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18 DÉCEMBRE 2001
Article premier
La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.
Art. 2
§ 1er. Il y a discrimination directe si une distinction de traitement qui manque de justification objective et raisonnable est directement fondée sur le sexe, une prétendue race, la couleur, l'ascendance, l'origine nationale ou ethnique, l'orientation sexuelle, l'état civil, la naissance, la fortune, l'âge, la conviction religieuse ou philosophique, l'état de santé actuel ou futur, un handicap ou une caractéristique physique.
§ 2. Il y a discrimination indirecte lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre a en tant que tel un résultat dommageable pour des personnes auxquelles s'applique un des motifs de discrimination visés au § 1er, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne repose sur une justification objective et raisonnable.
§ 3. Toute discimination directe ou indirecte est interdite, lorsqu'elle porte sur :
la fourniture de biens et de services à la disposition du public;
les conditions d'accès à l'emploi, aux activités non salariées ou au travail, y compris les critères de sélection et les conditions de recrutement, quelle que soit la branche d'activité et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle, y compris en matière de promotion, les conditions d'emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération, tant dans le secteur privé que public;
la nomination d'un fonctionnaire ou l'affectation d'un fonctionnaire à un service;
la mention dans une pièce officielle ou dans un procès-verbal;
la diffusion, la publication ou l'exposition en public d'un texte, d'un avis, d'un signe ou de tout autre support comportant une discrimination;
l'accès et la participation à, ainsi que tout autre exercice d'une activité économique, sociale, culturelle ou politique accessible au public.
§ 4. Le harcèlement est considéré comme une forme de discrimination lorsqu'un comportement indésirable qui est lié aux motifs de discrimination figurant au § 1er a pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d'une personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.
Art. 3
La présente loi ne porte pas atteinte à la protection et à l'exercice des libertés et des droits fondamentaux qui sont mentionnés dans la Constitution et les conventions internationales sur les droits de l'homme.
Art. 4
Les dispositions de cette loi ne constituent aucunement un empêchement à la prise de mesures ayant pour but la promotion de l'égalité des chances et en vue desquelles des avantages spécifiques sont institués ou maintenus, en relation avec des personnes pour lesquelles un motif de discrimination mentionné à l'article 2 peut être retenu, afin de prévenir ou de compenser des difficultés.
Art. 5
§ 1er. Est puni d'emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de cinquante francs à mille francs ou d'une de ces peines seulement :
quiconque, dans l'une des circonstances indiquées à l'article 444 du Code pénal, incite à la discrimination directe, à la haine ou à la violence à l'égard de personnes, d'un groupe, d'une communauté ou des membres de celle-ci, en raison des motifs de discrimination visés à l'article 2;
quiconque, dans l'une des circonstances indiquées à l'article 444 du Code pénal, donne une publicité à son intention de recourir à la discrimination directe, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne, d'un groupe, d'une communauté ou des membres de celle-ci, en raison des motifs de discrimination visés à l'article 2.
§ 2. Est puni d'un emprisonnement de deux mois à deux ans, tout fonctionnaire ou officier public, tout dépositaire ou agent de la force publique qui, dans l'exercice de ses fonctions, commet une discrimination à l'égard d'une personne, d'un groupe, d'une communauté ou des membres de celle-ci sur base des motifs de discrimination énumérés aux §§ 1er et 2 de l'article 2.
Si le prévenu ou l'inculpé justifie qu'il a agi par ordre de ses supérieurs pour des objets du ressort de ceux-ci et sur lesquels il leur était dû obéissance hiérarchique, les peines sont appliquées seulement aux supérieurs qui ont donné l'ordre.
Si les fonctionnaires ou officiers publics prévenus ou inculpés d'avoir ordonné, autorisé ou facilité des actes discriminatoires, prétendent que leur signature a été surprise, ils sont tenus en faisant, le cas échéant, cesser l'acte, de dénoncer le coupable; sinon, ils seront punis personnellement.
Art. 6
Sans préjudice des dispositions de l'article 4, il y a circonstance aggravante personnelle lorsque l'un des mobiles des infractions décrites aux articles 372, 373, 375, 376, 393 à 401, 402, 405, 422bis, 422ter, 425, 426, 434, 442bis, 443, 444, 448, 453, 510 à 512, 520 et 528 à 530 du Code pénal est la haine, le mépris ou l'hostilité à l'égard d'une personne en raison de son orientation sexuelle, son état civil, sa naissance, son âge, sa conviction religieuse, philosophique, son état de santé actuel ou futur, son handicap ou une caractéristique physique.
