nationale des activités spatiales et les services fédéraux des Affaires scientifiques, techniques et culturelles, en exécution de la Déclaration d'intérêt relative à la Coopération spatiale signé le 1er avril 1997 par les gouvernements du Royaume de Belgique et de la République d'Argentine, signée à Liège le 3 octobre 1997 ».

(11) Avis publié dans les documents parlementaires, Sénat, session 1988-1989, nº 651/1.