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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 6 DÉCEMBRE 2001 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Demande d'explications de M. Francis Poty au ministre de l'Économie et de la Recherche scientifique, chargé de la Politique des grandes villes, sur «le calcul des primes d'accroissement et de fidélité sur les livrets et les comptes d'épargne» (n° 2-615)

M. Francis Poty (PS). - Les livrets et comptes d'épargne constituent une part importante de l'épargne en Belgique. Les organismes financiers se doivent d'être particulièrement précis en matière de taux d'intérêts ; la transparence affirmée par tous est à ce prix.

Malheureusement, la lecture attentive des brochures d'information et des publicités de nombreuses banques laisse à nouveau apparaître un manque total de clarté préjudiciable aux titulaires de comptes ; c'est particulièrement le cas pour les critères liés au bénéfice des primes d'accroissement et de fidélité. J'ai pu constater que certaines banques en tiraient un évident profit.

Quel est donc le problème ?

L'arrêté royal du 31 décembre 1999 modifiant celui de 1992 précise les dispositions fiscales à remplir pour bénéficier de l'exemption du précompte mobilier sur les comptes d'épargne ; il fixe aussi les nouvelles dates de valeur (J+1, J-7 maximum calendrier) de calcul des taux d'intérêts de base - cette modification a fait suite, qu'il me soit permis de le souligner, à l'intervention que j'ai faite, à l'époque, auprès du ministre Reynders. Cependant, d'anciennes dispositions restent d'application pour les taux de croissance et de fidélité dont le calcul s'effectue par quinzaine. « La prime de fidélité et la prime d'accroissement s'appliquent pro rata temporis, par période indivise fixe d'un demi mois au moins ». Le maintien de cette phrase est-elle le fruit d'un oubli ? En tout cas, elle engendre une grande confusion et de nombreuses disparités dans le mode de calcul des intérêts. La transparence n'y trouve pas son compte.

En effet, certains organismes financiers ont modelé le calcul des intérêts des primes d'accroissement et de fidélité sur celui des primes de base en matière de dates de valeur ; c'est positif pour le client, mais illégal ! Certains appliquent les dispositions légales. D'autres encore utilisent largement à leur avantage la disposition de l'arrêté royal qui prévoit que « la période au cours de laquelle cet accroissement doit être maintenu pour l'obtention de la prime d'accroissement ne peut être inférieure à six mois ».

Ainsi, une banque qui offre actuellement une prime d'accroissement de 2% considère que les six mois en question ne commencent que le premier jour du premier semestre qui suit, et elle applique en outre le système des dates de valeur prévu pour les taux de base ; par conséquent, un placement réalisé le 23 novembre 2001, par exemple, ne pourra être retiré avant le 08 juillet 2002 sous peine de perdre la totalité de la prime d'accroissement ; il sera de fait immobilisé sept mois et demi. Avec de telles dispositions, ce délai peut alors dépasser neuf mois, voire douze mois, selon la date de dépôt.

Dans leur grande majorité, les clients ignorent tout de ces dispositions pourtant essentielles, à savoir que des dates de valeur différentes sont appliquées selon le bon plaisir des banques, six mois de dépôt minimum pour l'accroissement, onze ou douze mois pour la fidélité.

Il me paraît indispensable que le client soit informé des conditions imposées par la loi et, en particulier, qu'il sache que tout retrait réalisé avant le terme imposé par la banque annule la prime. Il me paraît impérieux donc de rappeler clairement le délai prévu par l'arrêté royal. Dans bien des cas, il apparaît plus intéressant de placer son argent sur un compte à terme renouvelé automatiquement tous les quinze jours, les mois, les trois mois... ce qui rapporte plus que l'intérêt de base. Mais je suis convaincu que, de cela, le client n'en a nulle conscience.

Monsieur le ministre, la loi vous autorise à imposer aux banques l'obligation d'informer. Il est manifeste que cette information est quasi nulle en matière de taux d'intérêts sur compte épargne, si ce n'est à faire miroiter les seuls taux d'intérêts faciaux. Plus grave, la loi n'est pas toujours correctement appliquée et respectée.

Quelles dispositions comptez-vous prendre pour rencontrer et apporter des solutions à ce problème lié à vos compétences ?

Pouvez-vous aussi intervenir auprès de votre collègue des Finances afin que, d'une part, le système des dates de valeur taux de base s'applique aux taux d'accroissement et de fidélité et que, d'autre part, la période de maintien de la somme déposée sur compte pour bénéficier de la prime d'accroissement débute en J+1 et se termine après 180 jours-calendrier, étant entendu que, pour la prime de fidélité, elle débute en J+1 et se termine après 365 jours-calendrier renouvelables.

Plus de lisibilité et de transparence ne peuvent que profiter à l'épargnant et aviver la concurrence bancaire sur la base de dispositions légales identiques pour tous.

M. Charles Picqué, ministre de l'Économie et de la Recherche scientifique, chargé de la Politique des grandes villes. - Je partage l'analyse qui a été faite par M. Poty.

Sur la base des éléments dont je dispose actuellement, il m'apparaît que cette matière relève de l'arrêté du ministre des Finances du 31 décembre 1999 réglant, d'une part, les « dates valeur » et, d'autre part, l'information des conditions de rémunération des dépôts d'épargne dans la publicité.

La loi de 1998 évoque l'obligation d'information quant aux intérêts débiteurs dus sur les comptes ouverts auprès des établissements de crédit ou d'autres personnes morales.

Cette loi n'autorise pas le Roi à étendre son champ d'application. C'est à ce niveau que nous devrions examiner quel est le meilleur outil pour rencontrer votre préoccupation.

Comme vous, j'estime qu'il faut clarifier les relations entre les banquiers et les épargnants. Je vous soufflerai d'ailleurs quelques bonnes questions à poser aux banquiers en la matière !

Le siège de la matière se trouvant dans l'arrêté de 1999, il me semble plus utile, à ce stade, de modifier cet arrêté plutôt que de modifier la loi qui ne touche pas directement à ce type de produit financier, à savoir les primes d'accroissement et de fidélité.

Je transmettrai votre question à mon collègue des Finances en lui demandant son avis et, ensuite, nous nous concerterons à ce sujet. Agir sur la base de l'arrêté du 31 décembre 1999 serait une économie de temps et correspondrait mieux à votre préoccupation du fait du champ d'application de cet arrêté.

M. Francis Poty (PS). - Je remercie le ministre de l'Économie. Il est vrai qu'en la matière, la frontière entre les compétences du ministre des Finances et celles du ministre de l'Économie est un peu floue. Quoi qu'il en soit, la réponse de M. Picqué me permettra de poursuivre le combat. Je suis heureux qu'il appuie l'objet de mon intervention auprès de son collègue. En ce qui me concerne, je ne manquerai pas déposer prochainement une demande d'explications adressée au ministre des Finances. J'espère qu'elle recevra, elle aussi, un accueil intéressé et favorable.

-L'incident est clos.

M. le président. - L'ordre du jour de la présente séance est ainsi épuisé.

Les prochaines séances auront lieu le jeudi 13 décembre 2001 à 10 h, à 15 h et à 19 h.

(La séance est levée à 18 h 45.)