Les motifs de discrimination liés au sexe, à l'âge, à l'état de santé, à un handicap ou à une particularité physique ne peuvent être retenus pour établir cette circonstance aggravante personnelle lorsqu'il s'agit des infractions décrites aux articles 372, 373, 375 et 376 du Code pénal.
Les motifs de discrimination lié à l'âge, à l'état de santé, à un handicap ou à une particularité physique ne peut être retenu comme circonstance aggravante personnelle lorsqu'il s'agit d'une infraction décrite aux articles 425 et 426 du Code pénal.
Lorsque cette circonstance aggravante personnelle est établie, les peines correctionnelles pourront être portées au double et les peines criminelles augmentées conformément à l'article 54 du Code pénal.
Art. 7
Sans préjudice de l'application des articles 31 et 32 du Code pénal, les auteurs des infractions visées à l'article 5 pourront être condamnés à l'interdiction, conformément à l'article 33 de ce même Code.
Art. 8
Les dispositions du livre Ier du Code pénal, sans exception du chapitre VII et de l'article 85, sont applicables aux infractions prévues par la présente loi.
Art. 9
Sans préjudice des attributions des officiers de police judiciaire, les fonctionnaires désignés par le Roi surveillent le respect des dispositions de la présente loi et de ses arrêtés d'exécution.
Ces fonctionnaires exercent cette surveillance conformément aux dispositions de la loi du 16 novembre 1972 concernant l'inspection du travail.
Art. 10
Sont nulles les clauses d'un contrat contraires aux dispositions de la présente loi, et celles qui prévoient qu'un ou plusieurs contractants renoncent par avance aux droits garantis par la présente loi.
Art. 11
§ 1er. À la demande de la victime de la discrimination ou d'un des groupements visés à l'article 14, le président du tribunal de première instance, ou selon la nature de l'acte, le président du tribunal du travail ou du tribunal de commerce, constate l'existence et ordonne la cessation d'un acte, même pénalement réprimé, constituant un manquement aux dispositions de la présente loi.
Le président du tribunal peut ordonner la levée de la cessation dès qu'il est prouvé qu'il a été mis fin aux infractions.
§ 2. Le président du tribunal peut prescrire l'affichage de sa décision ou du résumé qu'il en rédige, pendant le délai qu'il détermine, aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur des établissements du contrevenant ou des locaux lui appartenant, et ordonner la publication ou la diffusion de son jugement ou du résumé par la voie de journaux ou de toute autre manière, le tout aux frais du contrevenant.
Ces mesures de publicité ne peuvent être prescrites que si elles sont de nature à contribuer à la cessation de l'acte incriminé ou de ses effets.
§ 3. Lorsque la victime de la discrimination ou un des groupements visés à l'article 14 invoque devant la juridiction compétente des faits, tels que des données statistiques ou des tests de situation, qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, la charge de la preuve de l'absence de discrimination incombe à la partie défenderesse.
§ 4. La preuve de la discrimination fondée sur le sexe, une prétendue race, la couleur, l'ascendance, l'origine nationale ou ethnique, l'orientation sexuelle, l'état civil, la naissance, la fortune, l'âge, la conviction religieuse ou philosophique, l'état de santé actuel ou futur, un handicap ou une caractéristique physique peut être fournie par un constat d'huissier au moyen d'un test de situation.
Le Roi détermine par un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres les modalités d'exécution du test de situation, tel que prévu aux §§ 3 et 4 de cet article.
Art. 12
Le juge peut, à la demande de la victime de la discrimination ou d'un des groupements visés à l'article 14, condamner au paiement d'une astreinte l'auteur de la discrimination pour le cas où il ne serait pas mis fin à celle-ci.
Le juge statue conformément aux articles 1385ter à 1385novies du Code judiciaire.
Art. 13
§ 1er. L'employeur qui occupe un travailleur qui a introduit, soit au niveau de l'entreprise ou du service qui l'emploie, conformément aux procédures en vigueur, soit auprès de l'Inspection des lois sociales, une plainte motivée ou pour lequel l'Inspection des lois sociales est intervenue, ou qui engage une action en justice en application des dispositions de la présente loi concernant les chances de promotion, les conditions de travail, y compris les conditions de licenciement ou de la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie, ne peut pas mettre fin à la relation de travail, sauf pour des motifs qui sont étrangers à cette plainte ou à cette action en justice.
