2-12/15

2-12/15

Sénat de Belgique

SESSION DE 2001-2002

18 DÉCEMBRE 2001


Proposition de loi tendant à lutter contre la discrimination et modifiant la loi du 15 février 1993 créant un Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR MME KAÇAR


TABLE DES MATIÈRES


  1. Exposé introductif de l'auteur principal de la proposition de loi
  2. Exposé du ministre de la Justice
  3. Discussion générale
  4. Audition de représentants du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme : MM. Jean Cornil, directeur adjoint, Dirk De Meirleir, coordinateur, et François Sant'Angelo, collaborateur
    1. Exposé des représentants du Centre
    2. Discussion
  5. Demande d'avis au Comité d'avis pour l'égalité des chances entre les femmes et les hommes
  6. Suite de la discussion générale
  7. Demande d'avis au Conseil d'État
  8. Dépôt par le gouvernement des amendements nºs 6 à 17 (doc. Sénat, nº 2-12/6)
    1. Exposé de la vice-première ministre et ministre de l'Emploi, en charge de la Politique de l'Égalité des chances
    2. Questions et observations des membres
    3. Réponses de la ministre
  9. Discussion des articles
  10. Déclarations avant le vote final
  11. Vote final

La présente proposition de loi, qui relevait initialement de la procédure facultativement bicamérale (1), a été discutée par la commission de la Justice lors de ses réunions des 15 décembre 1999, 11 et 18 janvier 2000, 23 mai, 6 et 20 juin, 3, 14, 10 et 17 juillet, 10 et 17 octobre, 6, 13 et 21 novembre, et 18 décembre 2001, en présence du ministre de la Justice, puis de la vice-première ministre et ministre de l'Emploi.


Rétroactes

Initialement renvoyée, le 14 octobre 1999, à la commission de l'Intérieur et des Affaires administratives, la proposition de loi a fait l'objet, le 17 novembre 1999, d'une demande d'avis à la commission de la Justice.

Celle-ci a finalement été saisie du fond de la proposition, qui lui a été renvoyée le 9 décembre 1999.

I. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE L'AUTEUR PRINCIPAL DE LA PROPOSITION DE LOI

L'égalité des individus en dignité et en droits est un postulat fondamental de la conception moderne des droits de l'homme. Il fonde le principe de l'égalité de traitement, qui est son corollaire indissociable. Les démocraties contemporaines se sont bâties autour de l'affirmation de principe que les différences entre individus ne sont pas, a priori, valorisables, ni en droit, ni dans les relations de la vie sociale : ces différences ne peuvent justifier une discrimination entre les personnes.

Notre loi fondamentale, en ses articles 10 et 11, et de nombreux instruments de droit international consacrent ce principe dit de la non-discrimination : la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et les libertés fondamentales, la Déclaration universelle des droits de l'homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ou le Traité d'Amsterdam, pour ne citer que les plus importants. Mais si ces normes trouvent à s'appliquer directement en droit interne, elles invitent également le législateur à intervenir pour garantir à chacun une protection effective contre toute discrimination.

De nombreux pays se sont dotés de textes législatifs qui incriminent toutes formes de discrimination de manière générale.

En Belgique, la jurisprudence s'est longtemps basée uniquement sur l'esprit des articles 10 et 11 de la Constitution pour sanctionner les atteintes à l'égalité.

La Cour d'arbitrage s'est vu reconnaître la compétence d'un contrôle des dispositions législatives à l'aune de ces articles.

Mais la Belgique ne dispose toujours pas d'un texte législatif permettant de réprimer efficacement tous les types de discrimination.

Un pas important a été fait en 1981, lors de l'adoption de la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie, la loi « Moureaux ». Elle punit les discriminations fondées sur la race, la couleur, l'ascendance et l'origine nationale ou ethnique d'une personne ou d'un groupe de personnes.

Douze ans plus tard, en 1993, une loi a créé le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, qui a notamment pour mission de combattre toute forme de distinction, d'exclusion, de restriction ou de préférence, fondée sur la race, la couleur, l'ascendance, l'origine ou la nationalité.

L'égalité homme-femme est aujourd'hui une préoccupation importante du législateur. Ceci s'exprime dans plusieurs textes.

Mais d'autres situations discriminatoires existent, qui ne sont pas incriminées actuellement. Elles se développent dans le cadre des relations de travail, pour l'accès à certaines activités et à certains services, ... Les personnes qui en sont les victimes ne font pas l'objet d'une protection spécifique.

Le sexe d'une personne, son état de santé actuel ou futur (détecté par un test génétique prévisionnel), son orientation sexuelle ... sont, entre autres, des caractéristiques qui motivent parfois des comportements discriminatoires.

Au cours de la législature précédente, à l'initiative de Roger Lallemand, les groupes politiques démocratiques du Sénat ont cherché, ensemble, à élaborer une proposition de loi qui réprime efficacement les discriminations. Ils ont pour la plupart cosigné le présent texte.

Le gouvernement a apporté son appui à ce texte. L'accord de gouvernement porte qu'une « loi générale sur la lutte contre les discriminations sera introduite au Parlement, interdisant notamment la discrimination en matiére de choix sexuels. »

L'orateur a redéposé, avec plusieurs collègues, cette proposition dès le début de cette législature.


L'objectif que poursuivent les auteurs de la proposition de loi est de créer un nouveau cadre légal d'incrimination des comportements discriminatoires, tant sur le plan pénal que sur le plan civil.

La proposition ne circonscrit pas la discrimination à la limitation de l'exercice d'un droit ou de la jouissance d'une liberté fondamentale, mais tend à prendre en compte toutes les situations discriminatoires. Elle vise tous les cas où un individu ou une autorité dispose de la possibilité de provoquer un traitement discriminatoire.

Les motifs de discrimination visés, eux, sont limités. Il s'agit des caractéristiques qui s'imposent aux personnes, et que celles-ci ne maîtrisent pas : le sexe, l'état de santé, la constitution physique, l'orientation hétérosexuelle ou homosexuelle, la naissance, la fortune, l'âge.

Les auteurs de la proposition n'ont pas voulu, pour l'instant, étendre le champ d'application de la loi aux discriminations opérées sur base des orientations politiques, philosophiques ou religieuses, tout en laissant le débat ouvert, et en condamnant a priori ce type de discriminations.

Mais la prise en compte de tels critères peut faire problème. Dans des pays où des législations plus générales existent, des partis extrémistes ou des organisations intégristes s'appuient en effet sur la loi pour tenter d'interdire toute critique ou toute mise en cause publiques de leurs choix politiques ou des conséquences politiques de leurs choix religieux. Or, il faut précisément, sur ces questions, garantir la possibilité du débat public et de la critique, aussi sévère soit-elle.

Enfin, les auteurs de la proposition n'ont pas voulu simplement étendre le champ d'application de la loi du 30 juillet 1981 susvisée. Il est apparu à certains que la spécificité de la lutte contre le racisme et la xénophobie méritait peut-être une législation particulière. Ils ont voulu par ailleurs favoriser une régulation civile des comportements discriminatoires, en proposant certaines solutions nouvelles, et en limitant le champ de la pénalisation.

Mais le débat sur un regroupement de la législation existante et de la loi proposée reste évidemment ouvert.

Voilà pour ce qui est de la philosophie de la loi.

En ce qui concerne plus précisément son contenu, l'orateur souhaite évoquer quelques aspects importants en reprenant les développements de la proposition, renvoyant au texte de la proposition pour les questions les plus techniques.

L'article 2 définit la discrimination et détermine le champ d'application de la loi en précisant une série de critères qui motivent la discrimination. Comme déjà indiqué, les critères de l'orientation philosophique, politique et religieuse n'ont pas été retenus, le débat restant cependant ouvert.

Pour le reste, peut-être faut-il simplement préciser que l'orientation sexuelle vise l'homosexualité ou l'hétérosexualité. En outre, la proposition ne change rien, bien entendu, aux dispositions légales existantes qui visent à réprimer des actes sexuels qui sont irrespectueux des personnes.

La proposition concerne donc toutes les situations discriminatoires, sans se limiter à l'exercice d'un droit ou de la jouissance d'une liberté fondamentale. La loi permettrait d'incriminer des situations comme le refus de location d'appartement à une personne homosexuelle, le refus d'accès à un lieu ouvert au public à une personne pour son apparence physique, l'élimination d'une personne d'un processus de sélection professionnelle pour son âge ou sa fortune, voire sa naissance, etc.

Par ailleurs, certaines distinctions entre les personnes peuvent être justifiées, et à ce titre ne pas constituer une discrimination. La proposition détermine les critères qui permettent au juge d'apprécier si la distinction est fondée sur des motifs légitimes et non arbitraires.

Ces critères sont inspirés de la jurisprudence de la Cour d'arbitrage et de la Cour européenne des droits de l'homme. Ils visent d'une part l'objectivité de la mesure et le rapport raisonnable et proportionnel avec le but qu'elle poursuit, et d'autre part son efficacité par rapport à d'autres mesures plus respectueuses des droits des personnes.

Ce dernier critère permettra au juge d'effectuer un contrôle d'opportunité limité.

Les auteurs de la proposition de loi pensent que, dès lors qu'un droit fondamental est en jeu, il est tout à fait justifié que les tribunaux de l'ordre judiciaire exercent ce contrôle. De même, le Conseil d'État pourrait annuler un acte administratif dès lors que celui-ci opère une distinction, même objectivement justifiée mais qui pourrait être remplacée par des mesures d'efficacité supérieure ou comparable.

La Commission ainsi que la Cour européenne des droits de l'homme ont utilisé à plusieurs reprises ce critère de l'efficacité comparable pour sanctionner des États, lorsque les législations incriminées « auraient pu atteindre leur but en recourant à d'autres critères de distinction ». Ainsi que le soulignent les professeurs Schaus, Corten et Blero, « même s'il ne saurait être question de remplacer l'État dans le choix des mesures les plus appropriées aux objectifs qu'il poursuit, les organes de la Convention européenne des droits de l'homme sanctionnent un choix écartant des mesures moins dommageables pour les droits et libertés des personnes placées sous sa juridiction ». Ces mêmes auteurs soulignent que le refus de tout contrôle d'opportunité, par le biais notamment du critère de l'efficacité comparable, ne peut plus se justifier au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

Il faut au demeurant souligner que la nécessité d'un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé écarte toute mesure gravement attentatoire aux droits de la personne, et donc au principe de la non-discrimination, même si la mesure présente une grande efficacité et n'est pas susceptible d'être remplacée. La jurisprudence de la Cour de Strasbourg est claire à cet égard.

Toutefois, pour préserver la séparation des pouvoirs, la proposition ne permet pas au juge de l'ordre judiciaire de se prononcer sur le caractère discriminatoire des distinctions opérées par la loi. Il revient à la Cour d'arbitrage, sur base des articles 10 et 11 de la Constitution, d'opérer ce contrôle, et le cas échéant, de sanctionner le législateur.

D'autre part, pour éviter de mettre en cause des relations, y compris des relations de travail, qui sont directement liées à la conviction religieuse ou philosophique des personnes, le § 2 de l'article 2 précise que l'organisation interne des communautés religieuses et des organisations philosophiques reconnues par le Roi, ne sont pas visées par la loi.

Enfin, il faut rappeler que la loi ne vise évidemment pas les relations entièrement privées entre les individus, en ce compris celles qui naissent de l'association entre des personnes, pour des raisons qui leur sont propres et sur base de critères qui leur sont communs.

Il a déjà été dit que la discrimination pouvait être justifiée (en fonction de l'objectif poursuivi et s'il n'existe aucun autre moyen efficace et moins discriminatoire). Ainsi, le critère de compétence peut être discriminatoire, mais justifié en raison des objectifs à atteindre. Cependant, considérant que la victime d'une discrimination est généralement en position de faiblesse par rapport à l'auteur de l'acte, les auteurs de la proposition de loi ont voulu renverser la charge de la preuve du bien-fondé de la discrimination.

L'article 3 impose à l'auteur d'une distinction, dès lors que celle-ci est critiquée, de prouver son caractère objectivement justifié et le rapport raisonnable et proportionnel avec le but poursuivi.

Les articles 4, 5, 6 et 7 constituent le versant pénal du texte.

Les articles 4 et 5 tendent à réprimer pénalement les comportements discriminatoires les plus critiquables :

­ les incitations à la discrimination, ou la publicité donnée à celle-ci;

­ les discriminations commises par des fonctionnaires ou officiers publics, qui doivent être les premiers garants du respect de la légalité et de l'égal traitement de chacun;

­ les infractions, comme par exemple des coups et blessures volontaires, lorsque l'intention criminelle ou délictueuse de l'auteur est guidée par certaines caractéristiques de la victime.

Les articles 8 et suivants concernent le versant civil.

L'article 8 pose le principe de l'interdiction de toute discrimination. Il ouvre la possibilité d'actions en réparation devant les juridictions civiles, ou en annulation devant le Conseil d'État. Il donne, de manière non limitative, une série d'exemples des situations discriminatoires les plus courantes.

L'article 9 prévoit la nullité des clauses d'un contrat contraires à la loi, comme c'est le cas en matière de contrat de travail ou de pratiques de commerce.

La protection de la partie la plus faible, par hypothèse victime de la discrimination, suppose en effet que tout le contrat ne devienne pas caduc par le simple effet de la clause nulle. Le contrat de travail, par exemple, ne sera pas nul, mais uniquement la clause discriminatoire.

Les articles 10, 11, 12 et 13 déterminent des règles de compétence et de procédure spécifiques aux actions civiles auxquelles l'application de la loi pourrait donner lieu.

Ces dispositions constituent l'élément le plus important de la loi proposée. En effet, si ce ne sont les dispositions pénales, les autres dispositions rappellent, en délimitant sa portée et le pouvoir d'appréciation du juge, le contenu de normes constitutionnelles et internationales dont les victimes de discrimination peuvent déjà se prévaloir devant les juridictions nationales.

Mais c'est précisément l'organisation d'une procédure spécifique qui va permettre à celles-ci de faire respecter leurs droits de manière effective.

L'article 10 organise une action en cessation, sur le modèle de l'action qui existe en matière de pratiques de commerce. Il semble en effet qu'une des manières les plus efficaces de lutter contre les discriminations, réside dans la possibilité pour le juge de mettre fin très rapidement au comportement discriminatoire.

Cette action peut s'accompagner de mesures de publicité du jugement imposées au contrevenant par le juge.

De plus, le juge peut prononcer une astreinte pour contraindre l'auteur de la discrimination à respecter la décision qui a été rendue.

Ces actions sont ouvertes aux particuliers, mais aussi, sur le modèle de ce qui existe en matière de lutte contre le racisme et la xénophobie, à une série d'associations, dont le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme.

L'article 13 organise une procédure rapide pour les actions civiles intentées sur base de la loi proposée. Parce que le respect de droits fondamentaux est en jeu, les auteurs de la proposition considèrent en effet que ces litiges méritent un traitement exceptionnel, différent de celui de conflits purement privés.

Les articles 14 et 15 étendent les compétences du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, à la lutte contre les discriminations que la loi proposée entend combattre. Le rôle éducatif et régulateur de conflits d'une telle institution est en effet particulièrement important. Mais il n'apparaît pas nécessaire de créer un nouvel organe à côté de celui qui existe déjà, et qui a fait la preuve de son efficacité.

Il faudra toutefois veiller, dès lors que l'on accroît ses compétences, à donner au Centre pour l'égalité des chances les moyens nécessaires à l'accomplissement de ses nouvelles missions.

Tel est l'essentiel de cette importante proposition à l'élaboration de laquelle le groupe socialiste, et son président à l'époque, Roger Lallemand, avait associé tous les groupes démocratiques du Sénat.

L'orateur ne doute pas que le débat qui suivra verra les sénateurs se retrouver sur les principes fondamentaux que l'on cherche à protéger, et qu'ils auront à coeur de faire aboutir cette proposition, pour doter notre pays d'un instrument législatif important pour garantir la dignité et le respect à chaque individu.

II. EXPOSÉ DU MINISTRE DE LA JUSTICE

La proposition de loi vise à rendre plus efficaces les normes internationales et constitutionnelles en matière de protection contre la discrimination. On propose à cet effet une réglementation générale sur le plan pénal et civil, en vue de sanctionner toutes les formes de discrimination basée sur des paramètres qui échappent plus ou moins au choix de l'individu.

A. Droit pénal

Il faut respecter le principe de légalité lorsqu'on fixe le contenu des incriminations. Un des éléments importants à cet égard est la prévisibilité des comportements incriminés : le justiciable doit savoir a priori, de manière suffisamment claire, en quoi consiste le comportement illicite.

La définition qui est donnée à l'article 2 de la proposition de loi est très générale et très large : il s'agit de tout comportement social qui consiste à établir, sans autorisation de la loi, une distinction, fondée sur les paramètres énumérés.

Tout d'abord, chaque citoyen qui établit pareille distinction doit se justifier doublement : la distinction doit avoir un objectif légitime et les moyens doivent être proportionnels au but poursuivi.

Toutefois, les conditions que constituent le but légitime et la proportionnalité ne satisfont pas à l'exigence de prévisibilité qui doit être attachée à une incrimination : elles procèdent, en effet, d'une évaluation par l'intéressé, laquelle fera ensuite l'objet d'une évaluation.

Qui plus est, on peut s'interroger sur le caractère punissable d'un comportement. Afin d'éviter une criminalisation à outrance, il faut réprimer uniquement les comportements qui constituent une atteinte à des valeurs sociales importantes qui font l'objet d'un consensus. On peut donc difficilement interdire par principe aux citoyens de faire une distinction dont le contenu concret n'est pas établi au préalable.

Il est inopportun d'insérer dans une loi une définition de la discrimination en raison des problèmes d'interprétation que pareille définition posera.

La proposition vise en outre à exclure du champ d'application les relations privées. Cette exclusion privée ne semble pas cohérente au regard de l'explication donnée auparavant par les auteurs. Le texte même de l'article 2 ne peut en aucun cas être interprété comme excluant du champ d'application de la loi les « relations entièrement privées ».

Renversement de la charge de la preuve

L'article 3 renverse la charge de la preuve en ce qui concerne un élément constitutif de l'infraction.

En effet, la proposition prévoit que la preuve du caractère objectivement justifié et du rapport raisonnable et proportionnel avec le but poursuivi est à charge de l'inculpé.

Elle va même plus loin que le droit commun en matière de causes de justification et d'excuse. Pareille disposition viole en outre l'article 6 de la CEDH, qui consacre la présomption d'innocence.

Exclusion du champ d'application

L'article 2, § 2, exclut du champ d'application l'organisation interne des communautés religieuses et des organisations philosophiques, reconnues par le Roi.

Les auteurs veulent sans doute éviter de toucher aux équilibres philosophiques dans notre pays.

Cependant, on comprend difficilement pourquoi des discriminations fondées sur une série de paramètres, dont on affirme qu'elles sont illicites et qui peuvent donner lieu en tant que telles à une action au pénal et au civil, seraient automatiquement légitimes si elles sont perpétrées au sein de certaines organisations.

On peut en outre se demander quelle est la portée de la reconnaissance par le Roi.

Incriminations proposées

Les auteurs se sont inspirés de la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie.

L'article 4, § 1er, est rédigé comme suit : « Est puni (...) quiconque, dans l'une des circonstances (...), incite à recourir à la discrimination, à la haine ou à la violence ou donne une publicité à son intention d'y recourir (...), en raison des particularités visées à (...). »

On ne saurait mettre la discrimination sur le même pied que la haine ou la violence. La loi réprimant le racisme contient une notion beaucoup plus précise, à savoir détruire, compromettre ou limiter les droits ou libertés.

L'article 4, § 2, est rédigé comme suit : « tout fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, commet une discrimination. »

Cet article ne fait plus référence aux particularités visées à l'article 2, contrairement à l'article 4, § 1er. Il faut uniformiser le texte.

L'article 5 prévoit un alourdissement des peines, qui s'inspire en partie des règles de droit commun en matière de récidive, quand les mobiles d'une quelconque infraction de droit commun résident dans une des particularités énumérées.

En cas de récidive effective des délits visés à l'article 5, appliquera-t-on deux fois les règles relatives à la récidive ?

On peut également s'interroger sur la ratio legis de cet article. Pour qu'un comportement soit punissable, on peut exiger qu'il y ait, outre l'intention générale, une intention supplémentaire et particulière (par exemple, l'intention malveillante, ...). Toutefois, les motifs en tant que tels ne jouent aucun rôle en droit pénal.

En outre, une erreur s'est glissée dans le texte néerlandais : On utilise le terme « afkomst » alors qu'on devrait employer le terme « geboorte » (voir l'article 2). Est-il d'ailleurs aussi question de peines criminelles ?

Article 6

L'article 3 ne contient aucune infraction, alors que l'article 6 y fait référence.

Du point de vue du fond, l'interdiction est une question d'opportunité.

On peut donc se demander s'il n'y a pas lieu de supprimer la partie de la proposition de loi qui porte sur le droit pénal.

B. Droit civil

1. L'article 8 n'a guère de sens : il ne fait qu'énumérer une série d'exemples. La définition de l'article 2 suffit.

En s'exprimant de la sorte, les auteurs énoncent une autre définition de la discrimination. Il est plus approprié de dire que la discrimination est interdite, notamment lorsqu'elle a pour conséquence un refus de fournir un bien ou un service.

2. À en juger par le concept de « discrimination » qui est utilisé dans la proposition, les auteurs considèrent manifestement que toute forme de mise en oeuvre des droits ou libertés par les citoyens doit pouvoir faire l'objet d'un examen sous l'angle de sa légitimité et de la proportionnalité entre les moyens utilisés et l'objectif poursuivi. Sur le plan éthique ou déontologique, c'est une thèse très défendable. Sur le plan légal, cela constitue cependant une juridicisation accrue de la vie sociale.

Toute distinction juridique ou factuelle au niveau social engendrera des litiges, car il y aura toujours une partie mécontente.

Il est dès lors préférable de souscrire à l'approche qui a été celle du législateur belge jusqu'ici, à savoir l'approche sectorielle de l'interprétation du principe de non-discrimination.

3. Le modèle choisi implique que l'on s'écarte des principes en matière de responsabilité civile (article 1382 et suivants du Code civil).

Il résulte de la proposition qu'une fois que la faute est établie, elle donne automatiquement lieu à des dommages-intérêts. Par dérogation au droit commun, il n'y a plus lieu de démontrer l'existence d'un dommage ni le lien causal entre la faute et le dommage subi.

Par conséquent, il vaudrait mieux supprimer la dernière phrase de l'article 8, afin que le droit commun puisse trouver à s'appliquer.

À défaut, la proposition semble être un domaine lucratif pour des contestations en tous genres, ayant pour seul but d'obtenir un dédommagement.

4. Article 10 : le principe de l'action en cessation peut être approuvé. Il faudrait cependant veiller à adapter le Code judiciaire afin d'y intégrer les dispositions pertinentes de la proposition de loi.

Il faut avoir conscience de la surcharge de travail que la proposition pourrait générer pour certains présidents.

5. Article 11 : le juge peut condamner l'auteur de la discrimination à une astreinte. Cela peut être évalué positivement.

6. Article 12 : certains groupements et associations sont autorisés à agir en justice dans les litiges auxquels l'application de la loi proposée donnerait lieu.

Le risque est grand de voir se multiplier le nombre de litiges portés devant le juge et, partant, de voir s'accroître l'arriéré judiciaire.

On court aussi le risque que plusieurs organisations aient recours à cette faculté pour préserver leurs intérêts, c'est-à-dire pour y trouver une source de financement et assurer leur survie.

De plus, on peut se demander si cela ne revient pas à faire preuve de discrimination envers d'autres organisations (cf. l'article 17 du Code judiciaire).

7. L'ensemble des mesures exorbitantes du droit civil dans le cadre de la lutte contre les discriminations aura apparemment un impact considérable sur l'organisation judiciaire. On peut dès lors se demander quel en est exactement le fondement constitutionnel.

C. Droit international

Outre les dispositions anti-discriminatoires qui existent déjà (articles 10 et 11 de la Constitution, 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, 2 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, 2 et 26 du Pacte sur les droits civils et politiques,... ) et qui sont d'ailleurs mentionnées en introduction par les auteurs de la proposition, les travaux menés au niveau international, et surtout le vaste domaine d'application qu'ils visent, et leur état d'avancement, posent la question de l'opportunité d'une telle loi.

Le ministre conclut en affirmant qu'il peut se rallier à l'idée de la proposition de loi, mais que celle-ci doit être adaptée pour tenir compte des observations précitées.

III. DISCUSSION GÉNÉRALE

Un membre souhaite faire remarquer préalablement que les rôles ne peuvent pas être inversés. C'est le législateur qui vote les lois et le juge qui les applique. Si l'application de la loi nécessite des moyens, le pouvoir exécutif devra dégager les moyens nécessaires. Cela ne tient pas debout d'invoquer l'arriéré judiciaire pour faire en sorte qu'une loi ne soit pas votée.

L'auteur principal de la proposition de loi renvoie à l'accord de gouvernement, qui prévoit que les problèmes éthiques relèvent de la compétence du Parlement. Il remercie le gouvernement pour ses observations. Les observations juridiques formulées seront examinées plus avant dans la suite de la discussion et pourront éventuellement donner lieu à des amendements à la proposition. L'opportunité de ces observations sera également examinée à la lumière de l'objectif politique poursuivi.

Un membre estime que du point de vue politique se pose effectivement la question de l'utilité et de la pertinence légale de cette initiative. L'on pourrait considérer que notre arsenal législatif contient déjà des dispositions antidiscriminatoires qui ont une portée très générale (voir les articles de la Constitution).

Mais on se rend bien compte que la Constitution ne suffit plus. Une tendance qui s'est fait jour en Belgique comme dans d'autres pays européens consiste à établir une liste de critères permettant de se défendre et de lutter contre les actes discriminatoires socialement inacceptables.

L'article 13 du Traité d'Amsterdam donne une liste de critères (discriminations fondées sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle). Il est assez étrange que ce ne soit pas cette liste-là qui ait été retenue dans la proposition de loi. L'aspect « religion et convictions » n'a pas été retenu dans la proposition (voir l'exposé introductif). Cela peut donner matière à discussion.

La proposition ajoute les critères suivants : « caractéristique physique », « état civil » et « fortune ». L'article 13 du traité n'est évidemment pas de droit impératif. Il ne s'agit pas d'une directive, mais d'une disposition-programme invitant les États membres à prendre les mesures nécessaires pour lutter contre toute forme de discrimination. Il s'agit donc d'une disposition politique et non pas d'une disposition juridique assortie d'une définition et d'une sanction précises. La Commission et le Conseil planchent actuellement sur l'élaboration d'un programme politique de lutte contre les discriminations dans divers domaines.

À cette occasion sont déposés des textes de projet de réglementation et de projet de directive ainsi que d'action politique qui ne concernent pas nécessairement toutes les mentions qui figurent à l'article 13. Des actions spécifiques par secteur sont prévues. Comment les critères ont-ils été fixés ? S'il est question de critères qui n'impliquent pas d'intervention personnelle (âge, sexe, etc.), qu'en est-il de l'état civil ? Il s'agit là en effet d'une manifestation de volonté déterminée.

Une deuxième remarque concerne la compatibilité avec la loi Moureaux. L'intervenante peut difficilement imaginer que puissent coexister deux grandes lois prévoyant des définitions différentes de la discrimination, des sanctions civiles et pénales différentes. On peut s'attendre en l'espèce à un recours devant la Cour d'arbitrage. Les sanctions prévues par la proposition de loi sont plus élaborées que celles de la loi Moureaux. Cette proposition constitue donc véritablement une dérogation au droit commun. Il faut chercher un équilibre avec la loi Moureaux. On pourrait plutôt adapter la loi Moureaux et compléter la liste des critères de discrimination. Cette idée n'est pas dépourvue d'intérêt et donnerait l'occasion d'évaluer la loi Moureaux. Bien que cette dernière comporte des choses très intéressantes, l'intervenante a l'impression que les discriminations dans le milieu du travail, par exemple, ne sont pas suffisamment prises en compte et ont trop peu de conséquences juridiques. Il est très facile, pour l'employeur, de réfuter la preuve produite par la victime. La proposition en discussion donne l'occasion d'évaluer la loi Moureaux et permet de reconsidérer la discrimination dans le milieu du travail. L'intervenante n'est toutefois pas convaincue que le renversement de la charge de la preuve constitue en l'espèce la meilleure solution.

En ce qui concerne les sanctions civiles et pénales, elle considère que chaque sanction doit être considérée séparément et qu'il faut examiner si l'on ne déroge pas trop au droit commun. Le fait que cela créerait une charge de travail trop lourde pour les magistrats ne peut en effet être une raison pour ne rien entreprendre. Par ailleurs, il ne faut pas non plus dire que la loi la plus récente est la plus importante et qu'il faut lui donner la priorité absolue sur toutes les autres affaires courantes.

Une question politique importante porte sur le rôle du Centre pour l'égalité des chances. Ce Centre fonctionne convenablement pour l'instant et il est très spécialisé dans les problèmes d'immigration. La proposition en discussion étend toutefois ses compétences. Il serait peut-être utile d'organiser une audition de ce centre, pour qu'il détermine si les sanctions pénales et civiles proposées sont réalisables. Ses membres ont en effet acquis une expérience importante en matière de mesures antidiscriminatoires. La question de savoir si le renversement de la charge de la preuve serait ou non suffisant peut leur être soumise.

Une autre observation concerne la discrimination fondée sur les convictions, la religion et les convictions philosophiques. L'article 13 du Traité d'Amsterdam mentionne explicitement ces discriminations. Pourquoi la proposition en discussion exclut-elle ces libertés classiques ? Les rares pays qui ont élaboré une loi antidiscriminatoire mentionnent ces discriminations, de même que l'article 13 du Traité d'Amsterdam.

Un autre membre objecte que ces critères ont sciemment été laissés de côté pour éviter que surgissent, y compris dans les relations de travail, des problèmes directement liés aux convictions religieuses ou philosophiques des personnes (par exemple dans l'enseignement catholique).

L'auteur principal de la proposition de loi répète que le libellé de l'article 2 est sujet à discussion. Il renvoie à son exposé introductif et n'est que trop conscient du fait que la liste de critères arrêtée à l'article 2 prête le flanc à la critique. S'il existe, bien entendu, des arguments qui plaident pour l'insertion des convictions religieuses ou philosophiques des gens, il n'en demeure pas moins que l'on doit se garder par ailleurs d'un usage abusif de la loi par des personnes qui veulent précisément défendre la discrimination. Peut-être pourrait-on prévenir ce dernier risque en mentionnant explicitement des dérogations.

Une préopinante demande si l'article 2, § 2, proposé constituerait un obstacle à l'occupation, souhaitée par une école ou un mouvement de jeunesse, d'un professeur ou d'un éducateur bien déterminé. Une école est-elle considérée comme une organisation interne de communautés religieuses et d'organisations philosophiques ?

Une autre membre fait une première remarque concernant le volet politique. En tant que membre du comité de gestion du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, depuis trois ans et demi, l'intervenante se permet de dire que la loi Moureaux devrait être réformée. L'expérience lui a appris que la loi présente des lacunes manifestes en ce qui concerne la charge de la preuve. Très souvent, la discrimination n'est pas poursuivie, en raison de la difficulté d'en apporter la preuve. Comment prouver, par exemple, qu'une agence immobilière a refusé de louer un logement à un immigré ? Le conseil d'administration du centre est donc partisan d'un renversement de la charge de la preuve. On pourrait également permettre d'autres formes de preuve, par exemple des tests de situation.

Une enquête en matière d'emploi a été réalisée voici quatre ans sur ordre de l'Organisation internationale du travail. Il en ressort qu'en Flandre, 39 % des employeurs ont une attitude discriminatoire lors du recrutement d'un travailleur. L'existence d'une discrimination est donc clairement établie.

L'accord de gouvernement prévoit qu'il faut aller de l'avant dans la lutte contre la discrimination.

L'intervenante propose d'adopter une loi coordonnée sur la non-discrimination. Il y a lieu de modifier la loi Moureaux, du moins sa définition. Elle partage la philosophie qui sous-tend la proposition de loi à l'examen et souhaiterait même aller plus loin. Pourquoi ne pas voter une loi-cadre prévoyant que certains volets comme la sécurité sociale, le travail, l'enseignement, seraient mis à exécution sous la forme d'arrêtés royaux ou ministériels ?

Elle est disposée à coopérer à la discussion des améliorations techniques à apporter à la présente proposition. Cela suppose un débat ouvert.

La proposition de loi élargit la compétence du Centre pour l'égalité des chances. L'intervenante aimerait savoir si le Centre a été contacté, car une extension de compétence implique l'octroi de moyens supplémentaires. Elle rappelle le manque de juristes et la surcharge de travail dont souffre le Centre. Il conviendrait d'entendre ce dernier.

Enfin, l'intervenante estime qu'il est nécessaire d'étendre la notion de victimes de la discrimination. Il ne s'agit pas seulement des immigrés, mais aussi des handicapés, des homosexuels, etc.

Dans le prolongement du dialogue avec la haute magistrature, une autre intervenante fait une remarque préalable. Il va de soi que les décisions politiques se prennent au Parlement, mais elles ne peuvent l'être sous un globe de verre. Pour avoir de l'effet, les décisions politiques doivent être en phase avec ce qui vit dans la société, y compris sur le plan juridique, dans le contexte international et européen. Les décisions en matière de non-discrimination doivent bien entendu se rattacher aux conventions en matière de droits de l'homme.

L'intervenante se réfère à deux conventions fondamentales à effet direct, à savoir la Convention européenne des droits de l'homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ces conventions permettent déjà de faire respecter pas mal de choses dans notre société. On peut certes faciliter l'accès aux procédures de non-discrimination, mais il faut également veiller à ce que notre législation ne mette pas en péril un certain nombre d'équilibres juridiques ou la protection juridique des citoyens. Les personnes ne peuvent se retrouver victimes de l'insécurité juridique, si l'on décide de renverser la charge de la preuve sans les en informer à l'avance.

L'intervenante s'interroge aussi sur l'absence, dans la proposition à l'examen, de la discrimination fondée sur les convictions philosophiques, politiques ou religieuses, alors que toute la législation internationale et européenne reconnaît fondamentalement ce type de discrimination. Elle épingle l'évolution de notre société, dans laquelle certaines différences individuelles s'estompent de plus en plus tandis que d'autres reprennent vigueur.

La tolérance en matière d'orientation sexuelle évolue par exemple dans un sens positif, tandis qu'il y a davantage d'intolérance à l'égard des convictions philosophiques ou religieuses. Dans une législation relative à la non-discrimination, il importe de protéger précisément les minorités.

Les discriminations qui font l'objet des plus grandes luttes politiques sont précisément celles qui se fondent sur les convictions (cf. les génocides en Afrique). Les génocides qui ont eu lieu sur le sol européen étaient également fondés sur les convictions politiques (régime soviétique) ou sur l'appartenance à une religion déterminée (le national-socialisme). Il convient donc, même dans un régime démocratique, de combattre constamment ce type de discriminations.

Une autre membre souhaite entendre le Centre pour l'égalité des chances, puisqu'il est mentionné dans la proposition. D'autre part, il serait bon aussi, à son avis, d'envisager la présente proposition à la lumière de la législation en vigueur, tant au niveau fédéral qu'au niveau européen.

L'intervenante souligne à cet égard que, dans le contexte européen, la commission a déjà soumis des directives au Parlement et que celles-ci seront probablement applicables sous peu. Au niveau européen aussi, on accepte le renversement de la charge de la preuve en matière de discrimination. La proposition à l'examen ne s'écarte donc pas d'une tendance existante.

Pour ce qui est de l'article 2, § 2, elle souligne qu'il concerne l'organisation interne de communautés religieuses. Il ne s'agit donc pas, en l'occurrence, d'une discrimination fondée sur la religion ou la croyance. Il lui semble logique que l'on puisse exiger, par exemple, de quelqu'un qui officie dans une messe, qu'il ait une certaine conviction religieuse.

Un membre souligne que la première discussion à ouvrir est celle de la nécessité de la proposition à l'examen, avant de se demander s'il y a lieu oui ou non d'entendre le Centre pour l'égalité des chances.

La seule discrimination qui n'est pas visée par la loi est celle fondée sur les convictions religieuses, politiques ou philosophiques. L'on veut de toute évidence éviter que le groupe politique auquel la membre appartient puisse se servir de la proposition de loi en question.

Deuxièmement, il s'agit d'une attaque contre l'enseignement catholique.

Un autre membre demande si l'intervenante précédente considère que la proposition de loi à l'examen est inutile.

L'intervenante précédente souligne que de très nombreuses initiatives législatives ont déjà été prises dans le sens identique. Il y a aussi une multitude de conventions internationales qui sont applicables en droit interne. Elles ont acquis force contraignantes et on peut en forcer le respect devant les tribunaux. Les conventions internationales offrent une base légale suffisante pour pouvoir être rendues contraignantes en justice.

De plus, la proposition de loi est fondée sur d'autres critères que la loi Moureaux. Il faut dès lors éviter de comparer l'une à l'autre. L'intervenante peut comprendre que d'autres partis politiques souhaitent que l'on affine la loi Moureaux en ce qui concerne la charge de la preuve. Cela ne nécessite toutefois pas le dépôt d'une proposition de loi autonome entièrement nouvelle.

Une intervenante précédente déplore que l'on ramène la question de la discrimination en Belgique à un problème de charge de la preuve. Une réforme de la loi Moureaux s'impose dans la mesure où la législation ne permet pas de lutter contre la discrimination.

Un autre membre est conscient qu'il n'est pas aisé de lutter efficacement contre la discrimination en réformant notre législation tout en respectant les dispositions internationales existantes (Convention des droits de l'homme et article 13 du Traité d'Amsterdam). Une législation générale anti-discrimination doit tenir compte de divers instruments internationaux et de la loi Moureaux sur le racisme et la xénophobie. Il lui semble opportun d'organiser une audition de membres du Centre pour savoir quelles sont ces difficultés pratiques auxquelles ils sont confrontés dans le cadre de l'application des lois en vigueur pour ce qui est des migrants.

Il faudrait aussi donner un aperçu de tout ce qui a été réalisé et de toutes les dispositions en vigueur dans le domaine de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Il serait peut-être indiqué d'organiser aussi une audition en la matière. La manière dont les discriminations entre les hommes et les femmes ont été enrayées par la loi et les tribunaux peut être utile à l'élaboration d'une loi antidiscrimination qui soit applicable dans la pratique. La loi ne peut pas non plus entraîner un retour en arrière dans ce domaine.

L'intervante fait référence aux examens d'aptitude physique des candidates gendarmes. Ces examens sont organisés sur le modèle de ceux auxquels sont soumis les candidats masculins, alors que l'on fait systématiquement une distinction entre les athlètes masculins et les athlètes féminins en raison de la différence de morphologie.

En ce qui concerne l'orientation sexuelle, on vise surtout les relations hétérosexuelles et homosexuelles. Que fait-on de la pédophilie ? Il y a donc lieu de définir les critères avec prudence et d'éviter de donner à la notion d'« orientation sexuelle » une interprétation trop large qui pourrait aussi inclure la pédophilie. La finalité de la loi ne peut en aucun cas être contournée.

Un membre dit partager ce point de vue. Au cas où la loi prévoirait que nul ne peut être discriminé en raison de son orientation sexuelle, il n'est pas inimaginable que des pédophiles puissent invoquer ce principe. En ce qui concerne la discrimination homme-femme, le membre demande à l'intervenante précédente si elle pense à des dispositions ou à des réalisations précises.

L'intervenante précédente précise qu'elle pense aux conseils des femmes. Cette commission doit vraisemblablement disposer d'un rapport annuel et il serait utile de pouvoir en prendre connaissance.

L'intervenante se réjouit surtout des « actions positives ». Concrètement cela signifie que si un sexe est sous-représenté au sein d'une administration, dans un certain nombre de fonctions, on encourage le recrutement de personnes de ce sexe. La proposition de loi à l'examen ne peut pas entraîner un retour en arrière ni la suppression des actions positives. Une analyse s'impose en la matière. Peut-être pourrait-on aussi défendre l'idée d'une discrimination positive en faveur des immigrés ?

Un membre renvoie au débat en cours en Floride au sujet du « bussing », cette disposition réglementaire fédérale en vertu de laquelle certains habitants des quartiers noirs défavorisés sont transportés en bus vers les quartiers blancs afin d'organiser la mixité. Certains groupes s'opposent à ce système qui vise à éliminer les inégalités raciales.

Un autre membre souscrit à ces propos et souligne qu'il existe déjà d'importantes dispositions légales spécifiques sur l'égalité de traitement entre hommes et femmes, surtout en droit du travail (travail égal, salaire égal, ouverture des emplois vacants aux deux sexes). À ce sujet, on peut faire référence aux conseils des femmes, mais il existe également un Conseil fédéral de l'égalité des chances et un Conseil national du travail.

L'auteur principal de la proposition de loi souligne que la proposition a pour objectif de supprimer toutes les formes de discrimination.

Le texte comprend des dispositions de droit pénal et des dispositions de droit civil. Le but est de combattre toute forme de discrimination.

On a fait référence aux textes internationaux existants. L'intervenant souligne que les recommandations au niveau européen doivent évidemment être appliquées en droit belge. La référence à l'article 13 du Traité d'Amsterdam est intéressante, mais ces dispositions doivent être transposées en droit belge. En outre, ces dispositions internationales n'épuisent pas ce qui peut être traduit en droit belge. Rien n'empêche la Belgique d'adopter une législation qui va plus loin que les traités internationaux.

L'intervenant précise qu'il ne peut effectivement y avoir des conditions d'emploi qui seraient liées au sexe de l'intéressé. La seule discrimination au niveau du sexe qui pourrait être admise, par souci d'oecuménisme, concerne les fonctions liées à l'exercice des cultes, lesquelles sont réservées uniquement au sexe masculin. Récemment, l'orientation sexuelle d'un ministre du culte a aussi suscité l'émoi. Hormis ces rares exceptions qui concernent les cultes, il va de soi que le sexe ne peut être utilisé de façon discriminatoire dans la vie publique sous toutes ses formes.

L'auteur de la proposition de loi maintient son point de vue en ce qui concerne l'exclusion de toute mention de convictions politiques, philosophiques et religieuses. Il faut prendre garde à l'usage abusif que les partisans de la discrimination pourraient faire du texte. Les objectifs de la loi ne peuvent être contournés.

En ce qui concerne la remarque sur l'orientation sexuelle, l'intervenant renvoie aux développements de la proposition de loi. Mais rien n'empêche d'inscrire explicitement cette disposition dans le texte.

Ensuite, l'intervenant déclare qu'il peut se rallier sans réserve à l'idée d'entendre le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme.

Il importe de concrétiser les avancées. Il y a des législations qui ne sont pas appliquées et il existe probablement aussi des conventions internationales qui ne le sont pas. Mais dès que l'on a des textes internationaux qui tendent à encourager la transposition des intentions exprimées dans le droit national, ces intentions doivent être transposées en droit belge.

En ce qui concerne la procédure judiciaire, il existe effectivement des cours de justice internationales (cf. la Cour de Strasbourg). On pourrait dès lors penser que l'on a la possibilité de s'adresser à la Cour de Strasbourg une fois épuisés tous les moyens de droit en Belgique. Il ne semble cependant pas à l'intervenant que ce soit une bonne idée d'être obligé de s'en référer d'emblée à la juridiction ultime. On doit au contraire avoir en droit belge la possibilité de faire appliquer la législation existante en matière de discrimination.

Quant à la charge de la preuve, l'intervenant renvoie au texte de la proposition de loi. Celui-ci prévoit que la victime doit démontrer qu'un texte donné (par exemple une offre d'emploi) contient une mesure discriminatoire. Pour pouvoir assigner en justice, que ce soit au civil ou au pénal, la victime doit démontrer l'existence d'une règle discriminatoire. Le renversement de la charge de la preuve signifie que la personne qui a pris la responsabilité d'insérer une disposition discriminatoire doit pouvoir démontrer que cette mesure est justifiée. Ou alors elle doit démontrer qu'il n'existait pas d'autre possibilité pour atteindre l'objectif visé. En l'occurrence, le juge apprécie souverainement.

Pour ce qui est de l'arriéré judiciaire, l'intervenant souligne qu'il existe d'ores et déjà une loi en matière de lutte contre le racisme (la loi Moureaux). Il n'y a donc aucune raison que le texte à l'examen provoque une augmentation de l'arriéré judiciaire.

Un commissaire objecte qu'il arrive très rarement qu'un texte déterminé (par exemple une annonce relative à une offre d'emploi, à la location d'un logement) comporte littéralement des discriminations à l'égard des femmes, des homosexuels, etc. L'article 3 n'est donc pas clair.

Un autre membre s'interroge sur l'application de l'article 8, alinéa 1er (le refus de fournir un bien ou un service), au commerce. Il donne l'exemple du propriétaire d'un immeuble vide qui souhaite ouvrir un garage Opel. Que se passera-t-il si Opel refuse parce qu'il y a déjà un concessionnaire sur place ? Peut-on alors invoquer la loi proposée ?

Un deuxième exemple concerne un fournisseur de voyages qui refuse de vendre ses voyages à une agence indépendante.

Une autre membre estime que la proposition nécessite encore de nombreux éclaircissements. Elle considère en effet qu'en matière de critères, la proposition n'est pas plus large que ce qui a été réalisé à l'échelle internationale, mais bien qu'elle est beaucoup plus sélective.

Pour le reste, elle croit que l'exception faite pour les cultes est une disposition superflue, du moins si l'on saisit bien les libertés fondamentales garanties par notre Constitution et les règles internationales. Des précisions s'imposent sur la signification de la liberté religieuse. Quelle est la jurisprundence constitutionnelle à ce sujet ?

S'agissant de la charge de la preuve, l'intervenante fait observer que la discrimination ne s'observe pas uniquement dans des dispositions qui ont été mises par écrit (par exemple dans des contrats), mais qu'il s'agit principalement de comportements. On doit ainsi fournir la preuve contraire que son comportement n'est pas discriminatoire. Cette preuve est très difficile à fournir et place l'intéressé dans une grande insécurité juridique.

L'auteur principal de la proposition de loi répond à un intervenant précédent qu'il existe également des critères généraux en matière de pratiques du commerce.

Il répond à l'intervention d'un autre membre qu'il est impossible, dans un texte de loi, de définir les intentions de la personne et de les traduire de manière précise. C'est pourquoi la victime doit toujours fournir la preuve d'une attitude, d'une disposition ou d'un comportement discriminatoires. La preuve du caractère objectivement justifié d'une distinction et du rapport raisonnable et proportionnel avec le but poursuivi par son auteur est toujours à charge de celui-ci.

IV. AUDITION DE REPRÉSENTANTS DU CENTRE POUR L'ÉGALITÉ DES CHANCES ET LA LUTTE CONTRE LE RACISME : MM. JEAN CORNIL, DIRECTEUR-ADJOINT, DIRK DE MEIRLEIR, COORDINATEUR, ET FRANÇOIS SANT'ANGELO, COLLABORATEUR DE LA DIRECTION

A. Exposé des représentants du Centre

« 1. Mission du Centre

En application de l'article 2 de la loi du 15 février 1993 créant un Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, le Centre a pour mission de promouvoir l'égalité des chances et de combattre toute forme de distinciton, d'exclusion, de restriction ou de préférence fondée sur la race, la couleur, l'ascendance, l'origine ou la nationalité. En outre, le Centre s'est vu confier la mission de stimuler la lutte contre la traite d'êtres humains.

Par ailleurs, un accord de coopération conclu récemment entre le gouvernement fédéral et les gouvernements de région et de communauté a également chargé le Centre de lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

2. Point de vue du Centre

Le Centre se réjouit du dépôt de la proposition de loi en discussion et se rallie entièrement à la philosophie qui la sous-tend. Le projet d'étendre la lutte contre la discrimination à d'autres formes que le racisme mérite, à juste titre, un soutien inconditionnel. Pour l'instant, en effet, la définition de compétence susvisée empêche le Centre d'ester en justice lorsqu'il est confronté à des plaintes émanant de personnes ou de groupes qui s'estiment victimes de discriminations fondées sur des critères autres que la race, la couleur, l'ascendance, l'origine ou la nationalité, à savoir par exemple en raison de leur handicap, de leur âge ou de leur orientation sexuelle.

À propos de la proposition de loi, le Centre tient à souligne trois points.

1. Sur la loi antidiscriminatoire

Le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme n'est actuellement compétent que pour la problématique du racisme, de la traite d'êtres humains et la lutte contre la pauvreté. À strictement parler, le Centre n'a donc pas à se prononcer sur l'opportunité d'une loi antidiscriminatoire de portée générale. La question de savoir s'il y a lieu de voter une loi accordant à d'autres groupes de la société une protection juridique effective plus explicite que les droits fondamentaux parfois vaguement formulés, susceptibles d'interprétation et parfois limités que garantissent la Constitution et différentes conventions relatives aux droits de l'homme, est donc une décision incombant en premier chef aux représentants de la Nation.

Mais nous ne vivons évidemment pas sur une île. Nous savons ce que signifie la discrimination, quelles conséquences extrêmes elle peut avoir pour les individus et à quel point il est difficile de se défendre contre elle. Le Centre n'est donc assurément pas opposé à cette proposition de loi antidiscriminatoire générale. Nous constatons qu'en dépit du fait que toutes les conventions relatives aux droits de l'homme sont également très claires sur l'interdiction de la discrimination fondée sur la race, le législateur belge a jugé nécessaire, en 1981, de réprimer cette discrimination raciale en légiférant. Nous constatons quotidiennement que cette loi était et est une nécessité absolue. Les exclusions et les discriminations que subissent d'autres minorités dans la société ne sont, certes, pas toujours les mêmes que pour les allochtones, mais nous ne voyons pas pourquoi on ne pourrait pas oeuvrer également à la protection juridique d'autres minorités.

Il s'agit d'ailleurs d'une tendance européenne. Nous renvoyons en l'espèce à l'article 13 du Traité d'Amsterdam, qui permet à l'Union européenne de mener une politique antidiscriminatoire adaptée en faveur d'autres minorités également. Une directive européenne est d'ailleurs déjà en préparation qui entend lutter contre la discrimination en matière d'emploi pour tous les motifs de discrimination énumérés à l'article 13 et qui imposerait, à cet effet, aux États membres, un cadre général de protection juridique.

2. Rapport entre loi antidiscriminatoire générale et loi antiracisme

Sur le plan du contenu, cette proposition de loi antidiscriminatoire ne nous pose pas non plus le moindre problème. Nous y retrouvons du reste de très bons éléments que nous aimerions voir figurer également dans la loi contre le racisme. Nous pensons à l'introduction de la possibilité d'intenter une action en cessation auprès du président du tribunal pour mettre fin rapidement à des actes discriminatoires et à la possibilité d'imposer une astreinte lorsqu'il n'est pas mis un terme à la discrimination.

Nous trouvons également que l'idée de faire de l'intention discriminatoire une circonstance aggravante de certains crimes et délits est bonne. Ce serait également très utile en matière de discrimination raciale. En effet, certains délits sont commis uniquement pour des motifs racistes. Il s'agit souvent, en l'occurrence, de coups et blessures. Dans pareille hypothèse, l'auteur est uniquement poursuivi pour coups et blessures. Les cours et tribunaux ne retiennent pas l'intention raciste. Pour pouvoir appliquer la loi Moureaux, en cas de coups et blessures, il faut même pouvoir prouver que l'auteur de ceux-ci avait l'intention d'inciter des personnes présentes à la haine ou à la discrimination. Il est presque toujours impossible d'apporter cette preuve. Cependant, c'est l'intention raciste qui donne à pareil délit un caractère particulièrement grave.

Nous estimons aussi qu'il est bon de renverser la charge de la preuve dès qu'on peut prouver l'existence d'une présomption raisonnable de discrimination. En effet, le problème principal que pose l'application de la loi réprimant le racisme et des règles visant à lutter contre la discrimination en général est celui des preuves. Il est souvent difficile pour la victime d'une discrimination d'en prouver l'existence, parce que les informations utiles sont en possession de la partie défenderesse. C'est la raison pour laquelle la Commission européenne propose, dans son projet de directive, d'imposer la charge de la preuve à la partie défenderesse une fois que la partie demanderesse a apporté la preuve matérielle de l'existence d'un traitement moins favorable nourrissant une présomption raisonnable de discrimination. Nous pensons qu'il faudrait, à cet égard, autoriser le recours à des tests pratiques et l'utilisation de matériel statistique pour établir cette présomption.

Bien que la proposition à l'examen comprenne plusieurs éléments dont nous pensons qu'ils seraient également utiles dans le cadre de la législation antiraciste, le Centre n'estime pas qu'il faille renoncer à la loi du 30 juillet 1981 en faveur d'une loi globale réprimant la discrimination. Le Centre n'est donc pas partisan d'une fusion des deux législations. Le Centre estime préférable de garder les deux matières séparées : il faut, d'une part, améliorer la loi contre le racisme et, d'autre part, laisser à la loi générale visant à lutter contre la discrimination son caractère propre.

Il y a à cela plusieurs raisons. Tout d'abord, la loi du 30 juillet 1981 est devenue un symbole de la lutte contre le racisme. L'opinion publique et les services chargés de l'appliquer, que ce soient les services d'ordre, les parquets ou les magistrats du siège, la connaissent de mieux en mieux. Qui plus est, la loi a donné lieu à une jurisprudence de qualité qu'il serait difficile de valoriser en cas de fusion dans le sens d'une législation globale.

En outre, on a choisi, dans la proposition de loi à l'examen, de limiter l'incrimination à un nombre limité de cas de discrimination grave, alors que le volet pénal de la loi réprimant le racisme est beaucoup plus large. En effet, les attitudes sociales et politiques varient selon qu'il est question de racisme ou d'autres formes de discrimination. Nous comprenons le choix qui a été fait dans la proposition tendant à lutter contre la discrimination. Mais, si l'on ôtait certains éléments pénaux de la loi actuelle tendant à réprimer le racisme, on pourrait, selon nous, donner à penser à tort que, désormais, les mêmes faits ne seraient plus aussi graves.

Par ailleurs, la proposition de loi tendant à réprimer le racisme prévoit que la future loi ne s'applique pas à l'organisation des communautés religieuses et des organisations philosophiques, reconnues par le Roi. Nous comprenons que la question se pose notamment en ce qui concerne la discrimination basée sur le sexe ou l'état civil. Appartient-il en effet aux pouvoirs publics de décider si les femmes peuvent devenir prêtres ou si les prêtres peuvent se marier ? Ne risquerait-on pas, à cet égard, d'entrer en conflit avec la liberté des cultes ? Ce genre de question ne se pose pas en ce qui concerne la loi sur le racisme.

Certains autres motifs de discrimination s'accompagnent de nuances qu'il n'est pas nécessaire d'apporter dans le cadre de la loi réprimant le racisme. Dans certains cas, il est peut-être correct de faire une distinction entre les gens, si elle se justifie objectivement et qu'il n'y a pas de meilleure solution. Par exemple, en cas de handicap physique.

3. Le rôle du Centre pour l'égalité des chances et pour la lutte contre le racisme

Le Centre ne voit absolument aucune objection à ce qu'on élargisse ses compétences au cas où le Parlement adopterait la proposition de loi à l'examen. Il arrive déjà régulièrement que le Centre soit contacté par des personnes et des organisations qui souhaitent lui soumettre des plaintes et des questions relatives à d'autres motifs de discrimination. Une formule comme celle qui a été élaborée pour la cellule « pauvreté » du Centre pourrait peut-être constituer un modèle adéquat. Le Centre estime cependant qu'il devrait alors être compétent pour tous les motifs de discrimination et non pas seulement pour une partie de ceux-ci.

Le Centre est naturellement conscient du fait qu'il existe déjà, pour toute une série de motifs de discriminations, des organisations ayant une certaine expertise et une fonction déterminée. Tel est le cas par exemple pour ce qui est de la problématique de l'égalité entre les femmes et les hommes, dont toute une structure s'occupe déjà au sein du ministère de l'Emploi et du Travail. Cette structure ne s'occupe toutefois pas des plaintes individuelles. Le Centre propose de promouvoir une bonne coopération et une bonne coordination avec les organisations et les services existants en vue de prévenir les doubles emplois et d'éviter les lacunes. Nous travaillons d'ailleurs déjà de cette manière en ce qui concerne la problématique de la pauvreté.

Il faut enfin souligner l'importance des conditions matérielles. Si l'on demande au Centre de développer sa fonction sociale, cela aura évidemment des conséquences. Il faudra engager des collaborateurs supplémentaires que l'on chargera de suivre ces matières, leur payer des salaires et leur fournir l'équipement nécessaire pour travailler. De plus, le Centre commence à être à l'étroit dans ses locaux actuels. Il faudra dès lors prévoir des bureaux supplémentaires, à proximité des bureaux existants qu'il serait préférable de maintenir dans leur localisation actuelle. »

B. Discussion

B.1. Questions et observations

Une membre formule trois observations concernant la proposition de loi.

Elle s'interroge tout d'abord à propos du souhait exprimé par le Centre de voir maintenir une distinction entre la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie (ci-après la « loi antiracisme ») et la loi générale tendant à lutter contre la discrimination telle qu'elle est proposée. Elle s'interroge en fait à propos non pas des motifs invoqués par le Centre, mais surtout du fait que cela donnerait lieu à la coexistance de deux instruments juridiques distincts auxquels seraient attachés toute une série de notions spécifiques.

Selon l'intervenante, le dépôt de la proposition de loi en question offre une occasion rêvée de procéder à une évaluation de la loi antiracisme. Cette évaluation permettra de remédier aux lacunes et faiblesses éventuelles des deux textes en vue de mieux les harmoniser.

Pour prendre un exemple, les deux textes contiennent une définition différente de la notion de discrimination. Cela ne paraît pas être une bonne chose.

La même constatation est faite en ce qui concerne les sanctions pénales. Certaines de celles qui sont prévues par la loi antiracisme, comme celle à laquelle s'expose quiconque se rend responsable de discrimination dans le cadre du travail (articles 2 et 2bis), sont trop légères.

Toujours en ce qui concerne les sanctions, il est frappant de constater que la proposition de loi à l'examen innove en prévoyant des circonstances aggravantes (article 5), l'action en cessation (article 10) et l'astreinte (article 11). Encore faut-il savoir si lesdites sanctions ne sont pas trop lourdes et si, étant donné la manière dont la justice fonctionne actuellement, elles vont produire les résultats escomptés. Pour pouvoir tenir compte de circonstances aggravantes par exemple, il faudra démontrer que la discrimination constitutive de l'infraction poursuivie est fondée sur le sexe, l'orientation sexuelle, etc. L'intervenante estime dès lors que les auteurs de la loi proposée sont assez idéalistes à cet égard. La recherche du mobile d'une infraction et l'administration de la preuve ­ il s'agit d'un problème de droit pénal commun ­ sont en effet fort difficiles du point de vue juridique.

Aussi souhaite-t-elle savoir quelles sont les sanctions que le Centre juge le plus appropriées pour lutter contre le délit de discrimination.

Ensuite, il est frappant de constater que les causes de discrimination que l'on a prévues dans la proposition de loi sont plus nombreuses que celles qui sont prévues à l'article 13 du Traité d'Amsterdam (discriminations fondées sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle). Est-il utile de faire cela ? Ne vaut-il pas mieux s'en tenir à la norme européenne ?

Enfin, le Centre fait référence, dans sa note, à un projet de directive européenne visant à réprimer les discriminations en matière d'emploi pour les motifs énumérés à l'article 13 du Traité d'Amsterdam.

L'intervenante déclare que la nature de la discrimination change en fonction du critère qui sert à la définir. Une discrimination fondée sur une caractéristique physique n'est par exemple pas comparable à une discrimination fondée sur l'état civil.

C'est pourquoi on mène au niveau européen une politique qui poursuit trois objectifs à la fois et dont l'intervenante commente deux lignes de force.

La Commission européenne prépare un premier projet de directive concernant tous les motifs de discrimination sauf de la discrimination fondée sur le sexe en matière d'emploi. Eu égard à la genèse du droit européen en ce qui concerne ce type de discrimination, on a choisi d'aborder le problème au moyen d'un instrument distinct et approprié. On peut dès lors se demander s'il est opportun, au niveau belge, de s'écarter de cette démarche en incluant cette forme de discrimination dans la proposition à l'examen et en chargeant le Centre pour l'égalité des chances de suivre le problème. Il existe déjà à l'heure actuelle, au sein du ministère de l'Emploi et du Travail, une cellule qui est chargée du suivi de la problématique hommes/femmes en matière d'emploi. Le Centre pour l'égalité des chances ne risque-t-il pas d'être surchargé si cette matière vient s'ajouter à son éventail de compétences ?

Un deuxième projet de directive concerne la discrimination raciale et ethnique en matière d'emploi. Bien que l'intervenante comprenne le souhait du Centre de voir maintenir la loi antiracisme, il faut que cette forme de discrimination aussi soit traitée explicitement par la loi.

L'intervenante est d'avis qu'il faudra inévitablement déterminer des priorités dans cette politique. Il sera impossible en pratique de lutter sur tous les terrains contre toutes les formes de discrimination par des mesures de discrimination positive.

Ces réflexions soulèvent la question fondamentale de savoir s'il est opportun, sur fond de réglementation européenne, d'adopter une loi générale antidiscrimination qui combattrait toutes les formes de discrimination par des sanctions identiques.

L'auteur principal de la proposition de loi souhaite encore préciser certains aspects de celle-ci.

Tout d'abord, il souligne que la proposition à l'examen vise à lutter contre la discrimination en tant que telle, quel que soit le domaine dans lequel elle survient (article 2). Si l'on opte pour une approche de la discrimination par secteur ­ par exemple celui de l'emploi ­ on donne l'impression que certaines formes de discrimination sont plus répréhensibles suivant le domaine dans lequel elles se produisent. Ce serait là, aux yeux de l'auteur de la proposition, donner un mauvais signal. Il est tout à fait inadmissible de classer les différentes formes de discrimination selon leur gravité.

En deuxième lieu, il conteste l'affirmation sans nuance selon laquelle la proposition de loi instaurerait le principe du renversement de la charge de la preuve (article 3). Quiconque dépose une plainte parce qu'il estime être victime d'une discrimination, doit apporter lui-même la preuve du caractère discriminatoire de la décision ou de l'acte qui a été prise ou posé à son égard. L'article 3 oblige celui qui, aux termes de la plainte, se serait rendu coupable de discrimination à prouver que la distinction a un caractère objectivement justifié et présente un rapport raisonnable et proportionnel avec le but poursuivi par lui.

Ensuite, l'intervenant estime que les définitions de la notion de discrimination retenue, d'une part, dans la proposition de loi et, d'autre part, dans la loi antiracisme ne diffèrent guère entre elles. Naturellement, pour les uns la définition proposée sera trop large et pour d'autres, elle sera trop étroite, de sorte que selon le cas, elle laissera au juge trop ou pas assez de liberté d'interprétation.

C'est pourquoi il souhaiterait connaître à ce sujet, mais aussi au sujet de la discrimination fondée sur le sexe, la position du Centre pour l'égalité des chances.

En quatrième lieu, l'intervenant revient à l'exception prévue à l'article 2, § 2, selon laquelle la loi ne s'applique pas à l'organisation interne des communautés religieuses et des organisations philosophiques, reconnues par le Roi.

Il serait intéressant de savoir si l'application de la loi antiracisme permet de tirer des conclusions concernant la discrimination fondée sur la religion et la politique.

Le fait, par exemple, que les femmes sont exclues du sacerdoce peut-il être considéré comme une discrimination ?

L'intervenant met en garde contre le fait que certains invoqueront une loi antidiscrimination à des fins qui ne correspondent pas à l'objectif de la présente proposition et qui visent précisément à l'effet contraire.

Qu'en pense le Centre ?

La cinquième remarque de l'auteur de la proposition de loi concerne le plaidoyer de la préopinante demandant que l'on aligne la législation belge sur la réglementation européenne en préparation. Il faut bien se rendre compte, à cet égard, que cette réglementation sera inévitablement le résultat d'un compromis entre les quinze États membres de l'Union européenne et qu'elle constituera inévitablement le plus petit dénominateur commun de leurs propositions respectives. La législation antidiscrimination belge doit certes être en harmonie avec la législation européenne, mais cela n'exclut pas qu'elle aille plus loin et incite par là la Commission européenne à donner éventuellement à ses directives un tour plus radical.

Sixièmement, il prend note du souhait du Centre de voir maintenues deux lois distinctes, à condition que l'on procède à une harmonisation des sanctions pénales et des sanctions civiles qu'elles prévoient.

L'auteur de la proposition de loi souhaite néanmoins obtenir des précisions de la part du Centre sur la remarque selon laquelle la loi anti-racisme risquerait de perdre de son efficacité au cas où l'arsenal de peines prévu dans la proposition de loi à l'examen y était inséré sans plus. Pourquoi des sanctions qui sont efficaces lorsqu'elles sont infligées en application d'un loi donnée ne pourrait-elles pas l'être tout autant au cas où elles seraient infligées en application d'une autre loi ? Autrement dit, pourquoi les sanctions prévues dans la proposition de loi ne sont-elles pas assez lourdes pour pouvoir imposer le respect de la loi anti-racisme ?

Enfin, il estime qu'il n'est pas souhaitable de répartir entre plusieurs instances, et ce en fonction du domaine dans lequel la discrimination se produit, les missions qui ont été confiées au Centre pour l'égalité des chances dans le cadre de la proposition de loi à l'examen (articles 14 et 15). Il plaide dès lors pour que l'on confie les missions en matière de lutte contre les discriminations à une instance unique, et ce sans préjudice du maintien d'une série d'autres instances qui peuvent jouer un rôle de signal dans le cadre d'une réglementation spécifique ou pour des domaines déterminés, comme le logement et l'emploi.

Si l'on opte pour une répartition en fonction de la nature de la discrimination, l'on assistera à la stigmatisation de certaines formes de discrimination par rapport à d'autres.

Il déclare qu'il faut faire une distinction entre la promotion de l'égalité, d'une part, et la lutte contre le racisme et la discrimination et leur répression, d'autre part. Pour ce qui est de la promotion de l'égalité, on peut faire appel à des méthodes d'action spécifiques pouvant varier dans le temps et en fonction du type de discrimination. Pour le reste, il s'agit d'ériger en infraction la discrimination et le racisme. Le fait que la proposition de loi confère au Centre le pouvoir d'ester en justice en la matière n'exclut évidemment pas que d'autres instances, qui ont été créées pour lutter contre certaines formes de discrimination dans l'un ou l'autre secteur de la vie sociale ou pour en assurer le suivi, puissent continuer à remplir leur mission et à recevoir les moyens nécessaires pour le faire.

