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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 18 OCTOBRE 2001 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Demande d'explications de M. Olivier de Clippele à la ministre adjointe au ministre des Affaires étrangères, chargée de l'Agriculture, sur «la fixation des fermages des terres et des bâtiments agricoles» (n° 2-565)

M. le président. - M. Rik Daems, ministre des Télécommunications et des Entreprises et Participations publiques, chargé des Classes moyennes, répondra au nom de Mme Neyts-Uyttebroeck, ministre adjointe au ministre des Affaires étrangères, chargée de l'Agriculture.

M. Olivier de Clippele (PRL-FDF-MCC). - Vu l'heure tardive, je résumerai ma demande d'explications. J'interroge la ministre adjointe au ministre des Affaires étrangères parce que j'ai appris qu'elle était chargée de la composition des commissions de fermage.

Ces commissions vont se réunir la semaine prochaine pour fixer le fermage qui sera pratiqué pour les baux agricoles des trois années qui suivent la publication de ce fermage au Moniteur belge. Ces fermages, selon la loi, doivent suivre l'évolution de la rentabilité moyenne des exploitations agricoles.

J'ai trois préoccupations à ce sujet. J'aimerais savoir comment la ministre a désigné les membres représentant les locataires et ceux représentant les propriétaires bailleurs dans ces commissions. Cela se fait toujours au dernier moment. Ces personnes, mais surtout les membres représentant les propriétaires, ne font pas partie d'une organisation rompue à ce genre de négociation. C'est donc au dernier moment que ces propriétaires se retrouvent, sans même se connaître entre eux, avec le représentant du ministère de l'agriculture pour négocier les fermages.

J'aimerais savoir aussi si vous les avez prévenus suffisamment à temps et quelle fut l'information transmise aux différentes parties. Je crois, en effet, que cette information n'était pas correcte en ce sens que l'évolution des fermages et celle des prix de vente des terres agricoles libres sont très différentes et qu'elles ne correspondent pas à ce qui est communiqué aux membres de ces commissions. Il n'est pas normal qu'en quelques années, en Hesbaye, par exemple, les prix de vente des terres agricoles libres d'occupation ont augmenté de soixante à quatre-vingt pourcents alors que, dans la même période, les fermages n'augmenteraient que de cinq à six pour cent. Ce n'est pas justifié économiquement. J'aurais voulu avoir votre sentiment au sujet de ces informations.

Ma deuxième préoccupation concerne la rentabilité des exploitations agricoles. Quand on a un système de blocage des loyers, donc un blocage des fermages, que se passe-t-il ? Tout d'abord le prix de vente des terres agricoles devient très élevé parce que ce sont les seules terres disponibles pour les entreprises qui veulent s'agrandir et pour les jeunes entrepreneurs qui veulent commencer. Ensuite, si vous avez l'intention de reprendre une terre à un propriétaire bailleur, vous allez payer un droit d'accès au bail, le « chapeau ». Pas plus tard qu'il y a deux jours, j'ai encore rencontré une personne qui m'a confié avoir payé un « chapeau » de 250.000 francs par hectare. Quand on sait que le fermage de ces terres était de 8,000 francs par hectare, vous vous rendez compte que ce fermage bloqué ne correspond plus du tout à la réalité économique. Cela a comme inconvénient que les agriculteurs doivent mobiliser de l'argent d'une façon ou d'une autre et qu'en outre, pour pouvoir s'étendre, il est nécessaire de s'endetter en achetant des terres libres d'occupation à des prix très élevés.

La troisième problématique est celle de la fiscalité. Le même revenu est taxé au niveau de quatre entités politiques : les Régions, les communes, les provinces et l'État fédéral. Cette taxation ne fait qu'augmenter. Les revenus cadastraux sont indexés mais nous savons en outre que les communes, certainement au lendemain des élections communales d'octobre 2000, augmentent les additionnels communaux au précompte immobilier et que les provinces s'y mettent aussi.

Le propriétaire se retrouve dans un carcan : d'une part, il a un fermage qui est limité par la loi et, d'autre part, il a une fiscalité qui ne fait qu'augmenter, sans compter que les propriétaires de biens immobiliers ne peuvent faire de dons manuels de leurs terres et qu'ils sont passibles des droits de succession, lesquels sont particulièrement élevés, certainement si les prix de vente s'élèvent. Ils sont donc pris dans un cercle vicieux, tout comme le jeune agriculteur ou l'agriculteur qui veut étendre ses terres.

J'aurais voulu savoir si, à l'avenir, il ne serait pas possible de ne plus organiser les commissions de fermage par province mais bien par Région. Je crois que c'est de nature à restaurer un meilleur équilibre entre les propriétaires bailleurs et les locataires de terres agricoles.

M. Rik Daems, ministre des Télécommunications et des Entreprises et Participations publiques, chargé des Classes moyennes. - Je donne lecture de la réponse préparée par Mme Neyts.

La composition des commissions des fermages est prévue, d'une part, par la loi du 4 novembre 1969 limitant les fermages, modifiée par les lois des 19 juillet 1979, 10 mars 1983 et 7 novembre 1988 et, d'autre part, par l'arrêté royal du 11 septembre 1989 relatif aux commissions des fermages, modifié par les arrêtés royaux des 24 novembre 1989, 29 septembre 1992, 24 octobre 1995 et 20 janvier 1998.