§ 2. La charge de la preuve de ces motifs repose sur l'employeur, lorsque le travailleur a été licencié ou si les conditions de travail ont été modifiées de manière unilatérale dans le délai de douze mois suivant l'introduction de la plainte. Cette charge de la preuve repose également sur l'employeur dans le cas de licenciement ou de modification unilatérale des conditions de travail après qu'une action en justice ait été engagée, et cela jusqu'à trois mois après que la décision passe en force de chose jugée.
§ 3. Lorsque l'employeur met fin à la relation de travail ou modifie de manière unilatérale les conditions de travail en violation des dispositions du § 1er, le travailleur ou l'organisation de travailleurs auquel il est affilié peut solliciter sa réintégration dans l'entreprise ou dans le service ou lui laisser exercer sa fonction sous les mêmes conditions que précédemment.
La requête doit être introduite par lettre recommandée dans les trente jours de la communication du préavis, du licenciement sans préavis ou de la modification unilatérale des conditions de travail. L'employeur doit se prononcer sur la requête dans les trente jours qui suivent la communication de la lettre.
L'employeur qui réengage le travailleur dans l'entreprise ou dans le service ou qui lui laisse exercer sa fonction sous les mêmes conditions que précédemment doit, à la suite du licenciement ou de la modification des conditions de travail, payer le manque à gagner et verser les cotisations patronales et des travailleurs sur cette rémunération.
§ 4. Lorsque le travailleur, suite à la requête prévue au § 3, alinéa premier, n'a pas été repris ou ne peut pas exercer sa fonction dans les mêmes conditions que précédemment et qu'il a été jugé que le licenciement ou la modification unilatérale des conditions de travail est contraire aux dispositions du § 1er, l'employeur doit verser au travailleur une indemnité qui, au choix du travailleur, est soit équivalente à un montant forfaitaire correspondant à la rémunération de six mois, soit au dommage réellement causé au travailleur; dans ce dernier cas, le travailleur doit prouver l'ampleur du dommage causé.
§ 5. L'employeur est tenu de payer la même indemnité, sans que le travailleur doive introduire la requête prévue au § 3, alinéa premier, pour pouvoir être repris ou pouvoir exercer sa fonction aux mêmes conditions que précédemment :
1º lorsque le travailleur rompt le contrat d'emploi, parce que le comportement de l'employeur viole les dispositions du § 1er, ce qui constitue selon le travailleur un motif pour rompre le contrat d'emploi sans préavis ou pour y mettre fin avant son expiration;
2º lorsque l'employeur a licencié le travailleur pour motif grave, et pour autant que la juridiction compétente a estimé ce licenciement non fondé et en contradiction avec les dispositions du § 1er.
Art. 14
Le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme peut ester en justice dans les litiges auxquels l'application de la présente loi donnerait lieu.
Peuvent également ester en justice dans les litiges auxquels l'application de la présente loi donnerait lieu, lorsqu'un préjudice est porté aux fins statutaires qu'ils se sont donnés pour mission de poursuivre :
1º tout établissement d'utilité publique et toute association, jouissant de la personnalité juridique depuis au moins cinq ans à la date des faits, et se proposant par ses statuts de défendre les droits de l'homme ou de combattre la discrimination;
2º les organisations représentatives des travailleurs et des employeurs, telles qu'elles sont définies à l'article 3 de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires;
3º les organisations représentatives au sens de la loi du 19 décembre 1974 réglant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités;
4º les organisations représentatives des travailleurs indépendants.
Toutefois, lorsque la victime de l'infraction ou de la discrimination est une personne physique ou une personne morale, l'action des groupements visés aux premier et second alinéas ne sera recevable que s'ils prouvent qu'ils ont reçu l'accord de la victime.
Art. 15
L'action fondée sur l'article 10 est formée et instruite selon les formes du référé.
Elle est formée par requête, établie en quatre exemplaires et envoyée par lettre recommandée à la poste ou déposée au greffe de la juridiction compétente.