Le Centre ne s'est d'ailleurs pas opposé à cela.

Un autre membre revient sur la note du Centre et, notamment, sur les conséquences pratiques d'une éventuelle adoption de la proposition de loi pour son organisation.

Quels sont les critères et les données sur lesquels le Centre se base pour affirmer que la loi en projet engendrera un surcroît de travail et nécessitera par conséquent une augmentation du budget ?

Une autre membre souscrit à la finalité et l'esprit de la proposition de loi. Par-delà le clivage entre majorité et opposition, il doit par conséquent être possible de dégager un consensus sur le texte à l'examen. Cela n'exclut cependant pas qu'un débat puisse avoir lieu sur les accents qui ont été mis dans la proposition de loi ou sur ses modalités d'application.

C'est pourquoi elle émet quelques réserves à propos de trois points.

Premièrement, elle s'inquiète du fait que la discrimination fondée sur le sexe apparaît dans l'énumération des formes de discrimination figurant à l'article 2. Il n'est pas évident, selon elle, qu'une discrimination qui frappe la majorité de la population mondiale soit mise sur le même pied que des formes de discrimination qui touchent des minorités. Les discriminations sont toutes aussi répréhensibles les unes que les autres, mais il faut diversifer les stratégies pour les combattre. Une approche globale ne suffit pas. La Commission européenne indique la voie à suivre en optant pour une approche non parallèle de la discrimination fondée sur le sexe. Il serait souhaitable d'entendre les représentants de la Commission européenne à ce sujet.

Deuxièmement, le Centre pour l'égalité des chances se dit favorable, dans sa note, à l'extension de ses compétences à l'ensemble du problème des discriminations, sans préjudice des compétences de diverses instances qui combattent des formes spécifiques de discrimination. Le Centre se prévaut à cet égard de sa compétence en matière de lutte contre la pauvreté.

L'intervenante déclare toutefois que la loi du 15 février 1993 ne confère pas au Centre une compétence générale en la matière. Il est certes compétent pour le suivi du rapport sur la pauvreté, mais, même s'il a beaucoup d'importance, il ne constitue qu'un élément ponctuel de la lutte contre la pauvreté. On ne peut, par conséquent, pour réclamer une extension des compétences en matière de lutte contre les discriminations fondées sur le sexe, établir aucun parallélisme avec la lutte contre la pauvreté. Le fait que le Centre soit devenu expert en matière de lutte contre la pauvreté ne suffit pas en soi pour affirmer qu'il est compétent, dans une mesure égale, pour lutter contre les discriminations dont sont victimes les femmes.

On peut imaginer la création, au sein du Centre, d'une cellule compétente pour traiter des plaintes pour discrimination fondée sur le sexe, mais on ne peut pas imaginer que le Centre devienne responsable de la promotion de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Il y a déjà nombre d'instances chargées de cette mission à divers niveaux.

De plus, l'intervenante se dit également préoccupée par l'article 14, qui remplace l'article 2 de la loi du 15 février 1993. Cet article définit les compétences du Centre. Pourquoi fait-on une distinction entre les discriminations fondées sur la race, la couleur de peau, l'ascendance, l'origine ou la nationalité, d'une part, et celles fondées sur l'orientation sexuelle l'état civil, la naissance, etc., d'autre part ?

L'intervenante souligne qu'elle soutient pleinement l'esprit de la proposition de loi. S'agissant de l'incorporation de la discrimination fondée sur le sexe dans le texte à l'examen, une certaine prudence est cependant de rigueur. Il ne faut pas perdre de vue que la proposition de loi a été préparée au sein d'un groupe de travail qui s'occupait en particulier des discriminations fondées sur l'orientation sexuelle. Pour rendre la proposition de loi socialement acceptable, il ne suffit cependant pas d'intégrer cette forme de discrimination dans une série d'autres discriminations telles que celle fondée sur le sexe. Cela déforme les choses. Il s'ensuit que l'opportunité d'intégrer la discrimination fondée sur le sexe dans l'article 2 de la proposition de loi, doit être examinée plus avant. À cette fin, il convient tout d'abord de consulter le Comité d'avis pour l'égalité des chances entre les femmes et les hommes.

Il faut par ailleurs entendre les services ­ nationaux et internationaux ­ compétents en matière d'égalité des chances entre les femmes et les hommes, surtout le Conseil de l'égalité entre hommes et femmes.

En ce qui concerne la discrimination telle qu'elle est définie à l'article 2 de la proposition de loi, un sénateur se rallie aux observations des représentants du Centre. La définition doit être en adéquation avec la réglementation internationale et satisfaire aux exigences d'un droit pénal idoine.

S'agissant des dispositions de la proposition de loi qui relèvent du droit civil, il y a lieu de s'interroger sur l'opportunité d'attaquer les discriminations au civil. Ces dispositions se rapportent en effet aux discriminations entre particuliers. Se pose donc ici la question de l'effet vertical et de l'effet horizontal de cette proposition de loi, c'est-à-dire celle de la relation entre l'autorité et les citoyens, d'une part, et de la relation entre citoyens, d'autre part (2).

En ce qui concerne ce dernier point, il faut tendre vers un équilibre entre deux principes de droit. Il y a d'un côté la liberté contractuelle et la liberté d'expression et, de l'autre, l'interdiction des discriminations. Le tout est de savoir s'il faut prévoir explicitement la faculté de poursuivre au civil les auteurs de discriminations. L'intervenant déclare avoir fait l'exercice et être arrivé à la conclusion que notre arsenal juridique contient suffisamment de moyens permettant au citoyen de se protéger contre un autre citoyen qui se rendrait coupable de discrimination à son endroit. Il peut citer à comparaître sur la base de l'article 1382 du Code civil, intenter une action en référé, etc. L'intervenant prône dès lors de ne pas introduire de nouveaux moyens juridiques au civil.

S'agissant des dispositions pénales, l'intervenant dit pouvoir se rallier davantage à la proposition de loi. Il faut agir au pénal contre les discriminations, mais il faut se garder de prendre des décisions précipitées.

Une disposition a été insérée dans le Code pénal néerlandais. Cette disposition se lit comme suit : « hij die anders dan ten behoeve van zakelijke berichtgeving, een uitlating openbaar maakt die, naar hij weet of redelijkerwijze moet vermoeden, voor een groep mensen wegens hun ras, hun godsdienst of levensovertuiging, hun geslacht of hun hetero- of homoseksuele gerichtheid beledigend is of aanzet tot haat tegen of discriminatie van mensen of gewelddadig optreden tegen persoon of goed van mensen wegens hun ras, hun godsdienst of levensovertuiging, hun geslacht of hun hetero- of homoseksuele gerichtheid, kan worden gestraft met gevangenisstraf van ten hoogste zes maanden of geldboete van een bepaalde som. ».

L'intervenant a le sentiment que la proposition de loi ne veut pas aller trop loin.

À titre d'illustration, il cite un auteur néerlandais qui a écrit la chose suivante : « Ik heb een exemplaar van Mein Kampf in mijn boekenkast. Dat mag ik volgens de wet niet meer uit eigen beweging aan iemand ter inzage geven of ongevraagd uitlenen. Het wetsvoorstel is zo listig geformuleerd dat pornografie wel helemaal mag. Voor het overige moeten uitgevers, boekhandels en bibliotheken gaan oppassen. De collecties moeten worden gezuiverd. Boeken mogen niet meer worden verspreid en niet meer in voorraad worden gehouden ter verspreiding of openbaarmaking indien daarin is vervat een uitlating die voor een groep mensen wegens hun ras, hun godsdienst of levensovertuiging of hun hetero- of homoseksuele gerichtheid beledigend is of aanzet tot haat tegen mensen. »

« De boeken van Schopenhauer moeten eruit. Ook die van Gerard van het Reve zijn niet meer te redden. Alle vrouwenhaatboeken uit de vorige eeuw moeten worden verbrand. Alle moraaltheologische werken waarin meervoudige liefde, homoseksualiteit en andere niet-huwelijkse vrolijkheden worden veroordeeld, moeten van de bibliotheekplanken worden weggehaald. En laten vrouwenbladen ook maar uitkijken, want als ze ervan verdacht worden aan te zetten tot mannenhaat, lopen zij de kans hun oplage in het politiemagazijn te zien verdwijnen. Het is onzeker of men zich nog laatdunkend mag uitlaten over pedofielen, potloodventers of sadisten die een vrouw meppen. Het is immers hun speciale heteroseksuele gerichtheid. Of bijbelshops nog wel mogen, staat evenmin vast, want het Sodom en Gomorraverhaal zet toch ook aan tot haat tegen homoseksuelen. »

Par cette longue citation, l'intervenant veut faire une mise en garde : lorsqu'on propose d'instaurer des sanctions pénales, il faudra y réfléchir de manière critique. Le point de départ de cette réflexion est que l'État de droit a pour mission de protéger la dignité de chacun. Le droit pénal constitue le moyen ultime de réprimer l'atteinte à cette dignité.

L'intervenant estime dès lors que certaines des propositions contenues dans le chapitre 2 (dispositions pénales) sont excessives, en particulier, l'incrimination de la personne qui donne une publicité à son intention de recourir à la discrimination (article 4, § 1er, deuxième tiret). Aux yeux de l'opinion publique, il peut paraître judicieux de combattre la discrimination de toutes sortes de manières. Mais on doit tenir compte également de la protection de la personne. Dans cette optique, l'incrimination susvisée et le renversement de la charge de la preuve donnent au droit pénal une emprise trop grande et font fi du rôle du droit pénal en tant que moyen ultime de sanction. C'est pourquoi l'intervenant émet de sérieuses réserves sur le deuxième chapitre. Il propose comme solution de remplacement d'insérer dans le Code pénal une définition de la discrimination qui rejoint la définition visée à l'article 14 CEDH, et d'assortir cette définition de dispositions pénales complémentaires. On pourra alors considérer que la protection juridique contre la discrimination est suffisante.

De la sorte, on abandonne l'énumération des différentes formes de discrimination qui est faite dans la proposition de loi, laquelle peut être facilement interprétée comme constituant une gradation par ordre d'importance.

En tant que partisan d'une approche globale de la discrimination par une modification du Code pénal, l'intervenant ne peut donc pas souscrire au plaidoyer du Centre pour l'égalité des chances pour maintenir la loi contre le racisme comme instrument distinct.

Une membre déclare soutenir également la philosophie de la proposition de loi, ce qui n'exclut pas un débat sur ses modalités d'application. Comme le Centre pour l'égalité des chances, elle est favorable au maintien de la loi contre le racisme en tant que lex specialis pour combattre le racisme. Par ailleurs, on peut intégrer dans notre arsenal juridique une loi générale pour lutter contre la discrimination sous toutes ses formes. Il faut cependant veiller à assurer une cohérence et une coordination suffisantes entre les deux lois.

L'intervenante souscrit à la proposition de consulter le Comité d'avis pour l'égalité des chances entre les femmes et les hommes. Elle ne peut toutefois approuver la thèse selon laquelle la discrimination basée sur le sexe serait plus importante que celle visant les minorités, purement et simplement parce qu'elle touche plus de la moitié de la population mondiale.

Une préopinante déclare que le contenu de la thèse qu'elle a défendue antérieurement est tout autre. Il n'entre pas du tout dans ses intentions d'établir une gradation dans les différentes formes de discrimination. Elle désire seulement indiquer que la discrimination basée sur le sexe doit être réprimée plus sévèrement. Étant donné que cette forme de discrimination touche la moitié de la population, il y a lieu d'élaborer d'autres stratégies pour la combattre. Une politique en faveur des minorités requiert une approche différente par comparaison à une politique visant à combattre la discrimination basée sur le sexe.

Après avoir analysé les développements de la proposition de loi à la lumière du principe de la liberté religieuse, consacré par la Constitution et le droit international, une membre est forcée de conclure qu'il devient difficile de réprimer la discrimination fondée sur la religion ou les convictions.

Elle estime toutefois que la liberté religieuse, qui est liée au droit d'association, ne signifie pas pour autant qu'on puisse admettre, dans la vie publique, la discrimination de citoyens individuels, de groupes ou de communautés sur la base de leurs convictions philosophiques ou religieuses.

Elle aimerait donc que les représentants du Centre expliquent si la discrimination raciale est liée uniquement à la descendance, à la couleur de la peau, à la langue et à la culture ou si elle est liée également aux convictions et coutumes religieuses. Le Centre connaît-il des exemples où des entreprises renoncent à engager des musulmans pratiquants à cause des problèmes pratiques que cela entraîne en ce qui concerne le restaurant, l'organisation du travail pendant le ramadan, l'aménagement d'un espace de prière, etc. ? Autrement dit, est-ce que la discrimination raciale ne renferme pas des éléments de discrimination religieuse ? L'intervenante pose donc la question de savoir s'il ne serait pas utile d'inclure cette forme de discrimination dans la proposition de loi.

Un autre membre souhaite savoir pourquoi la discrimination basée sur les convictions politiques est exclue du champ d'application de la loi.

Un sénateur demande à l'auteur de la proposition de loi de préciser les rapports entre le Centre pour l'égalité des chances et la Cour d'arbitrage qui, dans un proche avenir, deviendra une véritable cour constitutionnelle.

Une autre intervenante désire savoir si l'orientation sexuelle relève de la vie privée et ne peut dès lors être invoquée comme une cause de discrimination, par exemple par le pouvoir organisateur d'une école libre en ce qui concerne le choix du personnel enseignant. Doit-on considérer au contraire que l'orientation sexuelle, du fait de sa reconnaissance sur les plans social et juridique, dépasse le cadre strict de la vie privée, de sorte qu'elle peut être considérée en soi comme une cause de discrimination ?

B2. Réponses des représentants du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme

B.2.1. Distinction entre les différentes formes de discrimination

Les représentants du Centre soulignent qu'on ne peut pas établir une gradation ou une hiérarchie des formes et des motifs de discrimination. Toutes les formes de discrimination sont erronées sur le plan scientifique, éthiquement condamnables et doivent faire l'objet de poursuites judiciaires.

D'ailleurs, on ne fait pas non plus de distinction qualitative de ce genre dans la définition de la discrimination figurant dans la Convention de New York, définition qui a été inscrite dans la loi du 30 juillet 1981 contre le racisme. Étant donné que cette définition est claire et univoque et qu'elle peut être adaptée aisément à toutes les formes de discrimination indépendamment de leur motif (que ce soit le racisme, le sexe ou l'âge), il semble judicieux de l'insérer dans la proposition de loi à l'examen.

B.2.2. Exclusion de la discrimination basée sur les convictions religieuses ou philosophiques

Dans un premier temps, le Centre avait demandé au précédent ministre de la Justice, M. Declerck, de rendre cette forme de discrimination punissable elle aussi. Le Centre a changé d'avis par la suite, parce que cela résoudrait probablement moins de problèmes que cela n'en créerait.

En effet, après un conflit relatif au port du tchador par certaines élèves d'une école bruxelloise, la question s'est posée de savoir si une telle disposition discriminatoire n'aurait pas pu être invoquée, ce qui aurait pour effet de détourner la loi de son objectif.

B.2.3. Discrimination fondée sur la conviction politique

Les représentants du Centre déclarent que le Centre n'a pas adopté de position officielle en la matière. Le droit à la liberté d'expression et les droits politiques sont garantis par des traités internationaux et par la Constitution. Il appartient au législateur de décider s'il y a lieu de légiférer pour combattre la discrimination précitée.

Il faut rappeler à cet égard que la liberté d'expression n'est pas un droit absolu et qu'elle doit céder le pas à l'interdiction de la discrimination et du racisme, telle que l'impose la loi antiracisme. M. Elbers, conseiller communal du Vlaams Blok à Bruxelles, a ainsi été condamné le 22 décembre 1999 en vertu de l'article 3 de la loi précitée, à la suite d'une plainte déposée par le Centre, pour avoir publié sur l'internet une lettre ouverte adressée au Roi Hassen II du Maroc et formulé sur la mort de Sémira Adamu des commentaires incitant au racisme.

Le Centre se réjouit aussi qu'à la suite de la modification apportée récemment à l'article 150 de la Constitution, les délits de presse inspirés par le racisme et la xénophobie ne doivent plus être renvoyés devant la cour d'assises.

B.2.4. Discrimination fondée sur l'orientation sexuelle

Les représentants du Centre déclarent que l'orientation sexuelle relève de la vie privée. Quelqu'un peut être marié, ce qui constitue un aspect de sa vie privée, tout en étant socialement connu comme étant un homosexuel.

La preuve de la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle devra bien entendu être fournie. Si un professeur estime que la véritable raison de son licenciement est à chercher dans son orientation sexuelle, il devra le prouver. Il ne devra pas taire son homosexualité, mais ne devra pas davantage en faire étalage.

Une contestation de ce type devra être réglée de la même manière que les affaires dans lesquelles sont invoqués d'autres motifs de discrimination.

Il convient de souligner à cet égard que la proposition de loi incrimine la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle et non le comportement de la personne concernée. La mauvaise conduite d'un professeur, qu'il soit homosexuel ou hétérosexuel, constitue un motif suffisant pour qu'une école puisse le licencier. À cet égard, les normes sont identiques pour tous deux.

B.2.5. Comment lutter contre la discrimination

Au fil des ans, le Centre a acquis une grande expérience de l'application de la loi antiracisme, tant devant les cours et tribunaux que dans le cadre du règlement extrajudiciaire des plaintes. C'est grâce à l'action du Centre que la jurisprudence en matière de délits de nature raciste s'est pleinement développée.

Étant donné la spécificité et la fonction symbolique de la loi antiracisme, le Centre n'estime pas souhaitable de diluer cette loi dans une loi générale antidiscrimination. Il faudrait en revanche profiter de l'occasion pour éliminer les difficultés que rencontre le Centre dans sa lutte contre les diverses formes de racisme, en particulier sur le plan de la preuve. C'est pourquoi il conviendrait d'aligner la loi antiracisme sur la proposition de loi à l'examen, notamment en ce qui concerne la preuve et les sanctions.

Cela ne signifie pas que le Centre soit partisan d'une approche purement répressive, mais bien qu'il conviendrait d'adopter une législation à caractère éducatif et préventif, comportant aussi des sanctions pénales et civiles efficaces.

C'est pourquoi il est regrettable que la loi antiracisme comme la loi antidiscrimination proposée aient un caractère purement répressif. Contrairement à ce qui se passe aux Pays-Bas et dans les pays anglo-saxons, ces lois ne comportent malheureusement aucune disposition ciblée sur la prévention et la discrimination positive.

Il est par ailleurs regrettable que, dans la loi antiracisme, le législateur ait utilisé le mot « racisme ». Ce choix est scientifiquement injustifiable puisque, du point de vue de la génétique, l'humanité ne connaît pas de races, celles-ci n'apparaissent que dans le règne animal.

D'autre part, on constate un glissement remarquable au niveau des fondements du racisme. Alors qu'à l'origine le racisme résultait de la supériorité supposée d'une race sur l'autre, le racisme moderne met davantage l'accent sur l'incompatibilité des cultures et des civilisations, laquelle est invoquée par les partis d'extrême droite pour démontrer l'impossibilité d'une société multiculturelle.

Aussi le Centre est-il profondément convaincu que l'approche pénale et civile n'est que subsidiaire et que l'accent doit être mis sur la prévention. Ce ne sont pas des condamnations en série qui feront changer d'avis les racistes, mais des programmes à long terme, travaillant au renversement des mentalités.

Il vaut mieux dès lors combattre les différentes formes de discrimination par la prévention et de manière différenciée. Le fait qu'il n'y ait pas de gradation entre elles n'implique nullement qu'elles doivent toutes être combattues uniformément.

Le Centre pense que, même si on décide de s'attaquer de manière différenciée aux différentes formes de discrimination, il faut malgré tout qu'une seule instance s'occupe de la coordination des plaintes. Le Centre est compétent pour ester en justice dans les litiges auxquels la loi proposée peut donner lieu. Les instances en matière d'égalité des chances, créées au sein du ministère de l'Emploi et du Travail et des administrations des communautés, ne disposent pas pour l'instant de cette compétence. Plaider pour que le Centre joue un rôle de coordinateur ne signifie nullement qu'il souhaite s'approprier toutes les compétences en la matière et incorporer tous les services qui s'occupent de la lutte contre la discrimination. La définition de la discrimination donnée à l'article 2 va faire surgir nombre de nouveaux problèmes qui ne pourront pas tous être traités par le Centre. Peut-on par exemple parler de discrimination fondée sur l'âge lorsqu'on refuse un organe à un patient âgé et qu'on l'implante chez un patient jeune ?

À propos de la question de savoir si, dans le domaine socio-économique, la discrimination fondée sur l'origine ethnique doit être traitée de la même manière que celle fondée sur le sexe, les représentants du Centre constatent qu'en Flandre en tout cas, le gouvernement flamand et les partenaires sociaux ont mis sur pied une politique avec des membres du personnel, mettant à exécution des plans d'action positive dans toutes les entreprises jusqu'au fin fond de chaque province. Il n'empêche que le Centre continue de s'intéresser à tout ce qui se passe sur le terrain, prend connaissance des plaintes et, sur la base de celles-ci, peut signaler les nouveaux problèmes et faire des recommandations à d'autres instances. De plus, le Centre fait office de coordinateur pour les actions et les initiatives des trois régions. La règle de base est que chaque niveau de pouvoir doit prendre ses responsabilités.

Le Centre ne tient pas à être au coeur d'une bureaucratie qui centraliserait, au niveau tant préventif que répressif, toutes les initiatives prises à l'encontre de toutes les formes de discrimination. La raison d'être d'organisations actives dans des domaines déterminés, comme la cellule créée au sein du ministère de l'Emploi et du Travail chargée du suivi de la question de l'égalité entre les femmes et les hommes, n'est donc aucunement remise en question.

B.2.6. Sanctions civiles

Pour forcer l'application de la loi antiracisme du 30 juillet 1981 sur le plan civil, le Centre a déjà à sa disposition un arsenal limité de moyens. Il manque toutefois de possibilités d'utiliser ces moyens dans la pratique. Grâce à son caractère innovateur, la proposition de loi à l'examen offre une solution à ce problème. Le président du tribunal de première instance peut ordonner la cessation d'actes discriminatoires (article 10) et le juge peut condamner l'auteur de la discrimination au paiement d'une astreinte (article 11). Le Centre préconise dès lors d'inscrire ces possibilités dans la loi antiracisme. Grâce à ces sanctions, on met fin à la discrimination et l'on accorde à la victime réparation pour le tort subi.

B.2.7. Preuve de la discrimination

L'administration de la preuve pénale et civile de la discrimination constitue la principale pierre d'achoppement dans le cadre de l'application de la loi antiracisme. Cela constituera également la principale pierre d'achoppement dans le cadre de la future loi antidiscrimination.

En droit pénal, il faut en effet apporter la preuve non seulement du préjudice matériel, mais aussi du préjudice moral causé par l'infraction. Comme il est particulièrement difficile d'apporter la preuve du préjudice moral, il semble opportun de prévoir aussi des sanctions civiles, dans la mesure où les exigences en matière d'administration de la preuve sont moins strictes en droit privé. La voie pénale doit toutefois être conservée en vue de la répression des formes virulentes de racisme, de sexisme, d'homophobie, etc.

Il y a lieu de surcroît d'adapter, comme le fait la proposition de loi, les règles même à observer pour l'administration de la preuve. Si l'on continue à appliquer le principe de la présomption d'innocence de manière trop absolue, la preuve d'une discrimination, par exemple dans le domaine du logement ou du travail, où elle peut revêtir des formes très subtiles, sera excessivement difficile à fournir.

La nécessité de procéder à une réforme du droit en matière d'administration de la preuve ressort d'une étude scientifique que le Bureau international du travail a réalisée en matière de discrimination à l'embauche dans les trois régions de notre pays et qui a permis de mesurer combien les jeunes Belges d'origine marocaine sont victimes de discriminations à l'embauche. Le fait que l'article 2bis de la loi antiracisme qui réprime pareille discrimination n'ait encore jamais été appliqué en raison précisément des difficultés que soulève l'administration de la preuve constitue dès lors une grande source d'amertume.

C'est pourquoi le Centre se réjouit que l'on ait inscrit à l'article 3 de la proposition de loi, une disposition qui implique non pas un renversement, mais plutôt une répartition de la charge de la preuve. Si la discrimination est établie sur le plan matériel, celui qui en sera accusé devra prouver l'existence d'une justification objective et d'un lien raisonnable de proportionnalité entre la discrimination et l'objectif poursuivi. Les représentants du Centre sont convaincus que si l'on n'introduit pas ce régime, les dispositions de la proposition de loi resteront lettre morte.

Dans son rapport au ministre de la Justice, le Centre a encore formulé d'autres propositions. Le législateur belge pourrait, par exemple, à l'instar d'autres pays européens, introduire de nouveaux moyens de preuve que les cours et les tribunaux devraient déclarer recevables, comme la preuve par test de situation ou la preuve sur la base de statistiques en cas de discrimination dans la sphère du travail. Pour le Centre, il importe avant tout que les violations flagrantes des lois antiracisme et antidiscrimination puissent être sanctionnées pénalement.

B.2.8. Europe

S'agissant de la coopération avec les institutions européennes et, en particulier, avec la direction générale V de la Commission européenne, dans le cadre de l'Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes dont le siège est établi à Vienne et au sein duquel le Centre représente l'État belge, les représentants du Centre font remarquer que la distinction entre les diverses formes de discrimination qui est faite dans les projets de directive, est liée en partie au fait que plusieurs services concurrents de la Commission européenne sont concernés. La distinction n'est donc pas basée exclusivement sur de nobles considérations politico-philosophiques.

B.2.9. Pauvreté

La loi charge le Centre d'évaluer en permanence les critères et les indicateurs en matière de pauvreté et de précarité en Belgique (cf. article 23 de la Constitution). Le Centre fonctionne dès lors comme un observatoire, sans pour autant être compétent en matière de lutte contre la pauvreté. Il dispose pour ce faire d'un budget annuel de 20 millions de francs.

B.2.10. Le Centre et la Cour d'arbitrage

Conformément à l'article 142 de la Constitution, la Cour d'arbitrage statue notamment sur la violation par une loi du principe d'égalité et de non-discrimination garanti par la Constitution. Le Centre assiste quant à lui tout citoyen qui se sent victime d'une discrimination et a compétence pour ester en justice en son nom. Il peut dès lors saisir la Cour d'arbitrage de l'affaire. Le Centre joue donc le rôle de feu clignotant. S'il est confronté régulièrement à certaines formes de discrimination, il peut émettre des recommandations et des avis.

B.2.11. Moyens

Si le Centre doit exercer toutes les compétences prévues dans la proposition de loi et, en particulier, celles relatives à la discrimination fondée sur le sexe, alors son budget devra être augmenté de plusieurs dizaines de millions.

On peut signaler, à titre de comparaison, que la cellule antidiscrimination du ministère de l'Emploi et du Travail dispose, pour mener des campagnes d'information et des actions positives, d'un budget atteignant grosso modo entre 60 et 80 millions de francs.

V. DEMANDE D'AVIS AU COMITÉ D'AVIS POUR L'ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES

Au terme de cet échange de vues, la commission a décidé de solliciter l'avis du Comité d'avis pour l'égalité des chances entre les femmes et les hommes.

Cet avis a été rendu le 2 mai 2000 (doc. Sénat, nº 2-12/3). Les conclusions en sont les suivantes :

« À la demande de la commission de la Justice, le Comité d'avis a examiné la proposition de loi tendant à lutter contre la discrimination et modifiant la loi du 15 février 1993 créant un Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme. Son avis ne porte que sur les aspects de la proposition qui ont un rapport avec les missions du Comité d'avis, à savoir l'examen des questions relatives à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes (article 86.1 du Règlement du Sénat), plus particulièrement celui qui consiste à retenir la notion de sexe comme cause éventuelle de discrimination.

Pour préparer son avis, le comité a demandé l'avis du Conseil de l'égalité des chances entre hommes et femmes. Le Bureau dudit conseil a rendu son avis le 7 mars 2000, qui devrait être confirmé par le Conseil lui-même. Cet avis a été présenté lors d'une audition par Mme Van Varenbergh, la présidente du Conseil, et par M. Vanlaere, conseiller adjoint à la direction de l'Égalité des changes du ministère de l'Emploi et du Travail.

Le Comité d'avis a également organisé une audition avec M. J. Leman, le directeur du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme. Sur la base de ces auditions et des discussions qu'il a menées, le Comité d'avis exprime l'avis suivant :

1. La proposition de loi vise à doter notre pays d'une législation générale en matière d'égalité de traitement, sur la base de laquelle différentes formes de discrimination seront considérées comme inadmissibles (à savoir les discriminations fondées sur le sexe, l'orientation sexuelle, l'état civil, la naissance, l'âge, la fortune, l'état de santé actuel ou futur, un handicap ou une caractéristique physique). Le Comité d'avis ne peut qu'applaudir cette intention. Par conséquent, le Comité d'avis souscrit totalement à la préoccupation générale de la proposition de loi;

2. Le Comité d'avis propose cependant que le sexe en tant que motif de discrimination soit retiré de la proposition de loi et qu'il fasse l'objet d'une législation spécifique et indépendante. Le Comité d'avis s'est dans une large mesure inspiré, pour la motivation de son avis, de l'avis du 7 mars 2000 du Bureau du Conseil de l'égalité des chances pour les hommes et les femmes (3).

2.1. La discrimination fondée sur le sexe se distingue des autres formes de discrimination, en raison de son caractère transversal. Toute personne appartient en effet, toujours et nécessairement, à l'un des deux sexes et nul ne peut échapper à cette dichotomie essentielle.

Le groupe potentiellement discriminé se compose toujours d'au moins la moitié de la population. En d'autres mots, on ne peut pas parler, pour les discriminations hommes-femmes, de préjudice subi par un groupe minoritaire. Pour cette raison, une politique particulière d'égalité des chances entre les hommes et les femmes devra toujours être menée. Cette politique devra être caractérisée par des actions et des mesures spécifiques qui vont beaucoup plus loin que la simple mention des sanctions applicables en cas de discrimination.

En insérant le sexe parmi les autres formes de discrimination sans qu'aucune nuance ou différenciation ne soit mentionnée par rapport à celles-ci, on fait abstraction du caractère transversal de la discrimination de genre.

2.2. Au niveau de l'Union européenne a également toujours été développée une réglementation européenne visant spécifiquement l'égalité de traitement hommes-femmes. Le caractère transversal de la discrimination de genre se retrouve dans les articles 2 et 3 du Traité d'Amsterdam. En outre, depuis 1957 déjà, l'article 141 du Traité traite le thème de l'égalité de rémunération des travailleurs masculins et féminins pour un travail égal ou de valeur égale. Une jurisprudence spécifique s'est développée sur la base de cet article. On rencontre également une telle démarche dans la proposition de directive de la Commission européenne portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail [25 novembre 1999, COM(1999) 565] prise en exécution de l'article 13 du Traité d'Amsterdam, qui mentionne une série de dispositions visant à combattre les discriminations fondées sur différents critères, à l'exception du sexe. La discrimination de genre est considérée par la Commission européenne comme un terrain d'action spécifique pour lequel des mesures spécifiques sont nécessaires.

2.3. La déclaration de révision de la Constitution (Moniteur belge du 5 mai 1999) prévoit la possibilité d'introduire l'approche transversale de la discrimination de genre dans la Constitution, par l'adoption d'un nouvel article. Le but est d'insérer dans la Constitution le droit des hommes et des femmes à l'égalité comme droit fondamental, de sorte que cette égalité soit pour les autorités une mission permanente.

2.4. Le Comité d'avis indique qu'il n'est pas sûr que la proposition de loi résiste à l'épreuve de la coexistence avec la loi du 7 mai 1999 sur l'égalité de traitement entre hommes et femmes concernant les conditions de travail, l'accès au travail et les chances de promotion, l'accès à un travail indépendant et les règles complémentaires de sécurité sociale. Un examen plus approfondi s'impose.

3. Pour toutes ces raisons, le Comité d'avis propose à la commission de la Justice de supprimer de la proposition de loi la notion de « sexe » comme motif de discrimination. Le Comité d'avis propose donc l'amendement suivant : « Aux articles 2, § 1er, 5 et 14 supprimer les mots « le sexe ». » Cet amendement sera déposé par l'intermédiaire des membres du Comité d'avis qui sont aussi membres de la commission de la Justice.

4. Le Comité d'avis estime qu'il faut une réglementation légale, globale et spécifique, applicable aux discriminations fondées sur le sexe.

À cet effet, le Comité d'avis prendra une initiative, de concert avec la vice-première ministre et ministre de l'Emploi, chargée de la politique d'égalité des chances. »

VI. SUITE DE LA DISCUSSION GÉNÉRALE

Un membre se réfère aux déclarations faites, à la fin du mois de juin 2001, notamment par un président de parti, à propos du problème des discriminations commises à l'égard des couples homosexuels.

La ministre de la Santé publique avait déclaré qu'un groupe de travail existait au sein du gouvernement, qui viendrait exposer ses conclusions au Parlement à la fin du mois de juin.

Le fait de poursuivre la discussion de la présente proposition de loi signifie-t-il que le gouvernement ne compte pas faire de proposition en la matière ?

L'auteur principal de la proposition de loi souligne qu'une initiative parlementaire a été prise à propos de ce que l'on peut considérer comme un problème de société.

L'intervenant rappelle en outre que la commission dispose également d'un avis du Centre pour l'égalité des chances.

Une membre fait observer que la ministre de l'Emploi s'est, elle aussi, longuement expliquée sur le sujet, en se référant à la proposition, mais en indiquant par ailleurs qu'elle souhaitait que le Centre pour l'égalité des chances soit chargé de certaines missions supplémentaires.

De plus, lorsqu'on analyse la proposition sur le plan des compétences, certains problèmes se posent. Il en va ainsi, par exemple, de la politique des handicapés, qui est de la compétence des communautés.

D'autre part, un amendement cosigné par l'intervenante a été déposé en vue d'exclure les discriminations liées au sexe du champ d'application de la proposition.

Peut-être n'est-il dès lors pas inutile de demander aux autres membres du gouvernement que le ministre de la Justice de venir exposer leur point de vue (à tout le moins les ministres de la Santé publique et de l'Emploi, qui se sont exprimées sur le sujet).

Le ministre de la Justice répond, en ce qui concerne le groupe de travail évoqué par un précédent intervenant, qu'il ne faut pas inverser les rôles.

Une décision a été prise le 17 mars 2000 par le Conseil des ministres, qui a adopté le plan d'action contre les discriminations.

L'une des recommandations de ce plan d'action est précisément de voir le Parlement traiter rapidement la proposition de loi en discussion.

La problématique confiée au groupe de travail est peut-être un peu plus large, tout en étant spécifique, puisqu'elle peut concerner les discriminations susceptibles de se manifester dans l'accès à certaines institutions juridiques (ex. : l'adoption).

Il n'y a donc pas d'inconvénient à ce que la présente commission poursuive l'examen de la proposition de loi. Par ailleurs, le gouvernement dépose un certain nombre d'amendements, qui ne sont pas dirigés contre la proposition, mais qui lui paraissent intéressants dans la logique de la lutte contre la discrimination.

Pour le surplus, le ministre n'a pas d'objection à formuler par rapport à la proposition d'entendre d'autres ministres, puisque plusieurs secteurs paraissent effectivement concernés.

L'auteur principal de la proposition de loi rappelle que celle-ci vise l'ensemble des discriminations, sans les lier à des minorités, car l'intervenant ne privilégie pas une approche prioritairement communautaire de l'organisation de la société. Il ressent en effet une certaine méfiance par rapport à une telle approche, qui lui paraît figer les différences plutôt que de les gommer.

La proposition comporte deux types de dispositions, les unes civiles, et les autres pénales, tendant à lutter efficacement contre la discrimination. Le texte paraît assez clair à cet égard, comme le confirment d'ailleurs les avis qui ont été rendus, y compris l'avis du gouvernement lorsqu'il s'est penché sur cette problématique en Conseil des ministres et a, à cette occasion, fait référence à la proposition à l'examen.

La proposition de loi touche l'ensemble des formes de discrimination, y compris celles opérées par rapport au genre. Peut-être faudrait-il, à cet égard, s'entendre sur ce que l'on veut viser, puisqu'il est tantôt question de sexe et tantôt de genre.

Il paraît en tout cas clair que le Comité d'avis a souhaité que le problème de la discrimination fondée sur le sexe soit traité selon une approche différentiée, ce qui suppose le dépôt d'une autre proposition de loi.

Il serait en effet paradoxal que l'avis d'un comité qui s'efforce d'aborder de façon transversale la problématique de l'égalité entre les hommes et les femmes aboutisse au fait qu'une loi anti-discrimination soit votée, mais qu'aucun texte ne traite des discriminations fondées sur le sexe.

Le rapport du Comité d'avis mentionne qu'un travail sera fait en son sein à ce sujet, en relation avec le gouvernement et avec la ministre qui a cette matière dans ses attributions.

Sous le bénéfice de ces précisions, l'intervenant n'est pas opposé à ce que l'on exclue du champ d'application de la proposition la question des discriminations entre les hommes et les femmes.

L'intervenant constate en outre qu'en ce qui concerne le rapport entre la proposition à l'examen et la loi Moureaux contre le racisme, le Centre pour l'égalité des chances souhaite que le Parlement fasse un texte intégrant de manière très large les discriminations dans ses dispositions à la fois pénales et civiles, tout en maintenant la loi Moureaux en l'état.

Enfin, si l'on confie des missions complémentaires au Centre pour l'égalité des chances, il faudra veiller à ce que celles-ci puissent être remplies de manière efficace.

En ce qui concerne la question des compétences, l'intervenant souligne que la proposition s'en tient à des dispositions générales, qui touchent toutes formes de discrimination et sont, comme déjà indiqué, à la fois de droit civil et de droit pénal.

Selon l'intervenant, la proposition demeure donc dans les limites des compétences fédérales, et ne touche pas, notamment, à la politique de réintégration.

Cependant, il va de soi que, dans les communautés et régions, des politiques spécifiques peuvent être menées contre les discriminations, en développant les aspects qui sont de leur compétence.

En conclusion, l'intervenant estime que la discussion peut se poursuivre en commission. Il souhaite que l'on puisse conclure sans tarder car, pour certaines discriminations, il y a réellement urgence (cf. les handicapés, les discriminations fondées sur la préférence sexuelle,...).

Un membre aimerait savoir quelle est l'opinion du précédent intervenant au sujet du rapport fait par Mme Laloy au nom du Comité d'avis, plus particulièrement en ce qui concerne la répartition des compétences (voir p. 25-26), à propos de laquelle il est suggéré de demander l'avis du Conseil d'État.

Un autre membre soutient la suggestion de demande d'avis au Conseil d'État.

En effet, un certain nombre de problèmes technico-juridiques se posent.

Ainsi, si l'on vote une loi anti-discrimination, peut-on déroger à des dispositions telles que celles contenues à l'article 14 CEDH ?

Cela signifie-t-il que, par cette loi, on revient sur des droits que le citoyen puise, à titre individuel, dans cet article qui énumère une série de critères sur la base desquels aucune discrimination ne peut être opérée ?

En effet, certains de ces critères sont retenus dans la proposition, et d'autres pas.

Une autre question concerne la qualification des dispositions de la proposition. Certaines ne relèvent-elles pas de l'article 77 de la Constitution ?

L'intervenant songe à l'article 10, et en tout cas à l'article 13, car il ne s'agit pas d'une simple extension de compétences (cf. la disposition similaire contenue dans la loi sur le contentieux électoral).

Une membre déclare que si l'on adopte la proposition à l'examen, tout en laissant subsister la loi Moureaux, et la loi tendant à lutter contre les discriminations à l'égard des femmes (beaucoup plus calquée sur le droit communautaire), on aura plusieurs outils juridiques visant à combattre la discrimination, qui contiennent des définitions différentes, ainsi que des sanctions civiles et pénales différentes.

Ne risque-t-on pas, dès lors, des recours à la Cour d'arbitrage ?

L'auteur principal de la proposition de loi rappelle que son souci est qu'une législation anti-discrimination soit votée et applicable, notamment par rapport aux discriminations fondées sur le handicap, ou sur le concept de « race », dont les biologistes soulignent qu'il ne correspond à rien au sein de l'espèce humaine, mais qui est extrêmement difficile à modifier, car il est ancré jusque dans les textes légaux existants.

En ce qui concerne la compétence du législateur fédéral, l'intervenant répète qu'elle lui paraît incontestable en l'occurrence, s'agissant de dispositions civiles et pénales.

Quant à la combinaison avec les dispositions de la CEDH, elle ne lui semble pas poser de problèmes, dès lors que la proposition contient une règle générale assortie d'exemples, qui ne paraît pas entrer en contradiction avec la règle générale contenue dans la CEDH.

Enfin, en ce qui concerne la loi Moureaux, l'intervenant estime qu'il faut savoir ce que l'on veut. Si l'on veut pouvoir lutter contre les discriminations, quelles qu'elles soient, il faut pouvoir appliquer les mesures anti-discrimination qui sont prises. On sait quels problèmes suscite l'application de la loi Moureaux, en ce qui concerne les discriminations raciales.

Il n'est pas exclu qu'il faille adapter cette loi, pour des motifs d'efficacité.

Pour le surplus, les représentants du Centre pour l'égalité des chances ont exprimé le souhait que la loi Moureaux soit conservée.

En conclusion, l'intervenant déclare qu'il ne voit pas d'objection à ce que l'avis du Conseil d'État soit demandé sur l'ensemble de la proposition.

Le ministre de la Justice estime que cet avis peut en effet s'avérer très utile.

Quant à la pluralité de textes légaux en matière de discriminations, il faut souligner que la proposition à l'examen est la seule à prévoir une action en cessation en matière civile.

Cet élément pourrait justifier à lui seul que l'on maintienne à la fois la loi Moureaux et le texte en discussion.

VII. DEMANDE D'AVIS AU CONSEIL D'ÉTAT

Au terme de la précédente discussion, la commission de la Justice a émis, le 12 juillet 2000, le souhait que l'avis du Conseil d'État soit recueilli sur la proposition de loi et sur les amendements nºs 1 à 5 (doc. Sénat, nº 2-12/2 et 2-12/4).

Par lettre du 13 juillet 2000, le président du Sénat a saisi le Conseil d'État de cette demande.

L'avis du Conseil d'État a été rendu le 21 décembre 2000 (doc. Sénat, nº 2-12/5).

VIII. DÉPÔT PAR LE GOUVERNEMENT DES AMENDEMENTS Nºs 6 À 17 (DOC. SÉNAT, Nº 2-12/6)

1. Exposé de la vice-première ministre, ministre de l'Emploi, en charge de la politique de l'Égalité des chances

La vice-première ministre et ministre de l'Emploi déclare que le gouvernement soutient pleinement la proposition de loi déposée par M. Mahoux et consorts qui vise à lutter d'une manière globale contre les discriminations.

Il s'agit, selon l'oratrice, d'une préoccupation prioritaire du gouvernement puisque déjà l'accord du gouvernement stipule clairement qu'outre l'évaluation des législations actuelles contre le racisme et le négationnisme, il entend développer la lutte contre toute forme de discrimination par l'adoption d'une loi générale.

La réflexion du gouvernement est donc complémentaire à cette proposition de loi et s'inscrit totalement dans sa philosophie générale telle que l'a relatée son auteur principal.

En effet, sur le plan national, les dispositions constitutionnelles légales visant à lutter contre ces discriminations sont soit insuffisantes, soit inexistantes.

De plus, les partis et les mouvements dont le fondement idéologique est la discrimination et l'intolérance, constituent un danger permanent pour les valeurs démocratiques et doivent être, dès lors, combattus avec une détermination sans faille. Le gouvernement entend mener une politique volontariste et efficace de lutte contre toutes les discriminations, c'est pourquoi il a adopté, en date du 17 mars 2000, un plan de lutte contre les discriminations.

Les objectifs du gouvernement sont :

­ adopter une législation générale contre toutes les formes de discriminations;

­ modifier la loi tendant à réprimer l'incitation à la haine raciale afin d'en accroître l'efficacité;

­ améliorer l'accueil des victimes de discriminations en collaboration avec tous les services publics et privés concernés;

­ stimuler les autorités judiciaires à poursuivre les auteurs de comportements discriminatoires;

­ renforcer la cohérence politique et institutionnelle de toutes les dispositions d'actions positives en la matière entre les différents niveaux de pouvoir;

­ se doter d'une institution publique indépendante compétente pour la prise en charge des victimes de ces discriminations et mandatées pour apporter aux autorités publiques une évaluation permanente des politiques de mise en oeuvre et ce, par l'élargissement des compétences du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme.

Il s'agit là d'un ambitieux programme et les amendements du gouvernement à la proposition à l'examen n'en sont qu'un des volets.

En effet, pour rappel, sont proposés deux trains de mesures : le premier sous la forme d'un projet de loi modifiant la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie (« loi Moureaux »), le second étant constitué par les amendements du gouvernement à la « proposition de loi Mahoux » dont le contenu est détaillé ci-après.

Parallèlement à ces deux projets, le gouvernement propose une série de modifications à la loi créant un Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme : ces modifications, notamment relatives à la compétence du Centre, sont reprises tant dans le projet de loi du gouvernement (premier train de mesures) que dans les amendements du gouvernement (deuxième train).

A. Quelques mots sur le projet de loi modifiant la « loi Moureaux »

Ce projet regroupe toutes les propositions du gouvernement en matière de législation contre le racisme, sauf ce qui concerne les procédures civiles contre les discriminations fondées sur l'ascendance ethnique, qui sont, par souci de cohérence, incluses dans les amendements du gouvernement (redéfinition du concept de « race », discrimination collective, motif abject comme circonstance aggravante, compétence des inspecteurs sociaux).

Ce projet de loi a été soumis pour avis au Conseil d'État, il reviendra incessamment en Conseil des ministres en vue d'être envoyé à la Chambre.

B. Objectifs visés par les amendements du gouvernement

Ces amendements trouvent leur fondement, notamment, dans deux directives européennes prises en application de l'article 13 du Traité d'Amsterdam (qui a défini, pour la première fois, en 1997, les bases de discrimination).

Ces directives sont :

­ la directive du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes, sans distinction de race ou d'origine ethnique;

­ la directive du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail.

L'une de ces directives est intervenue pratiquement au moment où la « proposition de loi Mahoux » a été déposée alors que l'autre lui est postérieure de quelques mois.

En les réintégrant dans son plan de lutte contre les discriminations, le gouvernement propose de compléter « la proposition de loi Mahoux » et, de ce fait, rencontre la majeure partie des critiques formulées par le Conseil d'État.

C. Modifications majeures apportées par le gouvernement

Les bases de discrimination

La proposition de loi à l'examen interdit toutes discriminations basées sur « le sexe, l'orientation sexuelle, l'état civil, la naissance, l'âge, l'état de santé actuel ou futur, un handicap ou une caractéristique physique ».

Le gouvernement propose d'ajouter à cette liste « une prétendue « race », la couleur, l'origine ou l'ascendance nationale ou ethnique ».

Ainsi, les procédures civiles pourront aussi être appliquées aux discriminations racistes.

Par contre, les dispositions pénales de la proposition de loi ne s'appliqueront pas en cas de discrimination raciste puisqu'elles feraient double emploi avec l'actuelle « loi Moureaux ».

Le gouvernement entend préciser que les discriminations basées sur « le sexe » sont visées sans préjudice de la loi plus spécifique du 7 mai 1999 sur l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne les conditions de travail, l'accès à l'emploi et aux possibilités de promotion, l'accès à une profession indépendante et les régimes complémentaires de sécurité sociale.

Il a paru essentiel de maintenir cette base de discrimination dans la liste des critères envisagés pour ne pas l'isoler des autres discriminations et pour indiquer que toute discrimination est intolérable.

Néanmoins, la ministre souligne que la dimension « hommes/femmes » est une différence structurelle qui affecte toute la population. Ni les hommes, ni les femmes ne doivent être traités comme un groupe d'intérêt particulier parmi d'autres.

C'est pourquoi, il a été décidé de ne pas donner compétence au Centre pour l'égalité des chances pour intervenir dans cette matière spécifique.

Par contre, le gouvernement propose d'introduire dans la liste des bases de discrimination, les « convictions religieuses et philosophiques ».

Ceci, notamment en vertu de l'article 13 du Traité d'Amsterdam et des deux directives européennes qui l'exécutent.

Toutefois, le gouvernement précise que ce concept doit être interprété de manière restrictive, en d'autres termes : les convictions politiques ou autres sont exclues de la liste des discriminations.

En effet, les événements politiques récents nous rappellent qu'il est fondamental de rester vigilants à l'égard des partis non démocratiques et liberticides. L'oratrice ne souhaite donc pas que ces partis extrémistes puissent tenter de s'appuyer sur la loi pour essayer d'interdire toute critique ou toute mise en cause politique de leurs prises de position politiques.

Définition de la discrimination

La ministre suggère de reprendre les définitions utilisées dans les deux directives européennes pour qualifier la discrimination de directe ou d'indirecte. Certaines exceptions sont prévues : par exemple, l'exception pour les exigences professionnelles essentielles; les hypothèses où un traitement différencié sera autorisé seront réglées par arrêté royal comme cela a été le cas pour la loi du 7 mai 1999 sur l'égalité entre hommes et femmes.

D'autre part, en ce qui concerne le harcèlement, problème auquel la ministre se déclare particulièrement attentive et sensible, le gouvernement entend rigoureusement transposer la directive.

Le harcèlement sera considéré comme une forme de discrimination lorsqu'un comportement indésirable, lié aux bases de discrimination retenues, a pour objet, ou pour effet, de porter atteinte à la dignité d'une personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

En qualité de ministre de l'Emploi et du Travail en charge de la politique de l'égalité des chances, l'intervenante entend mettre en place une série de mesures visant à lutter de manière efficace contre ce fléau quotidien qui transforme parfois la vie de certains en un véritable enfer.

Les amendements du gouvernement se combineront donc sur ce point avec le projet qui a été déposé sur la table du Conseil des ministres visant à lutter contre le harcèlement sur le lieu de travail.

Champ d'application de la loi

Les amendements du gouvernement reprennent le champ d'application de la proposition de loi mais en le transférant du chapitre « Dispositions civiles » au chapitre « Dispositions générales ».

En effet, la définition de champ d'application de cette loi ne se limite pas aux seules dispositions civiles.

Le champ d'application tel qu'il a été défini vise à interdire toute forme de discrimination directe et indirecte dans tous les secteurs de la vie sociale (de la fourniture de biens et de services à tout autre exercice normal d'une activité économique, sociale, culturelle ou politique).

Dans une large mesure, ceci correspond au champ d'application de la première directive européenne relative à la « race ou à l'origine ethnique ».

Dispositions pénales

Les amendements du gouvernement ne modifient pas les dispositions de la proposition à l'examen en ce qui concerne la répression des discriminations.

Toutefois, le gouvernement propose d'insérer le motif abject comme circonstance aggravante.

À ce sujet, le gouvernement entend se référer à la jurisprudence habituelle en la matière : c'est aux cours et tribunaux qu'il appartiendra de décider, quand l'infraction est établie, que les normes de décence sont dépassées et qu'une plaisanterie revêt un caractère injurieux.

Dispositions civiles

Le gouvernement soutient pleinement la proposition en ce qu'elle met en place des procédures civiles efficaces pour faire cesser ou réprimer tout comportement discriminatoire.

De même, le gouvernement se rallie au principe, inspiré par les directives européennes, du renversement de la charge de la preuve qui imposera à l'auteur présumé de la discrimination de prouver que le principe d'égalité de traitement n'a pas été violé.

Toutefois, le gouvernement propose un amendement visant à retirer des dispositions générales, les règles relative au renversement de la charge de la preuve.

En d'autres termes, le renversement de la charge de la preuve ne s'appliquera pas en matière pénale.

Cet amendement prévoit également la possibilité d'invoquer, parmi les éléments permettant de présumer l'existence d'une discrimination, des données statistiques ou des tests de situation.

Il sera possible de recourir à l'intervention d'un huissier de justice pour établir la discrimination à l'aide d'un test de situation. Le test de situation devra satisfaire à des exigences minimales qui seront déterminées par un arrêté d'exécution.

­ Protection des travailleurs

Par analogie avec la loi du 7 mai 1999 sur l'égalité de traitement entre hommes et femmes, le gouvernement propose d'insérer des dispositions visant à offrir une large protection à la victime qui engage une procédure civile ou pénale contre un employeur.

Modification de la loi créant un Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme

Tout comme la proposition de loi à l'examen, le gouvernement, dans un souci de rendre la lutte contre les discriminations efficace, entend confier au Centre pour l'égalité des chances, la mission de combattre toute forme de discriminations fondées sur les bases de discrimination qu'il a déterminées à l'exception toutefois, comme rappelé plus haut, de celles fondées sur le sexe.

Enfin, le Centre aura l'obligation, dans l'exécution de ses missions, de collaborer avec les associations, instituts, etc. qui accomplissent le même genre de mission.

2. Questions et observations des membres

L'auteur principal de la proposition se réjouit de l'attitude du gouvernement à l'égard de la proposition de loi à l'examen. Le fait que la vice-première ministre et ministre de l'Emploi ait déposé des amendements témoigne d'une volonté de collaboration entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif dans la lutte contre les discriminations.

Les amendements du gouvernement apportent une réponse aux remarques formulées par le Conseil d'État. Certains points doivent encore être éclaircis lors des discussions en commission. L'intervenant pense par exemple au problème de l'exclusion de la sphère purement privée du champ d'application de la loi : quel est le contour de cette notion ?

Une membre se déclare favorable à l'instauration d'une législation générale luttant contre les discriminations. L'intervenante soutient dès lors les objectifs de la proposition à l'examen.

En ce qui concerne les amendements du gouvernement, ceux-ci transposent de nombreux points des directives européennes des 29 juin et 27 novembre 2000. Quelles sont les intentions du gouvernement concernant les aspects des directives précitées qui ne sont pas intégrés dans les amendements nº 6 à 17 (doc. Sénat nº 2-12/6) ?

Dans son exposé, la ministre a confirmé que le gouvernement ne souhaitait pas étendre les missions du Centre pour l'égalité des chances à la lutte contre les discriminations basées sur le sexe. Quelles structures le gouvernement entend-il mettre en place pour lutter efficacement contre ce gendre de discrimination ?

Une autre membre constate que l'avis rendu par le Conseil d'État le 16 novembre 2000 (doc. Sénat nº 2-12/5) à propos du texte initial de la proposition de loi était très critique. Les amendements du gouvernement modifient de manière substantielle le texte de la proposition initiale. Elle propose dès lors de les soumettre pour avis à la section de législation du Conseil d'État. Par ailleurs, avec l'entrée en vigueur des directives européennes des 29 juin et 27 novembre 2000, le contexte juridique a changé depuis que le Conseil d'État a rendu son avis. Selon l'oratrice, dans une matière aussi importante, il faut que le législateur s'assure que les dispositions proposées ne sont pas susceptibles d'être annulées par la Cour d'arbitrage.

En ce qui concerne la problématique du harcèlement, l'oratrice se réjouit que ce comportement soit rendu punissable dans le chef de son auteur. La membre pense cependant que l'approche du phénomène proposée par le gouvernement est trop réductrice car elle lie le harcèlement à une forme de discrimination. Or, le harcèlement est souvent une arme utilisée pour éliminer un collègue « concurrent », sans que cela soit basé sur une discrimination au sens de l'article 2, § 2, proposé dans l'amendement nº 6 du gouvernement (doc. Sénat nº 2-12/6).

Une membre rappelle que la première proposition de loi tendant à lutter contre les discriminations a été déposée, il y a déjà 16 ans, par M. Luc Van Den Bossche, actuel ministre de la Fonction publique et de la Modernisation de l'administration. Elle se réjouit que le débat ait été relancé sur ce point et espère que les travaux aboutiront au vote d'une loi anti-discriminations.

L'intervenante ne partage pas le point de vue d'une oratrice précédente concernant une nouvelle demande d'avis au Conseil d'État. Les amendements déposés par le gouvernement répondent en très grande partie aux critiques formulées par le Conseil d'État à l'égard du texte initial; il n'y a dès lors aucune raison de les soumettre à un nouvel avis.

L'intervenante plaide par contre pour que l'on élargisse l'objet de la proposition à l'examen afin de transposer en droit belge l'ensemble des dispositions des directives européennes 2000/43/CE du 29 juin 2000 et 2000/78/CE du 27 novembre 2000. La membre pense qu'il serait intéressant de donner un contenu en droit belge à certains principes figurant dans les directives susvisées et que les amendements du gouvernement n'abordent pas. Elle cite par exemple l'obligation d'instaurer un dialogue avec les partenaires sociaux ainsi qu'avec les organisations non gouvernementales. De même, l'obligation de faire tous les cinq ans un rapport concernant le suivi de la législation luttant contre les discriminations est une mesure qui permet d'adapter la politique en fonction des résultats obtenus.

Une autre membre plaide pour que la discrimination fondée sur le sexe fasse l'objet d'une législation sui generis. Elle souligne que l'on naît homme ou femme et que l'on appartient dès lors forcément à l'un ou à l'autre groupe. Il s'agit d'une discrimination qui transcende toutes les autres. Dès lors, la dimension du genre doit être retirée de la proposition à l'examen.

Une membre rappelle que, dans son avis du 2 mai 2000, le Comité d'avis pour l'égalité des chances entre les femmes et les hommes a proposé que « le sexe en tant que motif de discrimination soit retiré de la proposition de loi et qu'il fasse l'objet d'une législation spécifique et indépendante » (doc. Sénat nº 2-12/3, p. 19).

Or, depuis que cet avis a été rendu, beaucoup d'éléments ont évolué. Les instances européennes ont entre-temps décidé d'inclure les discriminations basées sur le sexe dans leur législation générale tendant à lutter contre les discriminations.

Par ailleurs, le Sénat a voté, le 8 mars 2001, une proposition de révision de la Constitution confirmant le caractère transversal et universel des discriminations basées sur le sexe.

Enfin, les amendements nºs 9 et 10 du gouvernement rencontrent les craintes exprimées par le Comité d'avis et précisent que la proposition à l'examen ne porte pas atteinte à l'application de la loi du 7 mai 1999 sur l'égalité des chances entre hommes et femmes en ce qui concerne les conditions de travail, l'accès à l'emploi et aux possibilités de promotion, l'accès à une profession indépendante et les régimes de sécurité sociale ni au maintien d'un plan d'actions positives en faveur des femmes.

Pour toutes ces raisons, l'intervenante pense que l'avis du 2 mai 2000 est aujourd'hui dépassé. Elle estime qu'il est souhaitable que la proposition vise également les discriminations basées sur le sexe. Cela permettra également aux victimes de telles discriminations de bénéficier des outils que la proposition entend mettre en place pour lutter contre les discriminations.

L'intervenante souhaite enfin se rallier à la remarque du Conseil d'État concernant l'absence de concordance entre la définition de la discrimination contenue dans la loi du 30 juillet 1981 (loi Moureaux) et celle proposée dans le texte à l'examen (avis du Conseil d'État, doc. Sénat, nº 2-12/5, p. 4 et 5). L'oratrice pense qu'il faut harmoniser les deux définitions dans un souci de sécurité juridique.

Une autre membre pense que les débats menés en vue d'introduire une législation générale sur la non-discrimination et l'instauration de nouvelles incriminations pénales, devraient s'accompagner d'une réflexion sur les raisons pour lesquelles les parquets classent sans suites la très grande majorité des plaintes qui sont déposées en cas d'infractions de nature raciste. Il faudrait que le ministre de la Justice s'explique sur ce point car il faut également se préoccuper de l'effectivité des textes qui sont adoptés par le Parlement.

L'auteur principal de la proposition à l'examen n'est pas favorable à une nouvelle demande d'avis au Conseil d'État dont les remarques ont été largement rencontrées dans les amendements actuellement sur la table.

En ce qui concerne la cohérence entre les dispositions à l'examen et les directives européennes, l'intervenant met en garde contre le risque d'immobilisme que pourrait engendrer un souci exagéré de mettre en phase, de façon globale, la législation belge et la législation européenne, alors que cette dernière continue d'évoluer. Il faut cristalliser la situation à un moment précis car des problèmes intolérables sur le terrain ne peuvent être résolus faute de disposition légale empêchant les discriminations.

Au cours de son exposé, la ministre a annoncé que le gouvernement déposerait un projet de loi modifiant la loi Moureaux du 30 juillet 1981. Une membre regrette cette façon de travailler car cela ne favorise pas la cohérence. Pourquoi ne pas intégrer les modifications à la loi du 30 juillet 1981 dans la proposition de loi à l'examen ?

La proposition prévoit d'élargir les missions du Centre pour l'égalité des chances dont la structure devra dès lors être adaptée. Selon les informations répercutées par la presse, la ministre prépare actuellement un arrêté visant à revoir l'organisation du Centre. L'intervenante se demande si cela n'est pas prématuré. Ne faudrait-il pas, par respect pour le Parlement, attendre que la proposition de M. Mahoux et consorts soit votée avant de modifier la structure du Centre pour l'égalité des chances ?

L'intervenante se déclare en outre favorable à une nouvelle demande d'avis au Conseil d'État car le texte amendé par le gouvernement est fondamentalement différent de celui qui a été examiné par le Conseil d'État.

Enfin, l'oratrice constate que par rapport au texte initial, l'amendement nº 6 du gouvernement (doc. Sénat, nº 2-12/6) ne retient plus la discrimination basée sur la fortune. L'intervenante regrette que le gouvernement se limite aux seuls critères d'identité ­ dont l'importance n'est pas mise en cause ­ au détriment des inégalités sociales.

3. Réponses de la ministre

Puisque le gouvernement a décidé de s'inscrire dans la proposition de loi de M. Mahoux et consorts au lieu de déposer un projet de loi, la ministre fait remarquer que les réponses qu'elle donnera aux questions des membres se cantonneront aux aspects abordés dans les amendements du gouvernement.

En ce qui concerne la question des discriminations basées sur le genre, la ministre était favorable à l'extension des compétences du Centre pour l'égalité des chances à ce type de discriminations. Le Comité d'avis pour l'égalité des chances entre les femmes et les hommes ne partageant pas ce point de vue, le gouvernement n'a pas souhaité rendre le Centre compétent pour ces discriminations horizontales.

La ministre pense qu'il faudra entamer une réflexion sur l'opportunité de créer un institut du genre après une évaluation des dispositifs de protection existant. L'intervenante est favorable à la création d'un tel institut du genre. Cette problématique dépasse cependant le cadre des discussions de la présente proposition de loi.

La ministre met en garde contre une volonté de vouloir globaliser tous les problèmes touchant aux discriminations car cela risque de ralentir la mise en place d'instruments de lutte sur le terrain. La proposition à l'examen s'envisage comme un dispositif général anti-discriminations sur lequel se greffent des dispositions spécifiques (loi Moureaux du 30 juillet 1981 pour la lutte contre le racisme et la xénophobie, loi du 7 mai 1999 sur l'égalité des chances entre hommes et femmes, dispositions à venir sur le harcèlement moral au travail ...).

En ce qui concerne le champ d'application proposé à l'amendement nº 6 par rapport à celui des directives européennes, la ministre souligne le fait que certains domaines visés dans les directives entrent dans la sphère de compétence des communautés et régions ou nécessitent des négociations avec les partenaires sociaux avant de pouvoir être transposés en droit belge. Elle cite par exemple la problématique de l'égalité de traitement en faveur des personnes handicapées (article 5 de la directive du 17 octobre 2000 sur l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail).

Enfin, concernant l'avis rendu par le Conseil d'État, il appartient au pouvoir législatif d'apprécier si les amendements nº 6 à 17 du gouvernement rencontrent les remarques du Conseil d'État.

IX. DISCUSSION DES ARTICLES

Article 1er

Amendements nºs 29 et 48

Mme Kaçar dépose un amendement nº 29 (doc. Sénat, nº 2-12/7), visant à modifier la qualification de la proposition de loi, pour lui faire suivre la procédure obligatoirement bicamérale, conformément à l'avis du Conseil d'État (doc. Sénat, nº 2-12/5, p. 12).

M. Mahoux dépose un amendement nº 48 (doc. Sénat, nº 2-12/7) ayant le même objet.

Votes

L'amendement nº 29, et l'article ainsi amendé, sont adoptés à l'unanimité des 11 membres présents. Par conséquent, l'amendement nº 48 de M. Mahoux devient sans objet.

Article 2

Amendement nº 6

Le gouvernement a déposé un amendement (doc. Sénat, nº 2-12/6) tendant à remplacer l'article 2 par ce qui suit :

« § 1er. Toute discrimination directe ou indirecte est interdite, lorsqu'elle porte sur :

­ la fourniture de biens et de services;

­ l'offre et le traitement d'une candidature en vue de pourvoir à un emploi vacant;

­ le commencement et la résiliation d'un contrat d'emploi;

­ les conditions de travail et l'accomplissement de la carrière professionnelle;

­ la nomination d'un fonctionnaire ou l'affectation d'un fonctionnaire à un service;

­ la mention dans une pièce officielle ou dans un procès-verbal;

­ la diffusion, la publication ou l'exposition en public d'un texte, d'un avis, d'un signe ou de tout autre support comportant une discrimination;

­ tout autre exercice normal d'une activité économique, sociale, culturelle ou politique.

§ 2. Il y a discrimination directe si une distinction dans un traitement est directement fondée sur le sexe, une prétendue race, la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique, l'orientation sexuelle, l'état civil, la naissance, l'âge, la conviction religieuse ou philosophique, l'état de santé actuel ou futur, un handicap ou une caractéristique physique. La discrimination directe ne peut être justifiée en aucune circonstance.

§ 3. Il y a discrimination indirecte lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre a en tant que tel un résultat dommageable pour des personnes auxquelles s'applique un des motifs visés au § 2, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif soient appropriés et nécessaires et ne pourraient donc être remplacés par des mesures d'efficacité supérieure ou comparable, plus respectueuses des personnes concernées.