Les dispositions légales précitées prévoient une composition paritaire de trois preneurs et trois propriétaires fonciers, la présidence et le secrétariat étant assumés par des fonctionnaires du département de l'Agriculture.

Les dispositions réglementaires précitées prévoient que les trois membres propriétaires fonciers des commissions des fermages sont nommés par arrêté royal sur une liste de six candidats présentée par la Fédération royale des notaires de Belgique. Les trois membres preneurs sont nommés par arrêté royal sur une liste de six candidats présentée par les chambres provinciales d'agriculture.

Les services du ministère des Classes moyennes et de l'Agriculture ont organisé une information, d'une part, des organisations professionnelles agricoles et, d'autre part, des organisations des propriétaires dans le cadre de la préparation des travaux des commissions des fermages. Ainsi, les organisations des propriétaires et des représentants des propriétaires ont été invités à une réunion d'information tenue le 28 septembre 2001. Les commissions se réuniront entre le 22 octobre 2001 et le 27 novembre 2001. Tous les membres effectifs ou suppléants des commissions des fermages ont reçu, début octobre 2001, une note et un dossier en préparation des travaux de chaque commission.

Tous les arrêtés royaux composant les commissions provinciales des fermages sont intervenus entre le 5 septembre 2001 et le 1er octobre 2001. La publication au Moniteur belge de ces arrêtés royaux a eu lieu à partir du 4 octobre 2001. Les représentants des preneurs et des bailleurs ont été informés par lettre envoyée par mes services début octobre.

Il est préférable de maintenir l'organisation des commissions des fermages par province. En effet, les membres d'une commission provinciale connaissent bien la rentabilité des exploitations agricoles dans chacune des régions agricoles de leur province. Une organisation par Région réunirait des représentants de régions agricoles très différentes et, parfois, très éloignées.

Quant à la rentabilité des terres agricoles, le législateur n'a pas retenu la valeur vénale des terres agricoles pour la détermination des fermages. Une étude au sujet de l'évolution du prix de vente des terres agricoles et de leur influence sur la rentabilité des exploitations n'a dès lors pas été commandée.

Dans l'étude de l'évolution de la rentabilité des exploitations agricoles dans les différentes régions agricoles établie avec la collaboration du Centre d'économie agricole, il est tenu compte de la rentabilité d'exploitations professionnelles représentatives et, dès lors, notamment des régimes d'aide et du prix de vente du bétail.

L'expérience démontre que la tendance des propriétaires à exploiter en faire-valoir direct ou à vendre les terres en investissant dans des secteurs industriels ou dans des nouvelles technologies ne donne pas nécessairement un meilleur rendement.

Quant à la fiscalité à charge du propriétaire, le législateur ne l'a pas retenue pour la détermination des fermages. Il est à noter que le régime fiscal du propriétaire de biens soumis à la législation sur le bail à ferme a été sensiblement amélioré dans le cadre des impôts sur les revenus par la loi du 7 novembre 1988 et la loi du 13 mai 1999.

Quant à la discrimination pour les bâtiments de ferme, depuis la modification de la législation sur le bail à ferme par la loi du 7 novembre 1988, une amélioration sensible du régime des fermages des bâtiments agricoles a été réalisée. En effet, avant cette loi, le fermage des bâtiments était limité au revenu cadastral augmenté de deux tiers. Depuis la loi, le revenu cadastral est multiplié par un coefficient fixé tous les trois ans par une commission où les propriétaires sont représentés paritairement.

Quant à la mission du ministère, je ne compte pas prendre des initiatives en matière de nouvelle législation sur le bail à ferme. Dans le passé, les initiatives dans ce domaine émanaient généralement du Parlement. Toutefois, si des initiatives parlementaires devaient être prises, je ne manquerais pas d'entendre aussi les représentants des propriétaires.

Ma collègue, Mme Neyts, m'a prié de vous dire qu'elle était tout à fait disposée à travailler avec vous pour rechercher une solution à certains problèmes que vous avez mentionnés.

M. Olivier de Clippele (PRL-FDF-MCC). - Je vous remercie de toutes ces explications. Fondamentalement, il subsiste malgré tout un problème, à savoir que le fonctionnement des commissions de fermages n'est pas satisfaisant. Quand on voit que certains prix, payés en dessous de la table, atteignent des sommes telles que je les ai citées - et je crois que personne ne le contredira -, c'est qu'il y a un problème dans le fonctionnement de ces commissions de fermages.

Les informations fournies par l'étude ne sont pas complètes et les représentants de propriétaires ne sont pas outillés pour faire une étude qui irait « énerver » l'argumentation établie par le ministère de l'Agriculture. Enfin, un agriculteur locataire qui sous-loue sa terre, le fait généralement au double du fermage. C'est donc bien l'indication que le prix du fermage officiel ne correspond pas au prix que d'autres locataires agriculteurs sont prêts à payer.

-L'incident est clos.

M. le président. - L'ordre du jour de la présente séance est ainsi épuisé.

Les prochaines séances auront lieu le mardi 23 octobre 2001 à 10 h et à 14 h.

(La séance est levée à 20 h 00.)