Sous peine de nullité, la requête contient :
1º l'indication des jours, mois et année;
2º les nom, prénoms, profession et domicile du requérant;
3º les nom et adresse de la personne physique ou morale contre laquelle la demande est formée;
4º l'objet et l'exposé des moyens de la demande.
Le greffier du tribunal avertit sans délai la partie adverse par pli judiciaire, auquel est joint un exemplaire de la requête, et l'invite à comparaître au plus tôt trois jours, au plus tard huit jours après l'envoi du pli judiciaire.
Il est statué sur l'action nonobstant toute poursuite exercée en raison des mêmes faits devant toute juridiction pénale.
Lorsque les faits soumis au juge pénal font l'objet d'une action en cessation, il ne peut être statué sur l'action pénale qu'après qu'une décision coulée en force de chose jugée a été rendue relativement à l'action en cessation. La prescription de l'action publique est suspendue pendant la surséance.
Le jugement est exécutoire par provision, nonobstant tout recours et sans caution. Il est communiqué par le greffier de la juridiction, sans délai, à toutes les parties et au procureur du Roi.
Art. 16
L'article 2, alinéa 1er, de la loi du 15 février 1993 créant un Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, modifié par la loi du 13 avril 1995, est remplacé par la disposition suivante :
« Art. 2. Le Centre a pour mission de promouvoir l'égalité des chances et de combattre toute forme de distinction, d'exclusion, de restriction ou de préférence fondée sur :
1º une prétendue race, la couleur, l'ascendance, l'origine nationale ou ethnique;
2º l'orientation sexuelle, l'état civil, la naissance, la fortune, l'âge, la conviction religieuse ou philosophique, l'état de santé actuel ou futur, le handicap ou la caractéristique physique.
En ce qui concerne les motifs de discrimination visés au 2º, le Centre a l'obligation dans l'exécution de cette mission de collaborer avec les associations, instituts, organes et services qui, en tout ou en partie, accomplissent la même mission ou sont directement concernés par l'accomplissement de cette mission. »
Art. 17
L'article 3, second alinéa, 5º, de la même loi, modifié par la loi du 13 avril 1995, est remplacé comme suit :
« 5º à ester en justice dans les litiges auxquels pourrait donner lieu l'application de :
la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie;
la loi du 23 mars 1995 tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l'approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la Seconde Guerre mondiale;
la loi du 13 avril 1995 contenant des dispositions en vue de la répression de la traite des êtres humains et de la pornographie enfantine;
la loi du ... tendant à lutter contre la discrimination. »
Art. 18
L'article 585 du Code judiciaire, modifié par la loi du 11 avril 1989, est complété par un 9º rédigé comme suit :
« 9º les demandes de cessation et il prescrit les mesures de publicité de sa décision qu'il estime nécessaires, en vertu de l'article 10 de la loi du ... tendant à lutter contre la discrimination et modifiant la loi du 15 février 1993 créant un Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme. »
Art. 19
L'article 587bis inséré dans le Code judiciaire par la loi du 19 mars 1992 est remplacé par la disposition suivante :
« Art. 587bis. Le président du tribunal du travail, saisi par voie de requête, statue sur :
1º les demandes formées en vertu des articles 4 et 5, §§ 3 et 4, de la loi du 19 mars 1991 portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel aux conseils d'entreprise et aux comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux du travail, ainsi que pour les candidats délégués du personnel;
2º les demandes de cessation et il prescrit les mesures de publicité de sa décision qu'il estime nécessaires, en vertu de l'article 11 de la loi du ... tendant à lutter contre la discrimination et modifiant la loi du 15 février 1993 créant un Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme. »
Art. 20
L'article 588 du Code judiciaire, modifié par les lois du 14 juillet 1971, 11 avril 1989 et 4 décembre 1990, est complété par un 13º, rédigé comme suit :
« 13º les demandes de cessation et il prescrit les mesures de publicité de sa décision qu'il estime nécessaires, en vertu de l'article 11 de la loi du ... tendant à lutter contre la discrimination et modifiant la loi du 15 février 1993 créant un Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme. »
Art. 21
La présente loi s'applique sans préjudice des législations ayant pour objet de lutter contre des discriminations spécifiques, notamment :
la loi du 7 mai 1999 sur l'égalité des chances entre hommes et femmes en ce qui concerne les conditions de travail, l'accès à l'emploi et aux possibilités de promotion, l'accès à une profession indépendante et les régimes de sécurité sociale;
la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie.