2-161

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Belgische Senaat

Handelingen

DONDERDAG 29 NOVEMBER 2001 - NAMIDDAGVERGADERING

(Vervolg)

Vraag om uitleg van de heer Alain Destexhe aan de minister van Consumentenzaken, Volksgezondheid en Leefmilieu over «de Cidex-crisis» (nr. 2-604)

M. Alain Destexhe (PRL-FDF-MCC). - Ma dernière interpellation sur le Cidex remonte au 19 avril 2001. Je m'étais, à l'époque, inquiété de la date à laquelle nous allions recevoir le rapport définitif qui était attendu pour la fin du mois d'avril. Depuis lors, madame la ministre, vous avez transmis une copie néerlandaise de ce rapport à la commission des Affaires sociales.

Que doivent faire les patients pour lesquels le comité d'experts conclut qu'un lien avec le Cidex ne peut être exclu ? L'existence d'une possibilité de contamination est-elle suffisante pour être indemnisé ? Comment les personnes seront-elles indemnisées ? Sur quelles bases ? Comme il est prouvé qu'il y a eu au moins quelques cas où ce lien ne peut être exclu et que, par ailleurs, plusieurs personnes ont été mises sous chimioprophylaxie antituberculeuse, ne pensez-vous pas que cela justifie la recherche active des plus de 10.000 personnes qui ne se sont pas présentées aux tests ? Enfin, quelles leçons tirez-vous de cette crise ?

Mme Magda Aelvoet, ministre de la Protection de la consommation, de la Santé publique et de l'Environnement. - Le rapport définitif, en version néerlandaise, a été remis aux présidents de la commission des Affaires sociales du Sénat et de la Commission de la Santé publique de la Chambre. Ce rapport, qui attendait encore les dernières remarques de quelques spécialistes universitaires, a été envoyé au cabinet le 31 octobre, soit après la présentation des résultats au séminaire scientifique de l'Institut de Santé publique auquel vous avez pu participer. Le retard est manifeste mais néanmoins compréhensible dans la mesure où l'Institut a dû contacter tous les hôpitaux, attendre leur envoi, encoder les données et les analyser. Je ne connais pas d'enquête épidémiologique portant sur 34.870 patients et 84 sites hospitaliers qui ait été terminée et publiée en une année.

Les experts nommés pour l'analyse des dossiers individuels sont par définition indépendants et il n'est pas dans mes prérogatives d'interférer dans leur travail. J'attends donc, comme vous, avec impatience leur rapport mais je ne tiens nullement à les enjoindre d'accélérer leurs travaux. Les experts ont été désignés pour établir un degré de probabilité entre l'incident Cidex et les infections constatées. Il a été proposé, dès le début, que le doute devait profiter au malade et les experts en tiendront compte. Il est à remarquer que ces derniers ne pourront se prononcer formellement que sur les cas exclus. C'est uniquement si l'on constate qu'il n'existe aucun rapport entre un problème et l'affaire Cidex qu'ils pourront être formels, étant donné qu'on ne dispose jamais de la preuve scientifique manifeste. Mais le mandat que les experts ont reçu est très clair et je suis sûre que chaque cas considéré comme probable sera reconnu.

Une probabilité de relation de cause à effets doit donc profiter au patient. Ce dernier devra discuter d'une transaction avec la firme Johnson & Johnson, responsable des événements qui se sont produits. En tant que ministre de la Santé publique, je ne peux intervenir dans ce processus individuel d'autant plus que des actions judiciaires sont en cours.

L'inspection pharmaceutique a déposé une plainte contre la firme et plusieurs personnes se sentant lésées ont entamé une action en justice. Le recours des personnes éventuellement déboutées par le panel d'experts reste possible, à moins que la firme Johnson & Johnson ne décide de proposer une transaction. Toutefois, je peux vous dire que, suite à des contacts entre mon cabinet et la firme incriminée, il semble que celle-ci soit prête à proposer, en plus d'une transaction financière, une assurance privée à vie de soins de santé qui permettrait aux patients, probablement atteints à la suite de l'emploi du désinfectant déficient et dont on ne peut connaître l'évolution de la maladie, d'être pris totalement en charge pour le traitement de ces affections.

En ce qui concerne la tuberculose, je tiens à vous rappeler les faits suivants : en fonction des règles hospitalières, en dehors de tout contexte Cidex, les patients ayant subit une fibroscopie avec un matériel ayant été utilisé le même jour chez un patient chez lequel on a trouvé des bacilles tuberculeux sont automatiquement rappelés pour s'assurer qu'ils ne présentent pas une primo-infection tuberculeuse. Sur 102 patients rappelés, 7 personnes ont présenté une induration cutanée signalant un contact ancien ou récent avec le bacille et ont été soumis par précaution à une chimioprophylaxie anti-tuberculeuse. Cette primo-infection, qui aurait dû en fait nécessiter deux intradermo-réactions espacées dans le temps, la première négative et la deuxième positive, pour révéler un virage et donc une vraie primo-infection récente, ne démontre aucun lien de causalité, mais la coïncidence dans le temps plaidera pour eux. Pour le reste, je vous signale que les communautés flamande et française ont des structures performantes, la VRGT et la FARES, pour la détection de la maladie. Les 10.000 personnes qui ne se sont pas présentées aux tests ne peuvent être recherchées dans le registre national. Soit ils guériront de leur primo-infection dans la grande majorité des cas, soit ils seront détectés, au même titre que les autres patients, par ces structures de soins préventifs ou par leur médecin.

Trois leçons majeures peuvent être tirées de cette crise. La première concerne la mise en place éventuelle d'un call center, comme demandé par le collectif ; on aurait ainsi pu répondre à l'angoisse de certains patients. Cette procédure assez lourde et chère pourrait servir pour d'autres événements. Cela dit, je précise qu'à l'époque, nous ne disposions pas de données suffisantes pour mettre en place un tel centre. Vu le nombre de personnes concernées, nous nous sommes rendu compte a posteriori qu'il aurait pu être un instrument utile.

La crise actuelle relative à la poudre à l'anthrax est parfaitement gérée par la cellule vigilance du ministère, laquelle répond à toutes les questions des citoyens et un call center à destination des acteurs du terrain, surtout de la police, a donné de très bons résultats.

Toujours en ce qui concerne la communication, je tiens à signaler à l'honorable membre que ce n'est pas en organisant des conférences de presse à huis clos dans la maison des représentants que vous me donnerez des leçons.

La deuxième leçon concerne la standardisation des tests diagnostiques. À une échelle aussi importante et pour des infections aussi complexes, il aurait peut-être fallu assurer une collecte et une analyse centralisées afin de diminuer le nombre des cas incertains suite à la non-comparabilité des résultats.

Toutefois, la situation à laquelle nous étions confrontés exigeait une réponse rapide vis-à-vis d'un groupe de personnes dont le ministère ne possédait pas les noms et que seules les structures hospitalières, qui les avaient reçus en premier lieu, pouvaient contacter.

C'est dans un souci de rapidité que nous avons procédé de la sorte.

À l'avenir, je suis convaincue qu'il faudra toujours associer un expert des phénomènes psychosociaux de masse au processus de gestion de crises similaires. En effet, aux infections liées au Cidex est venue se greffer une certaine panique observée à certains endroits mais pas à d'autres. Il me semble donc possible de répondre aux angoisses légitimes du public par des moyens appropriés.

Enfin, monsieur Destexhe, ce qui m'a heurtée, c'est qu'on a voulu faire croire que j'ai agi en connivence avec la firme Johnson & Johnson.

L'Inspection pharmaceutique a introduit un recours en justice contre cette firme. Est-ce de la connivence ?

On a exigé que la firme Johnson & Johnson rembourse les frais de déplacement des patients et les analyses médicales. Est-ce de la connivence ?

Un groupe d'experts indépendants qui travaille au sein de l'Institut de Santé publique sans aucun lien avec la firme Johnson & Johnson a été mis sur pied pour réaliser une analyse objective des dossiers et agir dans l'intérêt des patients. Est-ce de la connivence ?

M. Alain Destexhe (PRL-FDF-MCC). - Je n'avais pas l'intention de réagir mais la dernière remarque de la ministre me force à faire un petit commentaire.

Tout d'abord, je ne pense pas que le mot « connivence » ait été utilisé. C'est un mot extrêmement fort. Toutefois, il est exact que le collectif et moi-même avons ressenti, à un certain moment, qu'il y avait non pas une connivence, madame la ministre, mais une volonté similaire, perçue à la fois chez Johnson & Johnson et au sein du ministère, de régler le problème sur la base de cas strictement individuels au lieu de proposer une procédure de type collectif.

La réponse que vous me faites aujourd'hui me confirme dans cette opinion. Les faits se sont passés il y a 18 mois. Un comité d'experts a été désigné mais, comme vous venez de le dire, par après, c'est la firme Johnson & Johnson qui décidera individuellement de ce qu'elle voudra bien accorder. Les personnes concernées ne disposent d'aucune information à ce sujet.