§ 4. Le harcèlement est considéré comme une forme de discrimination lorsqu'un comportement indésirable est lié aux bases de discrimination figurant au § 2, qui a pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d'une personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. »

La définition de la discrimination directe et indirecte a été adaptée afin que la proposition soit conforme à la directive 2000/43/CE du Conseil européen du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe d'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique et à la directive du 17 octobre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ainsi qu'avec les définitions figurant dans la loi du 7 mai 1999 sur l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail. En ce qui concerne cette dernière loi, il est bien mis en évidence à l'article 6 (voir infra amendement nº 10) que le texte de la présente proposition ne touche pas aux dispositions de la loi précitée du 7 mai 1999. S'il y a donc une discrimination sur la base du sexe en matière d'emploi et de travail, la loi du 7 mai 1999, plus spécifique, demeure d'application. En tenant compte de la récente directive en matière de discrimination sur la base de la race et de l'origine ethnique, l'on met également en oeuvre la décision du gouvernement du 17 mars 2000, laquelle préconisait qu'en matière de lutte contre le racisme des procédures similaires à celles prévues dans la présente proposition de loi soient établies. En ce qui concerne les mesures contre le racisme au niveau pénal, celles-ci demeurent groupées dans la loi pénale du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie.

­ L'utilisation du terme de race pouvant dans les faits donner l'impression que le législateur légitime l'existence de différentes races, alors qu'il s'agit en fait d'un concept ne correspondant à aucune réalité scientifique, il est préférable de faire accompagner le terme race de l'adjectif « prétendue », ceci afin de bien appuyer le fait que cette distinction n'existe que dans l'esprit du raciste et qu'elle ne correspond pas à la réalité.

­ Le gouvernement opte également pour l'insertion dans la liste des bases de discrimination figurant à l'article 2, § 2, de la conviction religieuse et philosophique, étant donné que cette base de discrimination est également prévue à l'article 13 du Traité d'Amsterdam et dans la directive européenne portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail. Il doit être clairement établi que par convictions religieuses et philosophiques, l'on entend uniquement celles qui apparaissent dans les travaux préparatoires de la directive. Les convictions qui n'ont aucun lien avec des questions se rapportant à l'existence ou pas d'un dieu, telles que les convictions politiques ne sont pas concernées.

­ Le gouvernement propose également de supprimer la base de discrimination « fortune » étant donné qu'il n'est pas clairement établi ni que cette qualification a un lien avec l'identité d'une personne ni qu'elle rencontre une nécessité sociale quelconque.

Un membre rappelle qu'il existe déjà de nombreuses dispositions tendant à lutter contre les discriminations dans l'ordre juridique belge. Il pense notamment aux articles 10 et 11 de la Constitution qui prévoient une interdiction générale de discrimination, et dont la violation peut faire l'objet d'un recours devant les tribunaux. L'orateur cite également des dispositions de droit international directement applicables en droit belge, telles que l'article 14 de la CEDH ou l'article 26 du PIDCP.

Ces dispositions tendent à lutter tantôt contre les discriminations verticales (c'est-à-dire dans la relation entre l'autorité publique et le citoyen) tantôt contre les discriminations horizontales (c'est-à-dire dans les relations des citoyens entre eux).

L'ordre juridique belge prévoit donc un cadre fort complet et contraignant, offrant une protection juridique contre les comportements discriminatoires, et sanctionné pleinement en droit privé et en droit constitutionnel.

L'intervenant se demande dès lors quelle est la portée de l'article 2 de la proposition à l'examen, que l'amendement nº 6 du gouvernement propose de remplacer. Cette disposition confirme-t-elle les principes définis dans les règles générales ou veut-elle s'en écarter ?

L'orateur met ensuite en garde contre les difficultés d'interprétation que suscitera la disposition proposée à l'amendement nº 6 du gouvernement. En effet, seules les discriminations correspondant à une des huit situations mentionnées dans la liste sont interdites. Qu'en est-il dès lors des discriminations qui ne sont pas visées ? Faut-il revenir dans ce cas au droit commun et à l'application des principes constitutionnels ? Faut-il considérer que ces discriminations ne sont pas interdites ?

Par ailleurs, au dernier tiret de l'énumération des hypothèses dans lesquelles une discrimination directe ou indirecte est interdite, l'on vise « tout autre exercice normal d'une activité économique, sociale, culturelle ou politique ». Ce libellé particulièrement large et imprécis, auquel sont liées des dispositions pénales, est en contradiction avec le principe de légalité des infractions tel qu'il est prévu par l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et les articles 12 et 14 de la Constitution. Le citoyen est en effet dans l'impossibilité de prévoir de manière raisonnable si son comportement constitue une discrimination pénalement punissable au sens de la proposition à l'examen.

Dans son avis nº 30462/2 (doc. Sénat nº 2-12/5), le Conseil d'État attirait l'attention sur les imprécisions de la proposition et l'absence de compatibilité avec les libertés fondamentales telles que la liberté d'expression, la liberté des cultes, la liberté l'association ou la liberté d'opinion. L'amendement nº 6 du gouvernement n'apporte pas, selon le membre, de réponse satisfaisante aux remarques formulées par le Conseil d'État.

En guise de conclusion, l'intervenant estime qu'il n'y a pas de besoin social impérieux qui justifie que l'on instaure une législation générale pénalisant la discrimination et qui porte atteinte aux autres droits et libertés fondamentaux.

L'auteur principal de la proposition à l'examen fait remarquer que celle-ci met en confrontation les libertés fondamentales (liberté d'expression, d'association ...) et le caractère inacceptable des discriminations. Le Conseil d'État attire l'attention sur le caractère proportionné que doit revêtir une législation qui criminalise les discriminations par rapport au droit de tout citoyen à la liberté d'expression, d'association et des cultes.

L'intervenant s'étonne que le préopinant soutienne que la proposition a un caractère liberticide. Ce serait vraiment un comble pour un texte qui, en criminalisant les discriminations, vise au respect de la liberté de chaque individu à laquelle toute discrimination constitue une entrave.

Il n'est pas dans l'intention des auteurs de remettre en cause la liberté d'expression. L'intervenant constate que celle-ci n'est d'ailleurs pas absolue puisque la calomnie, les injures, l'atteinte à la vie privée ... constituent autant de limites à la liberté d'expression.

De même, en ce qui concerne la liberté d'association, la proposition n'entend aucunement limiter les conditions à l'adhésion à une association, car cela relève de la sphère de la vie privée. Par contre, l'interdiction de discrimination trouvera à s'appliquer dans les rapports entre les associations ainsi que dans les relations entre une association et le public.

Une membre pense que le principe constitutionnel de non-discrimination ne suffit pas pour répondre, sur le terrain, aux problèmes qui se posent en matière de discrimination. L'intervenante est donc favorable à la mise en place d'outils performants de lutte contre les discriminations. Elle pense cependant que l'architecture des textes à l'examen pose problème.

Alors que les directives européennes se proposent d'aborder la problématique de la discrimination de manière ciblée, dans des domaines spécifiques tels que l'égalité entre les hommes et les femmes, et l'égalité de traitement en matière d'emploi et travail, la proposition veut fixer un cadre général avec des sanctions civiles et pénales lourdes en cas d'infraction aux dispositions proposées. Cette façon de travailler risque de susciter l'illusion que le recours au pouvoir judiciaire permettra de rétablir aisément une inégalité. La réalité risque d'être bien différente car le droit a ses limites et l'intervenante doute de l'effectivité des sanctions proposées.

Une autre membre pense qu'outre les objections de nature juridique qui ont été soulevées concernant la compatibilité de la proposition à l'examen avec les libertés fondamentales, il faut également prendre en compte l'impact sociologique des dispositions proposées.

Selon l'intervenante, les rapports sociaux doivent être basés sur un équilibre entre les principes de liberté, d'égalité et de fraternité. La vie en société implique le respect des autres dans leur différence. Or, le respect des autres est une valeur qu'il est difficile de couler dans des textes légaux pour la rendre contraignante, surtout dans la sphère privée.

Sur ce plan, la définition de la discrimination pose problème car elle ne fait pas suffisamment la distinction entre la sphère publique et la sphère privée. S'il est légitime d'imposer à l'autorité publique d'agir de façon neutre et objective, il est discutable de vouloir étendre ce principe à tous les pans de la vie sociale.

De nombreuses études ont insisté sur le rôle primordial que jouent les différents groupements, associations, mouvements ... dans la socialisation des citoyens qui, au travers de ces organisations, parviennent à tisser des relations qui renforcent le caractère démocratique de notre société. Or, ces organisations sont souvent basées sur des convictions philosophiques, religieuses, politiques, environnementales ... et elles attendent de leurs membres et collaborateurs qu'ils partagent ces valeurs.

L'amendement nº 7 du gouvernement (doc. Sénat, nº 2-12/6) permet au Roi de fixer les cas dans lesquels une différence de traitement peut être admise dans de telles situations. La délégation donnée au Roi sur ce point est trop vague. La commissaire estime qu'il revient au Parlement de fixer les critères sur base desquels un traitement différencié ne constitue pas une discrimination. D'autre part, en ce qui concerne les bases de discrimination proposées à l'amendement nº 6 du gouvernement (doc. Sénat, nº 2-12/6), l'oratrice constate que la définition n'a pas la même portée que celle des directives européennes des 29 juin 2000 et 17 octobre 2000.

En effet, les discriminations basées sur le sexe sont visées dans la proposition de loi alors qu'elles ne figurent pas dans les directives européennes. Par contre, les discriminations basées sur les convictions, qui sont visées au niveau européen, ne sont pas mentionnées dans les bases de discrimination proposées à l'amendement nº 6.

Enfin, en ce qui concerne le problème du harcèlement visé au § 4 de l'amendement nº 6 du gouvernement, l'oratrice pense qu'il n'est pas pertinent d'aborder cette problématique sous l'angle des discriminations. Le harcèlement moral, notamment sur le lieu de travail, est une notion beaucoup plus large. L'incrimination proposée ne répond pas aux attentes des employeurs ni des travailleurs. Elle n'apportera pas de véritable solution aux nombreuses victimes de harcèlement qui ne sont pas discriminées au sens de la proposition de loi.

Une autre membre ne comprend pas les raisons pour lesquelles le gouvernement a, dans ses amendements nºs 6 à 17, tenu compte de certaines remarques du Conseil d'État alors qu'il en a négligé d'autres. Ainsi, en ce qui concerne les critères de discrimination proposés dans l'amendement nº 6, pourquoi ne pas viser les discriminations basées sur les orientations religieuses ou l'appartenance à une classe sociale alors que, dans son avis du 16 novembre 2000, le Conseil d'État remarquait, à propos du texte initial de la proposition que celui-ci « retient neuf critères pouvant donner lieu à discrimination parmi lesquels ne figurent ni les orientations politiques, philosophiques et religieuses ni l'appartenance à une classe sociale. Or, la haine religieuse et la haine de classe ont été, avec la haine raciale, les causes des plus graves violations des droits de la personne humaine au vingtième siècle » (doc. Sénat, nº 2-12/5, p. 13) ?

La vice-première ministre et ministre de l'Emploi pense que la commission doit, au cours de ses travaux, se laisser guider par le principe de prudence. Dans une matière où l'on touche aux libertés constitutionnelles, les amendements nºs 6 à 17 du gouvernement (doc. Sénat, nº 2-12/6) sont basés sur une volonté de préciser le champ d'application de la future loi, notamment en ce qui concerne les incriminations pénales.

La ministre pense que le champ d'application proposé à l'article 2 de la proposition tel que modifié par l'amendement nº 6 du gouvernement est dans la lignée de celui de la directive du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe d'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique. Il existe par contre une différence entre les deux textes en ce qui concerne les bases de discrimination retenues; la proposition de loi vise à avoir une portée générale par rapport à la directive qui ne vise que les distinctions de race ou d'origine ethnique.

Selon la ministre, il est par ailleurs important d'aboutir au vote d'une loi luttant contre la discrimination car les principes constitutionnels en la matière sont bafoués sans que cela ne débouche sur une réaction proportionnée et raisonnable de la part des victimes car l'arsenal juridique à leur disposition est insuffisant.

Un précédent orateur estime que la ministre ne répond pas aux critiques qui ont été formulées par différents intervenants :

­ quelle est la nécessité sociale qui justifie qu'une disposition pénale générale soit instaurée en vue de lutter contre la discrimination ?

­ quelle sera l'effectivité d'une telle disposition pénale ? L'intervenant se dit convaincu que les dispositions proposées déboucheront sur de nombreuses contestations en droit et en fait;

­ les directives européennes que les amendements du gouvernement se proposent de transposer ne précisent nullement qu'il faut donner une dimension pénale à la lutte contre les discriminations. En maintenant dans la proposition, malgré l'avis du Conseil d'État sur ce point, une incrimination pénale en cas de discrimination, le texte impose au citoyen de suivre une ligne de conduite considérée comme « politiquement correcte ». L'orateur y voit une menace pour la démocratie. Cela discrédite le concept de discrimination car on lui donne une portée pénale beaucoup trop large.

La ministre fait remarquer que la loi Moureaux prévoit des sanctions pénales en cas de discriminations inspirées par le racisme ou la xénophobie. Les directives européennes imposent aux États membres de prendre toutes les mesures visant à rendre effectives les dispositions de non-discrimination. A aucun moment on n'exclut les sanctions pénales. Or, selon la ministre, il n'y a pas de norme juridique effective sans menace de sanction. Le principe de non-discrimination inscrit dans notre Constitution doit être transcrit concrètement. C'est l'objectif de la proposition.

Une membre plaide pour une approche cohérente de la lutte contre la discrimination. Outre l'examen de la présente proposition, le gouvernement annonce d'autres initiatives en vue de modifier la loi Moureaux sur le racisme, d'adapter la structure et les compétences du Centre pour l'égalité des chances ainsi que de renforcer les dispositions en matière d'égalité des chances. Il faut par ailleurs transposer en droit belge les directives européennes, ce que les amendements du gouvernement ne font que partiellement. Ne serait-il pas plus logique de regrouper toutes ces réformes en un seul dossier et, par la même occasion, de transposer l'intégralité des directives ? L'oratrice redoute que le morcellement des débats n'aboutisse à des législations disparates et manquant de clarté.

L'auteur principal de la proposition à l'examen partage le souci de cohérence exprimé par la préopinante. Ce souci, aussi légitime soit-il, ne peut cependant aboutir à l'immobilisme.

L'intervenant s'étonne que l'on prête aux auteurs de la proposition l'intention de ne pas respecter l'autre. Le but de la proposition est justement de condamner une forme de non-respect des autres que constitue un acte discriminatoire.

Par ailleurs, l'orateur pense que dans une matière aussi importante, il n'est pas souhaitable que le législateur se contente de suivre l'évolution des mentalités. La loi a un rôle éducatif et précurseur à jouer. L'incrimination pénale du négationisme en 1995 a eu un effet direct sur l'attitude, en public, des personnes qui véhiculaient des idées négationistes. De même, l'aspect pénal de la proposition de loi anti-discrimination, qui n'en constitue qu'une partie, est un levier important si l'on veut infléchir les comportements et les mentalités en la matière.

En réponse à une intervention précédente, la ministre souligne que le projet de loi que le gouvernement va déposer à la Chambre vise à modifier la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie. Il ne fait pas concurrence à la présente proposition. Il n'y a dès lors aucune objection à ce que les deux dossiers soient examinés séparément.

Une commissaire regrette la méthode de travail adoptée par le gouvernement. Il eût été plus logique d'intégrer, dans la loi Moureaux du 30 juillet 1981, la législation générale antidiscrimination que la proposition de loi à l'examen entend mettre en place. L'intervenante constate que contrairement à ce que soutient la ministre, les deux textes sont liés. Elle en veut pour preuve le fait que la plupart des amendements que le gouvernement a déposés sur la proposition à l'examen mentionnent la race comme base de discrimination.

Selon la ministre, cela n'a pas de sens de vouloir, dans un souci de cohérence, abroger toutes les législations spécifiques qui traitent des discriminations. La proposition à l'examen veut donner des outils généraux pour s'attaquer à l'ensemble des discriminations. Elle ne remet pas en cause des mécanismes spécifiques de lutte contre les discriminations existant déjà dans des domaines particuliers. Ainsi, la loi du 30 juillet 1981 restera d'application pour les discriminations liées au racisme ou à la xénophobie.

Un membre pense que la proposition à l'examen répond à une attente de nombreuses associations luttant pour les droits des femmes, des handicapés, des homosexuels ... qui pourront, grâce aux outils qui sont proposés, lutter plus efficacement contre les inégalités de traitement.

Pour un autre membre, l'on ne peut mettre sur le même pied, au niveau pénal, des dispositions générales antidiscrimination et des infractions à caractère raciste ou xénophobe. L'intervenant, se référant à la loi du 30 juillet 1981, rappelle que celle-ci lie les incriminations pénales à certains domaines spécifiques de la vie sociale.

Par contre, la proposition à l'examen veut instaurer un régime général antidiscrimination sur lequel on greffe des sanctions pénales. L'intervenant doute que la sanction pénale soit la plus appropriée par rapport à la nature des infractions visées, surtout lorsque l'on connaît l'arriéré au sein des parquets. Selon l'orateur, les solutions proposées sont impraticables. Ce sont des « gadgets » politiques. Elles peuvent en outre déboucher sur des abus inquiétants : ne risque-t-on pas de poursuivre, sur la base des textes proposés, des personnes parce qu'elles refusent de suivre le discours considéré comme « politiquement correct » ? La possibilité de telles dérives constitue une menace fondamentale pour la liberté d'expression.

Une précédente oratrice soutient les objectifs de la proposition à l'examen, mais elle a des objections de technique légistique quant à la combinaison des dispositions proposées avec la loi Moureaux du 30 juillet 1981.

L'amendement nº 6 du gouvernement fait, dans une très large mesure, double emploi avec les articles 2 et 2bis de cette loi. On y vise les mêmes choses, en utilisant cependant des libellés différents. Ne serait-il pas plus cohérent d'élargir le champ d'application de la loi Moureaux en y ajoutant de nouvelles bases de discrimination visées dans la proposition telles que l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge, la naissance, la conviction religieuse ou philosophique ... ?

Une membre rappelle que la commission a, dans le passé, décidé de ne pas intégrer la loi générale visant à lutter contre la discrimination dans la loi Moureaux car cette dernière est une législation de nature exclusivement pénale. L'intervenante pense qu'il ne faut pas rouvrir le débat sur ce point.

Un membre pense que le texte à l'examen n'est pas une proposition tendant à imposer un mode de pensée unique tel que certains commissaires l'ont annoncé. L'orateur se dit par ailleurs convaincu que cette législation répond aux attentes d'une partie importante de la population qui s'estime discriminée dans sa vie quotidienne. Lorsque le gouvernement a déposé les amendements nºs 6 à 17, le Centre pour l'égalité des chances a reçu de nombreuses demandes d'information, ce qui prouve l'intérêt très vif que suscite cette matière auprès des citoyens.

Une membre rappelle qu'aux Pays-Bas, la loi contre la discrimination a abouti à des actions en justice contre l'Église et l'enseignement catholique. L'intervenante met en garde contre le risque d'utilisation par le gouvernement arc-en-ciel de la loi antidiscrimination pour s'attaquer à l'Église et à l'enseignement catholique.

En réponse à cette observation, une autre intervenante rappelle que l'amendement nº 8 du gouvernement (doc. Sénat, nº 2-12/6) précise que la présente loi ne s'applique pas à l'organisation interne des cultes et des communautés religieuses.

La ministre signale que la proposition à l'examen est destinée à devenir la législation mère en matière de discrimination. Le cas échéant, les autres législations spécifiques seront à l'avenir adaptées à cette loi générale.

En ce qui concerne la critique de criminalisation généralisée de la discrimination, la ministre fait remarquer que le champ d'application du chapitre II contenant les dispositions pénales est plus restreint que le champ d'application de la loi. Les sanctions pénales impliquent une incitation à la discrimination ou qu'une publicité soit donnée à l'intention de discriminer.

Un précédent orateur rappelle qu'il n'est pas opposé à une législation luttant contre la discrimination qui transpose les directives européennes en la matière. L'amendement nº 6 du gouvernement intègre dans l'article 2 la liste des situations discriminatoires qui, dans la proposition initiale, figurait à l'article 8. En déplaçant cette énumération, le gouvernement lui donne une portée pénale. En effet, l'article 4 de la proposition, que le gouvernement n'entend pas modifier, et qui contient les sanctions pénales, se réfère à l'article 2.

Selon l'intervenant, le gouvernement a, de la sorte, rompu l'équilibre dans la structure de la proposition, plus particulièrement entre les dispositions civiles et pénales. Le champ d'application défini à l'article 2 et la liste des situations discriminatoires interdites sont libellés de façon tellement large qu'il n'est pas acceptable d'y coupler les incriminations pénales visées à l'article 4. Le texte proposé enfreint le principe de légalité.

La ministre s'étonne de cette remarque dans la mesure où le champ d'application proposé dans l'amendement nº 6 est beaucoup plus restreint que le champ d'application de la proposition initiale. Par ailleurs, sur base de l'article 4, seules les incitations à la discrimination sont soumises à des sanctions pénales, ce qui restreint très sensiblement la sphère pénale des textes à l'examen.

Une membre constate que le libellé de l'article 4 de la proposition est très largement inspiré du texte de l'article 1er, alinéa 2, de la loi du 30 juillet 1981 (loi Moureaux) et tend à punir pénalement l'incitation à la discrimination. Par contre, contrairement à ce que prévoit la loi Moureaux, la proposition à l'examen ne contient aucune disposition pénale sanctionnant l'acte discriminatoire en lui-même. Est-ce logique ?

La ministre répond que les sanctions applicables à l'acte discriminatoire sont de nature civile.

Une autre membre met en garde contre les conséquences illogiques de la solution proposée : un étranger qui se verrait refuser l'accès à un café en raison de son origine ethnique serait, en vertu de la loi Moureaux, protégé par des dispositions de nature pénale alors que l'homosexuel, à qui l'accès au même établissement serait refusé en raison de son orientation sexuelle, serait exclusivement protégé par des dispositions de nature civile. L'intervenante plaide pour que les sanctions pénales soient étendues à l'acte discriminatoire.

Amendement nº 1

A. Premier échange de vues

Mme de T' Serclaes et consorts présentent un amendement nº 1 (doc. Sénat, nº 2-12/2) visant à retirer du champ d'application de la proposition les discriminations basées sur le genre.

Une membre demande, en sa qualité de présidente du Comité d'avis pour l'égalité des chances entre les femmes et les hommes, que la discussion de cet amendement soit réservée. Le Comité d'avis procédera à un deuxième examen de la proposition de loi à la lumière des nombreux amendements qui ont été déposés et notamment des amendements nºs 9 et 10 du gouvernement (doc. Sénat, nº 2-12/6). Il est dès lors souhaitable d'attendre les conclusions du Comité d'avis avant d'entamer, au sein de la commission de la Justice, le débat sur la discrimination entre hommes et femmes.

B. Avis complémentaire du Comité d'avis pour l'égalité des chances entre les femmes et les hommes

La présidente du Comité d'avis rappelle que, suite au dépôt d'un amendement tendant à retirer du texte la référence au sexe, ce Comité s'est à nouveau réuni (voir doc. Sénat, nº 2-12/9).

Le rapporteur du Comité d'avis expose que celui-ci maintient l'avis déposé le 2 mai 2000 sur la nécessité d'une législation spécifique relative aux discriminations fondées sur le genre. Cependant, le Comité d'avis prend acte des amendements du gouvernement qui, dans la perspective des deux directives adoptées l'année dernière, rencontrent une série de critiques formulées par le Comité dans son précédent avis, notamment quant au fait que le Centre pour l'égalité des chances ne sera pas compétent pour traiter des plaintes portant sur ce type de discrimination.

Le Comité reste divisé quant au point de savoir s'il faut maintenir dans le champ d'application de la proposition de loi les discriminations fondées sur le genre.

Par contre, le Comité est unanime pour demander au gouvernement la création d'un Institut indépendant pour l'égalité des hommes et des femmes.

Une membre demande quelle est la position du gouvernement sur ce dernier point.

La vice-première ministre et ministre de l'Emploi répond qu'elle est favorable à cette proposition, mais n'a pas encore eu l'occasion d'en débattre avec le gouvernement.

On travaille actuellement à l'harmonisation des compétences de l'institut à créer avec celles du service de l'égalité des chances.

La précédente oratrice demande si cela signifie que l'on transformera simplement, par arrêté royal ou arrêté ministériel, la cellule existant actuellement au sein du ministère, ou si l'on créera véritablement un institut par une loi, comme on l'a fait pour le Centre pour l'égalité des chances, qui est un service créé par la loi auprès du premier ministre, avec toutes les garanties que cela comporte.

La ministre répond que l'intention est de donner une base légale à l'institut, et de le doter de véritables compétences, comparables à celles dont dispose actuellement le Centre pour l'égalité des chances.

Cependant, cette idée doit encore être soumise au gouvernement.

Une membre demande à disposer du texte de la proposition de directive relative à l'égalité de traitement entre hommes et femmes.

Le Parlement européen a donné un avis à ce sujet le 31 mai 2001. Une réunion était prévue à Luxembourg le 11 juin 2001.

L'intervenante aimerait savoir où en est ce texte. Elle espère que la directive sera finalisée dans le cadre de la présidence belge de l'Union européenne, puisqu'elle devrait être mise en oeuvre par les États membres pour fin 2002.

Une membre déclare que, dans la perspective des directives européennes, il faut être prudent quant à la mention des discriminations fondées sur le sexe dans la proposition à l'examen.

Au niveau européen, le critère du genre est repris depuis la dernière révision de la Convention, mais cela équivaut à une révision constitutionnelle.

Si l'on veut aligner la législation belge sur la norme européenne, c'est donc dans la Constitution qu'il faut le faire, par une explicitation du principe de non-discrimination qui y figure. Quant à la mise en oeuvre de ce principe, au niveau européen, on a clairement opté, en ce qui concerne les discriminations fondées sur le sexe, pour une autre voie que celle de la lutte contre les discriminations à l'égard des minorités.

Si l'on veut suivre la même logique au niveau belge, il faut donc prévoir une législation distincte pour les discriminations fondées sur le sexe.

Cependant, si l'on n'opte pas pour ce système, il faut alors prévoir immédiatement, par un amendement à la proposition en discussion, la création de l'Institut pour l'égalité des chances entre les femmes et les hommes, faute de quoi on consacrera un principe sans donner les instruments nécessaires pour l'appliquer, et l'on créera de nouvelles discriminations.

Pour le surplus, l'intervenante n'accepte pas l'argument budgétaire que l'on opposerait à la création de l'institut en question, car elle estime qu'il faut savoir ce que l'on veut : si l'on se fixe comme objectif de lutter contre la discrimination, il faut s'en donner les moyens.

L'auteur de la proposition à l'examen se déclare partisan du maintien de la notion de genre dans la proposition de loi, qui est un texte-cadre.

L'intervenant constate que le Comité d'avis est divisé sur ce point, et que cette division n'est pas liée au genre. À cet égard, il n'y a donc pas de « bons » et de « mauvais » défenseurs de l'égalité.

Quant au traitement spécifique qui devrait être réservé aux discriminations fondées sur le genre, en ce qui concerne les modalités d'exécution de la norme, l'intervenant y reviendra lors de la discussion de l'amendement y relatif.

Amendement nº 2

L'amendement nº 2 du gouvernement (doc. Sénat, nº 2-12/4) qui visait à remplacer le § 2 de l'article 2 est devenu sans objet à la suite de l'amendement nº 6.

Amendement nº 69

M. Vandenberghe et consorts déposent un amendement nº 69 (sous-amendement à l'amendement nº 6 du gouvernement, doc. Sénat, nº 2-12/8), visant à supprimer l'article 2 proposé.

Selon les auteurs, l'amendement nº 6 n'est pas compatible avec le respect d'autres droits et libertés fondamentaux. Le texte proposé est par ailleurs libellé de manière beaucoup trop imprécise, ce qui est inacceptable lorsque l'on sait que des sanctions pénales y sont liées.

Un commissaire constate que la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail offre des garanties quant au respect de la liberté l'association ou d'expression (cf. l'article 4). Alors que des pans entiers de la directive sont transposés ne varietur par les amendements du gouvernement, les dispositions relatives aux garanties des droits et libertés fondamentales sont nettement en retrait par rapport à la directive. Une application aussi sélective de la directive suscite chez l'intervenant une grande méfiance à propos de la rédaction très générale et imprécise de l'article 2 proposé.

La ministre fait remarquer que l'article 4 de la directive n'oblige pas les États membres à restreindre le champ d'application de leur législation nationale antidiscrimination. Ceux-ci ont cependant la possibilité de le faire. Les garanties évoquées par l'orateur précédent sont prévues aux amendements nºs 7 et 8 du gouvernement (doc. Sénat, nº 2-12/6). La ministre estime que le libellé de ces amendements peut éventuellement encore être précisé.

Pour une intervenante, les garanties offertes par les amendements nºs 7 et 8 du gouvernement sont plus larges que celles prévues dans la directive, laquelle limite les exceptions aux domaines de la religion ou des convictions.

Amendement nº 70

M. Vandenberghe et consorts déposent à l'amendement nº 6 du gouvernement un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/8, amendement nº 70), qui est subsidiaire à l'amendement nº 69.

L'auteur principal rappelle que ses amendements doivent être lus à la lumière des considérations générales qu'il a développées précédemment.

L'amendement nº 70 propose de supprimer, au § 1er, les mots « ou indirecte », et de supprimer en outre le § 3.

Il faut rappeler que les auteurs de la proposition lient l'article 2 de celle-ci à l'article 4. Alors que, dans la directive, la notion de discrimination indirecte est limitée au champ du droit du travail, elle reçoit ici une portée générale, et est sanctionnée pénalement dans le cadre de l'article 4.

Dans son avis du 16 novembre 2000, le Conseil d'État affirme explicitement que :

« Dès lors qu'elle contient des dispositions civiles et pénales destinées à s'appliquer directement aux particuliers, l'imprécision de la proposition ne peut être admise. Il convient que les citoyens sachent de manière précise quels sont les comportements qui leur sont interdits. Cette exigence s'impose particulièrement en droit pénal. En vertu du principe de la légalité des incriminations et des peines qui résulte de l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 12, alinéa 2, et 14 de la Constitution, c'est pour le pouvoir législatif, une obligation constitutionnelle de définir les faits qu'il érige en infraction en des termes suffisamment clairs, précis et prévisibles qui ne laissent pas un pouvoir d'appréciation excessif au juge. »

et que

« Le législateur ne peut obliger les citoyens à traduire dans tous les actes de leur vie sociale et dans la manifestation de leurs opinions les conceptions du pouvoir en matière de « lutte contre les discriminations ». Si le législateur peut interdire certains comportements ou la manifestation de certains propos constitutifs de discrimination, encore faut-il que la loi offre les garanties nécessaires à la sauvegarde des autres droits et libertés fondamentales consacrés par la Constitution et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Cela vaut a priori si l'on souhaite également incriminer la discrimination indirecte, telle qu'elle est définie dans l'amendement nº 6 du gouvernement.

Il est inacceptable de vouloir imposer aux citoyens le principe d'une interdiction de distinction dont le contenu concret n'est pas fixé à l'avance; les exigences de but légitime et de proportionnalité ne satisfont pas à la condition de prévisibilité qui doit caractériser une incrimination : elles procèdent, en effet, d'une évaluation par l'intéressé, laquelle fera ensuite l'objet d'une contrôle.

L'ordre juridique belge contient déjà un cadre juridique étendu et fort complet en fait de protection contre la discrimination, tant en ce qui concerne les rapports entre le justiciable et les autorités que les rapports de droit privé.

­ Les articles 10 et 11 de la Constitution prévoient une interdiction générale de discrimination. La violation de cette interdiction peut être attaquée en justice, qu'il s'agisse de règlements et de décisions du pouvoir exécutif ou de lois, de décrets ou d'ordonnance (Cour d'arbitrage).

Par ailleurs, l'interdiction de discrimination est également horizontale et peut s'invoquer dans les litiges entre particuliers. Une violation de cette interdiction constitue, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, un acte illicite au sens des articles 1382 à 1384 du Code civil.

­ L'article 14 de la CEDH garantit la non-discrimination dans la jouissance de l'ensemble des droits et libertés contenus dans la Convention et dans ses protocoles annexes.

L'article 26 du PIDCP prévoit, comme la Constitution belge, une interdiction générale de discrimination.

L'article 14 CEDH comme l'article 26 PIDCP peuvent être invoqués directement devant le juge belge.

L'ordre juridique belge prévoit donc un cadre fort complet et contraignant offrant une protection juridique contre les comportements discriminatoires et sanctionné pleinement en droit privé et en droit constitutionnel.

Une nouvelle initiative législative qui a pour but, parallèlement au cadre juridique existant, de lutter contre les discriminations, doit satisfaire aux principes de bonne législation.

En d'autres termes, pareille initiative ne peut se justifier qu'après une évaluation préalable des mécanismes juridiques existants et une analyse de la nécessité sociale d'améliorer ou de modifier les normes générales en vigueur.

Ni la proposition de loi, ni l'amendement ne mettent en évidence la nécessité sociale d'adopter de nouvelles normes, dont la violation est en outre sanctionnable pénalement. Au demeurant, l'application actuelle des normes qui visent à offrir une protection juridique contre la discrimination ne montre absolument pas qu'il y ait des raisons majeures plus spécifiques d'instaurer une disposition pénale générale. Il n'apparaît pas davantage que la Justice dispose des instruments lui permettant de faire respecter cette norme pénale générale.

En conséquence, les auteurs du présent amendement sont convaincus, comme le Conseil d'État, qu'une incrimination de diverses formes de discrimination est inacceptable.

Ce raisonnement vaut a priori pour ce qui est appelé la « discrimination indirecte ». C'est pourquoi il faut supprimer cette disposition dans l'article 2 proposé.

Pour le reste, l'intervenant a déjà insisté sur les dispositions générales qui interdisent la discrimination, et qui montrent que le texte doit être replacé dans un contexte plus large.

Amendement nº 58

Une membre renvoie aux divers amendements déposés en la matière, et notamment à l'amendement nº 58 déposé par Mme Van Riet et consorts (doc. Sénat, nº 2-12/7) en vue de répondre à la remarque formulée par le Conseil d'État.

Il est proposé de compléter l'article par un paragraphe, indiquant que le premier tiret du § 1er n'est pas applicable aux exigences qui sont raisonnables au vu du caractère privé des circonstances.

La législation antidiscrimination néerlandaise reprend une disposition similaire.

L'exemple classique en la matière est celui d'une dame âgée qui souhaite donner en location une chambre de la maison qu'elle occupe à une femme ayant plus ou moins le même âge qu'elle. Cela constitue dans son chef un souhait légitime, et ne peut être interprété comme une discrimination à l'égard des hommes ou des femmes plus jeunes.

L'auteur principal indique toutefois que ce sous-amendement sera retiré, car il se retrouve dans le texte proposé à l'amendement nº 116, et plus précisément dans la notion de « justification objective et raisonnable » (voir infra).

Le précédent orateur répond que l'amendement nº 58 ne porte que sur un point limité de l'article 2. La critique que formule l'intervenant a au contraire une portée générale. Il estime que la notion de discrimination indirecte est beaucoup trop vague pour être opérationnelle en droit pénal.

L'article 4 est mis en liaison avec l'article 2. Il faut donc savoir avec précision, à l'article 2, quel est le champ d'application pour pouvoir déterminer ce qui, à l'article 4, est punissable ou non.

L'article 2 contient une série de dispositions qui, en elles-mêmes, pourraient figurer dans la loi mais, par le lien que l'on opère avec l'article 4, elles acquièrent une autre dimension.

Une membre se rallie à l'idée du précédent intervenant, dont l'amendement met à juste titre en évidence les problèmes que soulève le lien opéré entre l'article 2 et l'article 4. La notion de discrimination indirecte existe en droit européen et doit dès lors apparaître dans le texte. Cependant, il faut rappeler qu'en droit européen, elle ne concerne que le domaine du droit du travail, alors qu'ici, on lui donne une portée très générale.

L'auteur de la proposition de loi fait observer que celle-ci doit être lue dans son ensemble, et fait clairement la distinction entre dispositions civiles et pénales.

Une membre est d'avis que la ligne de conduite doit être la transposition des directives. Elle rappelle que celles-ci sont au nombre de deux.

L'une concerne l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail. La proposition de loi à l'examen et les amendements du gouvernement ont dès lors une connotation marquée de droit social, ce dont l'intervenante se réjouit.

Toutefois, cela peut entraîner une certaine incohérence par rapport à d'autres domaines, car on ne peut appliquer à l'ensemble du droit l'originalité du droit social.

C'est déjà ce que disait le Centre pour l'égalité des chances dans son avis sur la proposition en discussion.

Il y a également une nouvelle directive sur le principe de l'égalité de traitement, qui concerne plus spécifiquement la race et l'origine ethnique, et mentionne effectivement les notions d'égalité de traitement et de discrimination directe et indirecte.

Par nature, les directives n'indiquent pas quelles sanctions doivent être prises puisque celles-ci appartiennent à l'ordre juridique national.

L'intervenante répète que le texte proposé va trop loin en ce qui concerne les sanctions pénales, voire civiles; en effet, la portée de ces sanctions est excessivement large, et constitue une innovation.

Le précédent intervenant répond qu'à son estime, le champ d'application est clairement défini à l'article 4.

Une membre fait observer que l'article 2 est modifié par amendement, alors que l'article 4 se réfère encore à l'ancienne version de l'article 2. L'un de ces deux textes doit dès lors être adapté.

Une autre membre se déclare opposée à la suppression de l'article 2, car la proposition de loi serait ainsi vidée de sa substance. Mais il est vrai que le texte mérite d'être affiné. L'intervenante annonce le dépôt d'un amendement en ce sens.

La loi Moureaux a, elle aussi, introduit dans la sphère pénale des comportements qui ne s'y trouvaient pas auparavant.

La présente proposition vise de nouvelles formes de discrimination, dont l'intervenante ne peut accepter qu'elles soient exclues du champ pénal.

La directive européenne en matière d'égalité de traitement et de lutte contre la discrimination prévoit en effet que les sanctions doivent être fixées par les États membres de façon efficace, proportionnée et dissuasive.

S'il n'y a pas de sanctions pénales, dans quelle mesure pourra-t-on agir de façon efficace et dissuasive ?

En ce qui concerne l'article 4, l'intervenante annonce également le dépôt d'un amendement. En effet, cet article ne punit que le délit d'opinion, la manière de penser discriminatoire ou raciste, et l'incitation, mais non l'acte lui-même, ce qui, aux yeux de l'intervenante, est insuffisant.

L'auteur principal de l'amendement nº 70 rappelle qu'il n'est pas opposé au maintien d'un article 2, où l'on vise la discrimination tant directe qu'indirecte.

Ce qui, à ses yeux, pose problème, est le lien que l'on établit avec une disposition pénale à l'article 4, et qui a pour conséquence que d'autres critères doivent être appliqués à la définition de l'article 2.

L'intervenant renvoie au dernier alinéa du § 1er de l'article 2 proposé, qui interdit toute discrimination directe ou indirecte, lorsqu'elle porte sur « tout autre exercice normal d'une activité économique, sociale, culturelle ou politique. »

Cette disposition est reliée à l'article 4 dont les sanctions s'appliquent d'ailleurs, dans l'immense majorité des cas, à des infractions à l'article 2, § 1er.

Vu la généralité du texte, cela revient à faire de l'incorrection politique un délit, alors que ce comportement n'est en rien assimilable à l'incitation au racisme ou à la xénophobie.

En démocratie, un débat public doit pouvoir être mené, et il ne faut pas vouloir systématiquement sanctionner tous les comportements dissidents.

L'intervenant renvoie en outre à la définition de la discrimination indirecte : « ... une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre ... »

Ainsi, même un comportement apparemment neutre pourrait être considéré comme discriminatoire; cela pourrait s'appliquer à une activité politique, qui serait sanctionnée pénalement parce qu'elle est publique et est considérée comme une incitation visée à l'article 4.

L'on introduit donc des dispositions dont le champ d'application est énorme, et l'on y relie des sanctions pénales, créant ainsi des délits nouveaux qui criminalisent la discussion politique et l'ensemble de la vie sociale, ce qui, aux yeux de l'intervenant, constitue une menace pour les droits et libertés des citoyens.

On peut en effet avoir des divergences d'opinion sur ce qui est discriminatoire ou non (par exemple le fait d'être pour ou contre le mariage des homosexuels).

Le ministre de la Justice renvoie au protocole nº 12 additionnel à la CEDH, qui a pour objet de lutter contre toutes les formes de discrimination.

Il souligne qu'alors que l'article 14 de la CEDH n'avait pas d'existence indépendante, et devait donc toujours se combiner avec un autre article de la convention, le protocole indique que c'est la jouissance de tout droit prévu par la loi qui doit être assurée sans discrimination aucune. Cela ne concerne pas seulement les droits civils et politiques, mais aussi les droits sociaux et économiques.

La protection qui sera offerte concernera la jouissance de tout droit accordé à l'individu par le droit national.

Le protocole règle les relations entre l'État et les citoyens. Il n'est cependant pas acquis que ce protocole ne s'applique pas aux relations interpersonnelles.

Le protocole a déjà été signé par la Belgique, mais n'est pas encore ratifié.

Une membre estime, à la lecture de l'article 1er, que le protocole concerne uniquement l'intervention des autorités publiques.

L'auteur principal de l'amendement nº 70 estime que ce protocole montre que l'application du principe de non-discrimination dans le secteur public, et son application dans le secteur privé sont deux problèmes distincts.

La discrimination commise par un magistrat, un policier, ou un fonctionnaire est d'une toute autre nature qu'une discussion politique sur ce qu'est une discrimination, ou qu'une discrimination dans le secteur privé, en raison de l'autonomie des différents secteurs de la société.

L'intervenant estime donc que travailler de façon « linéaire », par des mesures générales, n'est pas indiqué.

Une membre déclare qu'il faut se mettre d'accord sur ce qui doit être réprimé, comme l'injure ou l'incitation à la haine, et ce qui, au contraire, relève du débat démocratique et de la diversité des opinions, même si celles-ci peuvent paraître dérangeantes. L'intervenante partage le point de vue d'un précédent orateur, selon lequel il faut éviter que tout ce qui ne paraît pas « politiquement correct » puisse faire l'objet d'une action en justice.

La ministre de l'Emploi renvoie à l'avis du Conseil d'État, qui indique que ce qui importe, c'est que le citoyen sache exactement ce qu'il risque comme sanctions pénales.

L'article 4 de la proposition à l'examen paraît assez clair, puisqu'il punit l'incitation à la discrimination, en renvoyant, pour la définition de celle-ci, à l'article 2.

Le problème est celui de l'intention et du dol général en droit pénal.

D'ailleurs, on peut considérer que la loi Moureaux réprime elle aussi une discrimination indirecte (« ... il y a lieu d'entendre par discrimination toute distinction, exclusion, restriction, préférence ayant ou pouvant avoir pour but ou pour effet de détruire, de compromettre... »).

La disposition proposée dans le texte à l'examen peut se lire selon la même logique.

L'auteur principal de l'amendement nº 70 demande un exemple clair d'incitation à la discrimination indirecte, telle que définie. Si l'on lit l'article 444 du Code pénal en parallèle avec l'article 2, § 1er, on s'aperçoit que ces deux textes se recoupent très largement, à l'exception des entreprises de vente par correspondance.

Ce que l'on fait en réalité, c'est coupler la disposition pénale de la loi sur le racisme et la xénophobie à la définition de l'article 2, et introduire de ce fait le délit d'opinion.

Un membre pense, comme une précédente intervenante, que la question est de savoir si l'État doit ou non intervenir dans la régulation des discriminations, et s'il faut laisser à la société civile la régulation naturelle des opinions qui s'expriment.

Dans la présente discussion, on présente l'article 13 du Traité d'Amsterdam, traduit dans la proposition de loi à l'examen et les amendements du gouvernement, comme une disposition générale instituant une sorte de police de la pensée.

L'intervenant rappelle qu'en vingt ans d'application, la loi Moureaux n'a jamais conduit à poursuivre pénalement, par exemple, ceux qui déclarent être opposés au droit de vote des étrangers.

Il ne s'agit pas ici de « cadenasser » le débat démocratique, que ce soit dans la sphère politique ou la société civile, mais bien de réprimer l'incitation à la discrimination, à la haine ou à la violence dans l'une des circonstances indiquées par l'article 444 du Code pénal.

Si l'on fait des dispositions proposées une autre lecture, la discussion peut s'étendre à l'infini, car n'importe quelle affirmation qui rentre dans le champ d'application de l'article 2 serait susceptible d'une action en justice. Cela serait absurde, et ne correspondrait en rien à ce qu'ont voulu les États européens en ratifiant l'article 13 du Traité d'Amsterdam.

Une membre demande si le texte porte atteinte à la liberté d'un directeur d'école de choisir tel candidat plutôt que tel autre pour un poste de professeur, en se fondant sur l'un des critères visés.

L'auteur principal de la proposition à l'examen rappelle qu'il existe un statut de l'enseignement libre, un statut de l'enseignement officiel subventionné, et un statut de l'enseignement officiel, qui fixent des critères d'ordre public. Des restrictions à la liberté d'engagement existent, qui sont liées au statut.

Par ailleurs, le caractère répétitif de l'attitude incriminée doit également être pris en compte.

Une membre signale que, dans le Limbourg, certains enseignants d'école maternelle, d'origine turque ou marocaine, ne sont pas acceptés dans le réseau libre, en raison du fait qu'ils proviennent d'un milieu musulman. Cela constitue une forme de discrimination.

Inversement, il y a à Anvers une école islamique où des Belges sont enseignants.

Cet aspect des choses devrait être visé par le texte.

L'article 4 proposé ne reprend qu'une partie de la directive européenne, ce qui permet aux institutions organisatrices d'opérer des discriminations pour des motifs religieux.

Une autre membre pense qu'il s'agit ici d'un point crucial. Les écoles libres sont subsidiées mais, en vertu de la Constitution, l'enseignement est libre, ce qui signifie que ces écoles peuvent proposer un projet éducatif. Ce n'est pas parce qu'elles sont subsidiées qu'elles perdent leur liberté.

La question est de savoir ce que sont les organisations libres et les choix privés.

Ainsi, il est compréhensible que Greenpeace recrute des écologistes convaincus. De même, à la VUB, les personnes engagées doivent signer la charte du libre examen.

L'intervenante ne considère pas cela comme une discrimination, pour autant que cela se passe dans la clarté, et que l'organisation libre dont il s'agit agisse pour la défense de l'opinion en question.

Il paraît normal qu'une école catholique s'efforce d'organiser un enseignement catholique.

La question n'est pas de savoir si l'on est subsidié ou non, mais bien s'il s'agit d'une institution publique ou d'une organisation libre.

Une membre estime qu'il ne faut pas interpréter la proposition de loi comme visant le réseau d'enseignement catholique.

Il faut disposer d'un instrument en vue d'empêcher et de réprimer les discriminations, notamment à l'embauche.

On peut être discriminé pour toutes sortes de motifs, par exemple parce que l'on est une femme.

La proposition de loi constitue une partie de la politique d'émancipation à mener en la matière.

Un intervenant se demande si le fait, pour un établissement du réseau libre, de refuser d'engager un enseignant en raison de son homosexualité affichée tombe sous le coup de la proposition de loi.

Un autre membre répond que la question se pose en effet. La différence que l'on opérerait sur cette base est-elle ou non justifiée ?

Le respect du principe de non-discrimination est d'un autre ordre dans le chef d'organisations privées que dans celui d'institutions publiques.

L'autorité publique ne peut imposer à une organisation privée d'engager une personne qui combat les objectifs qu'elle poursuit, car cela serait contraire à la liberté l'association.

Il existe une exception dans la directive, mais elle n'a pas été entièrement retenue. L'intervenant y reviendra plus tard.

À propos de la question d'un précédent intervenant sur l'engagement d'un homosexuel, une membre renvoie au statut de l'enseignement libre qui est muet sur le sujet, sauf que les pouvoirs organisateurs et les écoles doivent respecter la vie privée.

L'interprétation la plus généralement admise est que la sexualité est un élément de la vie privée.

Autre chose est la liberté d'un pouvoir organisateur de vérifier que le candidat répond au projet pédagogique de l'établissement.

L'auteur principal de la proposition de loi rappelle les problèmes qui se sont posés voici une dizaine d'années dans l'enseignement libre, où des professeurs avaient été licenciés parce qu'ils étaient divorcés.

Quant à la proposition de loi, elle n'a nullement pour objet de créer un délit d'opinion.

Une membre renvoie à la circulaire européenne en voie d'élaboration, et en particulier à son point nº 23, que l'intervenante souhaiterait voir prendre en considération dans la suite de la discussion :

« Dans un nombre très limité de circonstances, une différence de traitement peut être justifiée lorsqu'une caractéristique liée à la religion ou aux convictions, à un handicap, à l'âge ou à l'orientation sexuelle constitue une condition essentielle et déterminante pour pouvoir exercer une profession, pourvu que le but soit légitime et que la condition lui soit proportionnée. (Traduction). »

Un autre membre estime que l'amendement nº 7 du gouvernement rencontre en partie cette préoccupation.

Il ajoute que la proposition vise les cas où le refus d'accéder à un emploi, de donner un logement en location, ... sont exclusivement motivés par les critères actuellement repris dans la loi contre le racisme, et dans la proposition de loi.

La liberté d'engagement reste donc l'élément central, mais un employeur ne peut motiver un refus d'engagement exclusivement par l'un de ces critères.

Quant à la discrimination indirecte, elle se produit lorsqu'une règle apparemment neutre a pour effet de limiter l'accès, par exemple à une formation ou à un emploi, à une catégorie particulière de la population. Ainsi, lors des examens d'accès à la gendarmerie, on a constaté un blocage par rapport aux populations d'Afrique noire, parce que les tests à l'embauche étaient culturellement chargés.

On vise donc des situations extrêmement précises. Il ne s'agit en aucun cas de réglementer, dans la logique des quotas à l'américaine, l'ensemble de la vie économique et sociale du pays.

Un précédent orateur rappelle que l'article 4 de la proposition, au sujet duquel aucun amendement n'est proposé, renvoie à l'article 2 qui, lui, fait l'objet d'un amendement tendant à le remplacer intégralement.

À l'origine, l'article 444 a été créé pour réprimer la calomnie, notamment dans les cas où l'on a formulé contre une personne des accusations dont on ne peut apporter la preuve.

Lorsque des accusations sont formulées dans les circonstances définies à l'article 444 (non seulement en public, mais aussi dans des lieux assimilés à des lieux publics), l'auteur est passible d'une peine.

L'article 444 a été utilisé dans la loi Moureaux, mais dans une interprétation plus stricte que celle qui sous-tend l'article 2 proposé.

C'est l'article 2 qui définit le champ d'application du texte, y compris en ce qui concerne l'exercice de droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels.

Les auteurs affirment qu'ils visent uniquement l'incitation, mais l'enseignement peut lui aussi être considéré comme une incitation, tout comme les sermons prononcés du haut d'une chaire.

En assimilant la discrimination indirecte au racisme, à la xénophobie et au négationnisme, on banalise ceux-ci.

Amendement nº 18

Mme Kaçar dépose à l'amendement nº 6 un sous-amendement (doc. Sénat nº 2-12/7, amendement nº 18) qui vise à définir de manière la plus complète l'interdiction de toute forme de discrimination.

Il est proposé de viser non seulement la fourniture, mais aussi l'offre de services, ainsi que la rédaction et l'exécution des conditions de travail (ex. les handicapés, qui souhaitent bénéficier d'un examen adapté lorsqu'ils postulent un emploi).

Le sous-amendement propose en outre de viser, au cinquième tiret, la nomination ou la désignation d'un fonctionnaire à un service public.

Enfin, il est proposé de supprimer, au dernier tiret, le mot « normal », qui risque de donner lieu à des interprétations restrictives.

Une membre souligne que le dernier tiret en question est formulé de façon extraordinairement large.

L'auteur de l'amendement répond que cette disposition a été insérée pour remédier au risque inhérent à une liste limitative, et est corrigée par l'article suivant.

Pour le surplus, il faut s'en remettre à la sagesse des tribunaux, qui ne manqueront pas d'appliquer ce texte avec prudence.

La précédente oratrice observe que dorénavant, le juge pénal pourra porter une appréciation sur des activités politiques, non seulement celles d'extrême-droite, mais aussi celles des partis démocratiques.

L'auteur de l'amendement ne voit pas pourquoi il faudrait l'exclure, s'il y a matière à plainte individuelle.

Un précédent orateur constate que le simple usage de mots est punissable, même s'il n'est pas suivi d'actes.

Or, il n'y a pas que la liberté d'opinion qui est en principe garantie par l'article 10 de la CEDH, mais aussi la liberté d'expression.

La jurisprudence de la Cour européenne au sujet de cet article est claire.

« Les dispositions qui ont pour effet de restreindre la liberté d'opinion et la liberté d'expression ne sont admissibles qu'aux fins particulières visées au § 1er de l'article 10, si la stricte nécessité sociale de la mesure envisagée a été démontrée. » (traduction)

Tout d'abord, de façon générale, l'intervenant attend toujours qu'on lui démontre, sur base d'éléments objectifs, l'urgence sociale qu'il y a à adopter, dans notre pays, une loi pénale générale, ayant potentiellement le champ d'application défini à l'article 2 de la proposition.

La nécessité de dispositions pénales plus strictes est démontrée en matière de criminalité organisée, de car-jackings, de traite des êtres humains.

Mais il n'est nullement établi que, dans notre pays, l'ampleur du phénomène de l'incitation à la discrimination contraindrait le législateur à prendre les mesures pénales envisagées.

Le dernier tiret de l'article 2 rend la loi applicable à toutes les activités humaines, qui sont ainsi toutes placées sur le même pied, qu'il s'agisse de l'exercice d'un service public, d'une relation entre deux particuliers ou de l'exercice d'une activité politique.

L'intervenant renvoie à l'arrêt Jérusalem (du nom d'une femme politique autrichienne) versus Autriche, rendu le 28 février 2001 par la Cour européenne.

Les procès de ce type sont fréquents en Autriche, en raison du fait que la législation en matière de calomnie et de diffamation y est beaucoup plus stricte que la nôtre.

Selon l'arrêt, la répression ou la limitation de la liberté des politiques d'émettre des opinions et des avis n'est admissible que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles.

Comment ceci est-il conciliable avec la formule « catch all » du dernier tiret de l'article 2, spécialement en ce qui concerne les activités politiques ?

Cette formule ne respecte pas l'autonomie de la société civile et politique, et est contraire à l'article 10 CEDH.

L'auteur principal de la proposition de loi estime que l'interprétation des articles de la CEDH mérite un débat, et que celui-ci est nécessairement passionné.

L'intervenant s'accorde avec l'idée qu'il faut avoir égard à la liberté d'opinion et d'expression. Cependant, il ne faudrait pas que l'ensemble des secteurs énumérés au dernier tiret de l'article 2 soient totalement exclus du champ d'application de la proposition, même si le texte mérite peut-être d'être précisé.

En ce qui concerne les activités politiques, il existe déjà des restrictions dans certaines législations.

Par ailleurs, chaque fois qu'il s'est agi de discuter de la manière de combattre les discours antidémocratiques, on a invoqué l'argument selon lequel on ne pouvait rien faire en l'absence de loi.

Il est vrai qu'il faut être attentif à ce qu'une législation qui tend à réprimer les discours antidémocratiques n'ait pas pour effet pervers d'empêcher le débat démocratique d'avoir lieu.

Cependant, indépendamment de la liberté d'expression et d'association, il faut pouvoir agir contre un programme politique qui ferait l'apologie d'une discrimination.

Amendement nº 83

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/10, amendement nº 83, sous-amendement à l'amendement nº 6), qui vise à remplacer le § 1er. L'amendement est la transposition correcte de la directive européenne du 27 novembre 2000, conformément au champ d'application prévu dans ladite directive.

L'un des auteurs déclare que le champ d'application de cette directive est identique à celui de la directive du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique, à quelques exceptions près. C'est ainsi que le champ d'application de cette dernière directive comprend en outre 1) la protection sociale, 2) les avantages sociaux, 3) l'éducation et 4) l'accès aux biens et services et la fourniture de biens et services, à la disposition du public, comme autant de secteurs dans lesquels toute discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique est interdite. Ce vaste champ d'application se justifie évidemment compte tenu du motif spécifique de discrimination en raison de la race ou de l'origine ethnique; il ne peut cependant pas être étendu sans plus aux autres motifs de discrimination prévus dans la proposition de loi.

Voilà la raison pour laquelle seuls l'accès aux biens et services et la fourniture de biens et services à la disposition du public sont repris dans la loi à l'examen.

La transposition des autres dispositions de la directive du 29 juin 2000 devra dès lors être opérée dans le cadre d'une législation spécifique interdisant toute discrimination en raison de la race ou de l'origine ethnique.

Une membre signale que son amendement nº 30B (doc. Sénat, nº 2-12/7) concerne le même sujet (voir infra).

La ministre de l'Emploi relève que rien n'empêche les États d'aller plus loin que la directive européenne. Les États peuvent parfaitement étendre le champ d'application de la directive à d'autres secteurs.

La préopinante souscrit à cette remarque, mais elle souligne que le texte de l'amendement gouvernemental n'est pas assez précis. Les mots « tout autre exercice normal d'une activité économique, sociale, culturelle ou politique » sont beaucoup trop vagues. Le mot « normal » n'est pas un terme juridique.

La ministre explique que le gouvernement s'est basé sur la réalité, c'est-à-dire la jurisprudence des cours et tribunaux en matière de répression du racisme. Malgré la législation qui permet de réprimer des comportements racistes, les cours et tribunaux adoptent une attitude très prudente en la matière. Le gouvernement est parti de la constatation que l'on ne poursuit pas facilement les comportements racistes. Il s'est donc préoccupé de définir la notion de discrimination de manière à contrer la tendance à une trop grande prudence et à une trop grande réserve dans la répression des infractions en question. C'est ainsi que le champ d'application est défini le plus largement possible, pour permettre de réprimer toute discrimination dans tous les secteurs de la vie sociale. On peut craindre que cette formulation large ne donne lieu à un usage excessif et à une application trop stricte de la législation. Il va de soi que le gouvernement n'a pas l'intention de faire obstacle à l'exercice normal de la liberté d'opinion; il faut dès lors formuler les choses différemment et prévoir explicitement que les comportements légitimes ne peuvent pas être réprimés sur la base de cette disposition.

L'auteur principal de la proposition de loi estime que cette disposition a pour but de préciser qu'il ne peut pas y avoir de secteur au sein duquel existe une discrimination comme celle qui est décrite. Il faut formuler les choses de manière à préciser la portée de la législation antidiscriminatoire.

Un membre souligne que la loi pénale s'interprète de manière restrictive. Il est donc inutile de renvoyer à l'intention du ministre et à l'application que peut faire le juge. Seul le texte même compte.

En ce qui concerne les termes « incite à la discrimination » (article 4), l'intervenant renvoie à un arrêt de la Cour de cassation du 19 mai 1993 relatif à l'application de la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie. Cet arrêt fait une lecture très large de la notion d'« incitation » et énonce que, pour que la loi précitée soit applicable, il n'est pas nécessaire que l'incitation à la ségrégation ou à la haine raciale concerne des actes concrets, déterminés ou déterminables. Il suffit que des allocutions ou des écrits amènent un public à commettre ces actes. On peut citer par exemple un jugement du tribunal correctionnel de Louvain du 19 septembre 1997, à propos d'une altercation survenue à la suite d'un accrochage entre un chauffeur belge et un chauffeur d'origine turque et lors de laquelle ce dernier a fait l'objet d'injures racistes. Le tribunal estime que les termes utilisés ne constituent pas seulement des injures mais contiennent aussi une incitation à la haine et à la discrimination en raison de la couleur de la peau ou de l'appartenance ethnique. L'expression de l'opinion peut donc être interprétée en soi comme une incitation à la discrimination.

La ministre répond que l'arrêt de la Cour de cassation constitue un cas plutôt exceptionnel d'interprétation large des dispositions réprimant le racisme.

Il convient en outre de tenir compte du fond de l'affaire. Dans cette affaire, l'intéressé avait distribué un tract intitulé « immigration = invasion ». Le juge du fond n'avait pas considéré le fait comme une incitation à la haine raciale, en raison de son caractère trop vague. La Cour de cassation en a jugé autrement. On ne peut toutefois prétendre d'une manière générale que la Cour de cassation adopte une interprétation très large du terme « incitation ».

Le préopinant renvoie aux attendus en droit de la Cour de cassation : « Attendu que pour décider qu'il n'y a pas lieu de poursuivre les défendeurs, inculpés du chef d'infraction aux articles 1er, alinéas 2 et 3, de la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie, l'arrêt énonce que le comportement envisagé par la loi « est punissable dans le chef de ses auteurs lorsqu'il traduit leur volonté manifeste d'amener un public ou tel individu à commettre des actes précis de racisme ou de xénophobie », et que le comportement des défendeurs « tend à inviter (le public) à des comportements généraux (...) et nullement à des actes concrets, déterminés ou déterminables »; qu'ainsi l'arrêt ajoute à la loi une condition qu'elle ne contient pas, et ne justifie pas légalement sa décision. » Selon la Cour, une remarque générale à caractère xéonophobe ou raciste suffit pour que son auteur tombe sous le coup de la loi. Il ne doit donc pas s'agir d'un comportement concret et réel.

Amendement nº 82

M. Vandenberghe et Mme de Schamphelaere déposent l'amendement nº 82A (doc. Sénat, nº 2-12/10, sous-amendement à l'amendement nº 6), visant à faire du § 1er le § 3 : il importe de donner d'abord une définition des notions de discrimination directe et indirecte, avant d'instaurer une interdiction faisant usage de ces notions.

Afin d'éviter toute imprécision juridique, le B et le C du même amendement font débuter les §§ 1er et 2 par les mots « Pour l'application de la présente loi, il y a discrimination ... ».

Amendement nº 30A

Un membre estime que l'amendement nº 6 est formulé de manière trop large. Il faudrait au moins renvoyer au § 2. Mme Nyssens dépose à cet effet l'amendement nº 30A qui tend à remplacer la première phrase du § 1er par ce qui suit : « Toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur l'un des motifs visés au § 2, est interdite lorsqu'elle porte sur : »

Amendement nº 60

Mme de T' Serclaes renvoie à son amendement nº 60 (doc. Sénat, nº 2-12/8, sous-amendement à l'amendement nº 6) tendant à réécrire le texte de l'article 2 en vue d'en améliorer la lisibilité. Le sous-amendement proposé reprend les dispositions européennes en la matière. Cela permettra d'améliorer la sécurité juridique.

L'intervenante souhaiterait néanmoins obtenir quelques précisions concernant le quatrième tiret proposé, où il est question des mentions qui doivent figurer dans une pièce officielle. Qu'entend-on au juste par « pièce officielle » ? Elle se réfère, par exemple, à la carte d'identité, qui doit porter obligatoirement certaines mentions et, notamment, celle du sexe. Voilà pourquoi elle ajoute dans son amendement qu'il est interdit d'opérer une discrimination dans une mention dans une pièce officielle, sauf si elle est expressément prescrite par la loi. Les mots « tout autre exercice normal d'une activité économique, sociale, culturelle ou politique » (dernier tiret de l'amendement nº 6) ne sont pas repris dans son amendement. Leur portée n'est en effet pas tout à fait claire. Cette disposition ne fait-elle pas aussi double emploi avec celle du tiret précédent ?

La ministre semble partager l'avis selon lequel il est préférable de baser les formulations sur celles de la directive européenne. Ces observations seront examinées plus loin.

La remarque concernant les mentions qui doivent figurer obligatoirement dans un procès-verbal paraît elle-même fondée à première vue. L'intervenante renvoie certes à cet égard à l'amendement nº 10 du gouvernement (doc. Sénat, nº 2-12/6) qui tend à insérer une disposition générale selon laquelle la loi ne porte pas atteinte à la distinction qui est faite par ou en vertu de tout(e) autre loi, décret ou ordonnance (voir infra, article 3quater nouveau).

L'auteur principal de la proposition de loi souligne qu'il faut garder clairement à l'esprit qu'il existe une distinction entre « différence » et « discrimination ». Le fait de mentionner le sexe sur la carte d'identité ne constitue évidemment pas une discrimination. Les mêmes éléments peuvent toutefois devenir discriminatoires dans d'autres documents officiels et, notamment, dans les procès-verbaux des forces de l'ordre. C'est ainsi que l'on peut aussi se demander s'il convient de mentionner, par exemple, la répudiation sur une carte d'identité.

L'intervenant estime aussi qu'il faut être prudente si l'on veut renverser la structure de l'article 2. Il faut veiller à ne pas donner à penser, qu'il existe aussi de bonnes discriminations. L'intervenant renvoie à une observation générale similaire du Conseil d'État concernant le texte initial.

Une intervenante précédente répète que la volonté de réécrire l'article 2 n'est inspirée que par le souci d'améliorer sa lisibilité. Le but n'est nullement d'en modifier le contenu.

Amendements nºs 30B, 74 et 75

L'amendement nº 30B (doc. Sénat, nº 2-12/7) de Mme Nyssens vise à remplacer l'énumération du § 1er proposé. L'auteur déclare qu'elle reprend, ratione materiae, le champ d'application des deux directives européennes relatives à l'égalité de traitement. L'intervenante renvoie aussi à son amendement nº 74 (doc. Sénat, nº 2-12/10), qui complète l'énumération prévue par l'amendement nº 30.

Il n'est question ni de la mention dans un procès-verbal ni de la diffusion, étant donné qu'elles ne relèvent pas du champ d'application ratione materiae. Il en est question dans un nouvel alinéa (voir amendement nº 75 du même auteur ­ doc. Sénat, nº 2-12/10).

La ministre souligne que l'on vise aussi l'action de diffuser.

Il est exact que l'amendement du gouvernement ne reprend pas certains éléments du champ d'application des directives européennes. Il faut en chercher la raison au dernier tiret, qui vise tout autre exercice normal d'une activité économique, sociale, culturelle ou politique. Cette disposition est une « porte de secours » pour le cas où l'on aurait omis l'un ou l'autre secteur. Cela explique l'importance dudit tiret.

Deux membres objectent que l'un se trouve en l'espèce dans le domaine du droit pénal. Le principe de la légalité des peines ne permet pas de « portes de secours ». Les infractions doivent être définies de manière précise.

En ce qui concerne l'amendement nº 74, qui vise à compléter l'énumération en y ajoutant la protection sociale, les avantages sociaux et l'enseignement, un membre attire l'attention sur le risque d'un problème de compétence vis-à-vis des communautés.

Un membre estime que les amendements nºs 6 et 75 vont trop loin, dans la mesure où l'interdiction est applicable quelle que soit la méthode utilisée; un signe suffit. L'adoption de cet amendement rendrait le champ d'application illimité.

Un autre membre demande si la disposition qui élargit l'interdiction à la diffusion, à la publication, ou à l'exposition en public d'un texte, d'un avis, d'un signe ou de tout autre support comportant une discrimination, est nouvelle.

La ministre renvoie à la définition de la discrimination.

La définition actuelle vise toute distinction fondée sur un certain nombre de critères.

Il faudrait peut-être revoir cette définition en tenant compte des critiques.

Amendement nº 84

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent l'amendement nº 84 (doc. Sénat nº 2-12/10, sous-amendement à l'amendement nº 6) qui vise à compléter le premier tiret du § 1er par les mots « à la disposition du public ».

La proposition de loi interdit, sans aucune limite, toute forme de discrimination à l'occasion de la fourniture de biens et de services. Le Conseil d'État a lui aussi estimé que le champ d'application de la proposition de loi ­ puisqu'il s'étend aussi maintenant, aux relations privées ­ est trop large, en ce sens que le citoyen sera dans l'impossibilité de déterminer avec suffisamment de certitude si un comportement déterminé constitue une discrimination au sens de la proposition de loi.

C'est pourquoi il est souhaitable de limiter le champ d'application aux bienst et aux services à la disposition du public, conformément à la Directive européenne du 29 juin 2000.

Amendements nºs 64 et 65

Mme Staveaux dépose les amendements nºs 64 et 65 (doc. Sénat, nº 2-12/8), qui visent à supprimer, à l'article 2, § 1er, le dernier et l'avant-dernier tiret.

L'intervenante fait référence à la liberté d'expression qu'il y a lieu de respecter. Elle a l'impression que la loi proposée vise surtout à éliminer certains partis politiques.

En ce qui concerne l'avant-dernier tiret, elle estime qu'on ne voit pas très bien ce que signifie le mot « signe ». On n'exige pas qu'il y ait eu un effet dommageable ou offensant.

Amendement nº 85

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent l'amendement nº 85 (doc. Sénat, nº 2-12/10), qui vise également à supprimer le septième tiret.

Un des auteurs demande si la loi en projet sera applicable aux services de sécurité nationaux, qui dressent toutes sortes de listes secrètes basées sur des critères déterminés (voir l'incrimination des fonctionnaires à l'article 4).

La formulation de cette disposition est trop vaste. L'idée est que le caractère disciminatoire ne ressortira pas de l'utilisation d'un signe, mais du contexte dans lequel il est utilisé. Il s'agit d'une discrimination qualifiée, mais cela n'apparaît pas dans le texte. Comme le relève le Conseil d'État, « il ne résulte ni du texte de la proposition ni de ses développements que des opinions, plaisanteries ou caricatures ne pourraient être considérées comme étant une incitation à la discrimination ou la manifestation d'une intention de recourir à la discrimination ». Le texte est trop général. On instaure la notion fourre-tout de « bonnes moeurs politiques ». Or, une loi pénale peut donner lieu à des abus sur le plan politique. La tâche du législateur est de veiller à ce que la loi pénale ne soit pas une source d'abus. Le champ d'application de la loi pénale doit donc être strictement délimité.

Une membre se demande aussi si le septième tiret est utile. Elle renvoie à l'article 4, qui est basé sur la loi Moureaux, et à l'article 444 du Code pénal.

Un autre membre peut comprendre que le champ d'application de la loi pénale doive être délimité clairement. Il ne faut cependant pas se montrer trop restrictif. Le législateur a ainsi été amené à adapter la loi Moureaux le 12 avril 1994 en raison du caractère trop restrictif de celle-ci. La présente loi vise dès lors à englober dans le champ d'application certaines situations qui pouvaient y échapper jusqu'ici (par exemple les caricatures, etc.).

L'intervenante précédente renvoie au Code pénal français (article 187), qui fait une distinction entre les autorités publiques et les particuliers. N'y a-t-il pas lieu de faire la même distinction ici ?

S'agissant de l'applicabilité de la loi en projet aux listes des services de sécurité, la ministre fait référence à la loi organique de 1998 (article 2 et chapitre 3, article 13).

Un membre souligne que l'exception qui peut être faite pour la Sûreté de l'État peut être justifiée par le but poursuivi, s'il y a adéquation entre les renseignements récoltés et colligés par rapport à l'objectif poursuivi.

Amendement nº 86

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un amendement nº 86 (doc. Sénat, nº 2-12/10) visant à supprimer le dernier tiret du § 1er.

Un des auteurs se réfère à la discussion qui précède et à la justification de l'amendement.

L'intervenant cite un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 28 septembre 1999 (Ozturk contre Turquie). La Cour a condamné la Turquie, considérant que « l'ingérence dans l'exercice, par l'intéressé, de la liberté d'expression qui fait l'objet de sa condamnation était prévue par la loi turque (but légitime, à savoir la défense de l'ordre et la prévention du crime) mais n'était pas nécessaire dans une société démocratique. »

L'article 10, § 2, de la CEDH ne laisse guère de marge pour limiter la liberté d'expression dans le domaine politique ou en ce qui concerne d'autres questions d'intérêt général.

L'intervenant estime que le dernier tiret ne tient pas compte de ces jugements de la Cour (voir aussi l'affaire Jeruzalem), en ce qu'il met toutes les activités en question sur le même pied et les rattache à la loi pénale.

La ministre répond que l'article 10 de la Convention des droits de l'homme garantit en effet le droit à la liberté d'expression. Des restrictions ou exceptions peuvent être apportées à l'exercice de ces droits, à certaines conditions. Il faut que la restriction soit nécessaire par rapport à une série d'objectifs énoncés, parmi lesquels la protection des droits d'autrui. Les restrictions à la liberté d'expression ne sont admissibles que dans la mesure où elles sont nécessaires pour la protection des droits d'autrui. Il faut que ces restrictions n'aillent pas trop loin. Il faut éviter que la loi anti-discrimination ait des conséquences sur la liberté d'expression qui vont au-delà des textes internationaux.

Amendement nº 81

L'amendement nº 81 de Mme de T' Serclaes (doc. Sénat, nº 2-12/10) propose également de supprimer le dernier tiret.

Amendement nº 87

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent l'amendement nº 87 (doc. Sénat, nº 2-12/10), qui est subsidiaire à l'amendement nº 86 et propose de compléter, au § 1er de l'article proposé, le dernier tiret par les mots « à l'exception des relations privées ».

Amendement nº 49

L'amendement nº 49 de M. Mahoux (doc. Sénat, nº 2-12/7) vise à compléter le dernier tiret du § 1er proposé par les mots « accessibles au public ». Cet amendement tente de trouver un équilibre entre la lutte contre les discriminations et la protection de la vie privée. L'auteur se réfère à la justification de son amendement.

Un commissaire trouve que le texte de l'amendement n'est guère compréhensible. Qu'entend-on exactement par activité économique ou politique accessible au public ?

L'auteur se réfère aux meetings politiques ou aux congrès de parti, ou encore aux réunions d'associations, qui ne sont pas réservées exclusivement aux membres des associations.

Un membre estime que l'ajout proposé par l'amendement serait mieux à sa place au tiret précédent.

Un autre membre renvoie au texte de la directive. La notion d'accessibilité au public y est inscrite à un autre endroit.

Un autre membre encore considère que l'avant-dernier tiret concerne plutôt le support, tandis que le dernier vise l'activité proprement dite.

L'intervenant suivant croit qu'il n'est pas rationnel de définir les notions en suivant une approche purement spatiale. Ce n'est pas parce que l'on se trouve dans un lieu accessible au public que l'on ne se situe pas dans un rapport privé (par exemple une conversation dans un café). Veut-on d'un seul coup soumettre toutes les conversations de café à une forme de police politique ?

L'auteur de l'amendement renvoie au texte initial (entrave à l'exercice normal d'une activité économique, sociale, culturelle et politique).

Un café se situe bien entendu dans le domaine privé. Il faut toutefois faire une distinction. S'il existe une discrimination dans l'accès à l'établissement, le patron du café est responsable et il y a organisation de la discrimination. Il en va différemment si le café est le théâtre de conversations au cours desquelles un individu tient des propos discriminatoires. Dans ce cas, seul l'individu lui-même est responsable et on peut difficilement parler d'organisation de discrimination. On ne peut toutefois pas exclure entièrement du champ d'application les activités culturelles.

Il faut trouver la formule qui convient.

Le préopinant souligne que l'on pourrait reprocher au cafetier d'adopter une attitude neutre. Cela va trop loin. Une attitude neutre (et commerciale) ne peut pas être considérée comme une incitation à la discrimination.

La ministre confirme que cette attitude neutre n'est pas, en soi, suffisante. Pour être punissable, le cafetier devrait inciter ses clients à tenir des propos discriminatoires.

Amendement nº 104

Mme Pehlivan dépose l'amendement nº 104 (doc. Sénat, nº 2-12/10), qui vise à compléter le § 1er de l'article 2 par un deuxième alinéa disposant qu'il n'y a pas de discrimination lors d'activités sportives et culturelles qui nécessitent une certaine différence de traitement, pour autant que celle-ci puisse être raisonnablement et adéquatement justifiée (c'est-à-dire corrélée clairement à la nature de l'activité). Elle cite l'exemple de femmes musulmanes qui, pour des raisons culturelles, souhaitent que la piscine soit, à certains moments, réservée aux femmes.

Un commissaire trouve l'amendement estimable, parce qu'il démontre que certaines exceptions sont nécessaires. On peut toutefois se demander pourquoi on se limite aux activités sportives et culturelles, et à des critères de sexe, d'âge, de handicap ou de nationalité.

Un autre commissaire souligne que l'amendement introduit un élément nouveau, la discrimination fondée sur la nationalité. Celle-ci n'existe encore dans aucune autre loi. En principe, on mentionne la discrimination fondée sur l'ascendance ou l'origine. La discrimination fondée sur la nationalité est autorisée par la Cour européenne des droits de l'homme.

Une membre estime également que les exceptions sont trop spécifiques. Elle renvoie à son amendement nº 20 (doc. Sénat, nº 2-12/7) qui tend à remplacer l'alinéa 1er de l'article 3 par les mots « En raison de la nature de certaines activités, professionnelles ou non, ou des conditions de leur exercice, une différence de traitement fondée sur une caractéristique visée à l'article 2, § 2, peut être objectivement justifiable, par dérogation aux dispositions de la présente loi ». Cette disposition a une portée beaucoup plus large que le texte proposé par l'amendement nº 104.

Un membre formule trois observations au sujet des amendements en question.

Tout d'abord, la notion de discrimination n'a pas sa place ici. En effet, on ne vise ni la discrimination directe, ni la discrimination indirecte.

Ensuite, l'énumération des critères n'est pas la même que l'énumération générale qui est retenue dans la proposition.

Enfin, exclure quelques secteurs bien définis ne semble pas être une bonne chose. Pourquoi alors exclure précisément ces secteurs et pas les autres ?

Un membre estime qu'il doit être possible d'exclure les secteurs visés dans l'amendement. L'exemple des femmes musulmanes dans les piscines lui paraît très bien choisi. Elle fait référence également aux Jeux Olympiques pour les handicapés.

En ce qui concerne le critère de nationalité, un autre membre renvoie par exemple à la composition d'une équipe nationale de football.

Un membre souligne qu'on doit toujours garder à l'esprit l'objectif visé et apprécier la proportionnalité de la discrimination par rapport à cet objectif. Autrement, on s'engage dans un processus sans fin et on peut considérer toute distinction (par exemple, les différentes catégories d'âge dans les activités sportives) comme discriminatoire.

Une autre intervenante met en cause l'utilisation du critère de la nationalité.

Elle estime elle aussi qu'il y a lieu de revoir la définition qui est donnée de la discrimination directe dans l'amendement du gouvernement.

Amendement nº 30C

Mme Nyssens dépose un amendement nº 30 C (sous-amendement à l'amendement nº 6 du gouvernement, doc. Sénat, nº 2-12/7) visant à remplacer la définition de la discrimination directe proposée au § 2 par une définition reprise aux directives 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 et 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000.

Selon l'auteur, seules les différences de traitement qui ne reposent pas sur des critères susceptibles de justification objective et raisonnable constituent des discriminations qui doivent être interdites. Or, sur base de la définition proposée au § 2, toute distinction est considérée comme une discrimination, ce qui ne saurait être le cas.

Enfin, l'intervenante s'aligne sur l'avis rendu par le Bureau du Conseil de l'égalité des chances entre hommes et femmes (doc. Sénat, nº 2-12/3, p. 22 et suivantes) et propose de ne pas retenir le « sexe » parmi les critères de discrimination entrant dans le champ d'application de la proposition à l'examen.

En réaction à ce dernier point, une membre estime que les amendements nºs 9 et 10 déposés par le gouvernement (doc. Sénat, nº 2-12/6) offrent des garanties suffisantes concernant le maintien de la politique menée en matière d'égalité des chances. Moyennant l'adoption de ces amendements, l'intervenante estime que le sexe doit être maintenu en tant que motif de discrimination. Si tel n'est pas le cas, les instruments que la proposition entend mettre à la disposition des victimes de discriminations ne seraient pas accessibles aux personnes discriminées sur base de leur sexe, ce qui revient à instituer une nouvelle discrimination juridique à l'égard de ces personnes.

Une autre membre pense, comme l'auteur de l'amendement nº 30, que la définition de la discrimination proposée à l'amendement nº 6 du gouvernement est imprécise. L'intervenante propose de s'inspirer des définitions figurant dans les directives européennes ainsi que du protocole nº 12 additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

L'oratrice cite les commentaires sur les dispositions du protocole nº 12 selon lesquels « la notion de discrimination a été interprétée de manière constante par la Cour européenne des Droits de l'Homme dans sa jurisprudence relative à l'article 14 de la Convention. Cette jurisprudence a, en particulier, fait ressortir clairement que toutes les distinctions ou différences de traitement n'équivalaient pas à une discrimination. Ainsi que la Cour l'a énoncé, par exemple dans l'arrêt concernant l'affaire Abdulaziz, Cabales et Balkandali c/Royaume-Uni, « une distinction est discriminatoire si elle manque de justification objective et raisonnable, c'est à dire si elle ne poursuit pas un but légitime ou s'il n'y a pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé » (arrêt du 28 mai 1985, série A, nº 94, § 72). (...)

Les situations dans lesquelles de telles distinctions sont parfaitement acceptables sont suffisamment couvertes par la signification même de la notion de « discrimination » telle qu'elle est décrite (...) ci-dessus, puisque les distinctions pour lesquelles existe une justification objective et raisonnable ne constituent pas une discrimination. De plus, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme, une certaine marge d'appréciation est laissée aux autorités nationales pour déterminer si et dans quelle mesure des différences entre des situations à d'autres égards analogues justifient des distinctions de traitement juridique ».

Selon la ministre, les remarques formulées par plusieurs membres concernant la définition de la discrimination directe proposée à l'amendement nº 6 s'expliquent par le fait que le gouvernement a voulu garder une définition très proche de celle proposée dans les directives 2000/78/CE et 2000/43/CE. Or, ces deux directives entendent lutter contre la discrimination dans des domaines spécifiques tels que l'emploi et le travail ou les distinctions de race et l'origine ethnique. Par contre, la proposition à l'examen veut mettre en place une législation générale en matière de lutte contre la discrimination, ce qui correspond à une logique différente de celle poursuivie par les directives. Pour un texte général, il semble plus approprié d'utiliser une définition de la discrimination qui inclue un concept général de justification objective et raisonnable. La définition proposée à l'amendement nº 6 du gouvernement devra dès lors être adaptée.

Amendement nº 116

M. Mahoux et consorts déposent un amendement nº 116 (Sous-amendement à l'amendement nº 6 du gouvernement, doc. Sénat, nº 2-12/11), visant à remplacer l'article 2 proposé.

L'auteur principal souligne que cet amendement fait suite aux débats qui ont été menés en commission. Pour des raisons de clarté, il est proposé d'intervertir les paragraphes en commençant la disposition par les définitions.

Tant pour la discrimination directe que pour la discrimination indirecte, le texte proposé précise qu'une distinction de traitement n'acquiert un caractère discriminatoire que lorsque celle-ci manque de justification objective et raisonnable.

Au § 3, le champ d'application de la proposition est précisé afin d'en exclure la sphère privée. La base de discrimination « sexe » est par contre maintenue. Même s'ils reconnaissent aux discriminations basées sur le genre une dimension particulière, les auteurs de l'amendement estiment qu'il serait étonnant de ne pas inclure ce critère dans une loi-cadre sur la discrimination.

Une membre estime que l'amendement nº 116 améliore nettement la structure et la lisibilité du texte. Elle demande si, dans ce même souci de logique, il ne faudrait pas intervertir l'ordre des §§ 3 et 4.

En ce qui concerne les bases de discrimination proposées au § 1er, l'oratrice plaide pour une approche cohérente par rapport aux directives européennes et au protocole nº 12 aditionnel à la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales. Ainsi, pourquoi ne retient-on pas, dans l'amendement, les discriminations basées sur la langue, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune ... comme le fait pourtant le protocole nº 12 ? Par ailleurs, ce protocole est-il applicable en droit belge ? Enfin, la base de discrimination « couleur » n'est-elle pas redondante par rapport à la « prétendue race » ?

Pour l'auteur principal de l'amendement nº 116, la couleur de la peau est un élément morphologique important que ne recouvre pas la notion de « prétendue race ». Dans la pratique, la couleur est un élément régulièrement utilisé pour tenter de justifier des différences de traitement qui ne sont pas fondées.

La ministre déclare que le protocole nº 12 n'a pas encore été ratifié par la Belgique. En ce qui concerne la liste des bases de discriminations, elle renvoie à l'avis du Conseil d'État du 16 novembre 2000 : « La proposition retient neuf critères pouvant donner lieu à discrimination parmi lesquels ne figurent ni les orientations politiques, philosophiques et religieuses ni l'appartenance à une classe sociale. (...)

Il appartient au législateur d'apprécier quelles discriminations doivent être prioritairement combattues et selon quels moyens. » (doc. Sénat, nº 2-12/5, p. 13).

Selon la ministre, il n'y a dès lors aucune objection à ce que la future loi-cadre ne mentionne pas toutes les bases de discrimination figurant dans les textes internationaux. La ministre fait également remarquer que la victime d'une discrimination dont la base ne serait pas retenue dans la loi-cadre mais bien dans une convention internationale applicable en droit belge, trouvera dans cette convention un fondement juridique pour faire valoir ses droits.

Une membre pense qu'il n'est pas souhaitable de retenir la langue dans les critères de discrimination puisqu'il existe déjà une législation protégeant les minorités en matière d'emploi des langues.

Une autre membre est quant à elle en faveur d'une cause de discrimination basée sur la langue maternelle. Il arrive régulièrement que des personnes, parlant une langue « apprise » avec un accent laissant supposer leur origine étrangère, soient victimes de discriminations. En ajoutant l'adjectif maternel, on peut maintenir cette base de discrimination tout en évitant le débat communautaire.

L'oratrice plaide également pour que le critère de la « fortune » soit ajouté à la liste des causes de discrimination. Il est important que les plus faibles et les plus démunis socialement ne soient pas laissés pour compte.

Pour une autre membre encore, le but de la proposition à l'examen est d'aboutir à une loi-cadre tendant à lutter contre la discrimination. Il est dès lors illogique de retenir certains critères de discrimination tout en abandonnant d'autres. Une législation générale doit viser l'ensemble des discriminations.

L'auteur principal de l'amendement nº 116 remarque que les bases de discriminations retenues dans les textes internationaux ne sont pas identiques. Il est dès lors difficile d'aboutir à une définition qui soit la synthèse parfaite de toutes ces dispositions. L'amendement nº 116 cherche à couvrir un maximum de situations. Ainsi, le critère de la naissance traduit également la dimension de la culture initiale, de la langue.

Amendement nº 117

Mme Kaçar et consorts déposent à l'amendement nº 116 de M. Mahoux et consorts un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/11, amendement nº 17), tendant à insérer la fortune parmi les bases de discrimination énumérées au § 1er de l'article proposé.

Amendement nº 60B

Mme de T' Serclaes peut globalement se rallier à la définition de la discrimination proposée à l'amendement nº 116 de M. Mahoux et consorts, sous réserve du problème de la dimension du genre. Elle retire par conséquent son amendement nº 60 B (doc. Sénat, nº 2-12/8) qui proposait une définition de la discrimination directe inspirée de la législation européenne.

Amendements nºs 61 et 118

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 6 du gouvernement un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/8, amendement nº 61), tendant à supprimer les mots « le sexe » au § 2 proposé.

L'amendement nº 118 de Mme de T' Serclaes et consorts (doc. Sénat, nº 2-12/12) a le même objet.

Amendement nº 30E

Mme Nyssens dépose un amendement nº 30 E (sous-amendement à l'amendement nº 6 du gouvernement, doc. Sénat, nº 2-12/7) visant à ajouter le critère de fortune dans les bases de discrimination. L'intervenante craint que l'attention ne soit focalisée sur la recherche d'égalité dans de nouveaux secteurs au détriment du débat sur les inégalités sociales.

Une membre ne soutient pas cet amendement car il risque d'engendrer des abus. Ainsi, un propriétaire réclamant, pour un bien, un loyer de 40 000 francs par mois ne risque-t-il pas de se voir accusé de discrimination à l'égard des moins nantis ? Il appartient aux pouvoirs publics de mener une politique de progrès social en faveur des plus démunis. Ce problème ne doit pas être réglé par le biais d'une loi anti-discrimination.

L'auteur principal de l'amendement nº 116 rappelle que cet amendement précise que la distinction de traitement n'aboutit à la discrimination que lorsqu'elle est dénuée de justification objective et raisonnable. La crainte d'abus doit dès lors être nuancée.

Un membre souligne qu'après tous les combats sociaux menés pour vaincre autant que possible les inégalités sociales, il serait totalement illogique de ne pas retenir le critère de la fortune dans les bases de discrimination.

Amendement nº 19

Mme Kaçar dépose à l'amendement nº 6 du gouvernement un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/7, amendement nº 19), tendant à insérer, au § 2 proposé, entre les mots « la naissance » et les mots « l'âge », les mots « la fortune, la langue maternelle ». Elle renvoie aux explications déjà données antérieurement.

Des sous-amendements similaires à celui-ci seront déposés à l'amendement nº 116 (voir infra, amendements nºs 117 et 119).

L'auteur principal de la proposition juge intéressante la suggestion de réintroduire la notion de « fortune », qui figurait dans la proposition initiale.

Quant à la mention de la langue maternelle, elle se retrouve, de façon indirecte, dans l'amendement qu'il a déposé, notamment dans la notion de « naissance ».

Amendement nº 114

M. de Clippele a lui aussi déposé, à l'amendement nº 6 du gouvernement, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/10, amendement nº 114) tendant à insérer le critère de la langue comme facteur possible de discrimination.

Une membre observe que, si les textes internationaux mentionnent expressément le critère de la langue, c'est qu'il ne se déduit pas aisément d'autres critères repris dans ces textes.

La ministre déclare qu'en ce qui concerne la fortune, à partir du moment où l'on précise qu'une discrimination fondée sur ce critère n'est inacceptable que lorsqu'elle est dépourvue de base objective et raisonnable, on évite tous les excès.

Ainsi, par exemple, en ce qui concerne la fixation d'un loyer, la base en est la liberté contractuelle. Le Code civil autorise les parties à fixer le loyer en fonction du prix du bien. Un juge ne pourrait dès lors conclure à l'existence d'une discrimination qu'après avoir posé une question préjudicielle à la Cour d'arbitrage sur le point de savoir si la disposition du Code civil est ou non conforme au principe constitutionnel d'égalité.

La réintroduction du critère de fortune ne risque donc pas de mener aux excès que certains redoutent.

Une précédente oratrice demande si le critère de fortune pourrait être utilisé pour invoquer une discrimination à l'embauche.

Un candidat évincé pourrait-il se prévaloir d'une telle discrimination, au motif que le candidat retenu a une certaine fortune, et lui pas ?

La ministre répond que, dans ce cas de figure, le critère de sélection n'est pas la fortune. L'employeur choisit un candidat sur une base objective et raisonnable, parce qu'il lui paraît présenter les caractéristiques requises pour un travail déterminé.

L'insertion du critère de fortune permet de sanctionner les cas où l'on exclut une personne parce qu'elle appartient à un groupe socio-économique défavorisé (exemple : la personne qui veut pénétrer dans un café et se fait refouler, parce que ses vêtements donnent à penser qu'elle ne jouit pas d'un certain standing).

Une membre ne trouve pas ce dernier exemple convaincant.

L'introduction du critère de fortune lui paraît constituer une piste très dangereuse susceptible de donner lieu à toutes sortes de recours abusifs.

Un membre rappelle que le protocole additionnel nº 12 à la CEDH retient le critère de fortune. Celui-ci s'est révélé un critère discriminatif par excellence.

En outre, le but n'est pas, comme certains semblent le craindre, de frapper les grandes fortunes, mais bien de protéger les personnes les plus fragiles sur le plan socio-économique.

L'auteur principal de la proposition cite l'exemple du receveur communal qui, pour pouvoir exercer cette fonction, doit être en mesure d'offrir une garantie sur ses propres biens. Il s'agit d'un traitement particulier, dont l'État considère qu'il est justifié.

En matière de baux, la valeur du bien entre en ligne de compte. D'autre part, le bail lie contractuellement les deux parties. Il existe donc une série de garanties. Par conséquent, l'introduction du terme « fortune » dans le texte à l'examen ne doit pas susciter d'inquiétude.

Une membre cite l'exemple des écoles privées, où les parents doivent payer un minerval. Supposons qu'un parent veuille inscrire son enfant dans une école mais que son état de fortune ne lui permet pas de payer le minerval. Pourra-t-il, sur la base de la disposition proposée, se prévaloir d'une discrimination ?

Le précédent intervenant répond que deux cas de figure sont possibles. Il peut s'agir d'une école privée comme il en existe en Suisse ou aux États-Unis, par exemple, où l'on « vend » une formation à caractère strictement privé. Autre chose est le refus d'inscription dans une école reconnue et subventionnée.

Une membre fait observer que l'on peut imaginer l'exemple inverse, où une personne se voit refuser le bénéfice de certains avantages parce qu'elle jouit d'un certain niveau de revenus, à peine supérieur à la limite fixée pour pouvoir en bénéficier.

Il faut s'efforcer de définir avec précision quel type de cas on vise, et respecter, dans le choix des critères que l'on fixe, une certaine logique par rapport au but que l'on veut atteindre.

La ministre répond que la question est de savoir si l'on veut ou non faire entrer les discriminations arbitraires fondées sur la fortune dans le cadre de la loi en préparation.

La précédente intervenante se demande ce qui, à l'heure actuelle et dans notre société démocratique, constitue une telle discrimination.

La ministre reprend l'exemple précédemment cité du receveur communal, auquel on impose un certain état de fortune comme condition d'accès à la profession. Si la validité de la loi qui impose cette condition est contestée devant la Cour d'arbitrage, et que cette dernière reconnaît que cela constitue une différence de traitement inacceptable, il pourrait s'agir d'un exemple de discrimination fondée sur la fortune.

La précédente intervenante fait observer que les articles 10 et 11 de la Constitution constituent une base suffisante pour ceux qui souhaiteraient attaquer une telle disposition devant la Cour d'arbitrage.

Une membre demande pourquoi le terme « fortune », qui figurait dans la proposition de loi initiale, n'est pas repris dans l'amendement gouvernemental, alors que la ministre paraît y être favorable.

Cette dernière répond que la cause de cette situation est historique. En effet, cette base de discrimination n'est pas reprise dans les directives.

Elle peut néanmoins correspondre à une certaine réalité sociale, comme on vient de l'indiquer.

Amendement nº 90

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent à l'amendement nº 6 du gouvernement un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/10, amendement nº 90), tendant à remplacer le § 2 de l'article 2 proposé par le texte suivant :

« § 2. Pour l'application de la présente loi, il y a discrimination directe lorsqu'une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base du sexe, d'une prétendue race, de la couleur, de l'ascendance ou de l'origine nationale ou ethnique, de l'orientation sexuelle, de l'état civil, de la naissance, de l'âge, de la conviction religieuse ou philosophique, de l'état de santé, d'un handicap ou d'une caractéristique physique.

La discrimination directe ne peut pas être justifiée, à moins qu'elle ne soit objectivement justifiée par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif soient appropriés et nécessaires. »

L'un des auteurs de l'amendement indique que l'amendement proposé correspond mieux à la définition donnée dans les directives européennes.

D'autre part, la proposition de loi prévoit d'une manière absolue que la discrimination directe ne peut être justifiée en aucune circonstance. C'est pour cette raison qu'il convient de compléter l'article par la disposition selon laquelle la discrimination directe consiste en un traitement moins favorable d'une personne par rapport à d'autres personnes qui sont traitées différemment dans une situation comparable.

De plus, conformément à la jurisprudence de la Cour d'arbitrage et de la CEDH, la discrimination directe peut être justifiée dans des circonstances déterminées.

Amendement nº 67

Mme Staveaux-Van Steenberge dépose à l'amendement nº 6 du gouvernement un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/8, amendement nº 67), tendant à supprimer la dernière phrase du § 2 de l'article 2 proposé.

L'auteur de l'amendement souligne que la discrimination directe est interdite à l'article 2, § 1er, et qu'elle est définie, au § 2, comme une distinction de traitement directement fondée sur, par exemple, l'âge. Une telle distinction de traitement sur la base de pareil critère, dit-on, ne peut être justifiée en aucune circonstance; elle ne requiert donc pas que l'on mette en balance le but et les moyens, ce qui est pourtant le cas au § 3 pour la discrimination indirecte.

Cela signifie, concrètement, que l'âge minimum de 18 ans prévu dans la loi qui accorde le droit de vote devra être modifié, étant donné que les droits politiques sont des droits fondamentaux et qu'actuellement, l'on dénie clairement le bénéfice des droits directement en raison de l'âge. La proposition de loi dispose que pareille distinction de traitement ne se justifie en aucune circonstance.

Amendement nº 89

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent à l'amendement nº 6 du gouvernement un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/10, amendement nº 89), tendant à supprimer, au § 2 de l'article 2 proposé, les mots « ou futur ».

Ces termes figurent également dans l'amendement nº 116 de M. Mahoux et consorts.

Les auteurs de l'amendement estiment que l'objet précis de la disposition relative à l'« état de santé futur » n'est pas clair sur le plan juridique. Combiné à la notion de discrimination indirecte, cet élément peut mener beaucoup trop loin.

L'auteur principal de la proposition souligne que les termes en question visent les tests génétiques prédictifs.

Un autre exemple est la prise en compte systématique de l'hérédité comme motif de refus d'embauche.

De telles pratiques sont inadmissibles, parce qu'elles sont discriminatoires, mais aussi parce qu'elles constituent une intrusion intolérable dans la vie privée.

L'un des auteurs de l'amendement nº 89 répond qu'il peut s'accorder avec les exemples cités par le précédent intervenant. Cependant, le texte va beaucoup plus loin.

L'expression « état de santé futur » est trop large, surtout compte tenu des dispositions pénales contenues à l'article 4.

Elle n'apparaît d'ailleurs nullement dans les conventions et directives précitées.

Une membre rappelle que les discriminations ont été définies selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Cependant, dans beaucoup de cas, des examens médicaux sont requis dans le cadre des contrats d'emploi.

Jusqu'à un certain point, il peut s'agir de cas relevant du terme « objectivement » repris au § 1er.

Le problème se pose par exemple pour des maladies dégénératives, dont le diagnostic existe au moment de l'embauche, mais dont l'évolution, à ce moment, ne rend pas le candidat inapte à l'exercice de la fonction postulée.

L'intervenante estime que, dans ce cas de figure, l'existence de la maladie ne peut justifier objectivement un refus d'embauche de la part de l'employeur.

Par ailleurs, les tests génétiques prédictifs ne sont pas la seule manière d'envisager l'état de santé futur.

L'auteur principal de la proposition de loi se rallie à cette dernière observation. Il ne s'agissait que d'un exemple.

Il souligne que le caractère objectif et raisonnable du traitement différencié est un élément important en la matière.

Amendement nº 66

Mme Staveaux-Van Steenberge dépose à l'amendement nº 6 du gouvernement un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/8, amendement nº 66), en vue d'insérer, au § 2, 1er phrase, de l'article 2 proposé, la mention « les convictions politiques » après les mots « ou philosophiques ».

L'auteur estime que la non-mention des convictions politiques comme base possible de discrimination vise à empêcher certains partis politiques de s'appuyer sur la loi en préparation pour faire sanctionner les discriminations dont ils seraient l'objet.

Le Conseil d'État s'est d'ailleurs demandé pourquoi la notion de « convictions politiques » ne figure pas parmi les critères interdits qui sont nombreux et souvent tirés par les cheveux. Cette notion figure dans de nombreux textes internationaux qui demandent aux États membres d'interdire la discrimination, tel l'article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui met en oeuvre la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Dès lors, la Belgique s'est soustraite beaucoup trop longtemps à ses obligations internationales en continuant à soutenir, à approuver et à pratiquer la discrimination sur la base des convictions politiques.

Une membre constate que le choix des auteurs de la proposition s'inscrit dans le cadre de leur lutte justifiée contre l'extrême droite. Cependant, le fait de ne pas vouloir intégrer la mention des convictions politiques dans une disposition générale comme l'article 2 a des effets pervers, puisque l'on permet du même coup les discriminations fondées sur les convictions politiques autres que celles d'extrême droite (exemple : le refus d'engager un ancien militant du PS ou du SP, parce que l'on craint qu'il exerce une influence négative sur le personnel).

L'auteur principal de la proposition rappelle que, dans la Charte des droits fondamentaux adoptée au Sommet de Nice, malheureusement encore dépourvue de valeur contraignante, la problématique politique est reprise.

Il y est précisé qu'il faut éviter que cette Charte, qui défend certaines valeurs, soit utilisée par ceux qui combattent ces valeurs.

Un membre répond que la Charte de Nice précise aussi qu'elle ne déroge en rien aux conventions existantes en matière de droits de l'homme.

Les conventions internationales visent clairement toutes les discriminations, quel qu'en soit le fondement.

L'article 14 de la CEDH contient certes une énumération, mais celle-ci n'est pas limitative.

Ainsi, on ne pourrait admettre le refus d'un propriétaire, par ailleurs supporter d'Anderlecht, de louer son bien à un supporter de Bruges.

Une énumération dans une loi antidiscrimination constitue, en soi, un problème, puisque l'État belge a ratifié les conventions internationales qui fixent en termes généraux des obligations minimales. On ne peut donc, dans une loi nationale, énumérer de façon limitative des critères de discrimination interdits, car on se situerait en-deça de l'obligation générale de non-discrimination édictée par ces conventions.

Le précédent orateur répond qu'il ne voit pas d'objection à ce que l'énumération soit complétée par les mots « et autres », si l'on veut prévoir une interdiction générale de toute discrimination.

La ministre rappelle que, selon le Conseil d'État, il appartient au législateur d'apprécier quelles discriminations doivent être prioritairement combattues et selon quels moyens.

Cela signifie que le législateur peut choisir un certain nombre de motifs qu'il juge prioritaires, mais cela ne signifie pas que les textes internationaux qui visent d'autres motifs ne seraient plus applicables.

Amendements nºs 105 et 106

Mme Pehlivan dépose à l'amendement nº 6 du gouvernement deux sous-amendements (doc. Sénat, nº 2-12/10, amendements nºs 105 et 106).

L'amendement nº 105 vise à compléter le § 2 de l'article proposé par l'ainéa suivant :

« Il n'y a pas de discrimination par le sexe si un traitement désavantageux vise à prévenir la gêne ou une atteinte à la vie privée résultant de la présence d'une personne du sexe opposé. »

L'amendement nº 106 vise à compléter le même paragraphe par un alinéa précisant que l'on peut toujours prendre, vis-à-vis des personnes handicapées, des mesures appropriées, en vue de protéger leur santé et/ou leur sécurité.

Ces sous-amendements seront éventuellement retirés en fonction du sort qui sera réservé à l'amendement nº 116.

Un membre estime que ces deux sous-amendements sont effectivement superflus, car ils visent des traitements particuliers fondés sur des justifications objectives et raisonnables (exemple : le fait de réserver une maison à des personnes âgées, ou de réserver à des handicapés une maison spécialement aménagée pour eux).

L'intervenant préférerait que l'on procède par la voie d'une disposition générale.

Amendement nº 63

Mme Pehlivan dépose à l'amendement nº 6 du gouvernement un autre sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/8, amendement nº 63), tendant à insérer, dans le § 2 de l'article 2 proposé, la mention du nom parmi les causes possibles de discrimination.

Amendement nº 68

Mme Staveaux-Van Steenberge dépose à l'amendement nº 6 du gouvernement un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/8, amendement nº 68), proposant de supprimer le § 3 de l'article 2 proposé.

L'auteur déclare que, dans le nouveau texte proposé de la loi réprimant la discrimination, par la combinaison des articles 2 et 4, la discrimination « indirecte » reste un fait constitutif d'infraction, bien qu'une mise en balance délicate du but et des moyens soit requise.

Le Conseil d'État a explicitement condamné l'utilisation du terme en le qualifiant d'« imprécis » dans une loi pénale, parce que les particuliers ne peuvent pas prévoir ce qui sera punissable et ce qui ne le sera pas. Pourquoi conserve-t-on ce terme, contre l'avis du Conseil d'État ?

La directive européenne en matière d'égalité ne saurait être un argument, puisqu'il s'agit d'une directive concernant l'égalité et fondée sur la race et l'origine ethnique et que l'on a choisi de faire figurer les discriminations fondées sur la race et l'origine ethnique à part, dans la loi sur le racisme. Par conséquent, si l'on veut exécuter la directive, il faut logiquement adapter la loi sur le racisme.

Amendement nº 30D

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 6 du gouvernement un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/7, amendement nº 30D), tendant à remplacer le § 3 proposé par ce qui suit :

« § 3. Il y a discrimination indirecte lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre en tant que tel, est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes auxquelles s'applique un des motifs visés au § 2, par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif soient appropriés et nécessaires. »

L'amendement vise à reprendre la définition de la discrimination indirecte des deux directives précitées. Cette définition s'inspire de la jurisprudence de la CJCE dans les affaires relatives à la libre circulation des travailleurs. Le fait qu'une disposition a un résultat dommageable pour certaines personnes ne signifie pas nécessairement que cette disposition est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour ces personnes par rapport à d'autres. Il semble important de garder une cohérence avec la directive européenne au niveau des définitions utilisées.

L'auteur de l'amendement signale toutefois qu'elle reconsidérera celui-ci à la lumière du texte proposé à l'amendement nº 116 de M. Mahoux et consorts.

Une membre observe que, dans la directive, dont les termes sont repris à l'amendement nº 30D, il est question de « désavantage particulier », alors que l'amendement nº 116 de M. Mahoux et consorts parle d'un « résultat dommageable ». Ces deux notions ne sont pas identiques, puisque la seconde suppose un dommage.

L'intervenante souligne par ailleurs que la terminologie utilisée par la Convention européenne est « généraliste », alors que les termes « que les moyens de réaliser cet objectif soient appropriés et nécessaires » s'inspirent de la conception développée par la Commission européenne en matière de discrimination indirecte.

La Cour européenne des droits de l'homme ne s'est en fait pas penchée sur cette différence. Elle a développé une jurisprudence par rapport à un concept général de discrimination.

Cette jurisprudence résulte notamment de l'expérience acquise en matière d'égalité de traitement entre hommes et femmes, où l'on voit qu'une disposition apparemment neutre peut cacher une discrimination, par exemple par le biais des critères d'accès à un emploi.

Il faut voir si les termes « repose sur une justification objective et raisonnable » suffisent, ou s'il faut aller plus loin, et exiger que les moyens de réaliser cet objectif soient appropriés et nécessaires.

L'intervenante souhaiterait, pour sa part, que la distinction entre discrimination directe et indirecte soit reprise, car elle est le fruit d'un long travail au niveau européen.

La ministre répond, en ce qui concerne les termes « dommage » et « désavantage » qu'en droit belge, on utilise plutôt le premier que le second (cf. article 1382 du Code civil).

Quant aux termes « moyens appropriés et nécessaires », ils sont repris, de façon plus synthétique, dans le mot « raisonnable », qui fait référence à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

Le souci est aussi de définir les concepts de la même manière dans une même loi.

La ministre est donc plutôt favorable à la formule reprise à l'amendement nº 116.

Amendement nº 60C

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 6 du gouvernement un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/8, amendement nº 60C), tendant à remplacer le § 3 proposé.

L'auteur renvoie à la discussion qui vient d'avoir lieu à ce sujet.

Amendement nº 91

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent à l'amendement nº 6 du gouvernement un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/10, amendement nº 91), tendant à supprimer, au § 3 proposé, les mots « et ne pourraient donc être remplacés par des mesures d'efficacité supérieure ou comparable, plus respectueuses des personnes concernées ».

Cet amendement vise à aligner davantage le texte de l'amendement nº 6 sur les directives européennes.

Amendement nº 30F

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 6 du gouvernement un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/7, amendement nº 30F), tendant à remplacer, au § 4 proposé, le mot « base » par le mot « motif ». Cet amendement vise à souligner la nécessité d'une terminologie uniforme.

Amendement nº 60D

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 6 du gouvernement un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/8, amendement nº 60D), visant à remplacer, au § 4, les mots « § 2 » par les mots « § 1er ».

Cet amendement est retiré.

Amendement nº 76

Mme de T' Serclaes dépose, à l'amendement nº 6 du gouvernement, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/10, amendement nº 76), tendant à insérer, au § 4, après les mots « discrimination figurant au § 2 », les mots « , à l'exception du sexe » (voir également infra, la discussion de l'amendement nº 131).

L'auteur de l'amendement souhaite savoir où se situe, par rapport à la directive européenne, le harcèlement sexuel.

Le § 4 proposé à l'amendement nº 116 s'applique notamment au harcèlement sexuel, puisqu'il vise les comportements indésirables liés aux bases de discrimination figurant au § 1er.

Or, il existe des dispositions spécifiques et beaucoup plus élaborées en matière de harcèlement sexuel, dans divers arrêtés royaux, où l'on prévoit des instruments permettant aux personnes harcelées de faire valoir leurs droits sans déposer plainte au pénal.

L'intervenante croit savoir que la ministre compétente a l'intention de reprendre ces dispositions dans une loi.

Un membre répond que la proposition à l'examen deviendra, si elle est votée, une loi générale sur la discrimination, assortie de sanctions.

Le fait qu'il existe par ailleurs des dispositions spécifiques relatives à des formes particulières de discrimination ne pose aucun problème.

Toute personne intéressée pourra, si elle le souhaite, choisir immédiatement la voie pénale, et déposer plainte sur base de la future loi ou, au contraire, tenter de régler autrement le conflit.

L'auteur de l'amendement nº 76 se demande s'il faut lire le § 4 en ce sens que le harcèlement ne porte que sur les discriminations telles que libellées au § 1er, et dans le champ d'application du § 3.

L'orateur précédent répond que c'est évidemment dans le cadre du champ d'application de la loi que l'on vise toutes les formes de harcèlement, y compris le harcèlement sexuel.

C'est du reste précisément pour cela que les dispositions spécifiques évoquées précédemment conservent tout leur intérêt.

Un membre s'interroge sur le champ d'application du § 4 contenu dans l'amendement nº 116.

En effet, qu'est-ce qu'un « comportement indésirable » ?

Dans une société démocratique, les opinions peuvent être très variables sur ce sujet. Or, la règle doit être prévisible dans son application.

De même, qu'entend-on par « qui est lié aux bases de discrimination figurant au § 1er » ? S'agit-il d'un lien direct ou indirect ?

Puisqu'on se réfère au § 1er, il peut s'agir d'un comportement lié aux convictions philosophiques au sens large, c'est-à-dire, par exemple, au combat politique.

La portée juridique exacte du texte doit donc être précisée.

Une membre attire l'attention sur les éléments qui apparaissent à la lecture parallèle de la disposition relative au harcèlement et de la disposition pénale de l'article 4, § 2.

La discrimination que peut constituer un harcèlement n'est punie pénalement que si son auteur est un fonctionnaire, un officier public, ou un dépositaire ou agent de la force publique.

Toute autre personne qui, dans une société par exemple, commet un harcèlement, mais n'incite pas à la discrimination et ne donne pas de publicité à son comportement, ne tombe pas sous le coup des dispositions pénales du texte à l'examen.

La ministre répond qu'elle fournira ultérieurement des informations sur ce que contient, à cet égard, le projet de loi dont il a été question précédemment.

Pour le surplus, la précédente intervenante pose la question de la légitimité de la disposition de l'article 4, qui limite l'application de la sanction pénale aux personnes qu'elle énumère, non seulement pour un harcèlement mais aussi, plus généralement, pour une discrimination.

Le gouvernement a choisi de ne pas criminaliser à outrance, mais de tenir compte du fait que les dépositaires de l'autorité publique ont des responsabilités que l'on ne peut exiger de tous les citoyens.

Il y a donc, à leur égard, un souci d'exemplarité, que l'on retrouve également dans le cadre de la loi Moureaux.

L'intervenante précédente estime que cette distinction ne se justifie guère en matière de harcèlement, et se demande si elle ne risque pas de donner lieu à des recours à la Cour d'arbitrage.

Une membre rappelle sa question aux auteurs de la proposition et à la ministre, quant au fait de savoir si l'article 2, § 4, constitue la seule disposition décrivant le harcèlement au travail.

Cette disposition est restrictive, et ne correspond pas à la réalité rencontrée de plus en plus souvent dans notre société, à savoir la violence psychique.

La ministre compétente veut faire adopter une législation qui rend l'employeur responsable du harcèlement commis sur le lieu de travail.

L'intervenante se demande comment les employeurs peuvent intervenir contre les auteurs de cette violence psychique.

Notre Code pénal sanctionne en effet essentiellement la violence physique. La disposition envisagée ici en matière de harcèlement n'est-elle pas trop restrictive, en ce qu'elle est liée à l'existence d'une discrimination en raison d'une caractéristique déterminée, alors que le harcèlement au travail est souvent dû à des sentiments de jalousie, ou à un sentiment de menace dans le chef du harceleur, par rapport à sa propre fonction dans l'entreprise, et a pour but d'écarter la victime du harcèlement ?

La ministre répète qu'elle fournira ultérieurement des indications sur l'articulation du projet de loi en préparation avec la proposition à l'examen.

L'auteur principal de la proposition de loi rappelle qu'une proposition a été déposée qui impose l'insertion d'une clause prenant en compte le harcèlement moral dans le règlement général pour la protection des travailleurs et dans la loi de 1987 sur le bien-être des travailleurs.

Selon ce texte, celui qui s'estime victime de harcèlement moral, indépendamment de la personne qui harcèle, peut s'adresser au tribunal du travail en cas de non-respect par l'employeur de son obligation de prendre dans son entreprise des dispositions tendant à prévenir ce type de harcèlement.

Actuellement, ce projet et cette proposition se trouvent toujours pour avis au CNT et il faudra bien, à un moment donné, les inscrire d'autorité à l'ordre du jour.

Une membre estime qu'il ne suffit pas de rendre l'employeur responsable, mais qu'il faut trouver une solution équilibrée, où l'employeur peut intervenir en raison du fait qu'un fait pénal a été commis.

Le précédent intervenant déclare que, selon lui, le harceleur, qui est le premier responsable, est coupable de coups et blessures volontaires. Il ne s'agit d'ailleurs pas toujours du patron, mais il peut s'agir d'un collègue, ou même d'un subordonné.

La voie pénale est évidemment toujours possible, mais elle est parfois malaisée.

C'est pourquoi une action devant le tribunal du travail permettrait d'aborder le problème par un autre biais, à savoir le fait pour l'employeur de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour prévenir le harcèlement.

Un membre renvoie aux polémiques politiques qui s'expriment dans la presse. Certains hommes politiques sont biens vus par les journalistes, d'autres font constamment l'objet d'un harcèlement qui peut parfois porter gravement atteinte à la dignité de leur personne.

L'intervenant songe également aux pamphlets électoraux utilisés lors des campagnes électorales.

On peut se demander si tout cela correspond à la définition du harcèlement figurant à l'article 2, § 4, contenu dans l'amendement nº 116.

La loi de 1999 sur le harcèlement sexuel donne une définition du comportement indésirable qu'elle vise, ce que ne fait pas la disposition proposée ici.

L'intervenant précédent admet que le mot « harcèlement » fait référence à un texte que beaucoup connaissent déjà, mais qui n'est pas encore devenu loi. Aussi ne serait-il pas inutile, effectivement, de définir ici ce qu'est le harcèlement, et de considérer que ce harcèlement constitue une forme de discrimination lorsqu'il est basé sur les critères énumérés à l'article 2, § 1er.

Une membre renvoie aux dispositions générales de la directive, et plus précisément à l'article 2.3, qui définit les cas dans lesquels le harcèlement est considéré comme une forme de discrimination.

Le texte ajouté par le gouvernement est celui de la directive européenne. Le problème est que celle-ci s'inscrit dans un dispositif bien précis.

La ministre déclare que l'on a effectivement transposé la directive, laquelle pose problème car elle utilise des notions dont certaines, comme celle de comportement indésirable, sont imprécises.

Le § 4 de l'article 2 proposé à l'amendement nº 116 contient cependant une ébauche de définition, puisqu'il vise un comportement ayant pour objet ou pour effet (...) de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

Quant au harcèlement politique évoqué par un membre, il s'agirait sans doute, si l'on considère l'amendement nº 116 et la notion de justification objective et raisonnable, d'une différence de traitement admissible, puisque légitimée par la liberté d'expression.

La ministre conclut que l'on a sans doute voulu reproduire trop fidèlement la directive, et qu'il faut faire un effort complémentaire, afin de mieux définir le harcèlement.

La précédente intervenante estime qu'il vaudrait mieux supprimer le § 4 de l'article 2 figurant à l'amendement nº 116, et élaborer une loi distincte et cohérente sur le harcèlement, y compris le harcèlement sexuel.

Une membre fait observer que le harcèlement sexuel est déjà défini à l'article 5 de la loi de 1999.

Quant au harcèlement en général, il est visé par le Code pénal.

Un membre souligne, à propos du § 4, que l'accumulation d'adjectifs est due à la façon dont sont rédigées les directives, à savoir qu'au lieu de se mettre d'accord sur une formulation commune, on juxtapose les termes proposés par les divers pays.

Ainsi, le terme intimidant paraît aller trop loin.

De même, quelle différence fait-on entre « dégradant » et « humiliant » ?

Un autre membre observe qu'il s'est produit un glissement sémantique entre le mot « intimidation » figurant dans la directive, et le mot « intimidant » qui figure à l'amendement nº 116.

Amendement nº 60E

Mme de T' Serclaes dépose, à l'amendement nº 6 du gouvernement, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/8, amendement nº 60E), tendant à compléter l'article 2 proposé par un § 5, rédigé comme suit :

« § 5. Tout comportement visant à enjoindre à quiconque de pratiquer une discrimination à l'encontre de personnes visées au § 1er est considéré comme une discrimination. »

Le sous-amendement reprend le texte des dispositions européennes en cette matière, à savoir, d'une part, les dispositions de l'article 13 du Traité de l'Union ­ à l'exception du mot « sexe », la dimension du genre étant déjà traitée dans d'autres lois et vu son caractère transversal ­ et, d'autre part, les dispositions de la directive européenne 2000/78/CE.

Un membre fait observer que le sous-amendement concerne en fait le problème général de l'ordre illégal.

Amendement nº 88

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent, à l'amendement nº 6 du gouvernement, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/10, amendement nº 88), tendant à compléter l'article proposé par un § 5, libellé comme suit :

« § 5. La présente loi n'est pas applicable aux relations privées.

L'application de la présente loi ne peut pas porter atteinte à la protection d'autres droits et libertés fondamentaux, en particulier la liberté d'expression, la liberté l'association et la liberté des cultes. »

Il est renvoyé à la justification de l'amendement nº 69 (doc. Sénat, nº 2-12/8).

L'un des auteurs de la proposition de loi à l'examen répond que les auteurs de celle-ci ont pris les précautions voulues pour tenir compte de l'existence d'une sphère privée, et pour que celle-ci soit respectée.

C'est pourquoi le § 3 parle, notamment, de la fourniture de biens et de services « à la disposition du public ».

Cependant, tel qu'il est libellé, le sous-amendement implique que rien de ce qui se passe dans la sphère privée ne peut être considéré comme discrimination, ce qui va beaucoup trop loin.

Une membre renvoie à une disposition du Code pénal français qui punit toutes les discriminations commises par les fonctionnaires publics ou les mandataires de l'autorité publique.

On vise donc très clairement et exclusivement la sphère étatique. La loi canadienne relative à la lutte contre la discrimination en général va plutôt dans le sens de la proposition à l'examen, en visant la sphère privée contractuelle.

Il s'agit donc d'un choix politique.

La ministre renvoie à l'amendement nº 116, qui pose des balises. Il est difficile d'être plus précis sans que la définition manque en partie son but.

Il faut pouvoir accepter qu'à partir d'un certain moment, en fonction des circonstances de fait, ce soit le juge qui précise, dans les différents cas d'application, la portée exacte de la loi.

En ce qui concerne la liberté d'expression et d'association, si un comportement ou une distinction est pratiquée, et se revendique à juste titre de cette liberté, telle qu'elle est définie par les textes nationaux et internationaux, il s'agit d'un comportement ou d'une distinction licite et admissible, et non d'une discrimination.

Ce n'est que lorsque la distinction est pratiquée dans l'exercice d'une liberté, mais que l'on commet un abus dans cet exercice, qu'il y a discrimination.

Une membre demande des précisions à propos de la portée exacte du terme « public ». Celui-ci vise-t-il la globalité de la population ?

Le « public » se compose en effet d'une quantité de groupes, l'associations, etc.

La ministre répond que les conditions fixées pour adhérer à une association relèvent de la liberté l'association. Par contre, si l'on organise une activité ouverte au public, où l'on prétend, par exemple, n'admettre que les femmes, il existe un problème potentiel. La question est de savoir si, ce faisant, on reste ou non dans le cadre de l'exercice normal de la liberté l'association et d'organisation d'activités. L'intervenante estime qu'il faut laisser au juge le soin de l'apprécier.

Une membre reprend l'exemple précédemment cité d'un bassin de natation communal (asbl paracommunale), dont l'accès est réservé aux femmes, un jour par semaine, pendant quelques heures.

L'intervenante pense que cela ne sera jamais considéré par un tribunal comme une discrimination.

Une précédente oratrice rappelle que l'application de la loi pénale doit être prévisible, ce qui n'est pas le cas si l'on s'en remet trop largement au juge pour l'appréciation des faits.

La ministre déclare que les études scientifiques en matière de discrimination montrent que le juge judiciaire est généralement très prudent dans l'application de ces lois.

D'ailleurs, le législateur a, à plusieurs reprises, revu des lois parce qu'il considérait que le juge judiciaire en faisait une application trop laxiste et trop respectueuse des libertés des personnes poursuivies.

Le volet pénal réprime l'incitation à la discrimination commise par un fonctionnaire, mais dans ce cas, le dol général est requis.

Ainsi, dans le cas d'une association ouverte seulement aux femmes, il faudra démontrer que la personne qui a commis le fait, à supposer qu'il s'agisse d'un fonctionnaire, l'a fait dans l'intention de pratiquer une discrimination.

Une membre se demande, à propos du § 3 de l'article 2 contenu dans l'amendement nº 116, si le 4e tiret n'est pas superflu, étant repris dans les termes « les conditions d'accès à l'emploi, aux activités non salariées ou au travail » figurant au 2e tiret.

L'intervenante estime également que le 5e tiret devrait être complété par les mots « sauf ce qui est prévu par la loi ».

En outre, les termes « accessibles au public », repris au dernier tiret, lui paraissent beaucoup trop larges. Quel est le fait discriminatoire visé ? Il serait plus compréhensible que l'on vise, par exemple, l'accès à une activité culturelle, politique, etc., car, en tant que telle, une activité ne peut pas être discriminatoire.

La ministre répond que l'on peut peut-être améliorer la formulation de cette dernière disposition mais qu'en ce qui concerne l'existence même de celle-ci, le gouvernement a fait le choix politique de la maintenir.

Amendement nº 119

M. Galand et Mme Kaçar déposent au sous-amendement nº 116 de M. Mahoux et consorts un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/11, amendement nº 119), tendant à insérer au § 1er, la mention de la langue maternelle comme critère potentiel de discrimination.

Il est renvoyé aux précédentes discussions à ce sujet.

Amendement nº 120

Mme Kaçar et M. Galand déposent au sous-amendement nº 116 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/11, amendement nº 120), tendant à remplacer, au § 2 proposé, les mots « un des motifs visés au § 1er » par les mots « une des bases de discrimination visées au § 1er ».

Il est également renvoyé, à ce sujet, aux précédentes discussions.

Amendement nº 122

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent au sous-amendement nº 116 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/11, amendement nº 122), tendant à remplacer, au § 1er, les mots « si une distinction de traitement qui manque de justification objective et raisonnable » par les mots « si une personne est traitée, sans justification objective et raisonnable, de manière moins favorable qu'une autre ne l'est dans une situation comparable et que cette distinction ».

L'amendement tend à préciser davantage le texte. Il est renvoyé, à ce sujet, à la justification de l'amendement nº 90 (doc. Sénat, nº 2-12/10).

Une membre se demande si l'idée qui sous-tend l'amendement nº 122 n'est pas exprimée par les mots « une distinction de traitement qui manque de justification objective et raisonnable ».

L'un des auteurs de l'amendement nº 122 répond par la négative, et renvoie à cet égard à la jurisprudence élaborée par la Cour d'arbitrage à propos des notions de discrimination et de traitement identique. La formulation visée par la précédente intervenante est incomplète, car elle ne mentionne pas la notion de but légitime.

Conformément à la jurisprudence de la Cour d'arbitrage, le principe de finalité (but légitime), le principe de proportionnalité (moyens employés), et la conformité aux définitions de la directive européenne doivent être respectés.

On retrouve du reste la même formule dans la directive qui précise : « à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifiée par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires. »

La ministre fait observer que, selon l'avis du Conseil d'État, « une telle définition n'est pas lisible pour les citoyens ». Il faut donc s'efforcer de trouver une formule moins complexe.

La précédente intervenante répond que cela ne peut avoir pour conséquence que les citoyens disposent, dans l'application du principe d'égalité, de moins de garanties que celles définies par la Cour d'arbitrage à propos des actes de l'autorité publique.

Tous les éléments nécessaires à un équilibre doivent s'y retrouver.

Une autre membre estime elle aussi qu'il faut éviter des incohérences ou des divergences de jurisprudence par rapport au concept de discrimination.

La ministre déclare qu'il suffit de préciser dans les travaux préparatoires que le but est de faire application de la notion de discrimination, telle qu'elle est entendue par la Cour d'arbitrage.

La définition plus simple proposée ici n'est pas juridiquement défaillante, mais simplement plus ramassée.

Pour ce qui est du volet pénal, si un comportement n'entre pas dans ce que tout citoyen peut comprendre en lisant cette définition, la personne ne pourra pas être poursuivie.

L'un des auteurs de l'amendement nº 122 trouve que c'est la formule figurant à l'article 2, § 1er, de l'amendement nº 116, laquelle est dépourvue d'explicitation et de point de référence, qui est peu compréhensible pour le citoyen, et non celle de la Cour d'arbitrage.

Amendement nº 121

M. Vandenberghe dépose à l'amendement nº 6 du gouvernement un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/11, amendement nº 121 subsidiaire à l'amendement nº 89) qui vise à modifier l'article 2.

Un membre souligne qu'au cours de la réunion précédente, on a débattu de la définition de l'expression « l'état de santé futur ». Dans le sous-amendement, on propose de remplacer les mots « ou futur » par les mots « ou futur raisonnablement prévisible ». Il faudrait disposer d'examens médicaux pour avoir un certain degré de fiabilité en la matière.

Une membre rappelle la question déjà posée de savoir si des examens médicaux peuvent être sollicités par un employeur qui sait son futur employé atteint d'une maladie grave, avec un espoir de vie limité au moment de la conclusion d'un contrat de travail. Elle se demande si la proposition de loi s'applique à un refus d'engagement, et comment le juge appréciera le caractère raisonnable et objectif de ce refus. Le membre se pose la question de savoir si de tels examens ne relèvent pas de la vie privée du futur employé.

L'auteur principal de la proposition de loi répond que les examens médicaux à l'embauche doivent être effectués exclusivement dans l'intérêt du travailleur. Les anamnèses et les examens invasifs sont de toute façon interdits.

Le membre souligne que des personnes atteintes d'une maladie systémique qui était traitée étaient refusées pour la nomination à la fonction publique en raison de leur état de santé. Il s'agit d'une méthode très discutable.

Une intervenante précédente se demande si l'examen médical que l'on effectue pour pouvoir évaluer le risque et la prime dans le cadre d'une assurance-vie constitue une distinction justifiable objectivement par rapport aux autres assurances.

Le précédent orateur répond que la problématique du risque de l'assurance-vie diffère de celle des autres assurances. Le fait de refuser systématiquement d'assurer certaines catégories de personnes dans le cadre d'une assurance courante (véhicule, incendie) constituerait une discrimination tandis qu'en matière d'assurance-vie, le problème se présente différemment. Des examens invasifs sont contestables sur le plan moral mais ne relèvent pas de la problématique de la discrimination.

Une membre explique que les compagnies d'assurances disposent de statistiques pour évaluer le risque de fin de vie, en l'occurrence le suicide et l'euthanasie. La membre estime que cela pourrait donner lieu à des pratiques discutables. Cela est à surveiller. Les contrats d'assurances contiennent des clauses qui stipulent que l'année qui suit le suicide n'est pas couverte mais est reprise ultérieurement.

Amendement nº 123

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent, à l'amendement nº 116, un autre sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/11, amendement nº 123), qui vise à modifier l'article 2, § 1er.

Un des auteurs affirme ne pas être d'accord sur le point de vue du gouvernement, selon lequel une définition vague de la discrimination suffirait. En effet, cette définition sera applicable aux particuliers. Le membre rappelle que, dans son avis, le Conseil d'État renvoie à la définition de la discrimination donnée par la Cour d'arbitrage, laquelle utilise un ensemble équilibré de notions en matière d'égalité et de non-discrimination, dans lequel on prend une évaluation par rapport à une situation égale comme point de comparaison tout en analysant la finalité. Le membre souligne qu'en outre, le traitement inégal doit être proportionnel à l'objectif à atteindre. Le point de vue de la Cour d'arbitrage correspond à celui de la directive européenne.

Le membre affirme que selon le Conseil d'État, il sera difficile au citoyen ordinaire de se faire une idée précise des critères utilitaristes de la loi proposée et des critères rationnels élaborés par la jurisprudence en ce qui concerne la notion de discrimination, vu que son comportement n'est pas toujours strictement rationnel.

Le membre attire l'attention sur le fait que le Conseil d'État affirme également qu'il faut délimiter le champ d'application des dispositions pénales qui figurent dans la proposition de loi. Dès lors que celle-ci contient des dispositions civiles et pénales destinées à s'appliquer directement au particulier, l'imprécision de la proposition ne peut être admise. C'est pourquoi elle est contraire à l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et aux articles 12 et 14 de la Constitution. Il faut utiliser une terminologie claire pour ne pas laisser un pouvoir d'appréciation excessif au juge. Au cours de la discussion, on a affirmé que la définition de la discrimination ainsi que les critères constitutif de celle-ci doivent être élaborés par la jurisprudence. Cependant, il faut offrir au citoyen la sécurité juridique quant à savoir ce qui est punissable.

Voilà pourquoi il est proposé, dans le sous-amendement nº 123 de remplacer les mots « qui manque de justification objective et raisonnable » par les mots « qui n'est pas justifiée objectivement par un but légitime ou qui n'use pas de moyens adéquats et nécessaires pour atteindre ce but ». L'on intégre ainsi les garanties d'équilibre et de proportionnalité du principe de discrimination consacrée par la Cour d'arbitrage.

La ministre estime que l'élément de comparaison avec d'autres personnes est compris dans la notion de « distinction de traitement » et que le caractère raisonnable est suffisamment clair. Pour ce qui est de l'incrimination pénale, elle renvoie à la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie, qui se réfère à la notion « dans des conditions d'égalité » (article 1er, alinéa 1er). La présente proposition de loi est plus précise parce qu'elle donne une définition claire et acceptable pour les citoyens du principe de « l'égalité ». Ce point de vue reste néanmoins ouvert à discussion.

Une membre répond qu'elle trouve, à titre personnel, que l'amendement mérite l'attention. En effet, la terminologie utilisée par la proposition n'est peut-être pas suffisamment précise. Il pourrait effectivement être indiqué d'utiliser les notions définies par. la jurisprudence de la Cour d'arbitrage.

Amendement nº 124

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent à l'amendement nº 116 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/11, amendement nº 124) qui vise à modifier l'article 2, § 2.

Il y est proposé de remplacer ce paragraphe par la disposition suivante :

« Il y a discrimination indirecte lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre a en tant que tel un résultat dommageable pour des personnes auxquelles s'applique un des motifs visés au § 1er, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit justifié objectivement par un but légitime et que les moyens pour atteindre ce but ne soient adéquats et nécessaires. »

On emprunte ainsi la définition de la notion de discrimination indirecte employée dans les directives européennes.

Une membre demande quelle est la différence entre cet amendement et la formule figurant dans la proposition à l'examen.

Un des auteurs répond que cela concerne surtout le dernier membre de phrase (« objectivement justifiée par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif soient appropriés et nécessaires »).

Le sous-amendement insère donc dans le texte le principe de finalité.

Amendement nº 126

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent à l'amendement nº 116 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/11, amendement nº 16) qui vise à modifier l'article 2, § 3.

Cet amendement est inspiré de l'avis du Conseil d'État. On ne peut pas obliger les citoyens à adopter pour tous les actes le point de vue des autorités en matière de lutte contre la discrimination. C'est contraire à la liberté d'opinion. Les plaisanteries pourraient aussi être considérées comme discriminatoires. La présente proposition de loi peut en effet avoir pour la liberté d'expression des conséquences plus radicales qu'on ne la souhaiterait.

Une membre demande si la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie ne contient pas déjà une disposition presque identique réprimant des textes de nature discriminatoire.

La ministre explique que dans la loi du 30 juillet 1981, l'idée même de la répression de la publicité de l'intention de recourir à la discrimination est centrale, sans que les modes d'expression soient visés.

La précédente intervenante estime que le caractère public lui-même pose problème. La membre a déposé un amendement portant sur la distinction entre d'une part la finalité ­ qui est la publicité ­ et d'autre part les modes d'expression qui ne sont pas mis sur un pied d'égalité avec la finalité. Dans la proposition de loi, on spécifie la manière dont cette publicité sera source de discrimination.

Un membre demande si la publicité de Benetton, qui était délibérément heurtante mais qu'il ne considérait pas comme constitutive de racisme, pourrait être poursuivie. Il se demande quelles sont les limites des possibilités légales d'inventer un système de communication originale dans ce domaine.

La ministre déclare que la loi de 1981 définit la discrimination comme une distinction de traitement basée sur un certain nombre de critères, sans préciser que pour qu'il y ait discrimination, il faut une absence de justification objective et raisonnable. Du fait que l'on introduit ici clairement et explicitement l'idée de discrimination dénuée de justification objective et raisonnable, l'usage licite de la liberté d'expression sort du cadre de la proposition de loi et relève de la protection prévue par le droit international. La ministre souligne que le juge judiciaire, garant des libertés individuelles, se montre très prudent et s'abstient de condamner s'il y a un doute.

Une précédente intervenante estime qu'en l'absence d'une définition précise de l'usage licite de la liberté d'expression, le juge dispose d'une marge d'appréciation très large.

Une membre demande si la proposition de loi s'applique à toutes les formes d'art et de littérature, à la culture, aux textes religieux, aux textes bibliques, à la simple publicité, considérés comme discriminatoires parce que confirmant le partage traditionnel des rôles ou en raison de leur possible caractère raciste. Elle cite l'exemple de la mesure prise par le ministre flamand de la Culture, M. B. Anciaux, qui a retiré de la circulation tous les ouvrages interdits en vertu de la loi du 23 mars 1995 tendant à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l'approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendans la Seconde Guerre mondiale.

La membre se demande si tout ce qui devient public doit pouvoir être soumis à l'appréciation du juge.

L'auteur principal de la proposition s'étonne de la question posée à propos de la censure et du respect des bonnes moeurs en ce qui concerne les oeuvres d'art. Le secteur de la culture reste un secteur particulier qui mérite une approche spécifique. La proposition de loi ne vise pas la censure.

Une membre souligne que la notion de bonnes moeurs a un caractère évolutif.

Un autre membre demande si un pamphlet culturel ressortit au champ d'application de la proposition de loi.

La ministre répond qu'un pamphlet relève, d'après la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, de l'exercice normal de la liberté d'expression.

Elle rappelle que, pour que la proposition s'applique, il faut un élément intentionnel et une incitation d'autrui.

La ministre se dit préoccupée plutôt par une application insuffisante que par une application excessive de la proposition de loi.

Un des auteurs renvoie à l'amendement nº 126 et déclare que la « porte ouverte » que contient la proposition doit être supprimée.

L'intitulé de la proposition de loi permet une interprétation large. Ce qui relève de la sphère privée, comme les associations de personnes et leurs critères propres ne tombe par sous le coup de la loi. Le Conseil d'État constate dans son avis que la définition des activités socioculturelles n'est pas satisfaisante. Le membre se demande quelle est précisément la distinction entre ce qui est privé et ce qui est publié, accessible au public.

Une membre estime que la loi de 1981 qui vise les activités liées à la vie sociale, culturelle, ... contient déjà une « porte de secours » trop large. Elle se demande si cela a déjà donné lieu à des dérapages au niveau de la jurisprudence ou dans tout autre domaine de la vie sociale.

La ministre répond qu'il n'y a pas eu d'erreurs par excès dans l'application de cette loi, mais plutôt des erreurs par défaut.

Amendement nº 127

M. Vandenberghe et Mme De Schaphelaere déposent à l'amendement nº 116 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/11, amendement nº 127) qui vise à modifier l'article 2, § 3.

Un des auteurs explique que ce sous-amendement est strictement subsidiaire. L'amendement nº 116 supprime l'adjectif « normal » qualifiant l'« exercice » et élargit dès lors une nouvelle fois le champ d'application, ce que l'on ne saurait accepter (voir la justification de l'amendement nº 86).

L'auteur principal de la proposition de loi répond que le terme « normal » a été supprimé parce qu'il paraissait superfétatoire.

Une autre membre fait remarquer qu'il s'agit de définir ce que signifie « normal ».

Amendement nº 128

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent à l'amendement nº 116 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/11, amendement nº 128) qui vise à modifier l'article 2, § 4. Il s'agit ici aussi d'un amendement d'ordre subsidiaire.

Amendement nº 137

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 116 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/11, amendement nº 137) visant à modifier l'article 2, § 3, en supprimant le 4e tiret.

L'auteur estime que la nomination d'un fonctionnaire ou son affectation à un service se trouvent déjà comprises au 2e tiret dans la notion d'accès à l'emploi. En outre, il existe dans la fonction publique d'autres statuts que celui de fonctionnaire. Le 4e tiret est donc superflu, et pourrait même donner lieu à des controverses juridiques.

L'intervenante se demande aussi si, compte tenu du statut spécifique des forces armées, il ne faudrait pas prévoir une loi spéciale relative au harcèlement sexuel dans ce secteur.

La ministre souligne que la directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique a pris soin de préciser qu'elle s'applique au secteur privé et au secteur public. Ne pas mentionner les fonctionnaires risque de susciter une controverse sur le point de savoir s'ils sont ou non visés, d'autant plus que la proposition comporte un volet pénal.

L'auteur de l'amendement souscrit au point de vue de la ministre. Cependant, la phrase relative aux fonctionnaires a une portée plus restreinte que la disposition applicable au secteur privé. Les conditions de recrutement, les critères de sélection et de promotion ne sont pas prévus. Or, beaucoup de problèmes se posent à ce niveau, par exemple à la police. Les juges pourraient déduire du texte qu'il ne vise, en ce qui concerne les fonctionnaires, que la nomination et l'affectation.

La ministre propose de supprimer le premier tiret (nomination et affectation) et de regrouper le reste du texte sous le même tiret, en précisant que cela vaut tant pour le secteur public que pour le secteur privé.

L'auteur de l'amendement marque son accord sur cette solution.

Amendement nº 125

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent à l'amendement nº 116 de M. Mahoux et consorts un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/11, amendement nº 125), en vue de supprimer l'avant-dernier tiret du § 3 proposé.

Amendement nº 135

Mme De Schamphelaere et M. Vandenberghe déposent à l'amendement nº 116 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/11, amendement nº 135) visant à supprimer le § 4 de l'article 2.

Un des auteurs de l'amendement rappelle que le ministre élabore un cadre général qui a été soumis aux partenaires sociaux pour discussion.

L'on impose des obligations à l'employeur en vue d'empêcher le harcèlement. L'intervenant estime que la proposition de loi tendant à lutter contre le harcèlement psychologique. Celui-ci ne n'est pas toujours fondé sur des motifs de discrimination. Sinon, les individus moyens n'en seraient pas victimes. Le harcèlement psychologique consiste en la création malveillante d'un environnement négatif par la diffusion de rumeurs ou d'écrits blessants ou par l'accomplissement d'actes humiliants ou blessants. On ne peut pas le réduire à de la discrimination. Il est vrai toutefois que les personnes victimes de discrimination peuvent être plus facilement victimes de harcèlement psychologique, mais les individus moyens peuvent aussi en devenir victimes.

L'intervenant déclare que le harcèlement psychologique, un phénomène étudié par des criminologues dans le cadre de structures totalitaires, se fonde sur un système hiérarchisé d'humiliation et d'intimidation mentale. Donner une définition pénale de ce phénomène présente l'avantage qu'on peut également poursuivre la complicité et la participation criminelle.

L'intervenant estime que le § 4 de l'article 2 proposé à l'amendement nº 116 doit être supprimé. Il convient d'élaborer un cadre légal nouveau plus large permettant de définir le harcèlement psychologique en général comme étant un acte malveillant et de le punir en tant que tel.

Une membre note que la proposition de loi présente le phénomène du harcèlement psychologique sous une seule forme spécifique. Elle estime qu'il ne faut pas examiner le phénomène dans sa totalité dans le cadre de la discussion de la proposition sous revue.

La préopinante estime qu'il faut prévoir des sanctions pénales pour le phénomène général du harcèlement psychologique.

L'auteur principal de la proposition de loi répond que le harcèlement moral est punissable en vertu de l'article 442bis du Code pénal. Les dispositions pénales sont d'application au niveau des entreprises. Quand le harcèlement relève du § 1er de l'article 2, le dispositif pénal de la proposition s'appliquera. Une approche préventive du harcèlement moral s'impose également.

Selon un membre, il est difficile de distinguer la discrimination du harcèlement.La notion de harcèlement revêtant un caractère discriminatoire qui est utilisée dans la proposition à l'examen est bien choisie.

Une des auteurs de l'amendement nº 135 souligne qu'il ressort des contacts qu'elle a eus avec des groupes d'entraide que l'absence de dispositions pénales applicables à l'auteur pose des problèmes. Le phénomène de la terreur psychique, par exemple par la diffusion de rumeurs et par le recours à des formes d'humiliation, ne tombe pas sous l'application de dispositions pénales; seuls les coups et blessures, les outrages et la diffamation sont punissables. Le harcèlement psychologique n'est pas toujours lié à la discrimination. On peut saboter le travail de la victime, ce qui entraîne son exclusion sociale. Dans la plupart des cas, l'auteur se sent psychiquement menacé sur le plan professionnel. Il est difficile de définir le sabotage sur le plan pénal.

Une membre explique que l'article 442bis du Code pénal, qui prévoit l'infraction de harcèlement, n'est pas limité à l'aspect physique, mais comprend également une dimension psychique.

Un autre membre estime que la définition du harcèlement psychique proposée par une précédente oratrice va trop loin. En effet, elle pourrait mener à la pénalisation de la moindre remarque malencontreuse, ce qui risque de paralyser les relations individuelles sur le lieu de travail. Le dispositif de l'article 442bis est suffisant. Le membre est cependant d'accord que le harcèlement ne peut pas toujours être assimilé à la discrimination.

Une préopinante répond à cela que l'article 442bis du Code pénal vise celui qui aura harcelé une personne alors qu'il savait ou aurait dû savoir qu'il affecterait gravement par ce comportement la tranquillité de celle-ci. Cette disposition vise à protéger la vie privée d'une personne. La victime de harcèlement psychologique n'est toutefois pas pourchassée; on tente de provoquer son exclusion sociale en portant atteinte à son intégrité psychique.

L'intervenante estime qu'il faut s'attaquer au problème en général. Les victimes de harcèlement psychologique ne peuvent pas se défendre. C'est pourquoi elle estime qu'il faut prévoir une disposition visant à sanctionner les actes de terreur psychique qui portent gravement atteinte à la crédibilité de l'intéressé et à l'image qu'il a lui-même.

L'auteur principal de la proposition répète que l'infraction de harcèlement est couverte par le Code pénal. La preuve pénale est cependant difficile à rapporter car il s'agit de démontrer l'existence d'un acte intentionnel, insidieux et répétitif. C'est pourquoi une proposition de loi a tenté de résoudre le problème par une autre voie.

En effet, par la mise en oeuvre du règlement général sur la protection du travail et la loi sur le bien-être des travailleurs, on peut prévenir le harcèlement. Le tribunal du travail pourra vérifier si toute mesure utile a été prise en vue de prévenir le harcèlement.

À défaut de telles mesures de prévention, l'entreprise pourra être traduite en justice.

Le membre estime qu'un comportement de harcèlement peut viser l'isolement d'une personne sans pour autant constituer une attitude discriminatoire. Ne pas donner de travail ou en donner trop dévalorise une personne mais ne constitue pas nécessairement un comportement discriminatoire. Par contre, si le mobbing ou le harcèlement moral vise un des critères repris par la directive (handicap, couleur de la peau, ...), il rentre dans le cadre de la proposition à l'examen.

Une membre est favorable à l'élaboration d'un concept global de harcèlement, comprenant le harcèlement moral et sexuel, plutôt que de laisser subsister des dispositions disparates.

L'intervenante rappelle que deux propositions de directives existent : la proposition de directive du Conseil, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique, et la proposition de directive du Conseil portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail. Ces deux propositions de directive comprennent la notion de harcèlement.

Amendement nº 130

Mme T' Serclaes dépose à l'amendement nº 116 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/11, amendement nº 130) visant à modifier l'article 2, § 3.

L'auteur estime qu'il faut préciser le champ d'application du dernier tiret de ce paragraphe, en y insérant les mots « -l'accès et la participation à, ainsi que » avant les mots « tout autre exercice ».

Amendement nº 132

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent, à l'amendement nº 116, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/11, amendement nº 132) visant à remplacer l'article 2, § 4.

Un des auteurs déclare qu'il s'agit d'un amendement purement subsidiaire visant à préciser les intentions des auteurs de l'amendement nº 116 et la notion de « comportement indésirable ».

Amendement nº 129

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 116 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/11, amendement nº 129) visant à modifier l'article 2 comme suit :

« A. Remplacer le § 1er proposé par ce qui suit :

« § 1er. ­ Il y a discrimination directe lorsque des personnes sont traitées de manière moins favorable que d'autres personnes ne le sont, ne l'ont été ou ne le seraient dans une situation comparable, sur la base d'une prétendue race, d'une couleur, de l'ascendance ou de l'origine nationale ou ethnique, de l'orientation sexuelle, de l'état civil, de la naissance, de l'âge, de la conviction religieuse ou philosophique, de l'état de santé actuel ou futur, d'un handicap ou d'une caractéristique physique.

La discrimination directe ne peut en principe être justifiée. Toutefois, certaines différences de traitement fondées notamment sur l'âge, ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail, de la formation professionnelle et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires. »

B. Remplacer le § 2 proposé par ce qui suit :

« § 2. ­ Il y a discrimination indirecte lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre en tant que tel, est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes auxquelles s'applique un des motifs visés au § 1er, par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif soient appropriés et nécessaires. »

C. Au § 3 proposé, remplacer la première phrase par ce qui suit :

« Toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur l'un des motifs visés au § 1er, est interdite lorsqu'elle porte sur : »

D. Au § 3 proposé, remplacer l'énumération par ce qui suit :

« a) les conditions d'accès, la sélection, y compris les critères de sélection et les conditions de recrutement, aux emplois ou postes de travail et aux professions indépendantes, quels que soient le secteur et l'activité et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle, y compris en matière de promotion;

b) les conditions d'emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération;

c) l'affiliation à et l'engagement dans une organisation de travailleurs ou d'employeurs ou toute organisation dont les membres exercent une profession donnée, y compris les avantages procurés par ce type d'organisation;

d) l'accès aux biens et services et la fourniture de biens et services à la disposition du public. »

E. Au § 1er proposé, insérer après les mots « caractéristique physique », les mots « l'appartenance à un groupe socio-économiquement défavorisé ».

F. Remplacer, au § 4 proposé, le mot « bases » par le mot « motifs. »

Il est renvoyé à la justification de l'amendement nº 30 (doc. Sénat, nº 2-12/7).

Amendements nºs 139 et 140

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 116 les sous-amendements nos 139 et 140 (doc. Sénat, nº 2-12/11) visant à modifier l'article 2, §§ 1, 2, et 3.

Ces amendements s'inspirent également d'amendements précédents du même auteur, et concernent notamment la définition de la notion de discrimination, par rapport à celle qu'en donne la Cour d'arbitrage.

Amendement nº 141

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 116 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/11, amendement nº 141) visant à modifier l'article 2, § 3, en remplaçant les deuxième et troisième tirets par ce qui suit :

« ­ les conditions d'accès à l'emploi, aux activités non salariées ou au travail, y compris les critères de sélection et les conditions de recrutement, quelle que soit la branche d'activité et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle, y compris en matière de promotion, les conditions d'emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération, tant dans le secteur privé que public. »

Il est renvoyé aux précédentes discussions à ce sujet.

Amendement nº 138

Mme Kaçar dépose, à l'amendement nº 116, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/11, amendement nº 138) visant à remplacer l'article 2, § 2.

L'intervenante propose d'utiliser les mots « les moyens utilisés à cet égard », qui figurent d'ailleurs aussi dans les directives européennes.

La ministre constate que le terme français « pratique » est correct; en néerlandais, on utilise le mot « handelwijze ».

L'auteur de l'amendement déclare qu'il y a une différence entre le mot « pratiques » et le mot « moyens ». Le premier concerne l'acte en tant que tel, tandis que le second englobe les méthodes employées.

Amendement nº 131

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 116 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/11, amendement nº 131) tendant à modifier l'article 2, § 4.

L'amendement vise à exclure le harcèlement sexuel, tel qu'il est visé par l'article 5 de la loi du 7 mai 1999. L'auteur renvoie à la discussion qui a déjà eu lieu à propos de son amendement nº 76.

La ministre précise qu'en mars 2001, il a été demandé au Conseil national du travail et au Conseil de l'égalité des chances de rendre un avis sur l'avant-projet de loi modifiant la loi du 4 août 1996. Le premier ne l'a pas encore fait, le second a rendu un avis favorable et émis des remarques techniques.

Il importe surtout de mettre en place une procédure dans l'entreprise ou l'organisation. L'avant-projet de loi prévoit trois niveaux de conciliation :

­ première étape : au sein de l'entreprise, par le conseiller en prévention;

­ deuxième étape : intervention de l'inspection médicale;

­ troisème étape : l'auditeur du travail est saisi de l'affaire.

L'avant-projet de loi prévoit l'obligation dans le chef de l'employeur de réfléchir à des mesures préventives. Le harcèlement moral est un des comportements visés par la loi mais des formes de violences provenant de l'intérieur ou de l'extérieur sont également prises en compte par la loi. L'avant-projet prévoit une obligation dans le chef de l'employeur de s'adresser à un conseiller en prévention soit en interne (pour les entreprises qui comptent plus de 50 employés) soit en externe (pour les entreprises de moins de 50 employés).

Les propositions antérieures instauraient déjà une personne de confiance. Cette notion a été réintroduite par l'avant-projet à la demande de tous les acteurs de terrain. L'avant-projet prévoit en outre une protection pour le plaignant, une indemnité de 6 mois et un régime de licenciement particulier.

De plus, une modification du Code judiciaire s'impose. Il s'agit d'une affaire communicable : un membre du ministère public doit être présent en troisième tentative de conciliation.

L'avant-projet modifiant la loi du 4 août 1996 ne prévoit pas de sanctions à l'encontre de l'auteur du harcèlement. En effet, l'article 442bis du Code pénal prévoit déjà des sanctions spécifiques.

Un membre estime qu'il s'agit ici de mesures préventives et pas de dispositions pénales. Toutes les formes de harcèlement ne figurent pas dans la définition de la loi anti-discrimination. L'intention discriminante n'est souvent pas présente parce que l'auteur veut causer un dommage professionnel du fait qu'il se sent menacé.

Selon le membre, il faut créer un cadre plus large que celui de la lutte contre les discriminations.

En droit néerlandais, le harcèlement (« belaging ») est un élément constitutif. La notion de « trouble de la tranquillité d'autrui » ne fait pas double emploi avec celle de « persécution psychologique ». Les victimes ne peuvent pas obtenir de protection pénale au titre de cette disposition pénale.

La ministre rappelle que l'article 442bis du Code pénal stipule que « quiconque aura harcelé une personne alors qu'il savait ou aurait dû savoir qu'il affecterait gravement par ce comportement la tranquillité de la personne visée, sera puni d'une peine d'emprisonnement de quinze jours à deux ans et d'une amende de cinquante francs à trois cents francs, ou de l'une de ces peines seulement. » Le délit prévu par cet article ne pourra être poursuivi que sur la plainte de la personne qui se prétend harcelée et peut s'appliquer à des auteurs de harcèlement moral, si toutes les conditions de l'article 442bis se trouvent réunies.

Des procédures pénales ont été engagées sur la base de cet article et sont toujours en cours.

Le projet de loi susmentionné relève quant à lui du droit social et non du droit pénal. Il prévoit avant tout un plan de prévention.

Le gouvernement espère déposer son projet à la Chambre à la rentrée 2001.

Amendement nº 142

M. Galand dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-12/11, amendement nº 142, sous-amendement à l'amendement nº 116) qui tend à écarter du § 4 de l'article 2 les termes « subjectifs ».

Ainsi, il supprime les termes « indésirable », « intimidant » et remplace le mot « indésirable » par le mot « volontaire ».

Amendement nº 143

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 116 de M. Mahoux et consorts un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/11, amendement nº 143), tendant à remplacer le § 4 par ce qui suit :

« Le harcèlement est considéré comme une forme de discrimination lorsqu'il est lié aux motifs de discrimination figurant au § 1er. On entend par harcèlement toute forme de comportement indésirable physique, verbal ou non verbal, dont celui qui s'en rend coupable, sait ou devrait savoir qu'il affecte la dignité de la personne concernée et qui a pour objet ou pour effet de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. »

Votes

L'amendement nº 1 de Mme de T' Serclaes et consorts est rejeté par 9 voix contre 4 et 2 abstentions.

L'amendement nº 2 du gouvernement est retiré.

L'amendement nº 69 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 10 voix contre 4 et 1 absention.

L'amendement nº 140 de Mme Nyssens est rejeté par 9 voix contre 4 et 1 abstention.

L'amendement nº 117 de M. Galand et consorts et adopté par 9 voix contre 1 et 5 abstentions.

L'amendement nº 119 de M. Galand et consorts est rejeté par 10 voix et 5 abstentions.

L'amendement nº 129 (A à F) de Mme Nyssens est rejeté par 10 voix contre 4 et 1 abstention.

L'amendement nº 139 (A et B) de Mme Nyssens est rejeté par 10 voix contre 5.

Les amendements nºs 122 et 123 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere sont rejetés par 10 voix contre 5.

L'amendement nº 138 de Mme Kaçar est rejeté par 9 voix contre 1 et 5 abstentions.

L'amendement nº 120 de M. Galand et Mme Kaçar est adopté par 10 voix et 5 abstentions.

L'amendement nº 124 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 10 voix contre 4 et 1 abstention.

L'amendement nº 141 de Mme de T' Serclaes est adopté par 11 voix et 4 abstentions.

L'amendement nº 137 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 7 voix contre 4 et 3 abstentions.

L'amendement nº 125 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 9 voix contre 5.

Les amendements nºs 126 et 127 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere sont rejetés par 10 voix contre 5.

L'amendement nº 130 de Mme de T' Serclaes est adopté par 10 voix contre 4 et 1 abstention.

L'amendement nº 135 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 11 voix contre 4.

L'amendement nº 132 de M Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 10 voix contre 4 et 1 abstention.

L'amendement nº 143 de Mme Nyssens est rejeté par 10 voix contre 4 et 1 abstention.

L'amendement nº 128 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 10 voix contre 5.

L'amendement nº 131 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 10 voix contre 1 et 4 abstentions.

L'amendement nº 142 (A et B) de M. Galand est rejeté par 8 voix contre 1 et 5 abstentions.

L'amendement nº 70 de M. Vandenberghe et consorts est rejeté par 10 voix contre 4 et 1 abstention.

Les amendements nºs 18 de Mme Kaçar et 60 A de Mme de T' Serclaes sont retirés.

L'amendement nº 83 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 10 voix contre 5.

L'amendement nº 82 (A à C) de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 10 voix contre 4 et 1 abstention.

Le point A de l'amendement nº 30 de Mme Nyssens est rejeté par 10 voix contre 4 et 1 abstention.

Le point B de l'amendement nº 30 de Mme Nyssens est rejeté par 10 voix contre 5.

L'amendement nº 74 de Mme Nyssens est rejeté par 10 voix contre 4 et 1 abstention.

L'amendement nº 75 de Mme Nyssens est rejeté par 10 voix contre 1 et 4 abstentions.

L'amendement nº 84 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 10 voix contre 5.

L'amendement nº 65 de Mme Staveaux-Van Steenberge est rejeté par 11 voix contre 1 et 3 abstentions.

L'amendement nº 85 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 9 voix contre 5.

L'amendement nº 64 de Mme Staveaux-Van Steenberge est rejeté par 11 voix contre 1 et 3 abstentions.

Les amendements nºs 81, 60B, 60C, 61, 60D, et 76 de Mme de T' Serclaes sont retirés.

Les amendements nºs 86 et 87 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere sont rejetés par 10 voix contre 5.

Les amendements nºs 49 de M. Mahoux et 104 de Mme Pehlivan sont retirés.

L'amendement nº 30C de Mme Nyssens est rejeté par 10 voix contre 5.

L'amendement nº 90 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 10 voix contre 5.

L'amendement nº 118 de Mme de T' Serclaes et consorts est rejeté par 9 voix contre 4 et 2 abstentions.

L'amendement nº 67 de Mme Staveaux-Van Steenberge est rejeté par 11 voix contre 1 et 3 abstentions.

L'amendement nº 89 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 11 voix contre 3 et 1 abstention.

L'amendement nº 121 de M. Vandenberghe est rejeté par 10 voix contre 5.

L'amendement nº 30E de Mme Nyssens est rejeté par 10 voix contre 5.

L'amendement nº 19 de Mme Kaçar est retiré.

L'amendement nº 63 de Mme Pehlivan est rejeté par 10 voix contre 1 et 4 abstentions.

L'amendement nº 66 de Mme Staveaux-Van Steenberge est rejeté par 14 voix contre 1.

L'amendement nº 114 de M. de Clippele est rejeté par 10 voix contre 2 et 3 abstentions.

Les amendements nºs 105 et 106 de Mme Pehlivan sont retirés.

L'amendement nº 68 de Mme Staveaux-Van Steenberge est rejeté par 10 voix contre 1 et 4 abstentions.

L'amendement nº 30D de Mme Nyssens est rejeté par 10 voix contre 1 et 4 abstentions.

L'amendement nº 91 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 10 voix contre 4 et 1 abstention.

L'amendement nº 30F de Mme Nyssens est adopté par 10 voix et 4 abstentions.

L'amendement nº 58 de Mme Van Riet et consorts est retiré.

L'amendement nº 60E de Mme de T' Serclaes est rejeté par 11 voix contre 1 et 3 abstentions.

L'amendement nº 88 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 9 voix contre 5.

L'amendement nº 6 du gouvernement, tel que sous-amendé par l'amendement nº 116, et ce dernier amendement, tel que sous-amendé, sont adoptés par 9 voix contre 5 et 1 abstention.

La commission a également apporté quelques corrections formelles à l'article 2 :

­ au § 1er, entre les mots « l'ascendance » et les mots « l'origine nationale », le mot « ou » est remplacé par une virgule;

­ au même paragraphe, dans le texte néerlandais, les mots « ongunstige behandeling » sont remplacés par les mots « een verschil in behandeling »;

­ dans le texte français du § 2, les mots « une des bases de discriminations visées » sont remplacés par les mots « un des motifs de discrimination visés ». L'ensemble du texte adopté, tant français que néerlandais, devra être mis en concordance avec cette formule utilisée à l'article 2, § 2.

L'article 2 ainsi amendé et corrigé est adopté par 9 voix contre 2 et 4 abstentions.

Article 3

Amendements nºs 3 et 7

Le gouvernement dépose les amendements nºs 3 et 7 (doc. Sénat, nºs 2-12/4 et 2-12/6). Le ministre de la Justice déclare que l'amendement nº 3 relatif au droit de la preuve peut être retiré, dès lors que l'idée qu'il véhicule est formulée dans les autres amendements du gouvernement.

La ministre de l'Emploi déclare que l'amendement nº 7, qui tend à remplacer l'article 3, peut également être retiré, puisque le texte initial sur lequel cet amendement est basé, est modifié par l'amendement nº 116 de M. Mahoux (doc. Sénat, nº 2-12/11) à l'article 2.

Cet amendement prévoit qu'il y a discrimination directe si une distinction de traitement qui manque de justification objective et raisonnable est directement fondée sur certains critères. La notion de justification objective et raisonnable permet, en matière d'accès à l'emploi, de faire des distinctions qui répondent à des exigences professionnelles essentielles.

Les deux premiers alinéas de l'amendement nº 7 deviennent donc sans objet.

Quant au troisième alinéa de cet amendement, qui a trait à la discrimination fondée sur le sexe, il y a lieu de le remanier. L'idée sous-jacente de cet alinéa est que la présente loi ne porte pas préjudice aux autres lois contenant des règles particulières en matière de discrimination.

Un membre estime que, du point de vue de la technique législative, cette idée serait mieux à sa place à l'article 3quater proposé (voir l'amendement nº 10 du gouvernement). Cet article indique en effet ce à quoi la loi ne touche pas.

Un autre membre peut se rallier à ces propos. Il ne suffit toutefois pas de faire référence à une seule loi spécifique, à savoir celle du 7 mai 1999, mais il conviendrait de prévoir une disposition plus générale.

M. Mahoux dépose à cet effet l'amendement nº 149 (doc. Sénat, nº 2-12/11) concernant l'article 3quater nouveau proposé (voir infra).

Le gouvernement retirera donc l'ensemble de son amendement nº 7.

Une membre a encore une question à propos de l'alinéa 1er proposé dans l'amendement nº 7. Les mots « exigences professionnelles essentielles » sont tirés de la directive qui les utilise dans une interprétation très restrictive.

L'article 4 de la directive autorise des différences de traitement justifiées lorsqu'une caractéristique pertinente constitue une exigence professionnelle essentielle pour le poste. L'expression « exigence professionnelle essentielle » doit être interprétée au sens strict afin de couvrir seulement les exigences professionnelles qui sont strictement nécessaires pour l'accomplissement des activités en question. Par exemple, il serait justifié qu'une institution à des fins religieuses impose des conditions d'emploi lorsqu'elles sont nécessaires à l'accomplissement des obligations liées au poste.

L'intervenante souhaite s'assurer que le texte de l'amendement nº 116 a bien la même portée et la même importance que la notion d'« exigence professionnelle essentielle ».

Un autre membre souscrit à ces propos. Selon la directive, l'exigence professionnelle essentielle a trait à l'organisation des associations libres, aux églises, sur la base de conviction religieuse, ... et à l'embauche qui peut aller de pair. Qui appréciera si une distinction est objective et raisonnablement justifiée ? Cette appréciation émanera-t-elle des associations elles-mêmes ou des pouvoirs publics, des tribunaux, etc. ? Cette distinction objective et raisonnablement justifiée peut-elle être invoquée par les associations libres elles-mêmes ?

Un membre estime que cette discussion a déjà été menée dans le cadre de l'article 2. Le gouvernement a dit clairement qu'il retirait l'amendement nº 7.

Amendements nºs 20, 31, 92, 145, 93, 94 et 151

Le retrait de l'amendement nº 7 rend caducs les sous-amendements nºs 20, 31, 92, 145, 93, 94 et 151.

L'amendement nº 20 de Mme Kaçar (doc. Sénat, nº 2-12/7) avait pour objet de remplacer l'article 3, alinéa 1er, comme suit :

« En raison de la nature de certaines activités, professionnelles ou non, ou des conditions de leur exercice, une différence de traitement fondée sur une caractéristique visée à l'article 2, § 2, peut être objectivement justifiable, par dérogation aux dispositions de la présente loi. »

L'amendement nº 31 de Mme Nyssens (doc. Sénat, nº 2-12/7) tendait à :

­ compléter l'alinéa 1er de l'article 3 proposé par les mots « et déterminante, pour autant que l'objectif soit légitime et que l'exigence soit proportionnée »;

­ remplacer l'alinéa 2 du même article par un texte visant le cas des activités professionnelles d'organisations publiques ou privées dont l'éthique est fondée sur la religion ou les convictions;

­ supprimer l'alinéa 3.

L'amendement nº 92 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere (doc. Sénat, nº 2-12/10) tendait à compléter l'alinéa premier de l'article 3 proposé par les mots « pour autant que l'objectif soit légitime et que l'exigence soit proportionnée ».

L'amendement nº 93 des mêmes auteurs (doc. Sénat, nº 2-12/10) proposait de supprimer le deuxième alinéa de l'article 3 proposé.

L'amendement nº 94 des mêmes auteurs (doc. Sénat, nº 2-12/10) tendait à insérer, après l'alinéa 1er de l'article 3 proposé, l'alinéa suivant :

« En ce qui concerne les activités professionnelles des cultes, des organisations ou des communautés religieuses dont l'éthique est fondée sur la religion ou des convictions, une différence de traitement fondée sur la religion ou les convictions d'une personne ne constitue pas une discrimination lorsque, par la nature de ces activités ou par le contexte dans lequel elles sont exercées, la religion ou les convictions constituent une exigence professionnelle essentielle, légitime et justifiée eu égard à l'éthique de l'organisation. »

L'amendement nº 145 des mêmes auteurs (doc. Sénat, nº 2-12/11) tendait à compléter l'alinéa 1er de l'article 3 proposé par la disposition suivante :

« Cette exigence professionnelle est annoncée au plus tard au moment de l'offre d'un emploi vacant. »

L'amendement nº 151 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere (doc. Sénat, nº 2-12/11, amendement nº 151) visait à remplacer l'article 3 par une disposition conforme à l'article 4.2 de la directive européenne du 17 novembre 2000.

Amendement nº 150

M. Mahoux dépose l'amendement nº 150 (doc. Sénat, nº 2-12/11) visant à supprimer l'article 3.

Amendement nº 152

Mme Nyssens dépose un amendement tendant à remplacer l'article 3 (doc. Sénat, nº 2-12/11, amendement nº 152).

L'auteur estime que l'amendement nº 116 à l'article 2 ne justifie absolument pas que l'on supprime l'amendement nº 7 à l'article 3 dans son intégralité. En effet, tant la directive 2000/78 relative à l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail que la directive 2000/43 relative au racisme, contiennent un article spécifique sur « les exigences professionnelles essentielles et déterminantes ».

Par ailleurs, la directive 2000/78 (article 4) pose le principe des exigences professionnelles essentielles et déterminantes et vise ensuite spécifiquement le cas des organisations dont l'activité est fondée sur la religion ou les convictions. Pour le reste, il est renvoyé à la justification sous l'amendement nº 31.

Votes

L'amendement nº 150 de M. Mahoux est adopté par 11 voix et 4 abstentions.

Les amendements nºs 3 et 7 du gouvernement sont retirés.

Les amendements nºs 20 de Mme Kaçar, 31 A à C et 152 de Mme Nyssens, 92, 145, 93, 94, 151 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere sont devenus sans objet.

Article 3bis (article 3 du texte adopté)

Amendement nº 8

Le gouvernement dépose l'amendement nº 8 (doc. Sénat, nº 12/6) qui tend à insérer un article nouveau disposant que la loi ne s'applique pas à l'organisation interne des cultes, des communautés religieuses et des organisations philosophiques reconnues par le Roi.

Amendements nºs 95, 96, 97 et 146

L'amendement nº 95 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere (doc. Sénat, nº 2-12/10, sous-amendement à l'amendement nº 8 du gouvernement) tend à remplacer, à l'article 3bis proposé, les mots « à l'organisation des cultes et des communautés religieuses et des organisations philosophiques » par les mots « aux cultes et aux communautés religieuses et aux organisations philosophiques ».

L'amendement nº 96 des mêmes auteurs (doc. Sénat, nº 2-12/10, sous-amendement à l'amendement nº 8 du gouvernement, amendement subsidiaire à l'amendement nº 95), tend à compléter l'article proposé, par la phrase :

« l'application de la présente loi ne peut davantage porter atteinte à la liberté d'association et à la liberté des cultes ».

L'amendement nº 97 des mêmes auteurs (doc. Sénat, nº 2-12/10, sous-amendement à l'amendement nº 8 du gouvernement) tend à supprimer, à l'article 3bis, les mots « reconnues par le Roi ».

Enfin, les mêmes auteurs déposent l'amendement nº 146 (doc. Sénat, nº 2-12/11, sous-amendement à l'amendement nº 8 du gouvernement), qui tend à compléter l'article 3bis par les mots « ni aux activités d'organisations se rattachant à une conception religieuse ou philosophique ».

Un des auteurs affirme que, pour exclure toute ambiguïté, il serait souhaitable de reproduire dans la loi le texte de la directive. Il ne serait pas acceptable d'adopter une loi sur la discrimination en vue de limiter les libertés et droits publics indispensables au maintien d'une société démocratique.

En outre, l'intervenant fait référence aux articles de la Constitution applicables en la matière et, notamment, à l'article 21 de celle-ci. L'État n'a le droit d'intervenir ni dans la nomination ni dans l'installation des ministres d'un culte quelconque, ni de défendre à ceux-ci de correspondre avec leurs supérieurs, et il n'a pas le droit de publier leurs actes. La notion d'État ne vise pas uniquement le gouvernement. Le législateur ne peut pas voter de lois qui mèneraient directement ou indirectement à une immixtion de l'autorité dans la nomination ou l'installation des ministres d'un culte.

L'auteur principal de la proposition peut suivre le raisonnement sur la nécessité de la séparation entre l'Église et l'État.

Il se demande pourquoi il est nécessaire de prévoir un régime spécifique pour les cultes. Cela signifierait en effet que la règle générale n'est pas applicable aux cultes. La règle générale visée à l'amendement nº 116, qui prévoit qu'il y a discrimination dès qu'il existe une différence de traitement sans justification objective et raisonnable, paraît suffisante et englobe également le cas spécifique des cultes.

À titre purement subsidiaire, il signale que les amendements ne concernent non seulement les cultes, mais aussi les organisations et les communautés religieuses. On autoriserait ainsi les cultes et les organisations religieuses qui sont fondées sur la religion ou une conviction, à pratiquer des discriminations.

L'un des auteurs des amendements craint que les intentions des auteurs de la proposition de loi ne constituent une menace pour la liberté religieuse. Si on affirme que l'autorité doit rester neutre et que la distinction qui est faite ­ ainsi que la question de savoir si celle-ci est ou non discriminatoire ­ doit être appréciée en fonction de la norme générale, cela signifie qu'on ne tient pas compte de la spécificité de l'exercice de la liberté religieuse dans l'appréciation de cette distinction. On aboutit ainsi à une situation dans laquelle des non-croyants se prononcent sur la question de savoir si la distinction faite par des croyants est pertinente et acceptable. C'est inadmissible et contraire à l'exercice de la liberté religieuse. Il faut tenir compte du fait que la liberté religieuse est d'une tout autre nature que la liberté d'expression. L'autonomie de la liberté religieuse ne peut être subordonnée à une loi générale contre la discrimination.

L'intervenant souligne également que cette distinction est autorisée dans la directive même : « Les États membres peuvent maintenir dans leur législation nationale en vigueur à la date d'adoption de la présente directive ou prévoir dans une législation future reprenant des pratiques nationales existant à la date d'adoption de la présente directive des dispositions en vertu desquelles, dans le cas des activités professionnelles d'églises et d'autres organisations publiques ou privées dont l'éthique est fondée sur la religion ou les convictions, une différence de traitement fondée sur la religion ou les convictions d'une personne ne constitue pas une discrimination lorsque, par la nature de ces activités ou par le contexte dans lequel elles sont exercées, la religion ou les convictions constituent une exigence professionnelle essentielle légitime et justifiée eu égard à l'éthique de l'organisation » (cf. justification de l'amendement nº 94).

Cela ne veut pas dire qu'on peut se rendre coupable de pratiques discriminatoires en utilisant la liberté religieuse comme paravent. Ce n'est évidemment pas justifié.

Amendement nº 21

Mme Kaçar dépose à l'amendement nº 8 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/7, amendement nº 21) visant à compléter l'article 3bis proposé par ce qui suit :

« Par organisation interne, on ne peut en aucun cas entendre les fonctions assurant des services dans le domaine social. »

Cet amendement tend à éviter que, sous le couvert d'« organisation interne », des établissements organisés par des autorités religieuses mais remplissant une fonction sociale ­ comme des écoles, des hôpitaux, des maisons d'accueil, des services aux personnes ­ ne puissent se comporter de manière discriminatoire dans leur fonctionnement quotidien, à l'encontre de leur personnel ou de leur clientèle.

Amendement nº 156

Mme Nyssens renvoie à l'amendement nº 31 B qu'elle dépose à l'article 3bis sous le numéro 156 (doc. Sénat, nº 2-12/11).

La genèse de la directive est la suivante. Il n'appartient pas à un juge civil de s'immiscer dans des organisations fondées sur des convictions religieuses. Il s'agit de garantir une liberté de pensée et de religion.

Un membre se rallie volontiers à ce point de vue. Le but n'est pas que toutes les discriminations soient permises dans les organisations religieuses. On peut par contre faire une distinction fondée sur la conception ou la conviction qui sous-tend la moralité de l'organisation. La condition est que la distinction que l'on juge objective et justifiée dans une organisation libre soit publique et ne soit pas appliquée arbitrairement.

La ministre souligne que l'intention n'est nullement de porter atteinte à la Constitution. Il est évident que la loi a la volonté de s'inscrire dans le respect des dispositions constitutionnelles.

Il n'est toutefois pas d'usage d'inscrire dans une loi les dispositions d'une autre réglementation (en l'occurrence la Constitution) qui, dans la hiérarchie des normes, se trouve à un niveau plus élevé. Y inscrire la protection de la liberté des cultes n'a aucun sens. Pourquoi, dans ce cas, ne pas faire état des autres libertés auxquelles il ne peut pas davantage être porté atteinte ?

Le texte de la directive permet d'ailleurs aux États membres d'insérer la disposition (« les États membres peuvent ... »).

Pour le reste, l'intervenante met l'accent sur la différence entre la directive et l'amendement nº 116. La définition de la discrimination directe n'est pas la même. La directive ne fait pas mention d'un traitement « qui manque de justification objective et raisonnable ».

Le concept de justification objective et raisonnable n'apparaît que dans la définition de la « discrimination indirecte ». Dans la définition de la « discrimination indirecte », il y a seulement une référence à la notion de « situation comparable ».

Cela permet de justifier l'énumération d'une série d'exceptions. Sans quoi, on pourrait en effet en déduire que toute distinction est radicalement interdite.

La préopinante n'est pas tout à fait d'accord. Les points i) et ii) de la directive (article 2) semblent porter à la fois sur la discrimination directe et la discrimination indirecte.

Un autre membre n'approuve pas l'intervention de la ministre, qui ne respecte pas la position spécifique de la liberté de religion dans la Constitution (article 19). Il n'est pas acceptable que l'on se réfère à d'autres lois sur les discriminations, et pas à la Constitution.

La liberté de religion n'est pas comparable à d'autres libertés. Elle ne peut en effet pas être soumise à une appréciation laïque, à moins qu'il ne s'agisse d'abus (constitution de secte, etc.). L'objectif du projet paraît clair. Par cette loi sur les discriminations, on souhaite pouvoir poursuivre au pénal les ministres des cultes et les conceptions religieuses. L'expérience de l'étranger le démontre clairement (par exemple aux Pays-Bas). Aux Pays-Bas, la loi sur les discriminations permet de poursuivre les pasteurs pour les prédications qu'ils font dans leurs églises.

La ministre demande que l'on marque son accord sur la thèse que toute distinction fondée sur l'exercice d'une liberté inscrite dans la Constitution ne peut pas être poursuivie comme un acte discriminatoire. Une telle distinction sera alors considérée d'office comme légitime. La loi proposée n'entend pas fouler aux pieds les dispositions constitutionnelles.

Un membre estime qu'il faut rédiger un texte de consensus.

Un autre membre souligne qu'il ne faut pas perdre de vue que l'objet de la directive était assez restreint, et ne portait que sur l'emploi. La problématique de la séparation de l'Église et de l'État mériterait une législation beaucoup plus large. Cette discussion va trop loin.

L'un des intervenants précédents souligne l'illogisme des points de vue.

Un premier point de vue voudrait que l'on exécute la directive. À cela on oppose que l'on souhaite une loi générale sur les discriminations, qui intégrerait les dispositions de la directive.

Mais lorsqu'on prétend évaluer toutes les conséquences de cette loi générale, notamment en matière de liberté de religion, on s'entend dire que cette discussion va trop loin et que le champ d'application de la directive est beaucoup plus restreint.

Un commissaire souligne l'importance de la matière. Tout le monde, y compris le gouvernement, reconnaît qu'un problème se pose en ce qui concerne la liberté des cultes. Il faut trouver le juste milieu. D'une part, il faut respecter la liberté de religion, mais, d'autre part, on ne peut pas admettre n'importe quelle discrimination sous le couvert de la religion. L'amendement autorise une interprétation trop large et donnerait carte blanche à toute discrimination.

Un autre membre attire l'attention sur les mots « compte tenu du fondement de l'organisation », qui signifient en fait « compte tenu du but de l'organisation ».

Un intervenant précédent estime qu'il faut considérer l'ensemble. Il faut partir de l'article 2, qui donne une description très large.

La mise à disposition de biens et de services dans le cadre de l'exercice du culte et les critères de distinction fondés sur la religion relèvent-ils de la définition donnée au § 3 ? L'administration de sacrements, par exemple, relève-t-elle de la fourniture de biens et de services au public (§ 3) ?

La notion « tout autre exercice normal d'une activité économique, sociale, culturelle ou politique » est très large. L'exercice des libertés constitutionnelles n'est pas réglé de manière spécifique. L'amendement nº 8 du gouvernement est inacceptable dans la mesure où il prévoit que le Roi désigne les cultes qui ne tombent pas dans le champ d'application. De plus, l'amendement concerne l'organisation interne. L'exercice de la liberté de culte ne s'arrête pas là. L'intervenant estime qu'il y a lieu de reprendre le texte de la directive dans son intégralité.

Une intervenante précédente partage cet avis. L'amendement concerne l'organisation interne des cultes, des communautés religieuses et des organisations philosophiques reconnues par le Roi. Il y a toutefois six religions qui sont reconnues par la Constitution.

Il y a en outre une incohérence. On estime que les garanties prévues par la directive ne doivent pas être mentionnées dans le projet dans la mesure où la définition plus stricte de la discrimination contient déjà toutes les garanties. Qu'entend-on au juste par « organisation interne » ? En quoi consiste alors l'organisation externe ? Quel est l'intérêt de faire en l'espèce une exception pour l'organisation interne ? Quel impact cela a-t-il sur la vie sociale d'organisations libres fondées sur une conviction religieuse ou philosophique ?

L'auteur principal de la proposition de loi trouve singulier que l'on ne parle en l'espèce que du culte catholique. S'il existe réellement une crainte de voir l'État s'immiscer dans la liberté de culte, il faut chercher une formule adéquate pour éviter qu'il puisse le faire. Il faut néanmoins veiller à ce que le texte n'ouvre pas la porte à la discrimination au nom de la liberté de culte. L'amendement nº 94 va trop loin. Il n'est par exemple jamais question de la nature de la liberté de culte.

Un intervenant précédent répète que l'article 19 de la Constitution garantit l'exercice des cultes. Le Conseil d'État a estimé, en 1994, que les religions reconnues ne sont pas les seules à être protégées par l'article 19. Dans son avis, il émettait par conséquent des objections contre l'élaboration d'une réglementation spécifique en matière de sacrifices rituels qui resterait limitée aux cultes reconnus. Le Conseil d'État a indiqué que cette limitation est contraire à la liberté des cultes et à celle de l'exercice public de ceux-ci qui sont garantis par l'article 19 de la Constitution, lequel, à l'instar des articles 142 à 146 du Code pénal relatifs aux délits touchant à la liberté d'exercice des cultes, ne fait pas la moindre distinction entre les cultes reconnus et les cultes non reconnus. L'exercice de la liberté des cultes n'est pas subordonné à la reconnaissance préalable. C'est ainsi que la jurisprudence est divisée sur la question de savoir si la Scientologie est ou non une religion. S'il n'était possible d'invoquer la liberté de culte qu'après reconnaissance par le Roi, l'on aurait déjà affaire à une violation du principe de la séparation entre l'Église et l'État. L'exercice des libertés publiques n'est pas subordonné à une autorisation préalable. La seule exception concerne la liberté d'expression (article 10) par voie radiophonique, télévisuelle, etc.

Quand on dit qu'il faut établir des distinctions, on doit tenir compte de la situation spécifique de la religion et de l'éthique.

L'intervenant ne comprend pas pourquoi on veut limiter l'application de la future loi à l'organisation interne des associations religieuses. Une analyse du message proprement dit permet en effet d'apprécier si l'on a affaire ou non à une attitude discriminatoire. L'attitude normale consiste à examiner si le texte peut ou non être utilisé à mauvais escient. La prudence est de mise. Le texte proposé par le gouvernement, selon lequel la loi ne porte pas atteinte aux autres lois anti-discrimination, doit être complété par une disposition selon laquelle elle ne peut pas non plus porter atteinte aux autres libertés constitutionnelles.

L'auteur principal de la proposition de loi se rallie à cet avis. Il veut simplement éviter que l'on fasse référence à une liberté déterminée.

Amendement nº 71

Mme Staveaux-Van Steenberge dépose l'amendement nº 71 (doc. Sénat, nº 2-12/9), qui vise à étendre la portée de l'article 3bis à toutes les activités à caractère religieux ou philosophique. Sa préoccupation provient du fait qu'elle se demande si, par exemple, le réseau d'enseignement catholique tombe dans le champ d'application de la loi en projet.

La ministre déclare que la liberté de l'enseignement est aussi une liberté constitutionnelle. La formule générale selon laquelle la loi ne peut pas porter atteinte aux libertés constitutionnelles devrait donc permettre de répondre au souci qui a été exprimé.

Amendements nºs 144 et 154

Mme de T' Serclaes dépose l'amendement nº 144 (doc. Sénat, nº 2-12/11). Cet amendement tend à remplacer les mots « communautés religieuses » par le mot « congrégation », et les mots « par le Roi » par les mots « par la loi ».

Mme Nyssens dépose à cet amendement le sous-amendement nº 154 (doc. Sénat, nº 2-12/11). Cet amendement tend à compléter l'article 3bis proposé par les mots « ni aux activités organisées par ces institutions ».

Votes

L'amendement nº 8 du gouvernement est adopté à l'unanimité des 15 membres présents.

L'amendement nº 158 de M. Vandenberghe et De Schamphelaere est adopté à l'unanimité des 15 membres présents.

Les amendements nºs 32 de Mme Nyssens, 71 de Mme Staveaux-Van Steenberge et 144 de Mme de T' Serclaes et M. Monfils sont retirés.

Les amendements nºs 154 et 156 de Mme Nyssens, 95, 96, 97 et 146 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere et 21 de Mme Kaçar sont devenus sans objet.

Article 3ter (article 4 du texte adopté)

Amendements nºs 9 et 107

Le gouvernement dépose l'amendement nº 9 (doc. Sénat, nº 2-12/6), qui concerne la possibilité de pratiquer la discrimination positive.

La ministre n'estime pas nécessaire d'apporter cette précision dans le texte de la loi lui-même.

Le gouvernement dépose, à son amendement nº 9, le sous-amendement nº 107 (doc. Sénat, nº 2-12/6), qui contient une correction technique.

Un membre objecte qu'il faut faire référence à l'article 2, § 1er.

Amendement nº 169

Mme De Schamphelaere dépose à l'amendement nº 9 du gouvernement un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/14, amendement nº 169), tendant à compléter l'article 3ter proposé par un alinéa nouveau, en vue de garantir le respect du principe d'égalité à l'égard des personnes handicapées.

Pour rendre la proposition de loi conforme au volet de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 qui a trait aux personnes handicapées, il faut insérer dans la proposition une version adaptée de l'article 5 de la directive précitée. L'article 5 de la directive est rédigé comme suit :

« Art. 5. ­ Aménagements raisonnables pour les personnes handicapées

Afin de garantir le respect du principe de l'égalité du traitement à l'égard des personnes handicapées, des aménagements raisonnables sont prévus. Cela signifie que l'employeur prend les mesures appropriées, en fonction des besoins dans une situation concrète, pour permettre à une personne handicapée d'accéder à un emploi, de l'exercer ou d'y progresser, ou pour qu'une formation lui soit dispensée, sauf si ces mesures imposent à l'employeur une charge disproportionnée. Cette charge n'est pas disproportionnée lorsqu'elle est compensée de façon suffisante par des mesures existant dans le cadre de la politique menée dans l'État membre concerné en faveur des personnes handicapées. »

Le principe de l'égalité de traitement à l'égard des personnes handicapées implique la nécessité d'apporter des aménagements raisonnables aux procédures de recrutement et de promotion ainsi qu'aux conditions de travail, pour que des personnes handicapées puissent fournir un travail répondant aux exigences qualitatives requises du point de vue professionnel. Grâce à ces aménagements, on tient compte, d'une part, de l'interaction entre le trouble ou la déficience et, d'autre part, de la réaction de l'entourage à celle-ci au moment de l'apparition d'un handicap au sens actuel. Ledit principe est un principe juridique nouveau important dont l'UE impose le respect en matière d'emploi et de travail par le biais de la directive précitée, à l'instar des législations anti-discriminatoires qui existent déjà aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. L'article 5 de la directive précitée doit donc absolument être repris dans la proposition de loi.

Comme l'article 5 de la directive précitée, le présent amendement fait une distinction entre deux types d'aménagements raisonnables. Il y a, d'abord, les aménagements raisonnables en faveur de toutes les personnes qui souffrent d'un trouble ou d'une déficience correspondant à la définition qui est donnée du terme « handicap « , aménagements qui ne représentent pas une charge disproportionnée pour les employeurs. En cas de contestation, il appartient au pouvoir judiciaire compétent d'apprécier l'importance de la disproportion. Il y a en outre les aménagements raisonnables dont la charge pour l'employeur est compensée de façon suffisante par le biais des mesures en faveur des personnes handicapées, notamment dans le cadre des fonds créés à la suite de la scission du Fonds national de reclassement social des handicapés. On ne peut donc pas considérer, en ce qui les concerne, que la charge imposée à l'employeur est disproportionnée. Les personnes handicapées ont dès lors également droit à des mesures compensatoires de ce type.

Une membre rappelle qu'elle a évoqué ce problème dans le cadre de la discussion générale, mais qu'il était apparu que certaines des matières en question étaient de la compétence des Communautés.

L'auteur de l'amendement répond que la mise en oeuvre de certains aspects de la loi relève certes de la compétence des Communautés, mais que l'on élabore ici une loi générale anti-discrimination, dans laquelle il faut pouvoir intégrer une définition exacte du handicap, et indiquer que les personnes handicapées ne se trouvent pas sur un pied d'égalité avec les autres sur le lieu de travail, et ont dès lors le droit d'exiger un traitement différencié.

L'auteur principal de la proposition de loi se dit particulièrement sensible à la problématique des handicapés. Il rappelle qu'il a déposé avec un collègue une proposition de loi à ce sujet, qui prévoit un autre système d'obligations, de contrôle et de sanctions, et favorise l'approche préventive dans le cadre de la loi sur le bien-être des travailleurs (doc. Sénat, nº 2-873/1).

Le problème de compétence soulevé par une intervenante est important. Il ne faudrait pas que cet aspect des choses retarde l'adoption du texte à l'examen, dont la discussion est déjà fort avancée.

Une membre renvoie à la directive relative à l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, qui doit être transposée en droit belge.

L'intervenante aimerait connaître l'avis de la ministre de l'Emploi sur le point de savoir si c'est dans le cadre de la présente proposition de loi qu'il faut traiter du problème des handicapés. Sinon, dans quel autre cadre faut-il le faire ?

Enfin, cette matière relève-t-elle, selon la ministre, des compétences du pouvoir fédéral, ou des pouvoirs communautaires et/ou régionaux ?

L'intervenante cite, à titre d'exemple, le cas d'une personne atteinte de surdité, qui a trouvé un emploi comme électricien, grâce à la bonne volonté du patron qui l'a engagé malgré les difficultés de communication qu'implique son handicap.

Comment un employeur qui, aujourd'hui, consent un tel effort est-il aidé par les pouvoirs publics, par exemple pour s'équiper du matériel nécessaire ?

De quel recours dispose une personne handicapée dont la candidature est écartée en raison de son seul handicap ?

Une membre demande dans quel texte figure l'obligation pour les entreprises d'employer un certain pourcentage de personnes handicapées.

L'auteur principal de la proposition de loi estime qu'il faut rester logique par rapport à l'approche selon laquelle il ne faut pas insérer, dans le type de texte en discussion, de mesure spécifique par rapport à un type particulier de discrimination.

Pour le surplus, l'intervenant est évidemment favorable aux mesures tendant à favoriser l'adaptation des entreprises à l'emploi des personnes handicapées. Il renvoie à cet égard à sa proposition de loi déjà citée.

La ministre de l'Emploi déclare souscrire au contenu de l'amendement en discussion. Elle plaide cependant pour qu'il ne soit pas traité dans le cadre de la présente proposition de loi. Celle-ci contient un dispositif général de lutte contre les discriminations, alors que l'amendement vise une politique de discrimination positive en faveur de l'engagement de personnes handicapées.

En outre, il semble de prime abord que la disposition de l'amendement relève des compétences non seulement du pouvoir fédéral, mais aussi des Régions et Communautés.

De plus, l'employeur pourrait, sur la base de ce texte, être obligé à des adaptation de l'outil de travail. Or, en Belgique, lorsqu'une législation est proposée concernant des obligations nouvelles visant les employeurs, ces obligations sont toujours prénégociées par un avis demandé au Conseil national du travail.

Il vaudrait donc mieux procéder par la voie d'un projet ou d'une proposition de loi, à transmettre d'urgence au Conseil national du travail avant de poursuivre le débat parlementaire sur ce sujet.

L'auteur de l'amendement prend acte de l'importante déclaration de la ministre, mais souhaite maintenir provisoirement l'amendement.

Amendement nº 147

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent à l'amendement nº 9 du gouvernement un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/11, amendement nº 147), visant à compléter l'article 3ter en vue de tenir compte des conditions fixées par la Cour d'arbitrage en la matière.

Votes

L'amendement nº 9 du gouvernement est adopté par 11 voix et 4 abstentions.

Les amendements nºs 107 du gouvernement et 147 de Mme De Schamphelaere et M. Vandenberghe sont retirés.

L'amendement nº 169 de Mme De Schamphelaere est rejeté par 9 voix contre 4 et 2 abstentions.

À titre de correction formelle, dans le texte français de l'article, le mot « afin » est supprimé après le mot « maintenus », et est inséré avant les mots « de prévenir ».

Article 3quater (nouveau)

Amendement nº 10

Le gouvernement dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-12/6, amendement nº 10) visant à insérer un article 3quater nouveau, libellé comme suit :

« Art. 3quater. ­ La présente loi ne porte pas atteinte à :

­ la loi du 7 mai 1999 sur l'égalité des chances entre hommes et femmes en ce qui concerne les conditions de travail, l'accès à l'emploi et aux possibilités de promotion, l'accès à une profession indépendante et les régimes de sécurité sociale;

­ la distinction qui est faite par ou en vertu de tout(e) autre loi, décret ou ordonnance. »

La ministre déclare qu'il faut éviter que la proposition de loi, qui contient une législation générale de lutte contre la discrimination, ne soit interprétée comme étant en retrait par rapport aux lois existantes. L'article 3quater, alinéa 1er, précise dès lors que la présente loi ne porte pas préjudice à la loi du 7 mai 1999 sur l'égalité des chances entre hommes et femmes.

Ceci fait le lien avec le débat sur le point de savoir si le sexe doit ou non figurer dans les motifs de discrimination visés à l'article 2. Le gouvernement y est favorable sans préjudice des dispositifs existants en matière de lutte contre la discrimination.

La ministre indique que l'alinéa 2 apportait une précision par rapport à la précédente définition de la discrimination contenue dans la proposition de loi. Cette ancienne définition comprenait un lien entre distinction sur la base d'un certain nombre de motifs et discrimination. Puisque cette définition de la discrimination a été modifiée, il n'est plus utile de faire référence à toute distinction faite par ou en vertu de la loi, d'une ordonnance et d'un décret. Par ailleurs, puisqu'un amendement déposé par un membre prévoit une formulation générale qui tient compte de cette préoccupation, l'alinéa 2 n'a plus de sens.

La ministre ajoute que le gouvernement estime plus cohérent de prévoir que la proposition de loi ne porte pas préjudice aux deux législations spécifiques anti-discrimination qui existent aujourd'hui, plutôt que de se limiter à la mention de la seule loi du 30 juillet 1981.

L'auteur principal de la proposition de loi estime l'amendement très utile En effet, la proposition n'a pas pour objectif de rendre caducs d'autres dispositifs légaux spécifiques en matière de lutte contre la discrimination.

L'intervenant suggère toutefois, plutôt que de prévoir une énumération comme le gouvernement le propose, de procéder par la voie d'une disposition générale selon laquelle la présente loi ne porte pas atteinte aux législations ayant pour objet la lutte contre les discriminations spécifiques. Ceci couvrirait aussi les législations futures et tiendrait compte de l'objectif du gouvernement de continuer sa lutte contre la discrimination basée sur le genre, afin de rassurer les opposants au maintien de la discrimination sur la base du genre dans la proposition de loi.

La ministre se rallie à cette suggestion qu'elle juge cohérente.

Une membre estime qu'aucune des deux formules envisagées ne rencontre l'objectif de ne pas porter atteinte aux législations en matière de lutte contre la discrimination. Le concept utilisé par la loi du 7/5/1999 en matière de promotion d'égalité des chances va bien au-delà de la simple lutte contre les discriminations spécifiques.

La membre trouve nécessaire une définition bien précise de la discrimination spécifique.

L'auteur principal de la proposition de loi répond que le seul but de la disposition consiste à assurer que la loi s'applique sans préjudice des dispositions anti-discriminatoires existantes contenues dans des lois qui visent des discriminations spécifiques.

La précédente intervenante répond que, du point de vue légistique, il serait préférable d'insérer la disposition proposée à un autre endroit du texte.

La ministre propose d'en faire une disposition finale.

Amendement nº 22

Mme Kaçar propose une autre formule. Elle dépose, à l'amendement nº 10 du gouvernement, un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/7, amendement nº 22), qui vise à remplacer l'article 3quater (nouveau) proposé par la disposition suivante :

« Art. 3quater. ­ La présente loi ne porte pas atteinte à :

­ la loi du 7 mai 1999 sur l'égalité des chances entre hommes et femmes en ce qui concerne les conditions de travail, l'accès à l'emploi et aux possibilités de promotion, l'accès à une profession indépendante et les régimes de sécurité sociale;

­ la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie;

­ la distinction qui est faite par ou en vertu de tout(e) autre loi, décret ou ordonnance dont la conformité aux articles 10 et 11 de la Constitution a été vérifiée. »

Une membre dit pouvoir marquer son accord sur ce sous-amendement si on procède à quelques adaptations légistiques. Elle souhaite que l'on fasse explicitement référence aux droits et libertés prévus dans la Constitution et les diverses conventions internationales relatives aux droits de l'homme, mais elle se demande comment le législateur peut faire une distinction entre les lois qui ont été confrontées à la Constitution et les autres. La Cour d'arbitrage se prononce sur le caractère constitutionnel d'une loi. Le législateur peut partir du principe que les lois respectent la Constitution; il pourrait difficilement se prononcer sur la question.

La ministre répond qu'il y a présomption de conformité à la Constitution jusqu'au moment où la Cour d'arbitrage est éventuellement saisie de la question et conclut que la loi n'est pas conforme à la Constitution. L'amendement nº 22 vise à inverser ce principe, c'est-à-dire à créer une présomption de non-conformité de la loi à la Constitution.

L'auteur de l'amendement se déclare disposée à supprimer, dans son texte, l'exigence de conformité de la loi, du décret ou de l'ordonnance aux articles 10 et 11 de la Constitution. On a déjà inscrit une disposition générale qui prévoit que les droits et libertés prévus dans la Constitution et les conventions internationales relatives aux droits de l'homme sont garantis. Toutefois, elle entend conserver le renvoi à la loi du 30 juillet 1981.

Une membre demande si l'auteur de l'amendement nº 22 peut se rallier à ce qu'une disposition finale à portée générale ou une liste des réglementations en matière de lutte contre la discrimination soit prévue.

L'auteur de l'amendement répond qu'elle reste en faveur d'une liste de lois auxquelles la loi en projet ne porte pas atteinte.

La précédente intervenante propose de prévoir une formule qui indique qu'on ne porte pas atteinte aux deux lois particulières en explicitant également que d'autres dispositions de nature générale ne seront pas touchées.

Une membre se demande comment le problème d'incohérence ou de contradiction entre deux lois est résolu. Elle cite l'exemple de deux lois portant sur le même objet, en l'occurrence la lutte contre la discrimination, et ayant un champ d'application différent. Elle se demande si la loi antérieure prime la loi postérieure et/ou la loi spécifique la loi générale.

Il lui est répondu qu'il appartient au juge d'apprécier cette situation. Le membre considère que la législation spécifique pourrait primer la loi générale.

La même intervenante estime qu'il n'appartient pas au juge d'opérer un choix entre des législations existantes mais qu'il convient qu'il sache clairement quelle loi s'applique.

D'après la membre, la loi particulière antérieure ne prime pas sur les principes généraux postérieurs de droit.

La ministre souligne que les règles ne sont pas les mêmes en droit civil qu'en droit pénal. Il convient de faire la distinction entre, d'une part, le cas où le législateur n'a rien prévu quant à la loi qui prime et, d'autre part, le cas où il a donné des indications à ce sujet. En l'occurrence, le législateur a prévu que la loi ne porte pas préjudice aux deux lois existantes et par conséquent en cas de conflit entre la présente loi et les lois existantes, le juge doit appliquer les dernières. Si le législateur n'a rien prévu la disposition la plus favorable à la personne poursuivie est appliquée en matière pénale.

Un membre affirme que les lois pénales spécifiques priment les lois pénales générales. La proposition de loi respecte ce principe.

Amendement nº 149

M. Mahoux dépose à l'amendement nº 10 du gouvernement un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/11, amendement nº 149) visant à remplacer l'article 3quater par ce qui suit :

« La présente loi ne porte pas atteinte aux législations ayant pour objet la lutte contre des discriminations spécifiques. »

Si une disposition finale est insérée dans le texte comme on vient de le dire, le sous-amendement sera retiré.

Amendement nº 153

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à l'amendement nº 149 (doc. Sénat, nº 2-12/11, amendement nº 153).

Un des auteurs explique que l'amendement nº 153 est un amendement subsidiaire à l'amendement nº 158, qui vise à modifier l'article 3bis. Un des auteurs se dit partisan de l'inscription, dans la loi proposée, d'une disposition générale concernant les lois spécifiques qui visent à combattre les formes spécifiques de discrimination. Il souhaite toutefois compléter cette disposition par les mots « ni aux droits et libertés mentionnés dans les conventions internationales sur les droits de l'homme ».

Amendement nº 157

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un sous-amendement à leur amendement nº 153 (doc. Sénat, nº 2-12/12, amendement nº 157).

Les auteurs souhaitent compléter le sous-amendement nº 153 par une référence aux droits et libertés garantis par la Constitution.

Amendement nº 77

Mme de T' Serclaes dépose à l'amendement nº 10 du gouvernement un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/10, amendement nº 77), visant à supprimer le deuxième tiret de l'article proposé, à défaut de précision quant à la loi, au décret, ou à l'ordonnance visés.

Amendement nº 33

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 10 du gouvernement un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/7, amendement nº 33) visant à modifier le nouvel article 3quater proposé en remplaçant le deuxième tiret par une référence à la loi du 30 juillet 1981.

L'auteur renvoie à l'amendement nº 22 de Mme Kaçar qui avait déjà prévu une référence à la loi du 30 juillet 1981.

Elle estime que la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie est beaucoup plus sévère que la présente proposition de loi, puisqu'elle réprime également la commission de l'acte.

La ministre partage le souci de l'auteur de l'amendement et déclare que le fait de mentionner explicitement cette loi de 1981 répond à sa préoccupation.

Amendement nº 163

M. Mahoux dépose à l'amendement nº 10 du gouvernement un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/12, amendement nº 163), en vue de supprimer l'article 3quater proposé.

Il est renvoyé à la justification de l'amendement nº 164.

Votes

L'amendement nº 10 du gouvernement est rejeté par 10 voix et 4 abstentions.

L'amendement nº 163 de M. Mahoux est adopté par 10 voix et 5 abstentions.

Les amendements nºs 22 de Mme Kaçar, 149 de M. Mahoux et consorts et 77 de Mme de T' Serclaes sont retirés.

Les amendements nºs 153 et 157 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere sont devenus sans objet.

L'amendement nº 33 de Mme Nyssens est rejeté par 10 voix contre 1 et 4 abstentions.

Article 3quinquies (nouveau)

Amendement nº 170

Mme De Schamphelaere dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-12/14, amendement nº 170), tendant à insérer un article 3quinquies nouveau, définissant le handicap comme un trouble ou une déficience physique ou psychique qui entrave l'accès normal et/ou la participation normale aux divers aspects de la vie sociale.

Le but de l'amendement est de ne pas limiter ici la notion de handicap à ce qui est actuellement reconnu comme tel par notre législation, car les discriminations peuvent porter sur d'autres aspects.

L'auteur principal de la proposition de loi exprime son étonnement par rapport à cet amendement, même si celui-ci a le mérite de poser le problème du handicap. Le texte utilise le terme « handicap ». On vise ainsi toutes les formes de discrimination liées à toutes les formes de handicap, quelles qu'elles soient.

Aucune référence n'est faite au barème officiel des invalidités, à un pourcentage spécifique d'invalidité, ni à telle ou telle maladie. Toute énumération impliquerait en effet l'exclusion de ce qui ne s'y trouve pas mentionné.

L'auteur de l'amendement précise que celui-ci avait justement pour but de mettre en évidence que la notion de handicap ne devrait pas être interprétée de façon restrictive par ceux qui auraient à l'appliquer.

Compte tenu des précisions qui viennent d'être données, l'amendement est retiré.

Votes

L'amendement nº 170 de Mme De Schamphelaere est retiré.

Article 4 (article 5 du texte adopté)

Amendement nº 72

Mme Staveaux-Van Steenberge dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-12/8, amendement nº 72) visant à supprimer l'article 4.

L'auteur de l'amendement juge les dispositions pénales trop vagues et renvoie à ce sujet à l'avis du Conseil d'État, qui déclare : « Dès lors qu'elle contient des dispositions civiles et pénales destinées à s'appliquer directement aux particuliers, l'imprécision de la proposition ne peut être admise. Il convient que les citoyens sachent de manière précise quelles sont les comportements qui leur sont interdits. Cette exigence s'impose particulièrement en droit pénal. En vertu du principe de la légalité des incriminations et des peines qui résulte de l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 12, alinéa 2, et 14 de la Constitution, c'est, pour le pouvoir législatif, une obligation constitutionnelle de définir les faits qu'il érige en infraction en des termes suffisamment clairs, précis et prévisibles, qui ne laissent pas un pouvoir d'appréciation excessif au juge.

M. Mahoux souligne que, pour qu'il s'agisse de discrimination, il faut une différence de traitement.

Amendement nº 98

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent également un amendement (doc. Sénat, nº 2-12/10, amendement nº 98) visant à supprimer l'article 4.

Comme une intervenante précédente, un des auteurs de l'amendement renvoie à l'avis du Conseil d'État, qui affirme : « Le législateur ne peut obliger les citoyens à traduire dans tous les actes de leur vie sociale et dans la manifestation de leurs opinions les conceptions du pouvoir en matière de « lutte contre les discriminations ». Si le législateur peut interdire certains comportements ou la manifestation de certains propos constitutifs de discrimination, encore faut-il que la loi offre les garanties nécessaires à la sauvegarde des autres droits et libertés fondamentales consacrés par la Constitution et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ».

Une membre invoque l'avis du Conseil d'État et estime nécessaire de limiter le champ d'application des incriminations.

Un des auteurs de l'amendement rappelle que le principe de légalité requiert que l'on sache exactement quels faits sont passibles de sanction. S'agissant des atteintes portées à l'honneur ou à la considération des personnes, l'article 444 du Code pénal dispose ce qui suit : « Le coupable sera puni d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'une amende de vingt-six francs à deux cents francs, lorsque les imputations auront été faites : soit dans des réunions ou lieux publics; soit en présence de plusieurs individus, dans un lieu non public, mais ouvert à un certain nombre de personnes ayant le droit de s'y assembler ou de le fréquenter; soit dans un lieu quelconque, en présence de la personne offensée et devant témoins; soit par des écrits imprimés ou non, des images ou des emblèmes affichés, distribués ou vendus, mis en vente ou exposés aux regards du public; soit enfin par des écrits non rendus publics, mais adressés ou communiqués à plusieurs personnes. » Cette disposition a déjà un large champ d'application.

Le membre souligne que le principe de la présomption d'innocence est violé dès lors qu'on incrimine l'intention de commettre un délit. Il se demande comment est réglée la responsabilité pénale des fonctionnaires.

Il se demande si la responsabilité de l'État belge sera également engagée dans certains cas. Appliquera-t-on la théorie de l'organe si un agent de l'État commet un délit en dehors de l'exercice de sa fonction publique ? Le membre désire savoir s'il y a eu concertation à ce sujet avec les associations professionnelles.

Il estime que toute attitude neutre peut être jugée discriminatoire. Il prend à cet égard l'exemple d'un professeur qui donne une « note insuffisante » à un étudiant parce que celui-ci ne connaît pas suffisamment le néerlandais. Il se demande si le fait peut être considéré comme une discrimination indirecte. Selon lui, la disposition pénale va trop loin.

La précédente intervenante exprime des réticences quant à l'application de cette disposition dans la sphère privée.

Elle estime que la proposition de loi doit respecter le principe selon lequel l'État, dans le respect des droits publics, doit prévenir et punir les comportements discriminatoires des agents de l'autorité publique à l'exclusion du domaine privé.

Une membre déclare que l'article 4 de la proposition de loi est identique aux dispositions de la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie. L'application de cette loi ne pose pas de grands problèmes. L'article 4 est lié à l'article 2, qui énumère les causes de discrimination.

Elle estime que la préoccupation exprimée par un préopinant concernant l'exemple susvisé relatif à la discrimination indirecte est sans fondement étant donné que la charge de la preuve continue d'incomber à la personne qui estime avoir été victime d'une discrimination. L'article 3 de la proposition de loi, qui comportait effectivement un début de renversement de la charge de la preuve, a été supprimé.

L'auteur principal de la proposition répond qu'en ce qui concerne la sphère privée, l'incrimination porte sur la publicité à l'intention de discriminer, et non sur l'intention elle-même.

Pour ce qui relève de la sphère publique, la discrimination elle-même est incriminée. Le législateur, voulant éviter des dérives individuelles, estime que la discrimination ne peut pas être tolérée dans l'exercice de l'autorité publique. On prévoit une responsabilité pénale hiérarchisée, « en cascade », dans l'exercice de la fonction publique, qui doit se réaliser dans le respect du principe de légalité.

Un membre se demande si un propriétaire qui affiche publiquement qu'il entend louer sa maison à l'exclusion de certaines catégories de locataires (par exemple à l'exclusion des Africains) est punissable au regard de la proposition de loi.

Le précédent intervenant répond qu'un acte qui fait l'objet de publicité est visé par la proposition de loi. La personne qui s'estime lésée doit toutefois prouver la discrimination à son égard.

Un des auteurs de l'amendement considère qu'en droit pénal, la notion de discrimination ne peut s'utiliser que moyennant des qualifications supplémentaires, ainsi que cela ressort clairement de l'avis du Conseil d'État. Telle qu'elle a été définie, en effet, cette notion n'est pas conciliable avec un degré de prédictibilité suffisant du champ d'application de la disposition pénale.

La définition de la discrimination retenue dans la loi du 30 juillet 1981 est beaucoup plus nuancée et beaucoup plus stricte.

La notion de violence peut être définie objectivement. Celle d'incitation à la violence peut encore l'être dans une certaine mesure. Pour l'incitation à la haine, c'est beaucoup plus difficile à interpréter parce que les comportements et les actes les plus divers peuvent y conduire.

Le champ d'application du § 1er pose problème. Celui du § 2 également. Quel dépositaire de la force publique vise-t-on précisément ? Le membre fait référence, à cet égard, aux problèmes relatifs à la responsabilité du greffier et/ou du juge qui signent ensemble un arrêt judiciaire. La responsabilité en matière de discrimination des personnes qui ont la qualité d'officiers publics, une qualité que certains hommes politiques possèdent également, reste elle aussi confuse.

Le membre souhaite que l'on fasse la clarté sur les limites du champ d'application, très large, de ces dispositions.

Le cosignataire de l'amendement voit de grandes différences avec la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie, en ce qui concerne la prévisibilité des faits punissables et l'incrimination. En effet, la loi de 1981 énumère clairement les motifs de discrimination. La proposition de loi à l'examen ne le fait pas et renvoie simplement à son propre article 2.

La loi du 30 juillet 1981 définit plus clairement la notion de discrimination, pour qu'elle n'utilise ni le critère de finalité, ni celui de proportionnalité, contrairement à la proposition de loi.

L'article 1er de la loi de 1981 définit la notion de discrimination comme suit : « toute distinction, exclusion, restriction, ou préférence ayant ou pouvant avoir pour but ou pour effet de détruire, de compromettre ou de limiter la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice, dans des conditions d'égalité, des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social ou culturel ou dans tout autre domaine de la vie sociale ».

Le membre estime qu'on reconnaît, par cette disposition, que les droits de l'homme sont applicables à chacun de la même manière.

Une membre estime que pour certains actes, il est difficile de faire la distinction entre, d'une part, la commission de l'acte discriminatoire et, d'autre part, l'incitation à le commettre. La membre se réfère à l'exemple cité par un précédent orateur d'un propriétaire qui met sa maison en location en excluant une catégorie de locataires. Elle se demande s'il s'agit de la commission d'un acte ou d'une simple intention. Elle estime qu'il s'agit bien de la commission de l'acte.

Une autre membre estime qu'à partir du moment où l'acte, en l'occurrence l'exclusion de certaines catégories de personnes, est clairement affiché, il s'agit d'un acte accompli punissable au regard de la proposition de loi.

Il convient d'écarter du champ d'application de la proposition de loi la notion d'intention, qui revêt un caractère beaucoup trop vague. Des poursuites pénales sur la base d'une intention semblent impossibles.

Selon l'auteur principal de la proposition de loi, le fait d'afficher qu'on entend exclure une catégorie de personnes signifie qu'on opère une discrimination. Le fait d'afficher constitue une publicité et, par conséquent, le premier alinéa de l'article 4 de la proposition de loi s'y applique.

Une membre rappelle le point de vue adopté par le législateur lorsque celui-ci a élaboré la loi du 30 juillet 1981. Il a fait une distinction entre, d'une part, les relations entre les particuliers, dans le cadre desquelles l'incitation à la discrimination est incriminée et, d'autre part, les relations entre les fonctionnaires publics et les particuliers, dans le cadre desquelles l'acte discriminatoire lui-même est punissable. La même distinction se retrouve à l'article 4 de la proposition de loi.

La membre souhaite, par l'amendement susvisé, incriminer l'acte lui-même et non l'intention, car l'application de la loi du 30 juillet 1981 montre qu'il est très difficile de prouver l'incitation à la discrimination. La loi du 30 juillet 1981 visait à rendre punissable la propagation, en général, d'idées racistes. La membre estime qu'il n'est pas possible de concrétiser cette intention dans la proposition de loi. Qui plus est, la loi du 30 juillet 1981 n'est que très rarement appliquée, ce qui affaiblit sa fonction d'exemple.

La membre estime que l'inquiétude exprimée par un intervenant précédent concernant les discriminations commises par des fonctionnaires est quelque peu excessive. En effet, très peu de fonctionnaires sont condamnés pour des actes racistes.

Incriminer l'intention de commettre une discrimination reviendrait à vider la proposition de loi de sa substance.

Un des auteurs de l'amendement rappelle, comme l'a fait l'intervenante précédente, la philosophie de la loi du 30 juillet 1981. On a inséré à l'époque, dans le livre II, titre VIII, chapitre V du Code pénal, relatif aux atteintes portées à l'honneur ou à la considération des personnes, une disposition pénale visant à lutter contre le racisme, dans laquelle l'élément de publicité était très important. On a incriminé non pas la discrimination elle-même, mais bien la propagation d'idées racistes.

Le membre affirme, comme l'on a déjà dit, que la loi du 30 juillet 1981 définit la notion de discrimination de manière plus stricte que la loi proposée. Comme le dit le Conseil d'État, on ne peut pas attendre du citoyen ordinaire qu'il évalue objectivement, en fonction d'une série de critères, si ses propres actes présentent ou non un caractère discriminatoire.

Une membre demande s'il est nécessaire, socialement, d'insérer cette disposition pénale relative aux fonctionnaires. Elle rappelle que dans le cadre de la loi du 30 juillet 1981, on n'a intenté que peu de poursuites judiciaires contre des fonctionnaires, car ils n'ont guère pris de décisions discriminatoires.

Un autre membre estime qu'il est bel et bien nécessaire d'insérer ces dispositions pénales, parce que le fait qu'il n'y a que peu de poursuites judiciaires révèle plutôt la difficulté d'apporter la preuve que l'absence de décisions discriminatoires de la part des fonctionnaires. Dès lors, le membre estime qu'il faudrait incriminer l'acte lui-même.

La ministre estime que les articles 2 et 2bis de la loi Moureaux vont plus loin que la proposition de loi à l'examen. L'article 2 de cette loi prévoit qu'est puni quiconque, fournissant ou offrant de fournir un service, un bien ou la jouissance de celui-ci, commet une discrimination à l'égard d'une personne en raison de sa race, de sa couleur, de son ascendance, de son origine ou de sa nationalité. L'article 2bis stipule que quiconque, en matière de placement, de formation professionnelle, d'offre d'emploi, de recrutement, d'exécution du contrat de travail ou de licenciement de travailleurs, commet une discrimination à l'égard d'une personne en raison de sa race, de sa couleur, de son ascendance, de son origine ou de sa nationalité, est puni. Ces actes ne sont pas rendus punissables par la proposition de loi. La proposition de loi veut simplement limiter l'incitation à la discrimination et la discrimination commise par les fonctionnaires dans l'exercice de leur fonction, en empruntant à la loi du 30 juillet 1981 la notion de fonctionnaire. L'approche de la proposition de loi par rapport à celle de la loi du 30 juillet 1981 se révèle par conséquent très raisonnable et modérément novatrice.

La ministre renvoie à l'article 1er de la loi du 30 juillet 1981, qui fait référence à la notion de discrimination indirecte en rendant également punissables des actes « ayant pour effet » de discriminer. Cette approche reste toutefois délicate.

En réponse à une question posée par un précédent orateur, la ministre répond que la proposition de loi ne porte pas atteinte au dispositif pénal existant sur la responsabilité du juge.

Amendement nº 37

Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-12/7, amendement nº 37), en vue de remplacer l'article 4 par une disposition renvoyant aux sanctions pénales prévues par la loi du 30 juillet 1981.

Amendement nº 160

Mme de T' Serclaes dépose un amendement (Doc. Sénat, nº 2-12/12, amendement nº 160) visant à remplacer l'article 4.

L'auteur estime que la proposition de loi doit se limiter aux seules discriminations directes et qu'il faut écarter la notion trop vague de discrimination indirecte de son champ d'application, afin d'éviter de créer la confusion dans le chef du citoyen quant au caractère discriminatoire des actes qu'il pose.

La discrimination indirecte ressortit plutôt au champ d'application du droit civil.

Tous les agents des pouvoirs publics, dont les bourgmestres et échevins, rentrent dans le champ d'application du paragraphe 2. Ils risquent donc d'encourir des poursuites pénales pour le moindre acte considéré comme discriminatoire, même de façon indirecte.

Ainsi, toute personne ne pouvant pas accéder à un bâtiment public aurait la possibilité de déposer plainte contre les agents des pouvoirs publics, dont les échevins et bourgmestre. Le moindre dysfonctionnement pourrait donner lieu à des procédures pénales. Ceci n'est pas concevable.

Par ailleurs, l'acte ne doit être punissable que s'il a été effectivement commis. La simple intention de discriminer ne constitue pas une base juridique pénale suffisante pour entamer des poursuites judiciaires.

À cet égard, le texte opère, en son état actuel, une distinction inacceptable entre les citoyens d'une part et les fonctionnaires d'autre part.

L'auteur principal de la proposition de loi estime qu'il faut retenir la notion de discrimination indirecte, à défaut de quoi la proposition de loi risque d'être vidée de tout sens.

Le membre souligne que quiconque ayant commis un acte de nature discriminatoire ­ donc tous les agents, dont les mandataires publics, exerçant une partie du pouvoir public ­ est visé par la proposition de loi.

L'intervenant considère qu'il y a lieu de maintenir l'incrimination des actes discriminatoires indirects commis par les agents des pouvoirs publics ou d'autres personnes exerçant une parcelle du pouvoir public.

Répondant à la question d'un membre, l'intervenant ajoute qu'une omission peut tomber dans le champ d'application du texte, pour autant que l'intention de discriminer soit démontrée.

Il estime par ailleurs qu'il convient de nuancer le point de vue d'une précédente oratrice : le comportement discriminatoire d'un mandataire communal envers des handicapés n'est nullement comparable à la responsabilité qu'il encourt dans les matières qui relèvent de sa compétence.

Une membre dit ne pas souscrire à la proposition de la préopinante de faire relever la discrimination indirecte du droit civil parce que tous les types de discrimination influent sur notre vision de la société. Les notions de discrimination directe et de discrimination indirecte figurent d'ailleurs déjà dans la loi Moureaux.

Elle est favorable à la répression de la discrimination indirecte commise par un fonctionnaire, mais pas à la répression de l'incitation à la discrimination par des citoyens ordinaires.

Un autre membre se demande si le mandataire local qui ne tient pas compte de l'intégration d'une certaine catégorie de personnes se livre également à une forme de discrimination indirecte.

Une membre fait référence aux directives européennes qui établissent une distinction entre la discrimination directe et la discrimination indirecte. Elle demande s'il ne vaudrait pas mieux sanctionner au civil la discrimination indirecte, dès lors qu'un large éventail de comportements peuvent être considérés comme constitutifs d'une discrimination indirecte, même s'ils n'ont pas été commis avec l'intention de commettre une discrimination.

L'auteur principal de la proposition de loi répond que dans la sphère privée, la publicité donnée à l'incitation à la discrimination, ainsi que l'acte de discrimination lui-même, sont incriminés dans le respect des droits de l'homme.

Dans la sphère publique, les règles sont plus sévères parce qu'il s'agit de l'autorité publique elle-même.

L'intervenant souligne également que la procédure pénale en la matière est assez lourde (dépôt de la plainte, examen de la recevabilité de celle-ci avant son renvoi au parquet pour poursuites judiciaires éventuelles). Il estime par conséquent que le risque que quelqu'un soit poursuivi pour des faits à caractère discriminatoire qu'il n'aurait pas commis est relativement faible.

Par ailleurs, si la discrimination indirecte sort de la sphère du droit pénal, on risque des dérives.

Observations techniques du ministre de la Justice concernant les aspects pénaux de la proposition de loi

Le ministre de la Justice souhaite éclairer les membres sur les aspects pénaux des textes à l'examen et formuler certaines observations techniques.

Les articles 4 et 5 à l'examen suscitent plusieurs questions par rapport aux principes du droit pénal : la combinaison de certains mobiles avec des articles existants du Code pénal pose problème. Comment concilier le mobile « sexe » et l'infraction « viol » ? Le texte proposé n'aboutira-t-il pas, de facto, à un doublement des peines en cas de viol ? Le principe même du doublement des peines aboutit à des incohérences : pour certains crimes, la peine prévue au Code pénal est la perpétuité et donc l'auteur écoperait d'une double-perpétuité ? ...

Si l'on schématise la tâche du juge pénal, celui-ci doit répondre à la question : un acte pénalement punissable a-t-il été commis ? Si oui, le juge dispose, à travers le Code pénal, d'une grille de lecture et il applique l'article correspondant à l'infraction commise, auquel correspond une fourchette déterminée de peine (par exemple 5 à 10 ans) qui est modulée en fonction des circonstances de la cause.

Les articles 4 et 5 de la proposition s'écartent radicalement des principes fondamentaux qui régissent notre droit pénal puisqu'ils permettent de poursuivre « une intention ». Ce serait un cas unique en droit pénal belge mais probablement également au niveau du droit pénal de nos voisins européens.

Le ministre admet que ces articles s'inspirent de la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie. Cela ne saurait constituer une justification suffisante, d'autant plus qu'aucune condamnation n'a jamais été prononcée sur la base de l'article 1er, 3º et 4º, de la loi du 30 juillet 1981, lequel réprime l'intention. Il faut en tirer les conclusions pour la présente proposition de loi.

Rendre pénalement punissable une intention consiste à faire table rase des principes fondamentaux du droit pénal qui exige que l'infraction, le délit ou le crime ait été commis. Les craintes ont déjà été évoquées par certains commissaires : insécurité juridique des citoyens incapables de savoir a priori ce qui est ou non punissable pénalement, engorgement des cours et tribunaux suite aux innombrables recours, etc.

La nouvelle rédaction de l'article 2 proposée à l'amendement nº 116 (doc. Sénat nº 2-12/11) qui indique qu'une différence de traitement est admissible si elle se fonde sur une justification « objective et raisonnable » n'apporte pas d'amélioration quant à l'insécurité juridique suscitée par les textes. En effet, il s'agit encore une fois de critères qu'il n'est possible de prendre en considération qu'a posteriori.

Le ministre met également en garde contre les deux conséquences suivantes :

­ Les magistrats ne seront-ils pas appelés à devenir les pivots et les exécutants de dispositions pénales excessivement malaisées à mettre en oeuvre alors que la pression sociale sur le thème des discriminations est de plus en plus forte.

­ Un risque d'effritement du Code pénal par l'introduction de concepts contradicteurs tels que l'intention punissable.

Par ailleurs, en ce qui concerne les discriminations indirectes, il n'est pas admissible qu'un citoyen soit poursuivi pour avoir posé un acte dont il ne pouvait savoir, en le posant, qu'il commettait une infraction, un délit ou un crime. Au regard du droit pénal, la personne doit avoir eu l'intention de commettre un viol, un meurtre, etc.

L'intention est évidemment un élément fondamental au regard du droit pénal et, plus la faute est grave, plus la présence de l'élément intentionnel est indispensable.

Le ministre s'interroge également sur la logique qui sous-tend les dispositions pénales telles qu'elles figurent dans le texte actuel des articles 4 et 5 : en effet, dans le cas de la discrimination directe, il est accordé une importance très grande à la seule intention de discriminer (publicité de l'intention), alors que dans le cas de la discrimination indirecte, la présence de cette intention n'est plus requise du tout ....

Enfin, le doublement des peines qui est proposé à l'article 5 de la proposition n'est pénalement et légistiquement pas souhaitable. Le juge pénal dispose déjà d'une échelle des peines et il peut donc adapter la sanction aux circonstances de la cause. D'autre part, le doublement ne peut être utilement envisagé que pour les minima, ce qui irait à l'encontre du mouvement au niveau européen où l'on s'achemine de plus en plus vers une suppression de ces minima.

En conclusion, le ministre déclare ne pas être favorable aux concepts de l'intention punissable et à la pénalisation des discriminations indirectes.

Observations des membres

L'auteur principal de la proposition de loi estime que l'on ne peut vider celle-ci de son dispositif pénal. Contrairement à ce que soutient le préopinant, ce n'est pas l'intention de discriminer qui est érigée en infraction mais la publicité donnée à la volonté d'adopter un comportement discriminatoire. En ce qui concerne le pouvoir d'appréciation que la proposition entend confier au juge pénal, il y a, selon l'intervenant, d'autres secteurs du droit pénal où le juge dispose d'une marge d'appréciation sur l'intention délictueuse. Il pense par exemple au droit pénal fiscal.

L'orateur reconnaît que la définition de la discrimination indirecte peut poser un problème de qualification pénale. Il est cependant indispensable de maintenir une qualification pénale pour la discrimination indirecte. Si tel n'était pas le cas, il serait trop facile de contourner les dispositions pénales exclusivement applicables aux discriminations directes.

Une membre pense qu'il faut réfléchir à l'effectivité et à la pertinence des sanctions pénales en matière de lutte contre la discrimination. Dans la recommandation du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale relative aux discriminations à l'embauche de personnes d'origine étrangère, il est plaidé en faveur de procédures civiles pour assurer l'effectivité des dispositions antidiscrimination.

L'oratrice veut également que le débat sur les aspects pénaux de la proposition à l'examen ne soit pas mené indépendamment de considérations de politique pénale générale. Le rapport d'audit rendu sur le fonctionnement du parquet de Bruxelles recommande de limiter les incriminations pénales et de ne pas surcharger la législation pénale en général.

En ce qui concerne l'article 5 de la proposition, la sénatrice estime que le libellé en est trop imprécis. La référence aux mobiles des infractions est trop large. En effet, en droit pénal, le mobile est la raison personnelle d'agir et n'est, en principe, pas punissable, par opposition à l'intention criminelle ou le dol qui est un élément intrinsèque de l'infraction.

De même, plutôt que de doubler les peines lorsque le « mobile » de l'infraction est le sexe, l'orientation sexuelle, l'état civil ..., il serait préférable de faire de ces causes de discrimination une circonstance aggravante.

Une autre membre se rallie aux remarques techniques formulées par la préopinante. L'oratrice rappelle que son groupe est favorable au vote d'une loi générale luttant contre la discrimination. Pour assurer l'effectivité de cette loi, il faut prévoir un arsenal de sanctions. Si l'instauration d'incriminations pénales se justifie pour lutter contre la discrimination directe, de telles sanctions sont totalement inappropriées pour lutter contre la discrimination indirecte.

En effet, l'auteur de la proposition a rappelé que seule la publicité donnée à l'intention de discriminer était incriminée pénalement. Or, comment peut-on concevoir que quelqu'un donne de la publicité à son intention de commettre une discrimination indirecte puisque celle-ci est, par définition, commise de manière involontaire ? Pour assurer une plus grande clarté au texte de la proposition, il est souhaitable de préciser que les dispositions pénales ne sont pas applicables aux discriminations indirectes.

Une membre pense qu'une grande partie des critiques formulées à l'égard des dispositions pénales de la proposition sont dues au fait que les textes recopient les solutions adoptées dans la loi Moureaux du 30 juillet 1981 alors que le champ d'application de la proposition à l'examen est beaucoup plus étendu puisqu'il couvre de nouveaux types de discrimination et englobe les discriminations indirectes. L'intervenante plaide pour limiter les sanctions pénales aux discriminations directes.

La ministre de l'Emploi répond que le gouvernement a émis le souhait que la loi de lutte contre la discrimination soit assortie de sanctions civiles et pénales. Les sanctions pénales ont un champ d'application réduit car il faut qu'il y ait une incitation à la discrimination ou une publicité à l'intention de recourir à la discrimination. Contrairement à ce que soutiennent d'autres orateurs, l'intervenante estime qu'une incitation à la discrimination indirecte est tout à fait concevable et qu'il est logique de l'assortir de sanctions pénales.

En ce qui concerne le doublement des peines proposé à l'amendement nº 11 du gouvernement (doc. Sénat, nº 212/6), la ministre rappelle qu'une disposition similaire sera introduite dans la loi Moureaux du 30 juillet 1981 afin d'assurer une parfaite concordance entre les deux textes. La liste limitative d'infractions auxquelles s'applique le motif abject devrait être complétée par l'incendie volontaire et le harcèlement.

Une membre se rallie aux déclarations d'un orateur précédent selon lesquelles la discrimination indirecte étant un acte non intentionnel, celle-ci doit être exclue de la sphère pénale. L'intervenante estime par ailleurs que l'incitation à la discrimination ou la publicité donnée à une intention de recourir à la discrimination comme le prévoit l'article 4 de la proposition sont des formes de discriminations directes et peuvent, à ce titre, être soumises à des sanctions pénales.

Amendement nº 78

Mme de T' Serclaes dépose un amendement nº 78 (doc. Sénat, nº 2-12/10) qui vise à éviter que les incriminations prévues au § 1er de l'article proposé ne fassent double emploi avec celles prévues dans la loi Moureaux du 30 juillet 1981. Selon l'auteur, l'amendement nº 78 a, sur le fond, le même but que l'amendement nº 12 du gouvernement (doc. Sénat, nº 2-12/6), proposant un article 7bis nouveau, mais est plus clair d'un point de vue légistique.

Amendement nº 36

Mme Nyssens retire l'amendement nº 36 (doc. Sénat, nº 2-12/7), qui visait à insérer au § 1er proposé, avant le premier tiret, le tiret suivant : « ­ Quiconque, dans les domaines d'application visés à l'article 2, § 1er, commet une discrimination à l'égard d'une personne, d'un groupe, d'une communauté ou de membres de celle-ci, en raison de motifs visés à l'article 2, § 2, à l'exception des motifs fondés sur une prétendue race, la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique. »

Amendement nº 23

Mme Kaçar dépose un amendement nº 23 (doc. Sénat, nº 2-12/7) qui a pour but de rendre punissable l'acte discriminatoire lui-même alors que le texte de l'article 4 vise uniquement l'incitation à la discrimination.

Amendement nº 34

Mme Nyssens dépose un amendement nº 34 (doc. Sénat, nº 2-12/7) qui a pour but d'harmoniser la terminologie utilisée par rapport à celle des amendements nº s 6 et 7 du gouvernement.

Amendement nº 35

Mme Nyssens dépose un amendement nº 35 (amendement subsidiaire à son amendement nº 34, doc. Sénat, nº 2-12/7) qui a pour but d'éviter un chevauchement entre l'article 4 de la proposition et la loi Moureaux du 30 juillet 1981.

Amendement nº 108

Le gouvernement dépose un amendement nº 108 (doc. Sénat, nº 2-12/10) qui apporte une modification purement technique visant à clarifier le texte du § 1er de l'article 4.

Amendement nº 4

Le gouvernement dépose un amendement nº 4 (doc. Sénat, nº 2-12/4) qui a pour but d'aligner, au § 1er, le libellé de l'alinéa 2 de l'article 4 sur celui de l'alinéa 1er.

Amendement nº 109

Le gouvernement dépose un amendement nº 109 (Sous-amendement à l'amendement nº 4, doc. Sénat, nº 2-12/10) qui apporte une modification purement technique visant à clarifier le texte.

Amendements nºs 99 et 100

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent les amendements nºs 99 et 100 (doc. Sénat, nº 2-12/10) qui sont subsidiaires à l'amendement nº 98 tendant à supprimer l'article 4.

Les amendements nºs 99 A et 100 tendent à remplacer chaque fois le mot « discrimination » par les mots « discrimination directe ». En effet, seule une discrimination directe peut être réprimée pénalement.

De plus, la tournure « en raison des particularités visées à l'article 2 » prête à confusion. Il vaut mieux dire qu'il s'agit des motifs de discrimination visées à l'article 2, § 2 (amendement nº 99B).

L'auteur principal de la proposition de loi renvoie à la discrimination qui précède. Dans leur amendement principal nº 99, les auteurs affirment que l'incrimination proposée de certaines formes de discrimination est inacceptable. L'amendement subsidiaire dispose que seule la discrimination directe peut faire l'objet d'une incrimination. Plusieurs commissaires ont dit pouvoir se rallier à ce point de vue. L'intervenant va réfléchir à la question. Il faut toutefois veiller à ce que la proposition ne soit pas une coquille vide et, partant, un coup dans l'eau. L'incrimination de la discrimination doit rester possible.

Amendement nº 161

Mme de T' Serclaes remet en question la référence aux mots « haine ou violence ». L'incitation à la haine et à la violence lui semble être d'une autre nature que l'incitation à la discrimination. Elle dépose dès lors un amendement (doc. Sénat, nº 2-12/12, amendement nº 161) visant à supprimer ces mots.

Amendement nº 155

L'amendement nº 155 du même auteur (doc. Sénat, nº 2-12/11) complète l'alinéa 1er du § 2 proposé (article 4) par les mots « sur (la) base des motifs de discrimination énumérés aux §§ 1er et 2 de l'article 2 ». En cas de discrimination directe, on attend en effet du fonctionnaire qu'il adopte une certaine attitude. Par contre, il n'y a pas lieu d'appliquer la sanction pénale au motif de harcèlement. En effet, un fonctionnaire n'a pas à être plus puni qu'un autre employeur dans le cadre de ses relations interprofessionnelles.

L'auteur principal de la proposition de loi répond qu'il ne faut pas perdre de vue que de par leur nomination, les fonctionnaires bénéficient déjà d'une protection plus importante que les travailleurs du secteur privé. Il s'agit là d'un élément subsidiaire. L'argument principal consiste en l'autorité de la fonction publique.

S'agissant du débat sur la discrimination directe et la discrimination indirecte, un membre fait référence au texte de la législation néerlandaise et aux décisions de la « Commissie gelijke behandeling ». L'intervenante souligne qu'il faut inscrire la discrimination indirecte dans la loi. Le fait d'exiger des connaissances linguistiques pour peler des pommes de terre est cité comme exemple de discrimination indirecte.

Un autre membre fait référence à la législation canadienne qui offre également d'autres solutions pour sanctionner les discriminations (une espèce de commission de médiation).

Un membre souligne qu'il faut s'assurer de la cohérence des instruments juridiques que l'on va créer.

La ministre de l'Emploi a manifestement l'intention de déposer un projet de loi à caractère général sur le « harcèlement ». Ce texte a été soumis pour avis au Conseil national du travail. Il y a donc de toute évidence une volonté politique de légiférer en la matière, mais il faut garantir la cohérence des sanctions. Vu l'imminence d'une législation générale en la matière, l'on peut se demander s'il est absolument nécessaire d'inscrire la disposition relative au harcèlement dans la présente proposition ? Que prévoit ce projet pour ce qui est des sanctions applicables aux fonctionnaires ?

La ministre précise que la disposition relative au harcèlement a été reprise dans les amendements du gouvernement (amendement nº 11) parce qu'elle figure dans la directive.

De plus, le harcèlement dont il est question ici va nettement au-delà du harcèlement visé dans le projet de loi de la ministre, qui vise uniquement le harcèlement au travail. Il y a, par exemple, aussi du harcèlement entre voisins.

Il semble donc souhaitable de mentionner le harcèlement dans la présente proposition, de manière à couvrir toutes les formes possibles de harcèlement.

En tout cas, il faut profiter de l'occasion pour attirer l'attention sur la responsabilité particulière des fonctionnaires publics.

Votes

L'amendement nº 72 de Mme Staveaux-Van Steenberge est rejeté par 9 voix contre 1 et 4 abstentions.

L'amendement nº 98 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 10 voix contre 3 et 1 abstention.

Les amendements nºs 37 et 36 de Mme Nyssens, 78 et 161 de Mme de T' Serclaes, 108 et 4 du gouvernement sont retirés.

L'amendement nº 160 de Mme de T' Serclaes est rejeté par 11 voix contre 2 et 1 abstention.

Le point A de l'amendement nº 99 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est adopté par 9 voix contre 4 et 1 abstention.

Le point B du même amendement est rejeté par 9 voix contre 4 et 1 abstention.

L'amendement nº 23 de Mme Kaçar est rejeté par 10 voix contre 4 et 1 abstention.

L'amendement nº 34 de Mme Nyssens est rejeté par 9 voix contre 2.

L'amendement nº 35 de Mme Nyssens est rejeté par 9 voix contre 1 et 3 abstentions.

L'amendement nº 100 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 8 voix contre 4 et 2 abstentions.

L'amendement nº 109 du gouvernement est devenu sans objet.

L'amendement nº 155 de Mme de T' Serclaes est adopté par 9 voix et 4 abstentions.

L'article 4 ainsi amendé est adopté par 8 voix contre 3 et 3 abstentions.

À titre de correction formelle, et par référence à la correction apportée à l'article 2, § 2, la commission a également décidé de remplacer, au § 1er de l'article 4, 1er et 2e tirets, les mots « particularités visées » par les mots « motifs de discrimination visés ».

Article 5 (article 6 du texte adopté)

Amendements nºs 73 et 162

Mme Staveaux-Van Steenberge dépose un amendement nº 73 (doc. Sénat, nº 2-12/8) visant à supprimer l'article. L'auteur considère que le doublement des peines lorsque le mobile de certaines infractions est le sexe, l'orientation sexuelle, la conviction ... aboutit à des solutions illogiques dans certaines situations. Comment imaginer un viol pour lequel le sexe n'interviendrait pas comme mobile ? L'article pose également un problème de praticabilité lorsqu'il s'agit de prouver les mobiles réels des actes qui seront soumis à l'appréciation du juge. L'auteur propose dès lors de supprimer cette disposition.

Un membre rappelle que dans certains pays, des pratiques de viols systématiques ont été ordonnées dans le cadre de conflits ethniques, dans le seul but d'humilier les victimes. Il est dès lors inexact de soutenir que le sexe est toujours le mobile d'un viol.

Mme de T' Serclaes dépose également un amendement (doc. Sénat, nº 2-12/12, amendement nº 162), tendant à supprimer l'article 5.

Amendement nº 11

Le gouvernement dépose un amendement nº 11 (doc. Sénat, nº 2-12/6) visant à remplacer l'article 5 de la proposition. L'amendement propose, pour tenir compte des remarques du Conseil d'État, de limiter le motif abject à une série d'infractions limitativement énumérées. La ministre fait remarquer qu'une disposition similaire sera intégrée dans le projet de loi modifiant la loi Moureaux du 30 juillet 1981 que le gouvernement déposera sous peu au Parlement.

Amendement nº 24

Mme Kaçar dépose un amendement nº 24 (sous-amendement à l'amendement nº 11 du gouvernement, doc. Sénat, nº 2-12/7), visant à étendre le doublement des peines à toutes les bases de discrimination définies à l'article 2. L'auteur veut lutter contre toutes les discriminations et ne comprend pas pourquoi le champ d'application de l'article 5 serait limité à certaines causes de discrimination.

Amendement nº 38

Mme Nyssens dépose un amendement nº 38 (sous-amendement à l'amendement nº 11 du gouvernement, doc. Sénat, nº 2-12/7), visant à remplacer l'article proposé. L'auteur, se basant sur les remarques du Conseil d'État, propose de remplacer, pour certaines infractions, le doublement des peines par l'instauration de circonstances aggravantes lorsque l'un des mobiles est une des bases de discrimination telle que l'orientation sexuelle, l'état civil ... L'intervenante propose par ailleurs d'ajouter le critère de la « naissance » à cette liste des bases de discrimination.

Amendement nº 39

Mme Nyssens dépose un amendement nº 39 (amendement subsidiaire à l'amendement nº 38 de Mme Nyssens, doc. Sénat, nº 2-12/7) visant à remplacer le mot « mobile » par les mots « un des mobiles ». Selon l'intervenante, une interprétation littérale de l'article 5 proposé permettrait à l'auteur d'une infraction d'échapper à l'aggravation de peine dès lors que l'acte n'a pas pour mobile exclusif de commettre une discrimination basée sur un des critères mentionnés dans l'énumération.

L'auteur principal de la proposition de loi déclare se rallier à l'amendement nº 38 qui précise et complète le texte de l'article 5.

Amendement nº 101

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent l'amendement nr. 101 (doc. Sénat, nº 2-12/10), visant à supprimer l'article 5. De même, les amendements nºs 102 et 103 (doc. Sénat, nº 2-12/10) proposent de supprimer les articles 6 et 7 (voir infra).

Un des auteurs de l'amendement précise que celui-ci est lié à l'amendement nº 98 à l'article 4. Pour certaines infractions, notamment celles relatives aux moeurs, l'élément constitutif sera nécessairement le sexe, de sorte que le texte aboutira à doubler automatiquement les peines portées par la loi en pareil cas.

L'auteur principal de la proposition de loi ne partage pas ce point de vue. Dans le cas d'un viol, par exemple, l'élément déterminant ne sera pas nécessairement le sexe; l'origine ethnique, par exemple, peut être l'élément prépondérant.

Certains membres ont également contesté le doublement des peines. Il semble pourtant à l'intervenant que le Code pénal comporte déjà des dispositions prévoyant une aggravation de la peine en matière de moeurs.

Un membre fait remarquer qu'une raison déterminée peut effectivement constituer une circonstance aggravante. Il faudrait revoir la formulation de cette disposition.

L'intervenant précédent se demande si l'extension de la gamme des peines applicables serait une bonne solution. Le juge pénal pourrait alors choisir parmi un plus large éventail de peines, en fonction d'éventuelles circonstances aggravantes. Cette solution est-elle meilleure que de prévoir un doublement de la peine ? La première option présente l'inconvénient d'étendre la gamme des peines, même lorsque la raison en question fait défaut.

Amendement nº 40

Mme Nyssens dépose l'amendement nº 40 (doc. Sénat, nº 2-12/7), qui vise à ce que la sanction s'applique dès qu'il y a motivation discriminatoire. Il ne lui paraît pas opportun de limiter les infractions pour lesquelles un sentiment négatif à l'égard d'une personne en raison d'un des critères énumérés à l'article 2, § 2, serait une circonstance aggravante.

L'auteur principal de l'amendement répond que cette limitation tient compte des observations formulées par le Conseil d'État. Comme on se trouve dans la sphère du droit pénal, on doit savoir clairement ce qui est permis et ce qui ne l'est pas. Les articles concernés doivent être clairement désignés.

La ministre précise que la liste proposée peut encore être rallongée (en y ajoutant par exemple l'article 373, l'incendie volontaire, etc.). Une fois la liste arrêtée, il faudra l'appliquer de manière limitative.

Amendement nº 50

M. Mahoux dépose à l'amendement nº 11 du gouvernement un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/7, amendement nº 50), visant à remplacer les mots « et 528 » par les mots « 528 et 561, § 7 » en vue d'insérer l'injure dans les infractions visées à l'article 5.

Amendements nºs 62 et 79

Mme de T' Serclaes dépose les amendements nºs 62 et 79 (doc. Sénat, nºs 2-12/8 et 2-12/10) visant à supprimer les mots « le sexe » et les mots « l'âge ». En quoi le sexe pourrait-il être une circonstance aggravante ? L'intervenante renvoie aux dispositions actuelles relatives au viol. La loi sur la protection pénale des mineurs aussi considère déjà l'âge comme une circonstance aggravante. Le texte est déforcé par ces dispositions, qui existent déjà dans d'autres textes de loi.

Un membre peut souscrire à la remarque concernant l'âge. Lors de la discussion de la loi sur la protection pénale des mineurs, on a effectivement fait un sérieux effort pour établir une gradation en fonction de l'âge de la victime. Il faut éviter toute incohérence avec cette loi.

Amendement nº 115

M. de Clippele dépose l'amendement nº 115 (doc. Sénat, nº 2-12/10) visant à insérer les mots « la langue » entre les mots « l'état civil » et les mots « l'âge ». Le critère de la langue peut en effet également être un facteur de discrimination.

Amendement nº 172

MM. Mahoux et Istasse déposent un amendement nº 172 (sous-amendement à l'amendement nº 11 du gouvernement, doc. Sénat, nº 2-12/14) visant à remplacer l'article proposé. Les auteurs souhaitent compléter la liste des dispositions du Code pénal pour lesquelles le motif abject est érigé comme circonstance aggravante. L'amendement apporte également des précisions en ce qui concerne l'application du motif abject à certaines infractions, pour tenir compte des remarques formulées par le Conseil d'État ainsi que lors des débats en commission. Enfin, les auteurs proposent de limiter le doublement des peines aux peines correctionnelles et renvoient, pour l'aggravation des peines criminelles, à l'article 54 du Code pénal.

Une membre ne peut soutenir cet amendement car il ne favorise pas la lisibilité des dispositions pénales de la proposition à l'examen. Selon l'oratrice, il y a une incohérence entre les deux premiers alinéas. En effet, l'alinéa 1er proposé ne vise pas le sexe dans l'énumération des mobiles érigés en circonstance aggravante personnelle alors que l'alinéa 2 précise que les motifs de discrimination liés au sexe ne peuvent être retenus pour établir une circonstance aggravante personnelle pour certaines infractions. L'intervenante rappelle sa position de principe concernant les discriminations liées au sexe qui doivent être, selon elle, traitées dans une législation spécifique.

Une autre membre se dit perplexe quant au principe du doublement des peines, même si l'amendement propose d'en limiter l'application aux peines correctionnelles. L'intervenante constate par ailleurs que la numérotation des articles du Code pénal auxquels l'amendement renvoie ne tient pas compte des modifications apportées audit Code par la loi du 28 novembre 2000 relative à la protection pénale des mineurs. Enfin, la liste des dispositions du Code pénal mentionnée dans le dispositif ne correspond pas à celle qui figure dans la justification de l'amendement.

Le ministre de la Justice confirme que la solution proposée de doubler les peines correctionnelles n'est pas usuelle au niveau du droit pénal.

Un membre confirme que l'énumération des articles devrait être complétée par un renvoi aux articles 422bis et 444 du Code pénal. Pour le surplus, il ne comprend pas les critiques car le texte de l'amendement s'inspire de l'avis du Conseil d'État (doc. Sénat, nº 2-12/5, p. 15).

Une membre admet que l'alinéa 1er proposé tient compte des remarques formulées par le Conseil d'État. Par contre, en ce qui concerne le principe du doublement des peines, le Conseil d'État a estimé que « le pouvoir du juge pénal dans la détermination de la peine est suffisamment large pour qu'une telle disposition ne soit pas nécessaire » (doc. Sénat, nº 2-12/5, p. 15).

Une autre membre se rallie à cette remarque et plaide pour que l'on se limite, dans la loi générale luttant contre la discrimination, à arrêter le principe du renforcement des peines lorsque les mobiles sont abjects. La fourchette des peines, prévue dans le Code pénal, permet au juge d'alourdir la peine lorsque l'infraction est commise avec la circonstance aggravante personnelle du motif abject.

La ministre de l'Emploi soutient pour sa part le principe du doublement des peines. Le gouvernement entend envoyer un signal clair aux magistrats. Ceux-ci doivent savoir, lorsqu'une infraction est commise avec une des circonstances aggravantes visées dans l'amendement nº 172, qu'un tel acte est considéré comme très grave.

Amendement nº 175

Mmes Van Riet et Taelman déposent, à l'amendement nº 172 de MM. Mahoux et consorts, le sous-amendement suivant (doc. Sénat, nº 2-12/14, amendement nº 175) :

Apporter à l'article proposé les modifications suivantes :

A. À l'alinéa 1er, remplacer les mots « articles 372, 373, 375, 393 à 401, 401bis, 402, 405, 422ter, 434, 442bis, 443, 448, 453, 510 à 512, 520, 528 à 530 et 561, 7º, » par les mots « articles 372, 373, 375, 376, 393 à 401, 402, 405, 422bis 422ter, 425, 426, 434, 442bis, 443, 444, 448, 453, 510 à 512, 520 et 528 à 530 ».

B. À l'alinéa 2, remplacer les mots « au sexe ou à l'âge » par les mots « au sexe, à l'âge, à l'état de santé, à un handicap ou à une particularité physique » et les mots « 373 et 375 » par les mots « 373, 375 et 376 ».

C. À l'alinéa 3, ajouter, entre les mots « à l'âge » et les mots « ne peut être », les mots « , à l'état de santé, à un handicap ou à une particularité physique » et remplacer les mots « à l'article 401bis » par les mots « aux articles 425 et 426 ».

L'un des auteurs donne les précisions suivantes.

Il y a lieu de mentionner l'article 376 dans l'énumération par souci d'exhaustivité. Il traite lui aussi du viol et de l'attentat à la pudeur.

Il convient de supprimer l'article 401bis dans l'énumération.

La loi du 28 novembre 2000 relative à la protection pénale des mineurs abroge l'article 401bis et insère les articles 425 et 426 nouveaux.

Article 422bis : défaut d'aide.

Que l'on songe aux actes éventuels de discrimination consistant à refuser de procurer une aide pour l'une des raisons énumérées à l'article 5.

Article 444 : calomnie et diffamation.

L'article 443 est l'article de base pour la calomnie et la diffamation.

L'article 444 fixe les circonstances dans lesquelles la calomnie et la diffamation sont punissables, à savoir lorsqu'il y a une certaine forme de publicité.

Il est en effet évident qu'un acte de discrimination interdit selon l'article 2 de la proposition est souvent commis dans les circonstances visées à l'article 444, à savoir dans des réunions ou lieux publics, en présence de plusieurs individus ou en présence de la personne offensée et devant témoins, ou par des écrits, des images ou des emblèmes affichés.

Cet ajout résulte donc d'un lien logique avec l'article 443.

Article 561, 7º : injure.

Cet article est supprimé étant donné que les infractions ne sont pas prévues au dernier alinéa de l'article 5.

B. Les causes de discrimination qui sont ajoutées figurent déjà comme circonstances aggravantes à l'article 376.

C. Les articles 425 et 426 ont été insérés dans le Code pénal par la loi relative à la protection pénale des mineurs.

Un membre rappelle que, selon l'avis du Conseil d'État, l'article 5 est superflu et pourrait être omis.

Sans doute le sous-amendement nº 175 constituet-il une solution intermédiaire acceptable.

L'auteur principal de la proposition de loi rappelle que le souhait de ses auteurs est que la possibilité de doubler la peine soit prévue dans le cas où existe un motif abject.

Pour le surplus, l'intervenant n'a pas d'objection aux corrections techniques proposées par le sous-amendement.

Votes

L'amendement nº 73 de Mme Staveaux-Van Steenberge est rejeté par 9 voix contre 1 et 4 abstentions.

L'amendement nº 101 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 9 voix contre 3 et 2 abstentions.

L'amendement nº 162 de Mme de T' Serclaes est retiré.

L'amendement nº 175 de Mmes Van Riet et Taelman est adopté par 9 voix contre 2 et 3 abstentions.

L'amendement nº 172 de MM. Mahoux et Istasse, et l'amendement nº 11 du gouvernement ainsi sous-amendé, sont adoptés par 9 voix contre 5.

Les amendements nºs 24, 38 à 40, 50, 62, 79 et 115 deviennent sans objet.

À titre de correction formelle, la commission a également décidé de remplacer, dans le texte français de l'alinéa 1er de l'article 5, le mot « soit » par le mot « est ».

De même à l'alinéa 3, les mots « le motif » sont remplacés par les mots « les motifs ».

Article 6 (article 7 du texte adopté)

Amendement nº 102

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent l'amendement nº 102 (doc. Sénat, nº 2-12/10), qui tend à supprimer cet article.

Les auteurs renvoient à la justification de l'amendement nº 98 (cf. supra).

Amendement nº 5

Le gouvernement dépose un amendement nº 5 (doc. Sénat, nº 2-12/4), visant à remplacer les mots « aux articles 3 et 4 » par les mots « à l'article 4 ». Cet amendement devient sans objet.

Votes

L'amendement nº 102 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 10 voix contre 3 et 1 abstention.

L'amendement nº 5 du gouvernement est sans objet.

L'article 6 est adopté par 10 voix contre 3 et 1 abstention.

Article 7 (Article 8 du texte adopté)

Amendement nº 103

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent l'amendement nº 103 (doc. Sénat, nº 2-12/10), visant à supprimer cet article.

Les auteurs renvoient à la justification de l'amendement nº 98 (cf. supra).

Votes

L'amendement nº 103 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 10 voix contre 3 et 1 abstention.

L'article 7 est adopté par 9 voix contre 3 et 1 abstention.

Article 7bis

Amendement nº 12

Le gouvernement dépose l'amendement nº 12 (doc. Sénat, nº 2-12/6), qui vise à apporter une modification d'ordre légistique. L'objectif du gouvernement est de grouper les sanctions pénales contre le racisme dans la loi existante du 30 juillet 1981.

Toutefois, cet amendement deviendra sans objet si l'amendement nº 164 de M. Mahoux (doc. Sénat, nº 2-12/2) (cf. supra, article 19 nouveau) est adopté.

Amendements nºs 25 et 41

Mme Kaçar dépose à l'amendement nº 12 un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/7, amendement nº 25), tendant à supprimer le texte proposé. Il semble illogique d'introduire, dans la répression des discriminations, une distinction entre les différentes causes de discrimination. Cet amendement doit être lu en corrélation avec l'amendement nº 24 du même auteur.

Mme Nyssens dépose un amendement nº 41 (doc. Sénat, nº 2-12/7) qui tend au même objectif.

Votes

L'amendement nº 12 du gouvernement est retiré.

Les amendements nºs 25 de Mme Kaçar et 41 de Mme Nyssens deviennent sans objet.

Article 7ter (article 9 du texte adopté)

Amendement nº 13

Le gouvernement dépose un amendement nº 13 (doc. Sénat, nº 2-12/6), visant à insérer une nouvelle disposition habilitant les membres de l'Inspection du travail à constater les infractions à la présente loi.

Un membre demande si la compétence de l'inspection du travail concerne uniquement les discriminations sur les lieux de travail ou si elle vaudra également en dehors de ceux-ci.

La ministre répond que cette compétence est effectivement limitée, conformément aux dispositions de la loi du 16 novembre 1972.

Un membre souligne qu'il conviendrait de vérifier la cohérence de cette disposition avec le projet de loi en préparation sur le harcèlement moral.

La ministre répond que cet amendement a été rédigé par la personne qui est chargée également de la rédaction du projet de loi sur le harcèlement moral. On peut donc considérer que les deux textes seront cohérents.

Votes

L'amendement nº 13 du gouvernement est adopté par 10 voix contre 1 et 3 abstentions.

Article 8

Amendement nº 14

Le gouvernement dépose l'amendement nº 14 (doc. Sénat, nº 2-12/6), qui vise à supprimer cet article.

Votes

L'amendement nº 14 du gouvernement est adopté par 9 voix et 2 abstentions.

Article 9 (article 10 du texte adopté)

Un commissaire demande quelle forme de nullité on vise ici.

Votes

L'article est adopté par 9 voix contre 1 et 3 abstentions.

Article 10 (article 11 du texte adopté)

Amendement nº 42

Mme Nyssens dépose l'amendement nº 42 (doc. Sénat, nº 2-12/7), qui vise à supprimer, au § 1er proposé de cet article, les mots « du procureur du Roi, ». En effet, il ne semble pas opportun d'habiliter le procureur du Roi à demander, devant un tribunal civil, la cessation du comportement contraire à la loi. Le procureur du Roi possède-t-il déjà cette compétence dans d'autres lois prévoyant une action en cessation ? L'intervenante a l'impression que cette disposition va à l'encontre de la politique actuelle. En outre, toutes ces dispositions pénales surchargent la proposition. Cela peut avoir des conséquences indésirables.

Un commissaire signale que l'on veut réduire autant que possible la compétence du procureur du Roi en matière civile, précisément en raison du fait que cela occasionne une charge excessive pour le parquet. La disposition prévue par la proposition implique donc une mauvaise répartition des tâches. Le risque est grand que le procureur du Roi n'intente pas l'action en cessation précisément, parce qu'il est déjà surchargé.

La ministre note que le Conseil d'État n'a pas fait de remarques concernant cet article. On peut donc admettre que rien ne s'oppose juridiquement à ce que l'on confie cette tâche au procureur du Roi.

Un membre souligne qu'il est important que la loi soit applicable. Il faut éviter de voter une loi qui ne serait pas appliquée parce que le parquet serait surchargé. Ce n'est pas la bonne façon de faire.

Un autre commissaire estime que les cours et tribunaux doivent, eux aussi, être incités à appliquer la loi. La faute peut aussi leur être imputable.

La préopinante cite l'exemple de la loi sur la traite des êtres humains. La commission sur la traite des êtres humains a décidé de faire une évaluation de cette loi. Les cours et tribunaux ont été contactés pour examiner où se situent les difficultés que pose l'application de la loi. Il en est ainsi qu'en l'espèce, c'est la preuve qui posait problème. Pourquoi ne fait-on pas une évaluation de la loi Moureaux et n'examine-t-on pas pourquoi cette loi n'est pas appliquée ?

Un membre déclare qu'il est particulièrement difficile d'amener un magistrat du parquet à saisir le tribunal pénal. Il doit être certain de l'identité de l'auteur et, pour l'administration de la preuve, il est tributaire de l'exécution des devoirs qu'il a ordonnés par la police, à l'égard de laquelle il n'a pas droit d'injonction. Il ne faut pas perdre de vue la complexité de l'ensemble. C'est aussi la raison pour laquelle la procédure accélérée peut si rarement être appliquée. La théorie de la preuve immédiate de l'infraction s'applique très rarement.

La méthode de la médiation préalable semble opportune. En effet, si on recourt à la médiation en première étape, on a déjà un dossier et la bonne ou la mauvaise foi est déjà établie. La médiation est en outre une manière plus civilisée de résoudre les choses. Du reste, la victime peut toujours se porter partie civile, ce qui a pour effet d'engager l'action publique et le Centre pour l'égalité des chances peut aussi intervenir.

Une membre se réfère à la séparation des pouvoirs. La volonté du législateur n'est pas toujours respectée dans l'application des lois. L'intervenante regrette que le juge n'ait bien souvent pas appliqué la loi contre le racisme (volontairement ou non). Il y a un problème de preuve. Mais, d'autre part, il ne faut pas perdre de vue que la composition des tribunaux est le reflet de notre société. Souvent aussi, le juge n'a pas la volonté d'agir. On donne trop fréquemment la priorité à son propre peuple. Aux Pays-Bas, ce principe est punissable. En Belgique, les délits de presse sont correctionnalisés et on rechigne à prendre position. Il faut changer les mentalités.

Le ministre de la Justice souligne que la faiblesse de la loi de 1981 réside aussi dans le fait qu'il s'agit d'une loi à valeur symbolique. Cette loi comporte de nombreuses incohérences. Il ne faut pas oublier que le juge pénal est tenu à une stricte application de la loi. Ce n'est pas toujours possible dans le cas de la loi de 1981. Le ministre renvoie aux dispositions relatives à la responsabilité des fonctionnaires publics.

L'auteur principal de la proposition de loi est conscient que des publications comportant des considérations racistes sont trop souvent qualifiées par les racistes de délits de presse. Ici intervient aussi le débat sur la correctionnalisation de ces infractions.

L'intervenant reconnaît que dans la mise en oeuvre de la justice, il faut faire la distinction entre l'essentiel et l'accessoire, et que la justice doit s'occuper de l'essentiel. La question se pose toutefois de savoir comment déterminer ce qui est essentiel et ce qui est accessoire. Des divergences de vues peuvent apparaître à ce sujet, selon les options politiques.

Amendement nº 51

M. Mahoux présente un amendement nº 51 (doc. Sénat, nº 2-12/7) visant à remplacer, au § 1er, alinéa 1er, les mots « une infraction » par les mots « un manquement ». Selon l'auteur, l'action en cessation sera de la sorte également possible à l'encontre de discriminations qui ne constituent pas des infractions.

Amendement nº 26

Mme Kaçar dépose un amendement nº 26 (doc. Sénat, nº 2-12/7) visant à supprimer l'alinéa 2 de l'article 10, § 2. L'auteur se déclare favorable aux mesures d'affichage ou à la publication de la décision de cessation. Cependant, le texte proposé, en ce qu'il exige que cette publicité soit de nature à contribuer à la cessation de l'acte incriminé, risque d'avoir des effets pervers. L'intervenante pense qu'il est souhaitable de supprimer cette dernière condition afin d'éviter que l'auteur de la discrimination cherche à obtenir des dommages et intérêts en soutenant que les mesures de publicité ordonnées par le juge ne répondent pas aux conditions imposées par la loi.

Amendement nº 15

Le gouvernement dépose un amendement nº 15 (doc. Sénat, nº 2-12/6) visant à ajouter deux paragraphes précisant le régime selon lequel la preuve d'une discrimination peut être fournie. Comme le suggère le texte des directives européennes, le § 3 propose, moyennant certaines conditions, un renversement de la charge de la preuve en matière civile en faveur de la victime d'une discrimination. Le § 4 a pour but d'instaurer la possibilité de fournir la preuve de la discrimination par le recours au test de situation.

Une membre constate que cet amendement a pour but d'introduire un nouveau mode de preuve en droit belge. Comment ce test de situation va-t-il être organisé ? Quelles sont les personnes qui seront mises en présence ? Quelle est la valeur probante de ce test ?

La ministre reconnaît que la matière est complexe, raison pour laquelle il est proposé, au dernier alinéa du §4, de donner au Roi une délégation pour arrêter les modalités pratiques du test de situation. Ce test de situation est un des éléments de preuve de la discrimination qui devra être corroboré par d'autres éléments de preuve tels que des témoignages ... Un seul test ne suffit pas pour établir la preuve d'une discrimination; il faut répéter le test de situation pour obtenir une perception correcte de la réalité. De même, il ne peut y avoir de provocation, d'incitation à commettre une discrimination car cela entâcherait le test de nullité.

Une membre met en garde contre les dérives auxquelles le test de situation, tel qu'il est présenté, peut aboutir : on met en place une procédure de perquisition par huissier de justice sans aucun contrôle judiciaire et sans garantir le respect de la vie privée.

Une autre membre se rallie aux préoccupations exprimées par la préopinante car on évolue vers une procédure de type inquisitorial. L'intervenante comprend l'objectif visé par l'amendement nº 15 mais demande que les garanties nécessaires soient apportées quant au respect des autres législations protégeant les droits et libertés individuels. Par ailleurs, la délégation qui est donnée au Roi, au dernier alinéa, est rédigée dans des termes beaucoup trop larges.

Un intervenant pense qu'en adaptant, de façon minime, le libellé de la disposition, on clarifierait fortement la situation. En effet, le terme « requête » introduite auprès d'un huissier de justice, employé au § 4, alinéa 2, suscite une certaine confusion. La disposition signifie simplement qu'une personne, qui estime être victime d'une discrimination, peut faire appel à un huissier de justice pour faire des constats.

Une membre rappelle qu'il est souvent difficile de fournir la preuve d'une discrimination. L'intervenante est dès lors favorable à l'instauration du test de situation qui constitue un commencement de preuve. À ce moment-là, il appartient à la partie adverse de prouver qu'il n'y a pas eu discrimination.

Un membre souhaite connaître le point de vue du ministre de la Justice sur la problématique des tests de situation. Par ailleurs, à partir de quel moment ce test de situation aboutit-il à un renversement de la charge de la preuve ? Enfin, alors qu'il est proposé de donner une délégation au Roi pour fixer les modalités du test de situation, rien n'est prévu en ce qui concerne les « données statistiques », une notion qui n'est définie nulle part. Vu les conséquences qui peuvent être rattachées à ces données statistiques, une plus grande précision s'impose.

Un sénateur plaide pour la plus grande prudence en matière de tests de situation. Il redoute en effet que cette procédure, dont le but est certes légitime, n'aboutisse à des dérapages et n'ouvre la porte à l'arbitraire. Qui appréciera et, comment, le moment à partir duquel des tests de situations ou des données statistiques permettront de présumer l'existence d'une discrimination ?

Pour une intervenante précédente, le risque invoqué par l'orateur précédent est limité, puisque l'on se trouve, par hypothèse, dans le cadre d'une procédure judiciaire : c'est le juge qui appréciera la valeur probante à accorder à ces éléments.

Une membre demande si la Commission de la protection de la vie privée ne doit pas être consultée à propos de la procédure du test de situation.

Une autre membre remarque que le recours à un huissier de justice pour faire un constat correspond au droit commun. Pour quelles raisons a-t-on jugé nécessaire d'insérer, dans la proposition, une disposition dont le contenu correspond au droit commun et dont l'exécution est confiée au Roi ?

Pour un intervenant, le fait que les modalités du test de situation seront définies dans un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres offre une garantie suffisante quant au respect de la vie privée. Selon l'intervenant, l'amendement permet de faire constater, par un huissier de justice, un test qui reproduit une situation qui a fait l'objet d'une pratique antérieure et d'en faire découler un renversement de la charge de la preuve.

Une commissaire constate une incohérence entre le § 3, où le test de situation est présenté comme un moyen qui permet de présumer l'existence d'une discrimination et le § 4 selon lequel « la preuve de la discrimination (...) peut-être fournie par un constat d'huissier au moyen d'un test de situation ».

Pour la ministre, le but du recours au constat d'huissier est de donner à ces constations une force probante plus forte que si celles-ci avaient été faites par d'autres personnes telles que, par exemple des représentants du Centre pour l'égalité des chances, ou des témoins.

Une membre comprend que l'on cherche des techniques pour assurer l'efficacité de la loi anti-discrimination. Encore faut-il que celles-ci soient juridiquement orthodoxes. Le juge, lorsqu'il évaluera la valeur probante des différents éléments produits ne sera pas totalement libre dans la mesure où il ressort des déclarations que l'intention est de donner une force probante plus importante au test de situation constaté par huissier de justice qu'aux autres modes de preuve.

Or, comme l'a déjà souligné un orateur précédent, il y a une contradiction entre les §§ 3 et 4 proposés quant à la force probante du test de situation.

Une membre demande que le gouvernement précise ses intentions en ce qui concerne la force probante qu'il veut attacher au test de situation par rapport aux autres modes de preuve du droit civil.

Un sénateur se rallie aux remarques formulées par plusieurs membres à propos du caractère contradictoire des §§ 3 et 4 proposés. L'intervenant constate par ailleurs que l'huissier de justice pourra effectuer, en vertu du § 4, alinéa 4, 2º, des constats dans un lieu non public, mais accessible à un nombre limité de personnes qui ont le droit de le fréquenter. Selon l'intervenant, un domicile privé répond aux conditions énoncées car il s'agit d'un lieu accessible aux personnes qui y habitent ! Cette définition est libellée de manière tellement large qu'elle étend de façon exagérée, pour ce domaine spécifique du droit, le champ d'action territorial des huissiers de justice.

L'orateur suggère enfin de prévoir un délai dans lequel l'arrêté royal définissant les modalités du test de situation doit être pris, afin d'assurer une plus grande sécurité juridique.

La ministre répond que l'amendement nº 15 (doc. Sénat, nº 2-12/6) doit s'interpréter en tenant compte du champ d'application général de la proposition. Or, celle-ci s'applique dans la sphère de ce qui est accessible au public, à l'exclusion de la sphère privée. Il n'y a donc aucune intention de demander aux huissiers de justice de s'introduire dans un domicile privé pour y faire des constatations.

Une membre dit ne pas comprendre alors ce qui est visé par la notion de « lieu non public, mais accessible à un nombre limité de personnes qui ont le droit de le fréquenter ».

Une autre membre pense qu'il serait plus simple de se limiter à reconnaître dans la loi le principe du test de situation et de laisser, comme cela se passe aux Pays-Bas, les choses évoluer sur le terrain avec un contrôle jurisprudentiel.

Un intervenant se rallie à cette idée : la reconnaissance légale du test de situation représente une avancée considérable dans la lutte contre la discrimination. L'intention du gouvernement de réglementer la matière par arrêté royal est louable. Elle risque cependant d'aboutir à une focalisation sur les aspects formels du test de situation au détriment du débat sur le fond. Pour l'orateur, les §§ 3 et 4 proposés visent l'hypothèse d'une procédure judiciaire. C'est dès lors le juge qui devra apprécier la recevabilité du test de situation, lequel constitue un des éléments dans le dossier de la victime.

La ministre signale que le souci du gouvernement est d'éviter les contestations quant à la validité du test de situation en en réglementant les modalités.

Une membre n'est pas favorable à une délégation donnée par le législateur au pouvoir exécutif afin que celui-ci organise un mode de preuve nouveau.

Une autre membre pense qu'il n'est pas possible, pour le législateur, de codifier une matière aussi neuve. Il faut adopter une approche pragmatique et laisser le soin aux magistrats de faire évoluer les choses sur le terrain.

Un sénateur propose également que le législateur se limite à définir, dans la loi anti-discrimination, le principe du recours possible au test de situation qui est un commencement de preuve. L'intervenant se demande cependant quelle serait la valeur ajoutée d'une telle disposition légale par rapport aux principes du droit commun en matière de preuve.

Enfin, il plaide pour la suppression du renversement de la charge de la preuve sur la base de données statistiques. Selon l'orateur, le demandeur aura toujours la possibilité de trouver des données statistiques qui lui sont favorables et il obtiendra automatiquement le renversement de la charge de la preuve sans que le lien direct entre des données statistiques à caractère général et le comportement discriminatoire incriminé ait été établi. La solution proposée va trop loin car elle met en péril les droits du défendeur qui sera obligé de prouver son innocence.

Pour un membre, le renversement de la charge de la preuve qui est lié au test de situation est une plus-value importante par rapport au droit commun. L'intervenant rappelle que le principe du renversement de la charge de la preuve (article 10, § 3, proposé) est prévu dans les directives européennes (article 8 de la directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 et article 10 de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000). Il plaide enfin pour le maintien des données statistiques en tant que commencement de preuve en faveur des personnes discriminées car ces données chiffrées permettent d'établir des comparaisons.

Un autre membre pense que le renversement automatique de la charge de la preuve n'est pas une plus-value car elle limite le pouvoir d'appréciation du juge du fond quant aux éléments de preuve fournis par les parties. Par ailleurs, en ce qui concerne les données statistiques, il faudrait au minimum définir dans la loi la manière dont celles-ci doivent être produites afin d'en garantir l'objectivité.

Une intervenante déduit des débats qu'un consensus assez large se dégage en faveur du principe du renversement de la charge de la preuve énoncé au § 3 de l'article 10 proposé. Par contre, le § 4 soulève de nombreux problèmes, surtout si l'on souhaite attribuer au test de situation une valeur probante supérieure à celle que le droit commun accorde à un constat d'huissier de justice. L'oratrice plaide à titre personnel pour une suppression du § 4. À l'égard des membres qui souhaiteraient augmenter la force probante du test de situation, l'intervenante conseille de modifier le régime de la preuve contenu dans le Code civil plutôt que d'insérer une disposition spécifique dans la loi anti-discrimination.

Un précédent orateur souligne que la suppression éventuelle du § 4 ne saurait être interprétée comme étant la volonté du législateur de ne plus accepter que le test de situation soit constaté par un huissier de justice.

Amendement nº 165

M. Steverlynck dépose un amendement nº 165 (sous-amendement à l'amendement nº 15 du gouvernement, doc. Sénat, nº 2-12/13) visant à prévoir, au § 4 de l'article 10 proposé, une procédure garantissant l'objectivation des données statistiques invoquées par le demandeur.

Amendement nº 43

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 15 du gouvernement un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/7, amendement nº 43), en vue de supprimer les mots « le sexe » au § 4 proposé.

Amendement nº 166

Mme de T' Serclaes dépose également un amendement nº 166 (sous-amendement à l'amendement nº 15 du gouvernement, doc. Sénat, nº 2-12/13) visant à supprimer, au § 4, le « sexe » comme critère de discrimination. Cet amendement s'inscrit dans la lignée des amendements nº 61 et 62 car l'auteur estime que les discriminations basées sur le genre doivent être traitées dans des législations spécifiques.

Amendement nº 110

Le gouvernement dépose un amendement nº 110 (sous-amendement à l'amendement nº 15 du gouvernement, doc. Sénat, nº 2-12/10) visant à préciser, au § 3 proposé, que le renversement de la charge de la preuve ne s'applique pas en matière pénale.

Pour l'auteur principal de la proposition de loi, cet amendement est superfétatoire car l'article 10 à l'examen se trouve dans le chapitre de la proposition qui traite des dispositions civiles. Il est dès lors évident que le renversement de la charge de la preuve ne vaut que pour les procédures civiles.

Amendement nº 27

Mme Kaçar dépose un amendement nº 27 (sous-amendement à l'amendement nº 15 du gouvernement, doc. Sénat, nº 2-12/7) visant à étendre la notion de « faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination » aux données statistiques et aux tests de situation. L'auteur propose à cet effet de supprimer, au § 3 proposé, les mots « tels que ».

Une membre estime que le texte du § 3 proposé est imprécis. Ainsi, on ne voit pas clairement si le renversement de la charge de la preuve est limité aux hypothèses où des données statistiques ou des tests de situation sont produits ou si n'importe quel fait permettant de présumer l'existence d'une discrimination renverse la charge de la preuve.

Une autre membre remarque que les données statistiques ne sont pas des faits. Il est dès lors inexact de mentionner, dans le texte du § 3 proposé, « des faits, tels que des données statistiques ».

En réponse à la dernière intervenante, la ministre propose de remplacer le mot « faits » par le mot « éléments » qui est plus général. Elle confirme qu'au civil, toute espèce de fait qui est établi de manière suffisamment convaincante par le demandeur et qui permet de présumer une discrimination engendre le renversement de la charge de la preuve. Les données statistiques et le test de situation sont mentionnés à titre exemplatif. Le gouvernement demande dès lors le rejet de l'amendement nº 27 de Mme Kaçar.

Amendement nº 59

M. Dubié dépose un amendement nº 59 (doc. Sénat, nº 2-12/8, sous-amendement à l'amendement nº 15 du gouvernement), visant à remplacer le § 4 proposé. Selon l'auteur, la preuve d'une discrimination doit pouvoir être apportée au moyen d'un test pratique, lequel ne doit pas obligatoirement être constaté par huissier de justice. En effet, en imposant le constat d'huissier, l'on risque de décourager les victimes de recourir à ce mode de preuve. Par ailleurs, l'auteur estime que l'amendement nº 15 ne permet plus le recours au test de situation en matière pénale, ce que l'amendement nº 59 rend à nouveau possible. Enfin, l'intervenant propose de supprimer la délégation au Roi pour arrêter les modalités pratiques du test de situation. Il est préférable d'opter pour une solution plus souple en laissant à la jurisprudence le soin de définir cette procédure.

La ministre répond que l'amendement nº 15 n'impose nullement que le test de situation ait été constaté par un huissier de justice. La victime est libre d'étayer son dossier comme elle l'entend, y compris en recourant au test de situation qui peut-être constaté par huissier de justice. En ce qui concerne l'utilisation du test de situation en matière pénale, le but est de permettre que la victime dépose, dans son dossier pénal, des preuves issues du dossier civil. Il n'y a, par contre, aucune intention de créer un nouveau mode de preuve en matière pénale.

La ministre reconnaît que la procédure prévue au § 4 proposé est très lourde : elle s'inspire de la procédure de constat d'adultère par huissier de justice (article 10165bis du Code judiciaire). Elle propose que cette procédure soit modifiée.

Une membre pense également qu'il faut modifier le texte du § 4 proposé à l'amendement nº 15 du gouvernement ou même le supprimer.

En ce qui concerne l'amendement nº 59, l'oratrice pense que l'utilisation de la notion de « test pratique » prête à confusion. Elle plaide pour l'utilisation de la notion de « test de situation » qui jouit d'une certaine notoriété, même si la procédure n'est pas encore très largement utilisée dans la pratique.

Pour une autre membre, il est également souhaitable que le § 4 proposé soit supprimé. Ce paragraphe n'a pas de portée juridique dans la mesure où le test de situation peut d'ores et déjà être utilisé comme mode de preuve.

La ministre suggère que la commission procède à l'audition d'un expert du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme spécialisé dans la matière du test de situation. Cette audition permettra aux membres de mieux sérier les problèmes pratiques suscités par cette matière et de comprendre la nécessité de créer un cadre légal ou réglementaire définissant les conditions de validité d'un test de situation.

Le président, après avoir consulté les membres, décide qu'il sera procédé à l'audition de M. Dirk De Meirleir, coordinateur auprès du Centre pour l'égalité des chances.


Audition de M. Dirk De Meirleir, coordinateur au Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme

A. Exposé de M. De Meirleir

Introduction

La victime d'une discrimination est très souvent confrontée à un problème de preuve. Ainsi, comment une personne allochtone, qui se voit refuser l'accès à une discothèque au motif que la salle est comble et que seuls les membres peuvent y pénêtrer alors que, dans le même temps, on laisse entrer des autochtones qui ne sont pas membres, pourra-t-elle prouver que le motif véritable de cette décision de refus est son origine ethnique ? Comment un candidat pour un emploi vacant dont la candidature a été écartée en raison de la consonance étrangère de son nom et à qui l'employeur répond que la place est déjà pourvue peut-il prouver la discrimination lorsqu'il apprend que le poste est en réalité toujours vacant ?

Le test de situation, également appelé test pratique, a été développé pour permettre d'apporter la preuve de ce type de discriminations. Au départ, il s'agit essentiellement d'une méthode d'enquête sociologique destinée à détecter et à établir l'existence de comportements discriminatoires. Ces tests sont utilisés aujourd'hui tant à des fins scientifiques que dans le cadre de procédures judiciaires liées à des cas de discrimination.

Conditions de base

Pour effectuer un test de situation, deux groupes doivent être constitués : un groupe expérimental composé de personnes porteuses de la base de discrimination et un groupe de contrôle dont les membres ne sont pas porteurs. Ces deux groupes doivent être composés de membres présentant, autant que possible, les mêmes caractéristiques au niveau de l'habillement, de la coiffure, de l'âge ..., sauf en ce qui concerne la base de discrimination que l'on veut prouver. Les membres doivent également disposer des aptitudes nécessaires pour effectuer la mission qui leur est confiée (par exemple, suivre une formation sur les techniques de sollicitation si l'on veut détecter des discriminations à l'embauche, afin de s'assurer que tous les candidats disposent du bagage nécessaire pour solliciter).

Aucun membre des deux groupes ne peut avoir de lien avec la personne dont le comportement est testé. Afin d'exclure l'effet du hasard, il faut que le test de situation soit répété à plusieurs reprises, en alternant l'ordre des groupes, pour démontrer la réalité de la discrimination.

L'orateur rappelle qu'il faut faire une différence entre les tests de situation à des fins scientifiques et ceux destinés à apporter la preuve d'une discrimination dans le cadre de la proposition de loi tendant à lutter contre la discrimination.

L'intervenant se réfère à l'étude inter-universitaire effectuée en Belgique, en 1996, à l'initiative du Bureau international du travail concernant l'influence de l'origine ethnique dans une procédure d'embauche. Au cours de cette étude, plus de mille tests de situation ont été réalisés, avec définition d'un groupe expérimental composé de belges d'origine marocaine et d'un groupe de contrôle composé de belges de souche. Des couples d'expérimentateurs mais ayant le même profil (diplôme, expérience professionnelle ...) et les mêmes aptitudes et dont la seule différence était l'origine ethnique, ont participé à des procédures d'embauche.

Cette étude a confirmé l'hypothèse selon laquelle, à qualifications égales, les candidatures de personnes belges de souche et belges d'origine marocaine sont traitées différemment au cours de la procédure d'embauche. Le but de cette étude scientifique était d'aboutir à des données statistiques concernant les discriminations à l'embauche sur base de l'origine ethnique pratiquées dans les trois régions du pays.

Lors des tests de situation effectués dans le cadre de cette étude, des cas individuels de discrimination ont été établis. Ainsi, la manière dont l'employeur présentait les conditions de travail, les exigences pour la fonction, la rémunération ... était parfois très différente selon que le candidat était belge de souche ou d'origine marocaine.

Cela démontre qu'il est parfaitement possible d'utiliser le test de situation pour prouver l'existence d'une discrimination dans le cadre d'une procédure judiciaire. Contrairement aux tests de situation utilisés à des fins scientifiques, le nombre de tests pourra être limité mais ceux-ci devront être plus détaillés. Il faudra, par exemple, si l'on veut prouver la discrimination lorsque l'accès à une discothèque est refusé à une personne allochtone, consigner les déclarations des expérimentateurs, des portiers à propos des raisons invoquées pour justifier le refus du client, des consignes données au personnel de l'établissement ...

L'orateur est également favorable à la possibilité prévue à l'amendement nº 15 du gouvernement (doc. Sénat, nº 212/6) de faire appel à un huissier de justice lorsqu'un test de situation est pratiqué. L'huissier a un rôle important à jouer dans cette procédure : il peut constater que le groupe expérimental et le groupe de contrôle répondent à certaines conditions, consigner les déclarations des parties et même, le cas échéant, constater certains faits (refus de laisser entrer certaines personnes, acceptation de certains clients ...).

Le recours à l'huissier de justice n'est cependant pas possible en matière pénale et c'est à juste titre que la proposition à l'examen entend limiter l'intervention d'un huissier de justice dans les procédures civiles. M. De Meirleir cite à ce propos un extrait du courrier adressé le 27 février 2001 par le parquet de la cour d'appel de Mons à la Chambre nationale des huissiers de justice selon lequel : « La constatation d'infractions pénales ne relève pas de la compétence des huissiers de justice telle que définie aux articles 516 et 517 du Code judiciaire.

Les constats établis à la demande de particuliers en dehors de tout mandat de justice (article 584, alinéa 4, 2º, du Code judiciaire) sont uniquement destinés à servir de preuve de faits ou d'actes juridiques de nature civile. »

L'intervenant clôture son exposé en remarquant que le test de situation est une procédure qui continuera à évoluer, car l'on cherchera la méthode la plus indiquée pour pouvoir apporter la preuve de discrimination dans de nouveaux domaines. Tant que l'on reste dans la sphère publique (par exemple l'accès à un établissement horeca), la pratique d'un test de situation est relativement aisée. Par contre, lorsque l'on veut, par exemple, apporter la preuve d'une discrimination dans une procédure de recrutement ou de promotion, le test de situation, bien que toujours possible, s'avère être un outil moins adapté (respect de la vie privée, ne pas surcharger l'employeur dont on mobilise le personnel ...).

Quoiqu'il en soit, l'orateur se réjouit que la proposition à l'examen veuille donner un statut légal au test de situation et qu'elle y lie un déplacement de la charge de la preuve.

B. Échange de vues

L'auteur principal de la proposition de loi pense que l'exposé a clairement montré la relation qui existe entre le test de situation et les données statistiques, point sur lequel la commission a déjà longuement débattu. Lorsque le test de situation est pratiqué en vue d'apporter la preuve d'une discrimination dans un cas concret, il n'y a pas de lien automatique entre le résultat de ce test et des données statistiques. Par contre, lorsque les tests sont pratiqués à grande échelle dans un but scientifique, leur but est d'arriver à des données statistiques.

L'intervenant précédent a également précisé la mission de l'huissier de justice dans le cadre d'un test de situation. Celle-ci est double : valider la méthode et constater des faits.

En ce qui concerne l'exemple des pratiques discriminatoires à l'embauche, le commissaire demande si l'analyse et la recherche de pratiques discriminatoires éventuelles doit nécessairement se faire en recourant au test de situation. Selon l'orateur, le test de situation est utile lorsque l'on veut analyser les pratiques au sein d'une même entreprise : on compare dans ce cas l'attitude de l'entreprise par rapport aux candidats du groupe expérimental et du groupe de contrôle. Si, par contre, l'analyse porte sur une comparaison de la politique de recrutement d'une entreprise déterminée par rapport à celle d'une autre entreprise comparable, l'orateur pense que de telles études ne s'effectuent pas sur la base d'un test de situation au sens strict.

Une membre comprend l'intérêt du test de situation en tant qu'outil d'analyse scientifique d'un secteur global, de divers milieux ... L'intervenante n'est cependant pas convaincue de l'utilité du test de situation pour apporter la preuve, dans un cas particulier, de l'existence d'une discrimination. Comment peut-on dans un tel cas avoir une méthode scientifiquement valide alors que l'échelle est beaucoup trop faible pour avoir un groupe expérimental et un groupe de contrôle représentatif ? Par ailleurs, l'apport de l'huissier de justice est un leurre car celui-ci n'est pas formé pour valider un tel test de situation. Tout au plus pourra-t-il, de manière purement formelle, confirmer certains éléments. Cela reste insuffisant pour donner à ce test une valeur scientifique.

L'oratrice demande enfin si la profession est prête à assumer, pour les procédures civiles, ce nouveau rôle que la proposition veut leur confier.

Un membre ne partage pas l'analyse de la préopinante. L'exposé l'a convaincu de l'intérêt que peut avoir le test de situation en tant que mode de preuve d'une discrimination. L'intervenant souhaiterait savoir si le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme est favorable à la consécration légale du test de situation ou faut-il laisser à cette pratique son caractère purement jurisprudentiel ?

M. De Meirleer rappelle que la jurisprudence a parfois admis le test de situation. En donnant à ce test un statut légal, on facilitera grandement la tâche de la victime car elle n'aura plus à convaincre le juge qu'il doit accepter le recours au test de situation pour prouver une discrimination. L'orateur estime que la consécration légale du test de situation donnerait aux victimes le droit de recourir à cette procédure sans que le juge ne puisse l'écarter comme étant de la provocation. Le test de situation ne peut cependant être présenté comme la panacée qui règlera tous les problèmes de preuve. C'est un des éléments permettant d'attester la présomption de l'existence d'une discrimination.

Une précédente intervenante doute de l'utilité pratique du test de situation en tant que mode de preuve d'une discrimination. C'est un outil scientifique destiné à la collecte d'informations générales à caractère statistique. Ces études pourront dégager certaines tendances à la discrimination dans tel ou tel secteur et elles appuieront des demandes individuelles, sans constituer la preuve de la discrimination.

L'auteur principal de la proposition rappelle la portée exacte de l'amendement nº 15 du gouvernement (doc. Sénat, nº 212/6). Contrairement à ce que plusieurs membres soutiennent, le test de situation n'implique pas automatiquement un renversement de la charge de la preuve. Lorsque la partie demanderesse invoque des tests de situation, le juge doit apprécier si ceux-ci permettent de présumer l'existence d'une discrimination. Si le juge accepte les tests, il renvoie à la partie défenderesse qui devra prouver que la différence de traitement n'est pas discriminatoire. L'intervenant estime que la procédure proposée est équilibrée et il la soutient.

Un membre fait le parallèle entre les résultats de l'étude scientifique sur les discriminations à l'embauche, de laquelle il ressort clairement que des discriminations sont pratiquées de manière courante dans les trois régions du pays, et l'absence de condamnations prononcées sur la base de l'article 2 de la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie. Cela prouve, selon l'intervenant, la difficulté qui existe lorsque l'on doit apporter la preuve d'une discrimination.

Le texte à l'examen est important car le juge ne pourra plus refuser d'admettre, parmi les éléments constituant le faisceau de preuves d'une discrimination, les éléments statistiques ou le test de situation.

M. De Meirleir rappelle que la proposition à l'examen s'inscrit dans l'évolution constatée au niveau international. Après avoir opté pour une approche pénale, principalement axée sur la lutte contre le racisme, la tendance actuelle est d'introduire des dispositions générales, essentiellement de nature civile, tendant à lutter contre les discriminations et à mettre fin aux pratiques discriminatoires. Ce n'est plus l'intention des auteurs que l'on veut sanctionner pénalement ­ car cela pose en effet de nombreuses difficultés pratiques ­ mais c'est l'existence de la discrimination en tant que telle, qu'elle soit consciente ou non, que l'on veut combattre.

L'intervenant remarque également que la proposition à l'examen n'instaure pas un renversement de la charge de la preuve mais simplement un déplacement de la charge de la preuve. En effet, la partie demanderesse ne peut se contenter d'alléguer l'existence d'une discrimination : elle doit apporter des éléments concluants qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination avant que la charge de la preuve de l'absence de discrimination incombe à la partie défenderesse.

Une membre constate que l'amendement nº 15 du gouvernement (doc. Sénat, nº 2-12/6) introduit le test de situation dans le chapitre 3 de la proposition contenant les dispositions civiles. L'intervenante en déduit que le test de situation ne peut s'appliquer en matière pénale. Le représentant du Centre pour l'égalité des chances partage-t-il cette analyse ?

M. De Meirleir répond que l'amendement nº 15 du gouvernement (doc. Sénat, nº 2-12/6) lie le déplacement de la charge de la preuve au test de situation. Cette solution ne saurait être transposée en matière pénale en raison du principe de la présomption d'innocence. Pour l'orateur, cela ne signifie cependant pas que le test de situation n'est pas recevable en matière pénale. Ainsi, dans un arrêt du 11 mars 1998, la cour d'appel de Liège a admis le test de situation qui n'a pas été considéré comme une provocation. L'intervenant considère que le test de situation permet, également en matière pénale, d'établir une présomption de discrimination, laquelle doit être étayée par d'autres moyens de preuve (témoignages, constats de police ...).

Enfin, l'amendement nº 15 du gouvernement prévoit que le test de situation peut être constaté par un huissier de justice. Une telle procédure, parfaitement admissible en matière civile, n'est pas possible en matière pénale car la constatation d'infractions pénales ne relève pas de la compétence des huissiers de justice.

Une membre ne comprend pas le rôle que l'amendement nº 15 du gouvernement entend attribuer aux huissiers de justice. Le constat doit porter sur une procédure et pas simplement sur des faits. Il faudra dès lors définir les conditions minimales que doit remplir le test de situation : composition du groupe expérimental, composition du groupe de contrôle, durée ... Quand bien même l'huissier de justice parviendrait-il à attester que toutes les conditions formelles ont été respectées, cela ne donne aucune garantie quant à la pertinence scientifique de cette procédure sur le fond. L'intervenante plaide pour une concertation avec la Chambre nationale des huissiers de justice. À défaut, elle pense que peu d'huissiers seront enclins à prêter leur office pour la constatation de tests de situation.

L'intervenante s'interroge enfin sur la portée de la délégation que l'amendement nº 15 se propose de donner au Roi pour déterminer les modalités ultérieures du test de situation (article 10, §4, dernier alinéa, proposé). Cette délégation est fort large. L'oratrice plaide pour que l'on définisse, dans la loi, les principes généraux du test de situation en précisant que cette procédure implique la constitution d'un groupe expérimental et d'un groupe de contrôle dont les membres, qui ne peuvent avoir de liens avec l'auteur de la discrimination, présentent les mêmes caractéristiques sauf en ce qui concerne le critère de discrimination que l'on veut démontrer. Il appartiendrait ensuite au Roi de concrétiser ces principes généraux.

La ministre rappelle pour sa part que le but de l'audition était de déterminer si les conditions minimales du test de situation devaient être laissées à l'appréciation de la jurisprudence, fixées dans la loi ou dans un arrêté royal. La ministre plaide pour la dernière solution car elle combine la souplesse et la sécurité juridique. Il sera possible, par arrêté royal, de définir des conditions adaptées aux différents secteurs pour lesquels le test est envisagé. Par ailleurs, une évaluation de la réglementation pourrait amener à conclure, en fonction des problèmes qui se poseraient dans la pratique, à la nécessité de modifier ces conditions, ce qu'un arrêté royal permet plus aisément.

La ministre plaide également pour que le recours au constat d'huissier soit maintenu dans le texte à l'examen. La confirmation, dans la loi, du rôle de l'huissier de justice dans la procédure du test de situation rassurera la profession sur la légalité de tels constats.

Une membre se rallie à la déclaration de la ministre. Elle pense que la magistrature est également demanderesse pour une réglementation du test de situation car elle uniformise beaucoup plus rapidement la matière que si cela était laissé à la pratique jurisprudentielle.


Amendement nº 168

Mme Kaçar dépose un amendement nº 168 (sous-amendement à l'amendement nº 15 du gouvernement, doc. Sénat, nº 2-12/14), visant à remplacer, dans le texte néerlandais, le mot « situatietest » par le mot « praktijktest ». L'auteur estime que le mot « praktijktest » est plus couramment utilisé dans la jurisprudence et la doctrine.

Amendement nº 171

M. Mahoux dépose un amendement nº 171 (sous-amendement à l'amendement nº 15 du gouvernement, doc. Sénat, nº 2-12/14) visant à supprimer les alinéas 2 à 4 du § 4 proposé. Selon l'auteur, la procédure de requête prévue dans l'amendement nº 15 est fort lourde. Par ailleurs, elle n'ajoute rien par rapport au droit commun qui permet à toute personne de solliciter un huissier de justice pour constater un test de situation.

La ministre peut se rallier à cet amendement. En effet, le texte des alinéas 2 à 4 du § 4 proposé, s'inspire de la procédure de constat d'adultère par huissier de justice, laquelle prévoit qu'une requête est adressée au président du tribunal de première instance (article 1016bis du Code judiciaire). Le gouvernement n'a finalement pas retenu cette procédure pour le test de situation. C'est donc à tort que le texte de l'amendement se réfère à une requête introduite auprès de l'huissier de justice. En supprimant ces alinéas de la disposition, l'on en revient au droit commun et à la liberté des parties quant à la manière d'adresser leur demande à un huissier de justice.

Amendement nº 173

Mme Nyssens dépose un amendement nº 173 (sous-amendement à l'amendement nº 15 du gouvernement, doc. Sénat, nº 2-12/14) visant à légaliser le test de situation en tant qu'élément de preuve sans y lier de renversement de la charge de la preuve.

Amendement nº 174

Mme de T' Serclaes et consorts déposent un amendement nº 174 (doc. Sénat, nº 2-12/14) de nature technique visant à améliorer la rédaction du texte proposé.

Votes

L'amendement nº 42 de Mme Nyssens est adopté par 10 voix contre 2.

L'amendement nº 51 de M. Mahoux est adopté par 9 voix contre 3.

L'amendement nº 26 de Mme Kaçar est rejeté par 9 voix contre 1 et 1 abstention.

L'amendement nº 15 du gouvernement est adopté par 9 voix contre 5 et 1 abstention.

L'amendement nº 165 de M. Steverlynck est rejeté par 8 voix contre 4.

L'amendement nº 166 de Mme de T'Serclaes est rejeté par 9 voix contre 2 et 3 abstentions.

Les amendements nºs 110 du gouvernement, 27 de Mme Kaçar et 59 de M. Dubié sont retirés.

L'amendement nº 168 de Mme Kaçar est adopté par 10 voix et 4 abstentions.

L'amendement nº 171 de M. Mahoux est adopté par 10 voix et 4 abstentions.

L'amendement nº 173 de Mme Nyssens est rejeté par 11 voix contre 1 et 3 abstentions.

L'amendement nº 43 de Mme Nyssens est rejeté par 9 voix contre 2 et 4 abstentions.

L'amendement nº 174 de Mme de T' Serclaes et consorts est adopté par 11 voix et 4 abstentions.

L'article 10 ainsi amendé est adopté par 8 voix contre 2 et 4 abstentions.

La commission a également décidé d'apporter à l'article 10 les corrections formelles suivantes :

­ au § 4, alinéa 1er, les mots « la fortune » sont insérés après les mots « la naissance », afin d'assurer la concordance avec l'amendement adopté à l'article 2, § 1er;

­ au même alinéa, les mots « l'âge » sont supprimés après les mots « l'orientation sexuelle », et insérés après les mots « la fortune »;

­ dans le texte français du § 4, alinéa 2, les mots « telles que prévues » sont remplacés par les mots « tel que prévu ».

Article 11 (article 12 du texte adopté)

Amendement nº 52

M. Mahoux dépose un amendement nº 52 (doc. Sénat, nº 2-12/7) visant à lever une ambiguïté dans le texte de l'article 11. Selon l'auteur, cette disposition doit permettre au juge, dans le cadre d'une action en cessation d'une discrimination, d'assortir sa décision d'une astreinte. Or, dans le cadre d'une procédure de type référé, il n'est pas adéquat de laisser au juge la possibilité de condamner l'auteur de la discrimination à des dommages et intérêts. Ce débat relève exclusivement d'une procédure au fond.

Amendement nº 44

Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-12/7, amendement nº 44), tendant à supprimer cet article.

Cet amendement se justifie par le sentiment de l'auteur que, dans la proposition, on multiplie de façon excessive le recours à toutes les sanctions civiles et pénales possibles.

L'auteur renvoie également aux observations du Conseil d'État, qui souligne que la formule générale de l'article 1385bis du Code judiciaire autorise tout juge, à la demande d'une partie, à assortir sa décision d'une astreinte pour le cas où la partie condamnée ne s'exécuterait pas. Seules les condamnations au paiement d'une somme d'argent et les décisions relatives à l'exécution des contrats de travail échappent à la possibilité d'une pareille contrainte. Par conséquent, il n'est pas nécessaire de donner expressément au juge saisi d'une demande en cessation d'un acte discriminatoire le pouvoir de prononcer une astreinte. Si l'intention des auteurs de la proposition est d'étendre le champ d'application de l'astreinte aux décisions relatives à l'exécution d'un contrat de travail, il convient de l'indiquer plus clairement.

L'auteur principal de la proposition de loi répond que, dans une loi qui a pour but d'appréhender de façon générale la problématique de la discrimination, une référence au système de l'astreinte est utile.

Amendement nº 167

M. Steverlynck a également déposé un amendement (doc. Sénat, nº 2-12/13, amendement nº 167), tendant à supprimer l'article 11. La justification de cet amendement est comparable à celle de l'amendement nº 44 de Mme Nyssens.

Amendement nº 45

Mme Nyssens dépose un amendement subsidiaire à son amendement nº 44 (doc. Sénat, nº 2-12/7, amendement nº 45), en vue de supprimer les mots « sans préjudice des dommages et intérêts ».

L'auteur renvoie à l'avis du Conseil d'État, selon lequel il n'appartient pas aux juges qui se prononcent dans des procédures « comme en référé » d'octroyer des dommages et intérêts. Prévoir une telle possibilité semble peu compatible avec la notion même d'action en cessation qui perdrait son caractère d'action spécifique et serait finalement une action ordinaire à procédure accélérée. Pour le Conseil d'État, il serait regrettable qu'une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée, exécutoire nonobstant appel, puisse allouer des dommages et intérêts au terme d'une procédure dont la célérité ne permet pas l'examen de la réalité du dommage et du lien de causalité entre celle-ci et l'acte fautif dont la cessation est demandée (avis du Conseil d'État, o.c., p. 16).

Votes

L'amendement nº 44 de Mme Nyssens est rejeté par 10 voix contre 5.

L'amendement nº 167 de M. Steverlynck est rejeté par 10 voix contre 5.

L'amendement nº 45 de Mme Nyssens est adopté à l'unanimité des 15 membres présents.

L'amendement nº 52 de M. Mahoux est retiré.

L'article ainsi amendé est adopté par 10 voix contre 1 et 3 abstentions.

Article 11bis (nouveau) (article 13 du texte adopté)

Amendement nº 16

Le gouvernement dépose un amendement tendant à insérer un article 11bis nouveau (doc. Sénat, nº 2-12/6, amendement nº 16), visant à organiser la protection du travailleur qui introduit une plainte ou engage une action en justice sur base de la présente loi ou de la loi du 30 juillet 1981.

Amendement nº 159

M. Steverlynck et Mme De Schamphelaere déposent à l'amendement nº 16 du gouvernement un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/12, amendement nº 159 A à D).

Ce sous-amendement vise essentiellement à raccourcir les délais prévus par l'amendement principal, et à remplacer la dernière phrase du § 2 de l'article proposé par ce qui suit :

« La plainte est déposée obligatoirement devant une commission d'arbitrage, qui statue sur le bien-fondé de la plainte dans les trois mois de son dépôt.

Le travailleur doit faire parvenir à l'employeur, par lettre recommandée à la poste, un double de la plainte déposée, après quoi la période de protection commence le troisième jour ouvrable qui suit la date de l'envoi.

La commission d'arbitrage est composée, sur une base paritaire, de représentants du travailleur et de l'employeur.

Le Roi fixe, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, les modalités et procédures relatives à la commission d'arbitrage. »

L'un des auteurs souligne que le délai entre le dépôt de la plainte et le jugement final (coulé en force de chose jugée) est très long et peut même durer plusieurs années.

Tout au long de cette période, tant le travailleur que l'employeur vivent une situation instable. De plus, l'entreprise ne peut pas réaliser l'éventuelle restructuration et/ou réorganisation mise en chantier, ce qui peut avoir des conséquences très dommageables pour sa survie.

L'activité économique de l'entreprise risque ainsi d'être menacée, avec toutes les conséquences que cela suppose tant pour l'employeur que pour les travailleurs.

Comme la sécurité juridique est indispensable aux deux parties, un traitement rapide de la plainte s'impose.

Afin que la protection contre le licenciement prenne effectivement cours, il importe que l'employeur fixe avec précision le moment où celle-ci commence à courir.

L'arbitrage obligatoire proposé présente les avantages suivants :

­ le conflit est tranché dans un délai de trois mois. Il s'agit, pour les deux parties, d'une durée limitée et connue;

­ les droits et intérêts des parties sont sauvegardés et garantis;

­ pas de blocage de la carrière du travailleur et une situation claire pour le travailleur comme pour l'employeur;

­ exécution rapide de la sanction en cas de bien-fondé de la plainte.

La ministre de l'Emploi ne voit pas ce que l'amendement apporte en la matière. Il lui paraît dangereux d'innover en imposant, dans le cadre des conflits du travail, une procédure obligatoire d'arbitrage précédant le jugement final. S'il échet, le juge saisi d'une plainte peut toujours demander le recours à une médiation particulière avant de se prononcer.

Pour le surplus, l'amendement du gouvernement est identique à une disposition existante de la loi du 5 mai 1999 sur l'égalité des chances entre hommes et femmes.

Ce processus est maintenant bien connu des employeurs. Ils se sont déjà prononcés sur le sujet dans le cadre de l'avis qui avait été donné sur le projet de loi déposé à l'époque par Mme Smet.

La ministre propose de s'en tenir à cette procédure qui lui semble aller dans le sens d'une protection du travailleur, tout en préservant l'équilibre des forces entre les parties au conflit.

Une membre demande s'il existe déjà une jurisprudence relative à la disposition en question de la loi de 1999 et si l'on peut déjà évaluer l'efficacité d'une telle procédure.

La ministre répond qu'elle communiquera les éléments dont elle dispose à ce sujet.

Elle ajoute qu'il faudra voir à l'avenir comment tous les processus de conflit individuels sur les lieux de travail seront traités, en fonction d'un autre projet de loi à déposer, qui concerne l'ensemble des violences qui se produisent sur les lieux de travail (des violences minimes jusqu'au harcèlement), et découle notamment de dispositions européennes.

Le projet prévoit un processus de conciliation à l'intérieur des entreprises, qui devrait permettre d'éviter le recours à la justice.

La précédente intervenante se dit favorable à ce type de solution, qui préserve davantage l'avenir des travailleurs concernés et leur possibilité de continuer à travailler dans l'entreprise.

La voie pénale doit être la solution ultime lorsque toutes les autres tentatives ont échoué.

Une membre renvoie au récent colloque sur l'espace social européen, organisé par la ministre de l'Emploi. Elle a pu y constater une recherche, par les pays européens, de solutions efficaces, par la voie judiciaire ou par des voies alternatives, selon la culture du pays concerné.

Ainsi, le juge allemand joue un rôle beaucoup plus actif que le juge social belge, en « forçant » davantage à la conciliation, à la médiation ou à la transaction.

La ministre se réfère à l'exemple d'une magistrate de la cour du travail de Grenoble, qui, utilisant les instruments mis à sa disposition, encourage le recours quasi-systématique à la médiation sociale, le juge n'intervenant presque exclusivement que sur les questions de droit.

La législation actuellement en préparation en Belgique prévoit l'intervention d'agents de prévention choisis de commun accord par l'employeur et le travailleur, qui tenteront de régler les conflits de façon interne.

Si cette médiation n'aboutit pas, l'inspection médicale, puis l'auditeur du travail pourront intervenir, avant que le tribunal du travail ne se saisisse de l'affaire.

Votes

L'amendement nº 16A du gouvernement est adopté par 10 voix contre 1 et 4 abstentions.

L'amendement nº 16B du gouvernement est adopté par 8 voix contre 3 et 4 abstentions.

L'amendement nº 159 (A et B) de M. Steverlynck et Mme De Schamphelaere est rejeté par 10 voix contre 5.

L'amendement nº 159 (C et D) de M. Steverlynck et Mme De Schamphelaere est rejeté par 10 voix contre 4 et 1 abstention.

L'article 11bis nouveau est adopté par 8 voix contre 3 et 4 abstentions.

Article 12 (article 14 du texte adopté)

Amendement nº 28

Mme Kaçar dépose un amendement nº 28 (doc. Sénat, nº 2-12/7), visant à supprimer la condition d'ancienneté de cinq ans imposée aux associations pour qu'elles puissent ester en justice dans les litiges auxquels l'application de la présente loi donnerait lieu.

La ministre remarque que la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie prévoit, à son article 5, une condition d'existence depuis au moins cinq ans pour qu'un établissement d'utilité publique ou une association puisse ester en justice. Par souci de cohérence, la ministre pense qu'il faut prévoir les mêmes conditions dans les deux lois. Elle demande dès lors de rejeter l'amendement nº 28.

L'auteur principal de la proposition de loi se rallie à ce point de vue : en exigeant qu'une association existe depuis au moins cinq ans avant de l'autoriser à ester en justice dans les litiges relatifs à des discriminations, l'on garantit la crédibilité desdites associations.

Amendement nº 80

Mme de T' Serclaes dépose un amendement nº 80 (doc. Sénat, nº 2-12/10), visant à supprimer l'article 12 car il fait, selon l'auteur, double emploi avec l'article 15.

Amendements nºs 53 et 111

M. Mahoux dépose un amendement nº 53 (doc. Sénat, nº 2-12/7) visant à étendre l'application du dernier alinéa de l'article 12 aux personnes morales.

Le gouvernement dépose un amendement nº 111 (doc. Sénat, nº 12/10) ayant le même objet.

Bien que les deux amendements visent le même but, l'auteur de l'amendement nº 53 pense que la solution qu'il propose est préférable car elle améliore la lisibilité du texte.

Votes

Les amendements nºs 80 de Mme de T' Serclaes et 111 du gouvernement sont retirés.

L'amendement nº 28 de Mme Kaçar est rejeté par 10 voix contre 1 et 4 abstentions.

L'amendement nº 53 de M. Mahoux est adopté par 9 voix contre 1 et 5 abstentions.

L'article ainsi amendé est adopté par 9 voix contre 1 et 4 abstentions.

La commission a également décidé, à titre de correction formelle, de remplacer les mots « son accord » par les mots « l'accord de la victime », au dernier alinéa du texte français de l'article 12.

Article 13 (article 15 du texte adopté)

Amendement nº 46

Mme Nyssens dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-12/7, amendement nº 46), tendant à supprimer le § 1er de l'article 13.

L'auteur comprend que l'on veille à la rapidité des procédures, mais estime qu'il faut rester dans certaines limites.

Si l'on considère les actions en cessation qui existent déjà, par exemple en matière de pratiques de commerce ou de traite des êtres humains, il est toujours prévu que la procédure se déroule « comme en référé » ou « selon les formes du référé », mais jamais que le tribunal « statue toutes affaires cessantes ».

Cette dernière formule n'est-elle pas surabondante, et ne faut-il pas se limiter à la référence à la procédure de référé ?

Amendement nº 148

M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-12/11, amendement nº 148) ayant le même objet que l'amendement nº 46.

L'un des auteurs se demande quelle est la justification de la distinction faite entre les actions civiles en question, et les autres. Comment peut-on justifier raisonnablement une distinction qui amène à examiner l'indemnisation d'un préjudice (moral) résultant d'une discrimination plus rapidement, par exemple, que l'action en indemnisation d'un dommage (physique) résultant d'un acte illégitime ?

Amendement nº 57

M. Mahoux dépose un amendement nº 57 (doc. Sénat, nº 2-12/7), visant à remplacer le § 2, alinéa 5, et précisant que l'action en cessation est possible même si une procédure pénale est en cours à propos des mêmes faits. Cet amendement renverse le principe général de droit selon lequel « le pénal tient le civil en état », par analogie avec la solution appliquée à l'action en cessation dans la loi sur les pratiques du commerce du 14 juillet 1991.

Amendement nº 112

Le gouvernement dépose un amendement nº 112 (doc. Sénat, nº 12/10) ayant le même objet, mais qui précise en outre que la prescription de l'action publique est suspendue pendant la surséance.

M. Mahoux retire l'amendement nº 57, car l'amendement nº 112 du gouvernement est plus complet.

Amendement nº 176

MM. Mahoux et Istasse déposent à l'amendement nº 112 du gouvernement un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/14, amendement nº 176) tendant à modifier le texte français de l'amendement principal en remplaçant le mot « cassation » par le mot « cessation » et en supprimant les mots « la suspension de ».

Un membre déclare ne pas comprendre pourquoi, dans l'amendement principal, on inverse purement et simplement la règle « le criminel tient le civil en état ».

L'action au civil peut durer plusieurs années, si l'on va en appel, voire en cassation. Pendant ce temps, l'action pénale ne pourrait pas être tranchée.

Une telle situation ne peut qu'être psychologiquement pénible pour le justiciable.

La ministre de l'Emploi répond que la ratio legis de la disposition proposée est d'éviter que les victimes de discrimination voient leur action en cessation bloquée par le fait qu'une action pénale serait engagée.

Le précédent orateur estime que, si tel est le but poursuivi, l'amendement est mal formulé. Il suffirait de prévoir que l'action en cessation se poursuit, indépendamment d'une action éventuelle au pénal ou encore que le principe selon lequel le criminel tient le civil en état n'est pas d'application.

Un membre renvoie aux observations du Conseil d'État, qui préconisait de prévoir dans le texte une disposition telle que celle de l'amendement (doc. Sénat, nº 2-12/5, p. 19-20).

Le précédent orateur estime que la formulation initiale de l'article était meilleure.

Une membre donne l'exemple d'un spot radio raciste, contre lequel une action en cessation est introduite. La disposition proposée a pour but d'éviter que celui qui diffuse le spot ne puisse, en portant l'affaire sur le plan pénal, retarder indéfiniment le sort de l'action en cessation.

Le précédent orateur observe que l'amendement ne précise pas qu'il s'agit de l'action pénale intentée contre celui qui agit en cessation.

L'intervenant se place dans l'hypothèse où un acte discriminatoire est commis, qui peut être sanctionné tant civilement que pénalement.

La victime peut donc à la fois agir en cessation et déposer plainte.

Tel qu'il est rédigé, le texte signifie que son action au pénal ne pourra être tranchée tant que durera l'action en cessation, aussi longue soit-elle. On n'aperçoit pas la raison d'être de cette règle, dans une telle hypothèse.

Le cas de figure évoqué par la précédente intervenante est différent. Il suppose que, pour paralyser l'action en cessation de la victime, l'auteur dépose plainte au pénal.

Mais on ne voit pas très bien sur quelle base il pourrait le faire, sinon pour dénonciation calomnieuse, mais cela ne paraît guère envisageable dans le cadre d'une action en cessation. Il ne suffit pas de déposer plainte pour n'importe quel motif pour que l'action en cessation soit suspendue conformément à la règle « le criminel tient le civil en état ». Il faut qu'il s'agisse des mêmes faits et qu'il y ait une instruction pénale. Il faudrait donc formuler le texte autrement, par exemple : « Over de vordering wordt uitspraak gedaan, niettegenstaande vervolging wegens dezelfde feiten voor enig strafgerecht. »

La précédente intervenante répond que l'objet de la plainte pénale dépendra des circonstances concrètes de l'affaire.

L'auteur principal de la proposition de loi constate que la suggestion du Conseil d'État va plus loin que ce qui était prévu dans le texte initial de la proposition, à savoir que les actions civile et pénale pouvaient se dérouler parallèlement. N'est-il pas judicieux d'aller jusqu'au bout de cette logique, en prévoyant le renversement complet du principe selon lequel le criminel tient le civil en état ?

Il faut choisir la solution la plus conforme à une bonne justice et la plus efficace par rapport aux pratiques discriminatoires.

Un précédent intervenant attire l'attention sur la référence faite par le Conseil d'Etat à la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce.

Une membre souligne que, dans la loi de 1991, seule la première phrase se trouve reprise. L'intervenante renvoie également à la loi du 12 janvier 1993 sur la protection de l'environnement, qui prévoit également une action en cessation, laquelle a pour effet de faire surseoir le juge pénal à statuer.

L'auteur principal de la proposition de loi déclare que du point de vue politique, il importe avant tout que la discrimination cesse, indépendamment de la sanction pénale susceptible de s'appliquer.

Une membre fait observer que d'autres actions que l'action en cessation pourraient être intentées au civil.

Puisque le renversement de la règle générale n'est prévu que pour l'action en cessation, on risque d'aboutir, dans certains cas, à des « mégaprocès » qui se déroulent à différents niveaux. Selon qu'ils seront plaignants ou mis en cause, les justiciables choisiront la voie qu'ils jugeront la plus avantageuse. Cela n'est pas très sain et, en définitive, personne n'y trouvera son compte.

Un précédent intervenant souligne que le fait de prévoir que la prescription de l'action publique est suspendue pendant la surséance n'empêche pas la règle du délai raisonnable de s'appliquer.

Ce délai raisonnable est, selon la Cour européenne, de 4 à 5 ans au maximum pour l'ensemble de la procédure pénale.

Une membre réplique qu'une action en cessation ne durera en principe jamais aussi longtemps.

Au terme de cette discussion, la ministre de l'Emploi estime qu'il vaut mieux en rester à la logique de départ, qui était celle de procédures civiles rapides.

Votes

L'amendement nº 46 de Mme Nyssens est adopté à l'unanimité des 15 membres présents.

L'amendement nº 148 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere devient sans objet.

L'amendement nº 57 de M. Mahoux est retiré.

L'amendement nº 176 de MM. Mahoux et Istasse est adopté par 10 voix et 4 abstentions.

L'amendement nº 112 du gouvernement, ainsi sous-amendé, est adopté par 9 voix contre 2 et 2 abstentions.

L'article 13 amendé est adopté par 9 voix contre 1 et 4 abstentions.

Article 14 (article 16 du texte adopté)

Amendement nº 17

Le gouvernement dépose un amendement nº 17 (doc. Sénat, nº 12/6) visant à étendre les missions du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme. Le Centre pourra de la sorte également lutter contre les discriminations basées sur les motifs visés à l'article 2 de la proposition, à l'exception des discriminations basées sur le sexe. Pour ces discriminations, le gouvernement prévoit de créer un institut du genre.

La discussion de cet amendement est liée à celle de l'amendement nº 113 de Mme de Bethune et consorts (doc. Sénat nº 2-12/10).

Amendement nº 47

Mme Nyssens dépose à l'amendement nº 17 du gouvernement un sous-amendement (doc. Sénat, nº 2-12/7, amendement nº 47) dont le point A tend à remplacer, à l'alinéa 2, le mot « bases » par le mot « motifs », par souci de cohérence avec la terminologie européenne.

Le point B vise à apporter au même alinéa une correction technique. On ne peut imposer une obligation au Centre pour l'égalité des chances sans prévoir de sanctions. L'auteur estime que la collaboration du centre avec les autres associations et organisations concernées doit être encouragée et mise en place.

La ministre de l'Emploi se réfère à la volonté, exprimée par certains membres, d'étendre la portée de l'article 14, en instituant, dans le cadre de la proposition à l'examen, un Centre pour l'égalité spécifiquement chargé de l'égalité entre les hommes et les femmes.

Elle rappelle que dans le cadre de la discussion générale, s'était dégagé un large consensus pour ne pas confier cette tâche au Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme.

D'abord réticente, la ministre s'était ralliée à cette solution. Celle-ci se justifiait par le caractère « transversal » des discriminations basées sur le genre.

Le champ d'application de l'article 14 a été limité en conséquence.

Parallèlement, un amendement a été déposé en vue de créer un centre ou un institut disposant des mêmes pouvoirs que le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, notamment en matière d'action en justice, mais dans le domaine spécifique de l'égalité entre hommes et femmes.

La ministre confirme que le gouvernement a marqué son accord sur la création d'un tel institut. Le texte y relatif doit être soumis au Conseil d'État. Il a également été transmis à l'ensemble des organisations de femmes, pour connaître leur point de vue, non sur l'existence de cet institut, mais sur ses compétences et sur ses relations avec l'administration et avec d'autres institutions telles que « Amazone ».

L'institut devrait disposer non seulement de compétences relatives aux discriminations entre hommes et femmes, mais aussi d'autres compétences liées aux relations entre hommes et femmes.

C'est pourquoi la ministre demande que la création de l'institut ne soit pas visée dans le texte à l'examen, mais fasse l'objet d'une discussion distincte, qui pourrait avoir lieu prochainement, puisqu'un délai d'un mois a été fixé pour les discussions avec les organisations de femmes.

Une membre déclare qu'elle maintient le point de vue selon lequel il ne convient pas de mettre sur le même pied, dans le texte à l'examen, les discriminations fondées sur le genre et les autres discriminations.

L'intervenante se réjouit de la création d'un institut chargé spécifiquement de la question de l'égalité entre hommes et femmes.

Divers organes et institutions travaillent déjà dans ce secteur depuis des années, et il était utile de les regrouper dans un souci de plus grande efficacité.

Il est bon que la discussion relative à la création de l'institut ait lieu dans le cadre d'un projet de loi distinct. Il faudrait en tout cas qu'il dispose d'une capacité d'action au moins égale à celle du Centre pour l'égalité des chances, puisqu'il devra traiter des discriminations qui concernent la moitié de la population, et non des secteurs particuliers.

Une autre membre se réjouit que les organisations de femmes aient été consultées, car certaines (notamment « Amazone ») avaient exprimé la crainte d'être, par la création d'un institut, évincées de leur rôle actuel.

Les modalités de désignation des membres de l'institut ne sont pas encore connues. À cet égard, l'intervenante est favorable à la formule retenue pour le Centre pour l'égalité des chances, à savoir un organe indépendant près un ministre.

Elle demande en outre confirmation de ce que la cellule pour l'égalité des chances, interne au ministère de l'Emploi et du Travail, sera supprimée.

La ministre répond qu'il est préférable de ne pas discuter de l'institut à créer avant de disposer de la version définitive du texte, dont la forme actuelle pourrait encore varier en fonction de la discussion avec les organisations.

Il est exact que des craintes existent chez certaines d'entre elles.

Il y aura un véritable dialogue avec les organisations pour les sensibiliser à l'utilité d'un centre qui permettre de regrouper les compétences, d'empêcher les saupoudrages tels qu'on les connaît à l'heure actuelle, et qui ait une réelle indépendance et des pouvoirs nouveaux par rapport, notamment, au ministère (exemple : le pouvoir d'ester en justice).

L'auteur principal de la proposition de loi déclare se réjouir de l'initiative du gouvernement, qui avait été annoncée à plusieurs reprises. Si elle ne règle sans doute pas totalement les divergences qui peuvent exister au sujet de la nécessité d'avoir une approche générale ou spécifique des discriminations, la création de l'institut précité marque cependant bien une forme de spécificité des discriminations fondées sur le genre par rapport aux discriminations en général.

Pour sa part, l'intervenant persiste à croire qu'il est indiqué, dans une proposition de loi sur les discriminations, d'envisager l'ensemble de celles-ci.

Une membre demande quelle sera l'étendue des compétences de l'institut à créer. L'intervenante évoque à ce propos un problème qui lui a été signalé par des femmes marocaines.

Dans le cadre d'accords bilatéraux avec le Maroc, nombre d'entre elles font l'objet de discrimination en matière d'attribution des allocations familiales, car il arrive que les hommes marocains réclament le paiement de ces allocations sur base de formulaires apportés du Maroc.

Le problème est que, de façon indirecte, on reconnaît ainsi, dans une certaine mesure, la polygamie, car les femmes qui habitent au Maroc sont des épouses légitimes aux yeux de la loi marocaine, mais non aux yeux de la loi belge.

L'institut traitera-t-il aussi de ce genre de problèmes ?

Une autre membre se réfère à la visite que vient de rendre à Amazone le Comité d'avis pour l'égalité des chances entre les femmes et les hommes.

Trois points figuraient à l'ordre du jour :

1. Amazone II;

2. l'institut à créer et les préoccupations qu'il suscite;

3. mieux connaître les organisations établies là-bas.

Dès le dépôt du projet, et en collaboration entre le Comité pour l'émancipation sociale de la Chambre et le Comité pour l'égalité des chances du Sénat, il est prévu d'entendre à bref délai les organisations des femmes, afin de pouvoir rendre un avis, en tenant compte, par ailleurs, des autres avis déjà rendus en la matière par le Comité.

Le fait que l'institut soit mentionné dans la proposition de loi à l'examen est déjà une indication du rôle qu'il aura à jouer dans la matière traitée par cette proposition.

Pour le surplus, l'intervenante partage le point de vue selon lequel il est préférable d'attendre de disposer du texte définitif organisant l'institut pour en discuter.

Une membre rappelle que son groupe plaide depuis longtemps pour la réalisation du troisième pilier de l'égalité des chances que constitue l'institut. Celui-ci pourra faire bénéficier de son expertise la société et les instances politiques.

Le groupe de l'intervenante avait déposé en la matière une proposition de loi-cadre qui a été introduite sous forme d'amendement à la proposition à l'examen, en tenant compte des précédentes discussions relatives aux discriminations entre hommes et femmes.

Ce texte crée l'institut, en définit les missions et l'indépendance, et délègue au Roi le pouvoir de régler, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, le statut organique de l'institut.

L'intervenante demande à la ministre quelles sont les différences entre ce texte et celui du gouvernement et si elle a une vision différente des missions de l'institut.

La membre fait aussi observer que la proposition précitée a été déposée voici deux ans. Pourquoi avoir tant tardé à régler la question ?

La ministre rappelle qu'elle croit préférable de ne pas discuter du projet du gouvernement en l'état actuel des choses, car ce texte n'est pas encore déposé et est encore susceptible d'évoluer en fonction du dialogue avec les organisations de femmes.

Elle précise cependant que l'ensemble des missions prévues dans la proposition de la précédente intervenante sont intégrées dans l'actuel avant-projet de loi.

Votes

L'amendement nº 17 du gouvernement est adopté par 11 voix et 4 abstentions.

L'amendement nº 47A de Mme Nyssens est adopté par 14 voix et 1 abstention.

L'amendement nº 47B de Mme Nyssens est rejeté par 9 voix contre 4 et 2 abstentions.

À titre de correction formelle, et pour assurer la concordance avec l'amendement adopté à l'article 2, § 1er, la commission a également décidé d'insérer, au 2º de l'article 14, les mots « la fortune » après les mots « la naissance ».

Article 15 (article 17 du texte adopté)

Cet article ne donne lieu à aucune observation. Il est adopté par 11 voix contre 1 et 3 abstentions.

Articles 16 à 21 (nouveaux) (articles 18, 19, 20 et 21 du texte adopté)

Amendement nº 113

Mme de Bethune et consorts déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-12/10, amendement nº 113) tendant à insérer un chapitre V comprenant des articles 16 à 21 nouveaux et créant un Institut pour l'égalité des chances entre hommes et femmes.

Il est renvoyé aux discussions qui ont déjà eu lieu à ce sujet.

Amendement nº 54 (article 18 du texte adopté)

M. Mahoux dépose un amendement nº 54 (doc. Sénat, nº 2-12/7) visant à adapter l'article 585 du Code judiciaire en vue rendre le président du tribunal de première instance compétent pour connaître des actions en cessation de discriminations introduites sur la base de la proposition à l'examen.

Amendement nº 133

Mme de Bethune et consorts déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-12/11, amendement nº 133) tendant à insérer un article 16 nouveau, prévoyant que le conseil d'administration du Centre pour l'égalité des chances compte au maximum 2/3 de membres du même sexe.

L'un des auteurs souligne qu'il faut tendre vers une démocratie paritaire, où hommes et femmes assument des responsabilités égales. Cela suppose qu'ils soient représentés dans les divers organes qui soutiennent la prise de décision politique, les uns et les autres ayant leur apport personnel et leurs intérêts prioritaires. Ceci est particulièrement vrai pour le Centre qui doit promouvoir l'égalité des chances et combattre toutes les formes de discrimination.

Une membre demande si la modification annoncée de la composition du Centre pour l'égalité des chances a eu lieu.

La ministre répond que l'arrêté royal a été pris et que les procédures d'appel aux candidatures doivent maintenant être lancées.

Une autre membre soutient l'amendement et trouve qu'il faudrait même aller jusqu'à prévoir une composition paritaire.

La ministre signale que, dans les faits, on se situe déjà au-delà de la norme proposée par l'amendement.

Pour le surplus, la loi n'impose une telle norme que pour les conseils consultatifs.

Un autre exemple où cette norme n'est pas d'application est celui du Conseil national du travail, où ne siège actuellement qu'une seule femme.

L'extension de la loi fait actuellement l'objet de discussions, à la fois pour aller au-delà de la norme 2/3-1/3 et pour viser d'autres organes que les conseils consultatifs.

La ministre souhaite une discussion générale globale, au lieu de modifications ponctuelles pour telle ou telle institution.

Amendements nºs 55 et 56 (articles 19 et 20 du texte adopté)

M. Mahoux dépose ensuite les amendements nºs 55 et 56 (doc. Sénat, nº 2-12/7) qui ont pour objet d'étendre les compétences, respectivement, du président du tribunal du travail et du président du tribunal de commerce pour connaître des actions en cessation de discriminations basées sur la proposition à l'examen. L'auteur se réfère à la justification de l'amendement nº 54.

Amendement nº 134

Mme de Bethune et consorts déposent un amendement tendant à insérer un article 17 (nouveau) relatif à la composition du Centre pour l'égalité des chances. Les auteurs estiment en effet indispensable que soient assurés l'indépendance et le caractère dépolitisé du Centre, pour qu'il puisse exercer sa mission de manière impartiale, efficace et transparente, sans influence externe. Cela vaut d'autant plus que la présente proposition de loi tend à étendre encore les compétences du Centre.

Voilà pourquoi il faut prévoir une incompatibilité supplémentaire, selon laquelle la qualité de membre du personnel, d'expert ou d'attaché du cabinet d'un membre du gouvernement fédéral ou d'un gouvernement d'entité fédérée ou d'un secrétaire d'État régional, ne peut pas être combinée avec une fonction au sein du conseil d'administration du centre d'administration du Centre.

L'auteur principal de la proposition de loi demande pourquoi l'amendement est introduit maintenant, dans le contexte d'une loi-cadre anti-discrimination. Il n'y a pas de raison d'ajouter ou de supprimer des incompatibilités à cette occasion.

En outre, l'amendement semble remettre en cause le travail que le centre a pu faire jusqu'à présent et son impartialité.

Une membre suggère aux auteurs de l'amendement de redéposer celui-ci lorsque l'on discutera de l'Institut évoqué par la ministre.

Une autre membre rappelle que la loi prévoit que le centre est indépendant. Mais que signifie exactement ce terme ?

Chacun sait cependant comment se font ou pourraient se faire les recrutements dans ce type d'institution.

L'intervenante espère que la sélection qui va avoir lieu parmi les candidats se fera sur la base d'un examen.

L'auteur principal de la proposition de loi répond que l'indépendance n'exclut pas les convictions par rapport, en l'occurrence, à une politique anti-discriminatoire.

La ministre souligne elle aussi que jusqu'à présent, les incompatibilités proposées par les auteurs de l'amendement n'existaient pas, et que ceux-ci ne semblaient pas y voir d'inconvénient.

En outre, et de façon générale, la ministre n'est pas favorable à l'exclusion des membres des cabinets ministériels de conseils d'administration de ce type. Ce n'est pas parce que l'on fait partie d'un cabinet ministériel que l'on n'a pas une autorité morale, une indépendance, une expérience, et une compétence particulières.

L'ancien conseil d'administration comportait des membres de cabinets ministériels. Cela n'a jamais gêné personne, et cela n'a certainement pas empêché le centre de travailler de façon indépendante.

L'arrêté royal publié prévoit une série d'incompatibilités. Le conseil d'administration devra aussi être composé de candidats choisis non seulement par l'autorité fédérale, mais aussi par les Exécutifs communautaires et régionaux. Il devra être représentatif de l'ensemble des composantes de notre démocratie.

L'un des auteurs de l'amendement fait observer que celui-ci s'inscrit dans la ligne de la nouvelle culture politique chère au premier ministre, et dans la perspective de la suppression des cabinets.

Amendement nº 136

Mme De Schamphelaere et M. Vandenberghe déposent un amendement (doc. Sénat, nº 2-12/11, amendement nº 136, subsidiaire à l'amendement nº 135) tendant à insérer dans le Code pénal un article 452bis nouveau.

L'un des auteurs rappelle les discussions qui ont déjà eu lieu à propos du harcèlement moral qui est une forme de terreur psychique.

La proposition de loi envisage ce phénomène de façon trop restrictive, en le liant à une discrimination, alors que le harcèlement moral est souvent exercé par une personne qui se sent menacée dans sa fonction professionnelle, à l'égard d'une autre qui peut ne présenter aucune des caractéristiques visées par la loi.

Les auteurs de l'amendement estiment que dans une société et une civilisation connaissant des formes de violence plus subtiles que par le passé, l'on ne peut s'en tenir à un système où le harcèlement moral n'est visé que lorsqu'il est lié à une discrimination.

Ils trouvent aussi injustifié de rendre l'employeur responsable de faits commis entre travailleurs.

Il faut prévoir une disposition pénale, afin que le véritable responsable puisse être poursuivi. Ainsi l'employeur pourra, le cas échéant, engager une procédure de licenciement pour faute grave.

En réponse à la question d'une membre sur l'existence d'une certaine confusion terminologique, un des auteurs de l'amendement précise que le terme «harcèlement moral » vise des comportements qui ont pour but d'isoler une personne, de la terroriser sur le plan psychologique, alors que le « harcèlement avec menaces » qui, lui, est déjà érigé en infraction pénale, consiste davantage à poursuivre quelqu'un et à le harceler jusque dans sa vie privée.

La ministre renvoie aux articles 442bis et suivants du Code pénal, qui lui paraissent rencontrer le but de l'amendement. L'article 442bis parle de harcèlement sans le définir, ce qui laisse au juge un large pouvoir d'appréciation.

L'article 443 concerne les atteintes portées à l'honneur et à la considération des personnes. Il vise toutes les situations de diffamation par écrit, de calomnie, de dénonciation, de déconsidération d'une personne. Le terme néerlandais utilisé est « belaagd ».

L'un des auteurs de l'amendement répond qu'il s'agit là plutôt de « harcèlement avec menaces », dont les éléments constitutifs sont différents du « harcèlement moral ».

La ministre rappelle qu'en ce qui concerne les faits commis sur le lieu du travail existe le projet de loi dont elle a déjà parlé, et qui prévoit un dispositif complet, y compris pénal.

L'amendement proposé est plus large.

La question mériterait un examen approfondi, en dehors du champ de la proposition de loi à l'examen.

Un membre se rallie à cette observation et rappelle que c'est des discriminations en général et non des techniques de discrimination que traite la proposition.

Amendement nº 164 (article 21 du texte adopté)

M. Mahoux dépose un amendement nº 164, (subsidiaire à l'amendement nº 163, doc. Sénat, nº 2-12/12), visant à insérer un nouveau chapitre 5 dans la proposition à l'examen. Cet amendement, qui a un libellé plus large que celui de l'amendement nº 10 du gouvernement (doc. Sénat, nº 2-12/6), précise le champ d'application de la proposition à l'examen. En raison de sa portée générale, la proposition ne porte pas atteinte à l'application de législations présentes et à venir qui luttent, de façon plus spécifique, contre des discriminations particulières.

Votes

L'amendement nº 113 de Mme de Bethune et consorts est rejeté par 9 voix contre 4 et 2 abstentions.