Johnson & Johnson disent qu'ils vont indemniser. Aujourd'hui, on apprend qu'il y aura une somme et une assurance.

Le collectif et moi-même aurions souhaité savoir de quelle manière une personne qui sera positive pour l'hépatite C et pour qui le comité d'experts dira qu'un lien n'est pas exclu sera indemnisée.

Même si la firme Johnson & Johnson est responsable, le ministère aurait pu servir d'intermédiaire au nom des citoyens.

Qu'est-ce que ce collectif ? Ce sont des citoyens qui sont répartis dans toute la Wallonie et dans tout Bruxelles, des gens qui n'ont pas toujours fait des études universitaires et qui se retrouvent seuls face à la machine qu'est la multinationale Johnson & Johnson qui essaye de les traiter individuellement. D'ailleurs, on remarque déjà des écarts importants dans ce que les uns et les autres obtiennent de la part de Johnson & Johnson en fonction de ce qu'ils demandent : s'ils demandent peu, ils reçoivent peu, s'ils demandent plus, ils reçoivent plus.

Je ne pense pas avoir employé le mot « connivence ». Si vous pensez que je l'ai fait, il faudrait retrouver le mot ; il s'agit plutôt de l'impression que l'on veut traiter le dossier sous une forme individuelle au lieu de proposer une approche globale. Rien n'a été prévu non plus pour le dommage moral - que Johnson & Johnson n'accepte absolument pas aujourd'hui - pour ceux qui n'ont pas été contaminés mais qui ont quand même subi des conséquences importantes à cause de l'affaire du Cidex.

Mme Magda Aelvoet, ministre de la Protection de la consommation, de la Santé publique et de l'Environnement. - Je ne souhaite pas poursuivre la polémique, mais j'aimerais formuler quelques observations supplémentaires.

Durant la conférence de presse de la semaine dernière, on a encore fait la publicité d'un certain livre dans lequel le mot « connivence » est utilisé, monsieur Destexhe.

On peut toujours dire, après coup, qu'on aurait pu agir différemment, mais je souhaite quant à moi améliorer la situation et non me limiter à défendre les décisions prises sur la base des connaissances que nous avions au moment même. Toujours est-il que l'étude épidémiologique - collective et non individuelle - a été élaborée en Belgique, et non aux Pays-Bas où le même problème s'est pourtant présenté. Nous avons donc réalisé un investissement incomparable en la matière.

Pour ce qui est du comité des experts, nous sommes allés très loin. Je ne pouvais m'appuyer sur aucune base légale pour agir comme nous l'avons fait, dans l'attente qu'un certain nombre d'éléments relatifs à la responsabilité - fault, no fault, etc. - soient mieux organisés en Belgique. Mais, de toute façon, le fait qu'un groupe d'experts indépendants, extérieur à la firme Johnson & Johnson, se penche sur les dossiers me semble particulièrement positif. Ce travail confirmera la position des individus qui, sinon, auraient été confrontés à de grandes difficultés et auraient dû dépenser beaucoup d'argent pour faire valoir leurs droits. Nous exigeons, bien entendu, le paiement de ces experts, mais au travers de l'ISP, de façon à ce qu'ils ne puissent en aucune manière être influencés par la firme en question. C'est un service dont d'autres responsables du monde médical confrontés à certaines difficultés n'ont pas pu bénéficier dans ce pays.

Enfin, j'avais fait une promesse à la Chambre, puisque c'est là que le problème a été soulevé pour la première fois : une révision du système des dispositifs médicaux, qui ne font plus partie du secteur le plus contrôlé, à savoir celui des médicaments. Auparavant, un désinfectant comme le Cidex appartenait au groupe des médicaments. Le 15 novembre, lors de la réunion des ministres de la Santé publique de l'Union européenne, les commissaires nous ont livré un état de la situation. Ils nous ont confié qu'ils étaient en train, à la demande de la Belgique, de revoir les systèmes de contrôle relatifs aux dispositifs médicaux ; ces systèmes ne sont pas aussi stricts que ceux qui concernent, par exemple, les médicaments. Leur travail n'est pas encore terminé, mais c'est donc grâce à la Belgique que le contrôle de firmes telles que Johnson & Johnson sera revu, lorsque celles-ci produisent non des médicaments, mais des dispositifs médicaux, lesquels peuvent quand même avoir un impact direct et tout à fait considérable sur la santé des citoyens.

La Belgique compte donc à son actif une démarche effectuée pour l'ensemble des États de l'Union et qui, à mon sens, renforcera la position des patients.

-Het incident is gesloten.