L'amendement nº 54 de M. Mahoux est adopté par 10 voix et 5 abstentions.

L'amendement nº 133 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 9 voix contre 5 et 1 abstention.

L'amendement nº 55 de M. Mahoux est adopté par 10 voix et 5 abstentions.

L'amendement nº 134 de Mme de Bethune et consorts est rejeté par 11 voix contre 4.

L'amendement nº 56 de M. Mahoux est adopté par 10 voix et 5 abstentions.

L'amendement nº 136 de M. Vandenberghe et Mme De Schamphelaere est rejeté par 9 voix contre 4 et 2 abstentions.

L'amendement nº 164 de M. Mahoux est adopté par 10 voix et 5 abstentions.


X. DÉCLARATIONS AVANT LE VOTE FINAL

Un membre déclare que, lorsqu'on lit la proposition de façon objective et sans parti pris, la première chose qui frappe est le caractère menaçant du texte. Celui-ci donne l'impression que nous vivons dans une société où les discriminations sont monnaie courante, ce qui est inexact.

Il faut garder à l'esprit qu'on ne pourrait poser aucun acte ayant pour effet de banaliser ou de discréditer aux yeux de l'opinion publique, par une répression excessive, les principes fondamentaux des droits de l'homme, comme le principe de non-discrimination.

Il faut pouvoir mettre en oeuvre certains principes dans la société en appliquant la contrainte appropriée.

Bien entendu, le groupe de l'intervenant ne remet pas en cause les principes qui sont prônés par plusieurs conventions internationales, par les articles 10 et 11 de la Constitution ou encore par diverses directives européennes, lesquels textes visent à réaliser l'égalité de traitement entre les citoyens.

Ces principes contribuent incontestablement à une culture juridique bien meilleure dans la mesure où on est disposé à ne pas appliquer l'égalité de traitement de manière sélective et à l'appliquer également dans un grand nombre de secteurs de la société dans lesquels les inégalités de traitement ne retiennent bien souvent pas suffisamment, voire pas du tout, l'attention du politique.

Le ministre de la Justice a déclaré que le texte à l'examen était mauvais pour diverses raisons :

­ les sanctions pénales : on n'a pas tenu compte de l'observation formulée par le Conseil d'État comme quoi le principe de non-discrimination ne se prête pas à une qualification pénale;

­ l'ajout de la discrimination indirecte, surtout définie de manière large, peut créer un problème d'insécurité juridique, ce qui doit donner lieu à des améliorations en deuxième lecture à la Chambre;

­ la formulation de l'article 4 peut donner lieu à la création du délit d'opinion;

­ plus généralement, le ministre a d'ailleurs dénoncé les imperfections juridiques et l'absence de cohérence interne de la proposition de loi.

Les remarques du ministre de la Justice amènent à la conclusion qu'à son avis, la proposition de loi devrait en fait être amendée.

Certaines des déficiences dénoncées par le ministre, notamment en ce qui concerne l'incrimination et la limitation du champ d'application à la discrimination directe, ont été mises en exergue par le groupe de l'intervenant au cours de la discussion générale ainsi que dans les amendements déposés par le groupe de l'intervenant.

Par ailleurs, les directives européennes qui sont mises en oeuvre n'ont pas été complètement transposées dans la proposition de loi; c'est pourquoi le groupe de l'intervenant déposera à nouveau en séance plénière les amendements qu'il préconise.

L'intervenant constate ensuite que son amendement relatif à l'interdiction du cumul d'une fonction politique et d'une fonction au sein du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme qu'on prévoit d'élargir, n'a pas été accepté.

Il estime que le cumul d'une fonction politique et d'une fonction dans un centre qui peut exercer une action publique est inopportun et contraire au principe de la séparation des pouvoirs.

En effet, les politiques qui sont amenés à voter les lois ne doivent pas siéger au sein d'un centre qui leur donne, le cas échéant, la possibilité d'engager des poursuites pénales contre leurs adversaires.

Le fait que l'amendement visant à interdire un tel cumul a été rejeté donne à penser que la disposition en question a une motivation politique. Le droit pénal ne peut absolument pas fonctionner sur la base d'une telle motivation. D'ailleurs, le pouvoir judiciaire s'abstiendrait au cas où l'on souhaiterait appliquer de la sorte la loi sur la discrimination.

La proposition de loi présente également des déficiences juridiques et techniques sur de nombreux points, même si le groupe de l'intervenant se réjouit que l'on ait adopté la garantie générale définie dans un amendement et selon laquelle la loi ne peut en aucune manière porter atteinte aux libertés et aux droits fondamentaux garantis entre autres par la CEDH.

L'exercice de la liberté d'opinion, de la liberté d'association, de la liberté de presse, de la liberté de religion, garanti par la CEDH, ne peut donc pas être mis en cause par la loi proposée, mais il peut en résulter des tensions dans l'application concrète de certaines dispositions.

De plus, la proposition de loi place le problème de la discrimination dans la sphère pénale. Or, il ne faudrait s'en référer à la sphère pénale qu'en cas de circonstances exceptionnelles et il faudrait éviter de s'y référer sur la base d'une notion générale « fourre-tout ». Le membre reste d'avis qu'il n'est pas souhaitable de discréditer ou de ridiculiser une notion aussi importante que celle de la discrimination, que tout le monde admet, par des mesures excessives. Selon lui, la proposition de loi risque de donner lieu à de telles mesures.

Enfin, il constate que 80 % du texte actuel de la proposition de loi ne sont plus comparables au texte original.

Le gouvernement a déposé des amendements importants sur plusieurs points.

Le groupe de l'intervenant estime pour cette raison et compte tenu des observations du ministre de la Justice, qu'il conviendrait de demander un nouvel avis du Conseil d'État.

L'intervenant déclare qu'au cas où l'on n'aurait pas examiné ce point en commission, son groupe déposerait, en séance plénière, une motion pour l'examen ultérieur.

Le groupe du membre s'abstiendra dans les circonstances données, mais sans que cela ne permette de préjuger de l'attitude finale qu'il adoptera au cours de la dernière lecture en séance plénière du Sénat.

Un autre membre déclare que la proposition de loi traduit évidemment une volonté politique. On ne peut espérer atteindre, dans quelque texte que ce soit, une parfaite neutralité.

L'orateur s'accorde cependant avec l'intervenant précédent sur le fait que le législateur est garant des libertés prévues par la Constitution et par les textes internationaux en faveur de l'ensemble des citoyens.

Chacun sait que la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres.

Par ailleurs, comme le disait Lacordaire, dans un régime d'oppression, c'est la liberté qui opprime, et la loi qui protège.

Les auteurs de la proposition ne partagent pas le point de vue selon lequel un pays qui se dote d'une législation antidiscrimination serait par définition un pays où les discriminations sont plus nombreuses qu'ailleurs.

Ils constatent simplement que des discriminations existent, et ils ont pour objectif de les réduire, voire de les supprimer.

Les définitions des discriminations données dans le texte sont importantes, car elles permettent de distinguer celles-ci des différences de traitement justifiées.

La proposition de loi traduit la volonté politique d'agir contre les discriminations dans une double direction, à savoir sur le plan civil par l'action en cessation, mais aussi sur le plan pénal. L'orateur déclare en conclusion que l'ensemble des débats ont été utiles. Ils ont permis des avancées et des éclaircissements sur une série de points. C'est donc avec beaucoup de conviction que l'intervenant et son groupe voteront en faveur du texte proposé.

Une membre déclare qu'elle s'abstiendra pour plusieurs raisons, bien qu'elle souscrive à l'objectif de la proposition de loi.

Elle s'interroge en effet sur l'effectivité de la loi future. Celle-ci a une haute valeur symbolique et idéologique.

Il ne faudrait pas multiplier à l'excès les instruments juridiques pour atteindre le but que l'on poursuit. La loi en préparation doit être replacée dans le contexte de l'ensemble de l'arsenal juridique et judiciaire.

On connaît l'état actuel de la justice et les difficultés que rencontrent parfois les plaignants à obtenir une décision dans un délai raisonnable.

En conclusion, le texte prévoit trop de sanctions et présente des imperfections. Il devra être retravaillé à la Chambre. C'est pourquoi l'intervenante s'abstiendra lors du vote.

Une autre membre précise qu'elle s'abstiendra également, en raison notamment de la solution qui a été retenue en ce qui concerne le traitement des discriminations liées au genre.


XI. VOTE FINAL

L'ensemble de la proposition de loi amendée est adopté par 9 voix contre 1 et 4 abstentions.

Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 9 membres présents.

La rapporteuse,
Meryem KAÇAR.
Le président,
Josy DUBIÉ.

TRAITÉ DU 25 MARS 1957 INSTITUANT LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE ET DOCUMENTS ANNEXES, SIGNÉS À ROME, APPROUVÉS PAR LA LOI DU 2 DÉCEMBRE 1957 (MONITEUR BELGE, 25 DECEMBRE 1957) ­ VERSION CONSOLIDÉE À AMSTERDAM LE 2 OCTOBRE 1997 (JO C 10 NOVEMBRE 1997), APPROUVÉE PAR LA LOI DU 10 AOÛT 1998 (MONITEUR BELGE, 30 AVRIL 1999)

Art. 13 (ex art. 6 A)

[1.] Sans préjudice des autres dispositions du présent traité et dans les limites des compétences que celui-ci confère à la Communauté, le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, peut prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle.

(...)


PROTOCOLLE Nº 12 À LA CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTÉS FONDAMENTAUX (1)

Les États membres du Conseil de l'Europe, signataires du présent Protocole,

Prenant en compte le principe fondamental selon lequel toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit à une égale protection de la loi;

Résolus à prendre de nouvelles mesures pour promouvoir l'égalité de tous par la garantie collective d'une interdiction générale de discrimination par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après dénommée « la Convention »);

Réaffirmant que le principe de non-discrimination n'empêche pas les États parties de prendre des mesures afin de promouvoir une égalité pleine et effective, à la condition qu'elles répondent à une justification objective et raisonnable,

Sont convenus de ce qui suit :

Article 1. ­ Interdiction générale de la discrimination

1. La jouissance de tout droit prévu par la loi doit être assurée, sans discrimination aucune, fondée notamment sur le sexe, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.

2. Nul ne peut faire l'objet d'une discrimination de la part d'une autorité publique quelle qu'elle soit fondée notamment sur les motifs mentionnés au paragraphe 1.

Article 2. ­ Application territoriale

1. Tout État peut, au moment de la signature ou au moment du dépôt de son instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation, désigner le ou les territoires auxquels s'appliquera le présent Protocole.

2. Tout État peut, à tout autre moment par la suite, par une déclaration adressée au secrétaire général du Conseil de l'Europe, étendre l'application du présent Protocole à tout autre territoire désigné dans la déclaration. Le Protocole entrera en vigueur à l'égard de ce territoire le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date de réception de la déclaration par le secrétaire général.

3. Toute déclaration faite en vertu des deux paragraphes précédents pourra être retirée ou modifiée, en ce qui concerne tout territoire désigné dans cette déclaration, par notification adressée au secrétaire général du Conseil de l'Europe. Le retrait ou la modification prendra effet le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date de réception de la notification par le secrétaire général.

4. Une déclaration faite conformément au présent article sera considérée comme ayant été faite conformément au paragraphe 1 de l'article 56 de la Convention.

5. Tout État ayant fait une déclaration conformément au paragraphe 1 ou 2 du présent article peut, à tout moment par la suite, déclarer relativement à un ou plusieurs des territoires visés dans cette déclaration qu'il accepte la compétence de la Cour pour connaître des requêtes de personnes physiques, d'organisations non gouvernementaux ou de groupes de particuliers, comme le prévoit l'article 34 de la Convention, au titre de l'article 1 du présent Protocole.

Article 3. ­ Relations avec la Convention

Les États parties considèrent les articles 1 et 2 du premier Protocole comme des articles additionnels à la Convention et toutes les dispositions de la Convention s'appliquent en conséquence.

Article 4. ­ Signature et ratification

Le présent Protocole est ouvert à la signature des États membres du Conseil de l'Europe qui ont signé la Convention. Il sera soumis à ratification, acceptation ou approbation. Un État membre du Conseil de l'Europe ne peut ratifier, accepter ou approuver le présent Protocole sans avoir simultanément ou antérieurement ratifiér la Convention. Les instruments de ratification, d'acceptation ou d'approbation seront déposés par le secrétaire général du Conseil de l'Europe.

Article 5. ­ Entrée en vigueur

1. Le présent Protocole entrera en vigueur le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date à laquelle dix États membres du Conseil de l'Europe auront exprimé leur consentement à être liés par le présent Protocole conformément aux dispositions de son article 4.

2. Pour tout État membre qui exprimera ultérieurement son consentement à être lié par le présent Protocole, celui-ci entrera en vigueur le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date du dépôt de l'instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation.

Article 6. ­ Fonctions du dépositaire

Le secrétaire général du Conseil de l'Europe notifiera à tous les États membres du Conseil de l'Europe :

a) toute signature;

b) le dépôt de leur instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation;

c) toute date d'entrée en vigueur du présent Protocole conformément à ses articles 2 et 5;

d) tout autre acte, notification ou communication ayant trait au présent Protocole.

En foi de quoi, les soussignés, dûment autorisés à cet effet, ont signé le présent Protocole.

Fait à Rome, le 4 novembre 2000, en français et en anglais, les deux textes faisant également foi, en un seul exemplaire qui sera déposé dans les archives du Conseil de l'Europe. Le secrétaire général du Conseil de l'Europe en communiquera copie certifiée conforme à chacun des États membres du Conseil de l'Europe.


DIRECTIVE 2000/78/CE DU CONSEIL DU 27 NOVEMBRE 2000 PORTANT CRÉATION D'UN CADRE GENÉRAL EN FAVEUR DE L'ÉGALITÉ DE TRAITEMENT EN MATIÈRE D'EMPLOI ET DE TRAVAIL

LE CONSEIL DE L'UNION EUROPEENNE,

vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 13,

vu la proposition de la Commission (2),

vu l'avis du Parlement européen (3),

vu l'avis du Comité économique et social (4),

vu l'avis du Comité des régions (5),

considérant ce qui suit :

(1) Conformément à l'article 6 du traité sur l'Union européenne, l'Union européenne est fondée sur les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l'État de droit, principes qui sont communs à tous les États membres et elle respecte les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire.

(2) Le principe de l'égalité de traitement entre homme et femme est bien établi dans un ensemble important de textes de droit communautaire, notamment dans la directive 76/207/CEE du Conseil du 9 février 1976 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (6).

(3) Dans la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement, la Communauté cherche, conformément à l'article 3, paragraphe 2, du traité CE, à éliminer les inégalités et à promouvoir l'égalité, entre les hommes et les femmes, en particulier du fait que les femmes sont souvent victimes de discriminations multiples.

(4) Le droit de toute personne à l'égalité devant la loi et la protection contre la discrimination constitue un droit universel reconnu par la Déclaration universelle des droits de l'homme, par la Convention des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, par les pactes des Nations unies relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels et par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales signés par tous les États membres. La Convention nº 111 de l'Organisation internationale du travail interdit la discrimination en matière d'emploi et de travail.

(5) Il est important de respecter ces droits fondamentaux et ces libertés fondamentales. La présente directive ne porte pas atteinte à la liberté l'association, dont le droit de toute personne de fonder avec d'autres des syndicats et de s'y affilier pour la défense de ses intérêts.

(6) La charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs reconnaît l'importance de la lutte contre les discriminations sous toutes leurs formes, y compris la nécessité de prendre des mesures appropriées en faveur de l'intégration sociale et économique des personnes âgées et des personnes handicapées.

(7) Le traité CE compte au nombre de ses objectifs la promotion de la coordination entre les politiques de l'emploi des États membres. À cet effet, un nouveau chapitre sur l'emploi a été intégré dans le traité CE en vue de l'élaboration d'une stratégie coordonnée pour l'emploi et en particulier de la promotion d'une main-d'oeuvre qualifiée, formée et susceptible de s'adapter.

(8) Les lignes directrices pour l'emploi en 2000, approuvées par le Conseil européen de Helsinki les 10 et 11 décembre 1999, soulignent la nécessité de promouvoir un marché du travail favorable à l'insertion sociale en formulant un ensemble cohérent de politiques destinées à lutter contre la discrimination à l'égard de groupes tels que les personnes handicapées. Elles soulignent également la nécessité d'accorder une attention particulière à l'aide aux travailleurs âgés pour qu'ils participent davantage à la vie professionnelle.

(9) L'emploi et le travail constituent des éléments essentiels pour garantir l'égalité des chances pour tous et contribuent dans une large mesure à la pleine participation des citoyens à la vie économique, culturelle et sociale, ainsi qu'à l'épanouissement personnel.

(10) Le Conseil a adopté, le 29 juin 2000, la directive 2000/43/CE relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique (7), laquelle assure déjà une protection contre de telles discriminations dans le domaine de l'emploi et du travail.

(11) La discrimination fondée sur la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle peut compromettre la réalisation des objectifs du traité CE, notamment un niveau d'emploi et de protection sociale élevé, le relèvement du niveau et de la qualité de la vie, la cohésion économique et sociale, la solidarité et la libre circulation des personnes.

(12) À cet effet, toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle dans les domaines régis par la présente directive doit être interdite dans la Communauté. Cette interdiction de discrimination doit également s'appliquer aux ressortissants de pays tiers, mais elle ne vise pas les différences de traitement fondées sur la nationalité et est sans préjudice des dispositions en matière d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers et à leur accès à l'emploi et au travail.

(13) La présente directive ne s'applique pas aux régimes de sécurité sociale et de protection sociale dont les avantages ne sont pas assimilés à une rémunération au sens donné à ce terme pour l'application de l'article 141 du traité CE ni aux versements de toute nature effectués par l'État qui ont pour objectif l'accès à l'emploi ou le maintien dans l'emploi.

(14) La présente directive ne porte pas atteinte aux dispositions nationales fixant les âges de la retraite.

(15) L'appréciation des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte appartient à l'instance judiciaire nationale ou à une autre instance compétente, conformément au droit national ou aux pratiques nationales, qui peuvent prévoir, en particulier, que la discrimination indirecte peut être établie par tous moyens, y compris sur la base de données statistiques.

(16) La mise en place de mesures destinées à tenir compte des besoins des personnes handicapées au travail remplit un rôle majeur dans la lutte contre la discrimination fondée sur un handicap.

(17) La présente directive n'exige pas qu'une personne qui n'est pas compétente, ni capable ni disponible pour remplir les fonctions essentielles du poste concerné ou pour suivre une formation donnée soit recrutée, promue ou reste employée ou qu'une formation lui soit dispensée, sans préjudice de l'obligation de prévoir des aménagements raisonnables pour les personnes handicapées.

(18) La présente directive ne saurait, notamment, avoir pour effet d'astreindre les forces armées ainsi que les services de police, pénitentiaires ou de secours à embaucher ou à maintenir dans leur emploi des personnes ne possédant pas les capacités requises pour remplir l'ensemble des fonctions qu'elles peuvent être appelées à exercer au regard de l'objectif légitime de maintenir le caractère opérationnel de ces services.

(19) En outre, pour que les États membres puissent continuer à maintenir la capacité de leurs forces armées, ils peuvent choisir de ne pas appliquer les dispositions de la présente directive relatives au handicap et à l'âge à tout ou partie de leurs forces armées. Les États membres qui exercent ce choix doivent définir le champ d'application de cette dérogation.

(20) Il convient de prévoir des mesures appropriées, c'est-à-dire, des mesures efficaces et pratiques destinées à aménager le poste de travail en fonction du handicap, par exemple en procédant à un aménagement des locaux ou à une adaptation des équipements, des rythmes de travail, de la répartition des tâches ou de l'offre de moyens de formation ou d'encadrement.

(21) Afin de déterminer si les mesures en question donnent lieu à une charge disproportionnée, il convient de tenir compte notamment des coûts financiers et autres qu'elles impliquent, de la taille et des ressources financières de l'organisation ou de l'entreprise et de la possibilité d'obtenir des fonds publics ou toute autre aide.

(22) La présente directive est sans préjudice des lois nationales relatives à l'état civil et des prestations qui en dépendent.

(23) Dans des circonstances très limitées, une différence de traitement peut être justifiée lorsqu'une caractéristique liée à la religion ou aux convictions, à un handicap, à l'âge ou à l'orientation sexuelle constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l'objectif soit légitime et que l'exigence soit proportionnée. Ces circonstances doivent être mentionnées dans les informations fournies par les États membres à la Commission.

(24) L'Union européenne a reconnu explicitement dans sa déclaration nº 11 relative au statut des Églises et des organisations non confessionnelles, annexée à l'acte final du traité d'Amsterdam, qu'elle respecte et ne préjuge pas le statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les Églises et les associations ou communautés religieuses dans les États membres et qu'elle respecte également le statut des organisations philosophiques et non confessionnelles. Dans cette perspective, les États membres peuvent maintenir ou prévoir des dispositions spécifiques sur les exigences professionnelles essentielles, légitimes et justifiées susceptibles d'être requises pour y exercer une activité professionnelle.

(25) L'interdiction des discriminations liées à l'âge constitue un élément essentiel pour atteindre les objectifs établis par les lignes directrices sur l'emploi et encourager la diversité dans l'emploi. Néanmoins, des différences de traitement liées à l'âge peuvent être justifiées dans certaines circonstances et appellent donc des dispositions spécifiques qui peuvent varier selon la situation des États membres. Il est donc essentiel de distinguer entre les différences de traitement qui sont justifiées, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et les discriminations qui doivent être interdites.

(26) L'interdiction de la discrimination doit se faire sans préjudice du maintien ou de l'adoption de mesures destinées à prévenir ou à compenser des désavantages chez un groupe de personnes d'une religion ou de convictions, d'un handicap, d'un âge ou d'une orientation sexuelle donnés, et ces mesures peuvent autoriser l'existence d'organisations de personnes d'une religion ou de convictions, d'un handicap, d'un âge ou d'une orientation sexuelle donnés lorsque leur objet principal est la promotion des besoins spécifiques de ces personnes.

(27) Le Conseil, dans sa recommandation 86/379/CEE du 24 juillet 1986 sur l'emploi des handicapés dans la Communauté (8), a établi un cadre d'orientation qui énumère des exemples d'actions positives visant à promouvoir l'emploi et la formation des personnes handicapées et, dans sa résolution du 17 juin 1999 sur l'égalité des chances en matière d'emploi pour les personnes handicapées (9), a affirmé l'importance d'accorder une attention particulière notamment au recrutement, au maintien dans l'emploi et à la formation et à l'apprentissage tout au long de la vie des personnes handicapées.

(28) La présente directive fixe des exigences minimales, ce qui donne aux États membres la possibilité d'adopter ou de maintenir des dispositions plus favorables. La mise en oeuvre de la présente directive ne peut pas justifier une régression par rapport à la situation existant dans chaque État membre.

(29) Les personnes qui ont fait l'objet d'une discrimination fondée sur la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle doivent disposer de moyens de protection juridique adéquats. Pour assurer un niveau de protection plus efficace, les associations ou les personnes morales doivent aussi être habilitées à engager une procédure, selon des modalités fixées par les États membres, pour le compte ou à l'appui d'une victime, sans préjudice des règles de procédure nationales relatives à la représentation et à la défense devant les juridictions.

(30) La mise en oeuvre effective du principe d'égalité requiert une protection judiciaire adéquate contre les rétorsions.

(31) L'aménagement des règles concernant la charge de la preuve s'impose dès qu'il existe une présomption de discrimination et, dans les cas où cette situation se vérifie, la mise en oeuvre effective du principe de l'égalité de traitement requiert que la charge de la preuve revienne à la partie défenderesse. Toutefois, il n'incombe pas à la partie défenderesse de prouver que la partie demanderesse appartient à une religion donnée, possède des convictions données, présente un handicap donné, est d'un âge donné ou d'une orientation sexuelle donnée.

(32) Les États membres peuvent ne pas appliquer les règles concernant la charge de la preuve aux procédures dans lesquelles l'instruction des faits incombe à la juridiction ou à l'instance compétente. Les procédures ainsi visées sont celles dans lesquelles la partie demanderesse est dispensée de prouver les faits dont l'instruction incombe à la juridiction ou à l'instance compétente.

(33) Les États membres doivent encourager le dialogue entre les partenaires sociaux ainsi que, dans le cadre des pratiques nationales, avec les organisations non gouvernementales pour discuter de différentes formes de discrimination sur le lieu de travail et lutter contre celles-ci.

(34) Le besoin de promouvoir la paix et la réconciliation entre les principales communautés d'Irlande du Nord requiert l'insertion de dispositions particulières dans la présente directive.

(35) Les États membres doivent mettre en place des sanctions effectives, proportionnelles et dissuasives applicables en cas de non-respect des obligations découlant de la présente directive.

(36) Les États membres peuvent confier aux partenaires sociaux, à leur demande conjointe, la mise en oeuvre de la présente directive, pour ce qui est des dispositions relevant de conventions collectives, à condition de prendre toute disposition nécessaire leur permettant d'être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par la présente directive.

(37) Conformément au principe de subsidiarité énoncé à l'article 5 du traité CE, l'objectif de la présente directive, à savoir la création, dans la Communauté, d'un terrain d'action en ce qui concerne l'égalité en matière d'emploi et de travail, ne peut pas être réalisé de manière suffisante par les États membres et peut donc, en raison des dimensions et des effets de l'action, être mieux réalisé au niveau communautaire. Conformément au principe de proportionnalité tel qu'énoncé audit article, la présente directive n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DIRECTIVE :

CHAPITRE I

Dispositions générales

Article premier

Objet

La présente directive a pour objet d'établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, l'handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle, en ce qui concerne l'emploi et le travail, en vue de mettre en oeuvre, dans les États membres, le principe de l'égalité de traitement.

Article 2

Concept de discrimination

1. Aux fins de la présente directive, on entend par « principe de l'égalité de traitement » l'absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l'article 1er.

2. Aux fins du paragraphe 1:

a) une discrimination directe se produit lorsqu'une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l'un des motifs visés à l'article 1er;

b) une discrimination indirecte se produit lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes d'une religion ou de convictions, d'un handicap, d'un âge ou d'une orientation sexuelle donnés, par rapport à d'autres personnes, à moins que:

i) cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires, ou que

ii) dans le cas des personnes d'un handicap donné, l'employeur ou toute personne ou organisation auquel s'applique la présente directive ne soit obligé, en vertu de la législation nationale, de prendre des mesures appropriées conformément aux principes prévus à l'article 5 afin d'éliminer les désavantages qu'entraîne cette disposition, ce critère ou cette pratique.

3. Le harcèlement est considéré comme une forme de discrimination au sens du paragraphe 1 lorsqu'un comportement indésirable lié à l'un des motifs visés à l'article 1er se manifeste, qui a pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d'une personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. Dans ce contexte, la notion de harcèlement peut être définie conformément aux législations et pratiques nationales des États membres.

4. Tout comportement consistant à enjoindre à quiconque de pratiquer une discrimination à l'encontre de personnes pour l'un des motifs visés à l'article 1er est considéré comme une discrimination au sens du paragraphe 1.

5. La présente directive ne porte pas atteinte aux mesures prévues par la législation nationale qui, dans une société démocratique, sont nécessaires à la sécurité publique, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé et à la protection des droits et libertés d'autrui.

Article 3

Champ d'application

1. Dans les limites des compétences conférées à la Communauté, la présente directive s'applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne:

a) les conditions d'accès à l'emploi, aux activités non salariées ou au travail, y compris les critères de sélection et les conditions de recrutement, quelle que soit la branche d'activité et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle, y compris en matière de promotion;

b) l'accès à tous les types et à tous les niveaux d'orientation professionnelle, de formation professionnelle, de perfectionnement et de formation de reconversion, y compris l'acquisition d'une expérience pratique;

c) les conditions d'emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération;

d) l'affiliation à, et l'engagement dans, une organisation de travailleurs ou d'employeurs, ou toute organisation dont les membres exercent une profession donnée, y compris les avantages procurés par ce type d'organisations.

2. La présente directive ne vise pas les différences de traitement fondées sur la nationalité et s'entend sans préjudice des dispositions et conditions relatives à l'admission et au séjour des ressortissants de pays tiers et des personnes apatrides sur le territoire des États membres et de tout traitement lié au statut juridique des ressortissants de pays tiers et personnes apatrides concernés.

3. La présente directive ne s'applique pas aux versements de toute nature effectués par les régimes publics ou assimilés, y compris les régimes publics de sécurité sociale ou de protection sociale.

4. Les États membres peuvent prévoir que la présente directive ne s'applique pas aux forces armées pour ce qui concerne les discriminations fondées sur l'handicap et l'âge.

Article 4

Exigences professionnelles

1. Nonobstant l'article 2, paragraphes 1 et 2, les États membres peuvent prévoir qu'une différence de traitement fondée sur une caractéristique liée à l'un des motifs visés à l'article 1er ne constitue pas une discrimination lorsque, en raison de la nature d'une activité professionnelle ou des conditions de son exercice, la caractéristique en cause constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l'objectif soit légitime et que l'exigence soit proportionnée.

2. Les États membres peuvent maintenir dans leur législation nationale en vigueur à la date d'adoption de la présente directive ou prévoir dans une législation future reprenant des pratiques nationales existant à la date d'adoption de la présente directive des dispositions en vertu desquelles, dans le cas des activités professionnelles d'églises et d'autres organisations publiques ou privées dont l'éthique est fondée sur la religion ou les convictions, une différence de traitement fondée sur la religion ou les convictions d'une personne ne constitue pas une discrimination lorsque, par la nature de ces activités ou par le contexte dans lequel elles sont exercées, la religion ou les convictions constituent une exigence professionnelle essentielle, légitime et justifiée eu égard à l'éthique de l'organisation. Cette différence de traitement doit s'exercer dans le respect des dispositions et principes constitutionnels des États membres, ainsi que des principes généraux du droit communautaire, et ne saurait justifier une discrimination fondée sur un autre motif.

Pourvu que ses dispositions soient par ailleurs respectées, la présente directive est donc sans préjudice du droit des églises et des autres organisations publiques ou privées dont l'éthique est fondée sur la religion ou les convictions, agissant en conformité avec les dispositions constitutionnelles et législatives nationales, de requérir des personnes travaillant pour elles une attitude de bonne foi et de loyauté envers l'éthique de l'organisation.

Article 5

Aménagements raisonnables pour les personnes handicapées

Afin de garantir le respect du principe de l'égalité de traitement à l'égard des personnes handicapées, des aménagements raisonnables sont prévus. Cela signifie que l'employeur prend les mesures appropriées, en fonction des besoins dans une situation concrète, pour permettre à une personne handicapée d'accéder à un emploi, de l'exercer ou d'y progresser, ou pour qu'une formation lui soit dispensée, sauf si ces mesures imposent à l'employeur une charge disproportionnée. Cette charge n'est pas disproportionnée lorsqu'elle est compensée de façon suffisante par des mesures existant dans le cadre de la politique menée dans l'Ítat membre concerné en faveur des personnes handicapées.

Article 6

Justification des différences de traitement
fondées sur l'âge

1. Nonobstant l'article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

Ces différences de traitement peuvent notamment comprendre:

a) la mise en place de conditions spéciales d'accès à l'emploi et à la formation professionnelle, d'emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération, pour les jeunes, les travailleurs âgés et ceux ayant des personnes à charge, en vue de favoriser leur insertion professionnelle ou d'assurer leur protection;

b) la fixation de conditions minimales d'âge, d'expérience professionnelle ou d'ancienneté dans l'emploi, pour l'accès à l'emploi ou à certains avantages liés à l'emploi;

c) la fixation d'un âge maximum pour le recrutement, fondée sur la formation requise pour le poste concerné ou la nécessité d'une période d'emploi raisonnable avant la retraite.

2. Nonobstant l'article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que ne constitue pas une discrimination fondée sur l'âge la fixation, pour les régimes professionnels de sécurité sociale, d'âges d'adhésion ou d'admissibilité aux prestations de retraite ou d'invalidité, y compris la fixation, pour ces régimes, d'âges différents pour des travailleurs ou des groupes ou catégories de travailleurs et l'utilisation, dans le cadre de ces régimes, de critères d'âge dans les calculs actuariels, à condition que cela ne se traduise pas par des discriminations fondées sur le sexe.

Article 7

Action positive et mesures spécifiques

1. Pour assurer la pleine égalité dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures spécifiques destinées à prévenir ou à compenser des désavantages liés à l'un des motifs visés à l'article 1er.

2. En ce qui concerne les personnes handicapées, le principe d'égalité de traitement ne fait pas obstacle au droit des États membres de maintenir ou d'adopter des dispositions concernant la protection de la santé et de la sécurité sur le lieu de travail ni aux mesures visant à créer ou à maintenir des dispositions ou des facilités en vue de sauvegarder ou d'encourager leur insertion dans le monde du travail.

Article 8

Prescriptions minimales

1. Les États membres peuvent adopter ou maintenir des dispositions plus favorables à la protection du principe de l'égalité de traitement que celles prévues dans la présente directive.

2. La mise en oeuvre de la présente directive ne peut en aucun cas constituer un motif d'abaissement du niveau de protection contre la discrimination déjà accordé par les États membres dans les domaines régis par la présente directive.

CHAPITRE II

Voies de recours et application du droit

Article 9

Défense des droits

1. Les États membres veillent à ce que des procédures judiciaires et/ou administratives, y compris, lorsqu'ils l'estiment approprié, des procédures de conciliation, visant à faire respecter les obligations découlant de la présente directive soient accessibles à toutes les personnes qui s'estiment lésées par le non-respect à leur égard du principe de l'égalité de traitement, même après que les relations dans lesquelles la discrimination est présumée s'être produite se sont terminées.

2. Les États membres veillent à ce que les associations, les organisations ou les personnes morales qui ont, conformément aux critères fixés par leur législation nationale, un intérêt légitime à assurer que les dispositions de la présente directive sont respectées puissent, pour le compte ou à l'appui du plaignant, avec son approbation, engager toute procédure judiciaire et/ou administrative prévue pour faire respecter les obligations découlant de la présente directive.

3. Les paragraphes 1 et 2 sont sans préjudice des règles nationales relatives aux délais impartis pour former un recours en ce qui concerne le principe de l'égalité de traitement.

Article 10

Charge de la preuve

1. Les États membres prennent les mesures nécessaires, conformément à leur système judiciaire, afin que, dès lors qu'une personne s'estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l'égalité de traitement et établit, devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu'il n'y a pas eu violation du principe de l'égalité de traitement.

2. Le paragraphe 1 ne fait pas obstacle à l'adoption par les États membres de règles de la preuve plus favorables aux plaignants.

3. Le paragraphe 1 ne s'applique pas aux procédures pénales.

4. Les paragraphes 1, 2 et 3 s'appliquent également à toute procédure engagée conformément à l'article 9, paragraphe 2.

5. Les États membres peuvent ne pas appliquer le paragraphe 1 aux procédures dans lesquelles l'instruction des faits incombe à la juridiction ou à l'instance compétente.

Article 11

Protection contre les rétorsions

Les États membres introduisent dans leur système juridique interne les mesures nécessaires pour protéger les travailleurs contre tout licenciement ou tout autre traitement défavorable par l'employeur en réaction à une plainte formulée au niveau de l'entreprise ou à une action en justice visant à faire respecter le principe de l'égalité de traitement.

Article 12

Diffusion de l'information

Les États membres veillent à ce que les dispositions adoptées en application de la présente directive ainsi que celles qui sont déjà en vigueur dans ce domaine soient portées à la connaissance des personnes concernées par tous moyens appropriés, par exemple sur le lieu de travail, et sur l'ensemble de leur territoire.

Article 13

Dialogue social

1. Conformément à leurs traditions et pratiques nationales, les États membres prennent les mesures appropriées afin de favoriser le dialogue entre les partenaires sociaux en vue de promouvoir l'égalité de traitement, y compris par la surveillance des pratiques sur le lieu de travail, par des conventions collectives, des codes de conduite et par la recherche ou l'échange d'expériences et de bonnes pratiques.

2. Dans le respect de leurs traditions et pratiques nationales, les États membres encouragent les partenaires sociaux, sans préjudice de leur autonomie, à conclure, au niveau approprié, des accords établissant des règles de non-discrimination dans les domaines visés à l'article 3 qui relèvent du champ d'application des négociations collectives. Ces accords respectent les exigences minimales fixées par la présente directive et par les mesures nationales de transposition.

Article 14

Dialogue avec les organisations non gouvernementales

Les États membres encouragent le dialogue avec les organisations non gouvernementales concernées qui ont, conformément aux pratiques et législations nationales, un intérêt légitime à contribuer à la lutte contre les discriminations fondées sur un des motifs visés à l'article 1er, en vue de promouvoir le principe de l'égalité de traitement.

CHAPITRE III

Dispositions particulières

Article 15

Irlande du Nord

1. Pour faire face à la sous-représentation de l'une des principales communautés religieuses dans les services de police d'Irlande du Nord, les différences de traitement en matière de recrutement dans ces services, y compris pour le personnel de soutien, ne constituent pas une discrimination, dans la mesure où ces différences de traitement sont expressément autorisées par la législation nationale.

2. Afin de maintenir un équilibre dans les possibilités d'emploi pour les enseignants en Irlande du Nord tout en contribuant à surmonter les divisions historiques entre les principales communautés religieuses qui y sont présentes, les dispositions de la présente directive en matière de religion ou de convictions ne s'appliquent pas au recrutement des enseignants dans les écoles d'Irlande du Nord, dans la mesure où cela est expressément autorisé par la législation nationale.

CHAPITRE IV

Dispositions finales

Article 16

Conformité

Les États membres prennent les mesures nécessaires afin que:

a) soient supprimées les dispositions législatives, réglementaires et administratives contraires au principe de l'égalité de traitement;

b) soient ou puissent être déclarées nulles et non avenues ou soient modifiées les dispositions contraires au principe de l'égalité de traitement qui figurent dans les contrats ou les conventions collectives, dans les règlements intérieurs des entreprises, ainsi que dans les statuts des professions indépendantes et des organisations de travailleurs et d'employeurs.

Article 17

Sanctions

Les États membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions nationales adoptées en application de la présente directive et prennent toute mesure nécessaire pour assurer la mise en oeuvre de celles-ci. Les sanctions ainsi prévues qui peuvent comprendre le versement d'indemnité à la victime, doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. Les États membres notifient ces dispositions à la Commission au plus tard le 2 décembre 2003 et toute modification ultérieure les concernant dans les meilleurs délais.

Article 18

Mise en oeuvre

Les États membres adoptent les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 2 décembre 2003 ou peuvent confier aux partenaires sociaux, à leur demande conjointe, la mise en oeuvre de la présente directive pour ce qui est des dispositions relevant des accords collectifs. Dans ce cas, ils s'assurent que, au plus tard le 2 décembre 2003, les partenaires sociaux ont mis en place les dispositions nécessaires par voie d'accord, les États membres concernés devant prendre toute disposition nécessaire leur permettant d'être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par ladite directive. Ils en informent immédiatement la Commission.

Pour tenir compte de conditions particulières, les États membres peuvent disposer, si nécessaire, d'un délai supplémentaire de 3 ans à compter du 2 décembre 2003, soit un total de 6 ans, pour mettre en oeuvre les dispositions de la présente directive relatives à la discrimination fondée sur l'âge et l'handicap. Dans ce cas, ils en informent immédiatement la Commission. Tout Ítat membre qui choisit d'avoir recours à ce délai supplémentaire fait rapport annuellement à la Commission sur les mesures qu'il prend pour s'attaquer à la discrimination fondée sur l'âge et l'handicap, et sur les progrès réalisés en vue de la mise en oeuvre de la directive. La Commission fait rapport annuellement au Conseil.

Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d'une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.

Article 19

Rapport

1. Les États membres communiquent à la Commission, au plus tard le 2 décembre 2005 et ensuite tous les cinq ans, toutes les informations nécessaires à l'établissement par la Commission d'un rapport au Parlement européen et au Conseil sur l'application de la présente directive.

2. Le rapport de la Commission prend en considération, comme il convient, le point de vue des partenaires sociaux et des organisations non gouvernementales concernées. Conformément au principe de la prise en compte systématique de la question de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, ce rapport fournit, entre autres, une évaluation de l'impact que les mesures prises ont sur les hommes et les femmes. À la lumière des informations reçues, ce rapport inclut, si nécessaire, des propositions visant à réviser et actualiser la directive.

Article 20

Entrée en vigueur

La présente directive entre en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes.

Article 21

Destinataires

Les États membres sont destinataires de la présente directive.

Fait à Bruxelles, le 27 novembre 2000.

Par le Conseil

Le président

É. GUIGOU


DIRECTIVE 2000/43/CE DU CONSEIL DU 29 JUIN 2000 RELATIVE À LA MISE EN OEUVRE DU PRINCIPE DE L'ÉGALITÉ DE TRAITEMENT ENTRE LES PERSONNES SANS DISTINCTION DE RACE OU D'ORIGINE ETHNIQUE

LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,

vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 13,

vu la proposition de la Commission (10),

vu l'avis du Parlement européen (11),

vu l'avis du Comité économique et social (12),

vu l'avis du Comité des régions (13),

considérant ce qui suit :

(1) Le traité sur l'Union européenne marque une nouvelle étape dans le processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l'Europe.

(2) Conformément à l'article 6 du traité sur l'Union européenne, l'Union européenne est fondée sur les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'État de droit, principes qui sont communs aux États membres, et elle respecte les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire.

(3) Le droit de toute personne à l'égalité devant la loi et à la protection contre la discrimination constitue un droit universel reconnu par la déclaration universelle des droits de l'homme, par la Convention des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, par la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, par les pactes des Nations unies relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels et par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signés par tous les États membres.

(4) Il est important de respecter ces droits fondamentaux et ces libertés fondamentales, y compris la liberté d'association. Il est également important, dans le contexte de l'accès aux biens et services et de la fourniture de biens et services, de respecter la protection de la vie privée et familiale ainsi que les transactions qui se déroulent dans ce cadre.

(5) Le Parlement européen a adopté un certain nombre de résolutions sur la lutte contre le racisme dans l'Union européenne.

(6) L'Union européenne rejette toutes théories tendant à déterminer l'existence de races humaines distinctes. L'emploi du mot « race » dans la présente directive n'implique nullement l'acceptation de telles théories.

(7) Le Conseil européen de Tampere, les 15 et 16 octobre 1999, a invité la Commission à présenter le plus rapidement possible des propositions de mise en oeuvre de l'article 13 du Traité CE en ce qui concerne la lutte contre le racisme et la xénophobie.

(8) Les lignes directrices pour l'emploi en 2000, approuvées par le Conseil européen de Helsinki, les 10 et 11 décembre 1999, soulignent la nécessité de promouvoir un marché du travail favorable à l'insertion sociale en formulant un ensemble cohérent de politiques destinées à lutter contre la discrimination à l'égard de groupes tels que les minorités ethniques.

(9) La discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique peut compromettre la réalisation des objectifs du Traité CE, notamment un niveau d'emploi et de protection sociale élevé, le relèvement du niveau et de la qualité de vie, la cohésion économique et sociale et la solidarité. Elle peut également compromettre l'objectif de développer l'Union européenne en tant qu'espace de liberté, de sécurité et de justice.

(10) La Commission a présenté une communication sur le racisme, la xénophobie et l'antisémitisme en décembre 1995.

(11) Le Conseil a adopté, le 15 juillet 1996, l'action commune 96/443/JAI concernant l'action contre le racisme et la xénophobie (14), par laquelle les États membres s'engagent à assurer une coopération judiciaire effective en matière d'infractions fondées sur des comportements racistes ou xénophobes.

(12) Pour assurer le développement de sociétés démocratiques et tolérantes permettant la participation de tous les individus quelle que soit leur race ou leur origine ethnique, une action spécifique dans le domaine de la discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique doit aller au-delà de l'accès aux activités salariées et non salariées et s'étendre à des domaines tels que l'éducation, la protection sociale, y compris la sécurité sociale et les soins de santé, les avantages sociaux, l'accès aux biens et services et la fourniture de biens et services.

(13) À cet effet, toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la race ou l'origine ethnique dans les domaines régis par la présente directive doit être prohibée dans la Communauté. Cette interdiction de discrimination doit également s'appliquer aux ressortissants de pays tiers, mais elle ne vise pas les différences de traitement fondées sur la nationalité et est sans préjudice des dispositions régissant l'entrée et le séjour des ressortissants de pays tiers et leur accès à l'emploi et au travail.

(14) Dans la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement sans distinction de race ou d'origine ethnique, la Communauté cherche, conformément à l'article 3, paragraphe 2, du Traité CE, à éliminer les inégalités et à promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes, en particulier du fait que les femmes sont souvent victimes de discriminations multiples.

(15) L'appréciation des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte appartient à l'instance judiciaire nationale ou à une autre instance compétente, conformément au droit national ou aux pratiques nationales, qui peuvent prévoir, en particulier, que la discrimination indirecte peut être établie par tous moyens, y compris sur la base de données statistiques.

(16) Il importe de protéger toutes les personnes physiques contre la discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique. Les États membres doivent aussi assurer, en tant que de besoin et conformément aux traditions et pratiques nationales, la protection des personnes morales lorsqu'elles sont victimes de discriminations fondées sur la race ou l'origine ethnique de leurs membres.

(17) L'interdiction de la discrimination doit se faire sans préjudice du maintien ou de l'adoption de mesures destinées à prévenir ou à compenser des désavantages chez un groupe de personnes d'une race ou d'une origine ethnique donnée, et ces mesures peuvent autoriser l'existence d'organisations de personnes d'une race ou d'une origine ethnique donnée lorsque leur objet principal est la promotion des besoins spécifiques de ces personnes.

(18) Dans des circonstances très limitées, une différence de traitement peut être justifiée lorsqu'une caractéristique liée à la race ou à l'origine ethnique constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l'objectif soit légitime et que l'exigence soit proportionnée. Ces circonstances doivent être mentionnées dans les informations fournies par les États membres à la Commission.

(19) Les personnes qui ont fait l'objet d'une discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique doivent disposer de moyens de protection juridique adéquats. Pour assurer un niveau de protection plus efficace, les associations ou les personnes morales doivent aussi être habilitées à engager une procédure, selon des modalités fixées par les États membres, pour le compte ou à l'appui d'une victime, sans préjudice des règles de procédure nationales relatives à la représentation et à la défense devant les juridictions.

(20) La mise en oeuvre effective du principe d'égalité requiert une protection judiciaire adéquate contre les rétorsions.

(21) L'aménagement des règles concernant la charge de la preuve s'impose dès qu'il existe une présomption de discrimination et, dans les cas où cette situation se vérifie, la mise en oeuvre effective du principe de l'égalité de traitement requiert que la charge de la preuve revienne à la partie défenderesse.

(22) Les États membres peuvent ne pas appliquer les règles concernant la charge de la preuve aux procédures dans lesquelles l'instruction des faits incombe à la juridiction ou à l'instance compétente. Les procédures ainsi visées sont celles dans lesquelles la partie demanderesse est dispensée de prouver les faits dont l'instruction incombe à la juridiction ou à l'instance compétente.

(23) Les États membres doivent encourager le dialogue entre les partenaires sociaux ainsi qu'avec les organisations non gouvernementales pour discuter des différentes formes de discrimination et lutter contre celles-ci.

(24) La protection contre la discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique serait elle-même renforcée par l'existence d'un ou de plusieurs organismes dans chaque État membre ayant compétence pour analyser les problèmes en cause, étudier les solutions possibles et apporter une assistance concrète aux victimes.

(25) La présente directive fixe des exigences minimales, ce qui donne aux États membres la possibilité de maintenir ou d'adopter des dispositions plus favorables. La mise en oeuvre de la présente directive ne peut justifier une régression par rapport à la situation existant dans chaque État membre.

(26) Les États membres doivent mettre en place des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives applicables en cas de non-respect des obligations découlant de la présente directive.

(27) Les États membres peuvent confier aux partenaires sociaux, à leur demande conjointe, la mise en oeuvre de la présente directive, pour ce qui est des dispositions relevant de Conventions collectives, à condition de prendre toute disposition nécessaire leur permettant d'être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par la présente directive.

(28) Conformément au principe de subsidiarité et au principe de proportionnalité tels qu'énoncés à l'article 5 du Traité CE, l'objectif de la présente directive, à savoir assurer un niveau élevé commun de protection contre la discrimination dans tous les États membres, ne peut pas être réalisé de manière suffisante par les États membres et peut donc, en raison des dimensions et des effets de l'action, être mieux réalisé au niveau communautaire. La présente directive n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DIRECTIVE :

CHAPITRE I

Dispositions générales

Article premier

Objet

La présente directive a pour objet d'établir un cadre pour lutter contre la discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique, en vue de mettre en oeuvre, dans les États membres, le principe de l'égalité de traitement.

Article 2

Concept de discrimination

1. Aux fins de la présente directive, on entend par « principe de l'égalité de traitement », l'absence de toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la race ou l'origine ethnique.

2. Aux fins du paragraphe 1 :

a) une discrimination directe se produit lorsque, pour des raisons de race ou d'origine ethnique, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable;

b) une discrimination indirecte se produit lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes d'une race ou d'une origine ethnique donnée par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires.

3. Le harcèlement est considéré comme une forme de discrimination au sens du paragraphe 1 lorsqu'un comportement indésirable lié à la race ou à l'origine ethnique se manifeste, qui a pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d'une personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. Dans ce contexte, la notion de harcèlement peut être définie conformément aux législations et pratiques nationales des États membres.

4. Tout comportement consistant à enjoindre à quiconque de pratiquer une discrimination à l'encontre de personnes pour des raisons de race ou d'origine ethnique est considéré comme une discrimination au sens du paragraphe 1.

Article 3

Champ d'application

1. Dans les limites des compétences conférées à la Communauté, la présente directive s'applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne :

a) les conditions d'accès à l'emploi aux activités non salariées ou au travail, y compris les critères de sélection et les conditions de recrutement, quelle que soit la branche d'activité et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle, y compris en matière de promotion;

b) l'accès à tous les types et à tous les niveaux d'orientation professionnelle, de formation professionnelle, de perfectionnement et de formation de reconversion, y compris l'acquisition d'une expérience pratique;

c) les conditions d'emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération;

d) l'affiliation à et l'engagement dans une organisation de travailleurs ou d'employeurs ou à toute organisation dont les membres exercent une profession donnée, y compris les avantages procurés par ce type d'organisations;

e) la protection sociale, y compris la sécurité sociale et les soins de santé;

f) les avantages sociaux;

g) l'éducation;

h) l'accès aux biens et services et la fourniture de biens et services, à la disposition du public, y compris en matière de logement.

2. La présente directive ne vise pas les différences de traitement fondées sur la nationalité et s'entend sans préjudice des dispositions et conditions relatives à l'admission et au séjour des ressortissants de pays tiers et des personnes apatrides sur le territoire des États membres et de tout traitement lié au statut juridique des ressortissants de pays tiers et personnes apatrides concernés.

Article 4

Exigence professionnelle essentielle et déterminante

Sans préjudice de l'article 2, paragraphes 1 et 2, les États membres peuvent prévoir qu'une différence de traitement fondée sur une caractéristique liée à la race ou à l'origine ethnique ne constitue pas une discrimination lorsque, en raison de la nature d'une activité professionnelle ou des conditions de son exercice, la caractéristique en cause constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l'objectif soit légitime et que l'exigence soit proportionnée.

Article 5

Action positive

Pour assurer la pleine égalité dans la pratique, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures spécifiques destinées à prévenir ou à compenser des désavantages liés à la race ou à l'origine ethnique.

Article 6

Prescriptions minimales

1. Les États membres peuvent adopter ou maintenir des dispositions plus favorables à la protection du principe de l'égalité de traitement que celles prévues dans la présente directive.

2. La mise en oeuvre de la présente directive ne peut en aucun cas constituer un motif d'abaissement du niveau de protection contre la discrimination déjà accordé par les États membres dans les domaines régis par la présente directive.

CHAPITRE II

Voies de recours et application du droit

Article 7

Défense des droits

1. Les États membres veillent à ce que des procédures judiciaires et/ou administratives, y compris, lorsqu'ils l'estiment approprié, des procédures de conciliation, visant à faire respecter les obligations découlant de la présente directive soient accessibles à toutes les personnes qui s'estiment lésées par le non-respect à leur égard du principe de l'égalité de traitement, même après que les relations dans lesquelles la discrimination est présumée s'être produite se sont terminées.

2. Les États membres veillent à ce que les associations, les organisations ou les personnes morales qui ont, conformément aux critères fixés par leur législation nationale, un intérêt légitime à assurer que les dispositions de la présente directive sont respectées puissent, pour le compte ou à l'appui du plaignant, avec son approbation, engager toute procédure judiciaire et/ou administrative prévue pour faire respecter les obligations découlant de la présente directive.

3. Les paragraphes 1 et 2 sont sans préjudice des règles nationales relatives aux délais impartis pour former un recours en ce qui concerne le principe de l'égalité de traitement.

Article 8

Charge de la preuve

1. Les États membres prennent les mesures nécessaires, conformément à leur système judiciaire, afin que, dès lors qu'une personne s'estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l'égalité de traitement et établit, devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu'il n'y a pas eu violation du principe de l'égalité de traitement.

2. Le paragraphe 1 ne fait pas obstacle à l'adoption par les États membres de règles de la preuve plus favorables aux plaignants.

3. Le paragraphe 1 ne s'applique pas aux procédures pénales.

4. Les paragraphes 1, 2 et 3 s'appliquent également à toute procédure engagée conformément à l'article 7, paragraphe 2.

5. Les États membres peuvent ne pas appliquer le paragraphe 1 aux procédures dans lesquelles l'instruction des faits incombe à la juridiction ou à l'instance compétente.

Article 9

Protection contre les rétorsions

Les États membres introduisent dans leur système juridique interne les mesures nécessaires pour protéger les personnes contre tout traitement ou toute conséquence défavorable en réaction à une plainte ou à une action en justice visant à faire respecter le principe de l'égalité de traitement.

Article 10

Diffusion de l'information

Les États membres veillent à ce que les dispositions adoptées en application de la présente directive ainsi que celles qui sont déjà en vigueur dans ce domaine soient portées à la connaissance des personnes concernées par tous moyens appropriés et sur l'ensemble de leur territoire.

Article 11

Dialogue social

1. Conformément à leurs traditions et pratiques nationales, les États membres prennent les mesures appropriées afin de favoriser le dialogue entre les partenaires sociaux en vue de promouvoir l'égalité de traitement, y compris par la surveillance des pratiques sur le lieu de travail, par des Conventions collectives, des codes de conduite, et par la recherche ou l'échange d'expériences et de bonnes pratiques.

2. Dans le respect de leurs traditions et pratiques nationales, les États membres encouragent les partenaires sociaux, sans préjudice de leur autonomie, à conclure, au niveau approprié, des accords établissant des règles de non-discrimination dans les domaines visés à l'article 3 qui relèvent du champ d'application des négociations collectives. Ces accords respectent les exigences minimales fixées par la présente directive et par les mesures nationales de transposition.

Article 12

Dialogue avec les organisations non gouvernementales

Les États membres encouragent le dialogue avec les organisations non gouvernementales concernées qui ont, conformément aux pratiques et législations nationales, un intérêt légitime à contribuer à la lutte contre la discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique, en vue de promouvoir le principe de l'égalité de traitement.

CHAPITRE III

Organismes de promotion de l'égalité de traitement

Article 13

1. Les États membres désignent un ou plusieurs organismes chargés de promouvoir l'égalité de traitement entre toutes les personnes sans discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique. Ils peuvent faire partie d'organes chargés de défendre à l'échelon national les droits de l'homme ou de protéger les droits des personnes.

2. Les États membres font en sorte que ces organismes aient pour compétence :

­ sans préjudice des droits des victimes et des associations, organisations et autres personnes morales visées à l'article 7, paragraphe 2, d'apporter aux personnes victimes d'une discrimination une aide indépendante pour engager une procédure pour discrimination;

­ de conduire des études indépendantes concernant les discriminations;

­ de publier des rapports indépendants et d'émettre des recommandations sur toutes les questions liées à ces discriminations.

CHAPITRE IV

Dispositions finales

Article 14

Conformité

Les États membres prennent les mesures nécessaires afin que :

a) soient supprimées les dispositions législatives, réglementaires et administratives contraires au principe de l'égalité de traitement;

b) soient ou puissent être déclarées nulles et non avenues ou soient modifiées les dispositions contraires au principe de l'égalité de traitement qui figurent dans les contrats ou les Conventions collectives, dans les règlements intérieurs des entreprises ainsi que dans les règles régissant les associations à but lucratif ou non lucratif, les professions indépendantes et les organisations de travailleurs et d'employeurs.

Article 15

Sanctions

Les États membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions nationales adoptées en application de la présente directive et prennent toute mesure nécessaire pour assurer l'application de celles-ci. Les sanctions ainsi prévues, qui peuvent comprendre le versement d'indemnités à la victime, doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. Les États membres notifient ces dispositions à la Commission au plus tard le 19 juillet 2003 et toute modification ultérieure les concernant dans les meilleurs délais.

Article 16

Mise en oeuvre

Les États membres adoptent les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 19 juillet 2003 ou peuvent confier aux partenaires sociaux, à leur demande conjointe, la mise en oeuvre de la présente directive, pour ce qui est des dispositions relevant des accords collectifs. Dans ce cas, ils s'assurent que, au plus tard le 19 juillet 2003, les partenaires sociaux ont mis en place les dispositions nécessaires par voie d'accord, les États membres concernés devant prendre toute disposition nécessaire leur permettant d'être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par la présente directive. Ils en informent immédiatement la Commission.

Lorsque les États membres adoptent lesdites dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d'une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.

Article 17

Rapport

1. Les États membres communiquent à la Commission, au plus tard le 19 juillet 2005 et ensuite tous les cinq ans, toutes les informations nécessaires à l'établissement par la Commission d'un rapport au Parlement européen et au Conseil sur l'application de la présente directive.

2. Le rapport de la Commission prend en considération, comme il convient, l'opinion de l'Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes ainsi que le point de vue des partenaires sociaux et des organisations non gouvernementales concernées. Conformément au principe de la prise en compte systématique de la question de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, ce rapport fournit, entre autres, une évaluation de l'impact que les mesures prises ont sur les hommes et les femmes. À la lumière des informations reçues, ce rapport inclut, si nécessaire, des propositions visant à réviser et à actualiser la présente directive.

Article 18

Entrée en vigueur

La présente directive entre en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes.

Article 19

Destinataires

Les États membres sont destinataires de la présente directive.

Fait à Luxembourg, le 29 juin 2000.

Par le Conseil,

Le président,

M. Arcanjo.


CONVENTION COLLECTIVE DE TRAVAIL Nº 38 DU 6 DÉCEMBRE 1983 CONCERNANT LE RECRUTEMENT ET LA SÉLECTION DE TRAVAILLEURS, CONCLUE AU SEIN DU CONSEIL NATIONAL DU TRAVAIL, RENDUE OBLIGATOIRE PAR L'ARRÊTÉ ROYAL DU 11 JUILLET 1984 MONITEUR BELGE DU 28 JUILLET 1984

CHAPITRE Ier

Portée de la convention collective de travail

Art. 1. Cette convention collective de travail a pour objectif de fixer des normes concernant le recrutement et la sélection de travailleurs et de définir les engagements des parties signataires quant au respect d'un certain nombre de règles de conduite.

CHAPITRE II

Champ d'application et définitions

Art. 2. Pour l'application de la présente convention collective de travail, il faut entendre par :

Employeur : la personne physique ou morale qui fait appel au marché de l'emploi pour que des candidats postulent un emploi vacant.

Candidat : la personne physique qui, à la suite d'une offre d'emploi, pose sa candidature en vue d'obtenir l'emploi visé dans cette offre.

Recrutement : l'ensemble des activités effectuées par ou au nom de l'employeur, relatives à l'annonce d'un emploi vacant.

Sélection : l'ensemble des différentes démarches effectuées par ou au nom de l'employeur en vue d'engager du personnel.

CHAPITRE III

Devoirs de l'employeur en matière de recrutement
et de sélection des travailleurs

[Section 1

Égalité de traitement]

Convention collective nº 38ter du 17 juillet 1998, article 1er, rendue obligatoire par l'arrêté royal du 8 octobre 1998.

[Art. 2bis. L'employeur qui recrute ne peut traiter les candidats de manière discriminatoire.

Pendant la procédure, l'employeur doit traiter tous les candidats de manière égale. Il ne peut faire de distinction sur la base d'éléments personnels lorsque ceux-ci présentent aucun rapport avec la fonction ou la nature de l'entreprise, sauf si les dispositions légales l'y autorisent ou l'y contraignent. Ainsi l'employeur ne peut en principe faire de distinction sur la base de l'âge, du sexe, de l'état civil, du passé médical, de la race, de la couleur, de l'ascendance ou de l'origine nationale ou ethnique, des convictions politiques ou philosophiques, de l'affiliation à une organisation syndicale ou à une autre organistion, [de l'orientation sexuelle, d'un handicap].

­

­ Ainsi modifié par la convention collective de travail nº 38quater du 14 juillet 1999, article 1er, rendue obligatoire par l'arrêté royal du 31 août 1999.

[Section 2

Frais et documents]

Convention collective nº 38ter du 17 juillet 1998, article 3, rendue obligatoire par l'arrêté royal du 8 octobre 1998.

1. Frais de la procédure de sélection

Art. 3. Les frais afférents aux épreuves et examens organisés dans le cadre de la procédure de sélection sont à charge de l'employeur si'il les a ordonnés.

2. Remise d'une attestation

Art. 4. Si un candidat, soumis au contrôle en matière de chômage, participe à une épreuve de sélection, l'employeur est tenu de remettre au candidat qui le demande une attestation mentionnant les date et heure auxquelles il s'est présenté ainsi sue, le cas échéant, le motif pour lequel il n'a pas été engagé.

3. Remise des documents

Art. 5. Lorsqu'un candidat n'est pas retenu, l'employeur met à la disposition de celui-ci pendant un délai raisonnable, les documents joints à sa candidature.

4. Remise des documents timbrés et certifiés conformes

Art. 6. La remise de copies de diplômes, de certificats, d'attestations et d'autres documents, timbrées et certifiées conformes ne peut être exigée par l'employeur qu'à l'issue de la procédure de sélection.

CHAPITRE IV

Engagements des parties signataires
quant au respect des règles
de conduite relatives au recrutement et à la sélection

Art. 7. Les parties signataires s'engagent à user de leur autorité auprès de leurs membres afin qu'ils respectent, en matière de recrutement et de sélection, les règles de conduite telles qu'elles sont déterminées dans les articles 8 à 18.

1. Information du candidat

Art. 8. L'employeur fournit aux candidats des informations suffisantes concernant l'emploi qu'il offre.

L'offre d'emploi doit contenir les indications suivantes :

­ la nature de la fonction;

­ les exigences posées pour l'exercice de la fonction;

­ le lieu où la fonction doit être exercée, sauf si celui-ci ne peut être fixé d'avance ou s'il s'agit de fonctions qui ne sont pas liées à un lieu de travail déterminé;

­ le cas échéant, l'intention de constituer une réserve de recrutement;

­ le mode de postulation.

Art. 9. Les candidats qui répondent aux exigences de la fonction mentionnées dans l'offre d'emploi mais dont la candidature n'a pas été retenue, sont informés par l'employeur, dans un délai raisonnable et par écrit, de la décision prise à leur égard.

Art. 10. [Abrogé par convention collective nº 38ter du 17 juillet 1998, article 5, rendue obligatoire par l'arrêté royal du 8 octobre 1998.]

3. Respect de la vie privée

Art. 11. La vie privée des candidats doit être respectée lors de la procédure de sélection. Cela implique que des questions sur la vie privée ne se justifient que si elles sont pertinentes en raison de la nature et des conditions d'exercice de la fonction.

4. Traitement confidentiel des données

Art. 12. Toutes les informations concernant le candidat sont traitées de manière confidentielle par l'employeur.

5. Devoirs du candidat

Art. 13. Le candidat est tenu de collaborer de bonne foi à la procédure de sélection et de fournir toutes les données nécessaires quant à son passé professionnel et aux études qu'il a effectuées, lorsqu'elles ont un rapport avec la nature et les conditions d'exercice de la fonction.

Art. 14. Le candidat s'abstiendra de divulguer des données confidentielles dont il pourrait avoir connaissance à l'occasion de la procédure de recrutement et de sélection.

6. Durée de la procédure de sélection

Art. 15. La procédure de sélection doit se dérouler dans un délai raisonnable.

7. Travail à l'essai

Art. 16. Si la procédure de sélection comprend des travaux productifs à titre d'épreuve pratique, ceux-ci ne peuvent durer plus longtemps qu'il n'est nécessaire pour tester les capacités du candidat.

8. Frais de déplacement

Art. 17. L'employeur organise la sélection de telle sorte que les déplacements des candidats soient limités dans la mesure du possible.

9. Offres d'emplois à des fins publicitaires

Art. 18. L'offre d'emplois fictifs à des fins publicitaires n'est pas autorisée.

CHAPITRE V

Durée, révision et dénonciation

Art. 19. La présente convention est conclue pour une période indéterminée.

Elle pourra être révisée ou dénoncée à la demande de la partie la plus diligente, moyennant un préavis de six mois.

L'organisation qui prend l'initiative de la révision ou de la dénonciation doit en indiquer les motifs et déposer des propositions d'amendements; les autres organisations s'engagent à les discuter au sein du Conseil national du travail dans le délai d'un mois de leur réception.


(1) Il s'agit d'une Traduction libre, non officielle.

(2) JO C 177 E du 27 juin 2000, p. 42.

(3) Avis rendu le 12 octobre 2000 (non encore paru au Journal officiel).

(4) JO C 204 du 18 juillet 2000, p. 82.

(5) JO C 226 du 8 août 2000, p. 1.

(6) JO L 39 du 14 février 1976, p. 40.

(7) JO L 180 du 19 juli 2000, p. 22.

(8) JO L 225 du 12 août 1986, p. 43.

(9) JO C 186 du 2 juillet 1999, p. 3.

(10) Non encore publiée au Journal officiel.

(11) Avis rendu le 18 mai 2000 (non encore publié au Journal officiel).

(12) Avis rendu le 12 avril 2000 (non encore publié au Journal officiel).

(13) Avis rendu le 31 mai 2000 (non encore publié au Journal officiel).

(14) JO L 185 du 24 juillet 1996, p. 5.