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Mme Clotilde Nyssens (PSC). - À la lecture du témoignage d'une personne kazakhe d'origine russe, dont la demande d'asile a été déclarée irrecevable par l'Office des étrangers le 7 novembre 2000, j'ai pris connaissance de l'étroite collaboration qui existerait entre l'Office et les services de sécurité et de renseignement du Kazakhstan. Cela me préoccupe.
Outre les conditions déplorables dans lesquelles s'est déroulé son entretien au CGRA, le fait que cette personne n'aurait même pas reçu copie de la décision confirmant le refus et les circonstances attentatoires à la dignité humaine de sa détention au centre fermé de Bruges, il ressort de l'audition de cette personne effectuée dans le cadre d'une requête introduite à la Cour de Strasbourg que cette collaboration entre autorités belges et kazakhes dans une procédure d'éloignement se serait manifestée sous un triple aspect :
Il semblerait que les services de sécurité kazakhes aient eu accès au centre fermé de Bruges et donc que des autorités étrangères aient pu avec la permission de l'Office des étrangers interroger des demandeurs d'asile, en Belgique, dans un centre fermé.
Au surplus, des photos d'identité des demandeurs d'asile auraient été prises lors de cette visite en vue de leur éloignement et auraient été transmises aux autorités kazakhes. Ces photos ont notamment servi pour des documents fournis à ces demandeurs d'asile qui ont été éloignés de notre territoire et renvoyés au Kazakhstan. Leurs documents de voyage et, surtout, ceux qu'ils auraient reçu à leur arrivée dans ce pays, contenaient précisément les photos prises par les services de renseignement et de sécurité kazakhes au centre fermé de Bruges.
Enfin, les autorités kazakhes auraient eu accès au dossier de demandes d'asile introduites par les personnes concernées. Or, si ces personnes ont demandé l'asile, c'est qu'elles estiment avoir des craintes vis-à-vis des autorités de leur pays d'origine. Il ressort également de divers témoignages que les personnes éloignées de la Belgique le 6 janvier 2001 vers le Kazakhstan ont été, dès leur arrivée, harcelées par les autorités policières kazakhes à propos des motifs de leur demande d'asile, précisément parce que ces autorités policières avaient eu accès à leur dossier en Belgique.
Je voudrais poser au ministre deux questions : Confirme-t-il la réalité de ces faits ? Dans l'affirmative, sur quelle base juridique repose la collaboration entre les autorités belges et celles du Kazakhstan ?
Cette question est importante du point de vue du droit.
M. Antoine Duquesne, ministre de l'Intérieur. - Dans le cadre de l'éloignement d'une personne en séjour illégal vers son pays d'origine, il est impératif d'obtenir la confirmation de ce pays qu'il s'agit bien d'un de ses ressortissants. Les laissez-passer ne sont octroyés qu'à cette condition. C'est en vue de cette identification que les autorités du pays concerné sont contactées.
Dans le cas des ressortissants kazakhs éloignés du territoire le 5 janvier 2001, une délégation a été envoyée en Belgique par ces autorités. Elle s'est rendue dans les centres fermés en vue de procéder à l'identification de ces personnes. Cette procédure est habituelle.
De plus, une photo d'identité est toujours exigée préalablement à la délivrance d'un laissez-passer, document de voyage indispensable pour pouvoir procéder à tout rapatriement.
Les autorités n'ont en aucun cas accès au dossier relatif à la demande d'asile des demandeurs d'asile déboutés. Il n'est même pas fait mention de l'existence d'une demande d'asile. Il ressort du rapport du fonctionnaire à l'immigration présent à l'aéroport d'Almati le 6 janvier 2001 que les personnes rapatriées ont passé le service de l'immigration sans le moindre contrôle et ont récupéré leurs bagages comme n'importe quel voyageur arrivant à bord d'un vol commercial.
Il faut aussi considérer l'autre volet des choses, et je dois vous dire, madame, que si l'on veut aller jusqu'au bout des politiques que l'on met en oeuvre et qui consistent à accueillir ceux qui ont un titre pour rester sur notre territoire, il faut aussi respecter l'État de droit. Ceux qui se trouvent en situation illégale sur notre territoire doivent être éloignés. Pour ce faire, il est possible d'avoir des accords de réadmission. J'oeuvre depuis deux ans à la signature de tels accords et ce n'est pas chose aisée. Dans l'attente de ces accords, on est obligé d'obtenir des laissez-passer de la part des pays de renvoi. Bien entendu, cela passe par un certain nombre de conditions légitimes. La première est que les autorités veulent vérifier qu'il s'agit bien de personnes originaires de leur pays et qu'elles en ont la nationalité.
La procédure résulte donc simplement d'un certain nombre de pratiques indispensables pour aller jusqu'au bout de politiques qui sont voulues, à savoir l'éloignement de ceux qui sont en situation illégale.
Mme Clotilde Nyssens (PSC). - Je remercie le ministre de sa réponse. Je ne mets pas en doute le processus d'éloignement, tel n'était pas l'objet de ma question. Je reste perplexe sur la manière dont les autorités auraient à apporter leur aide pour identifier les personnes. J'approfondirai en tout cas la question du respect des droits individuels et des garanties dans la manière très concrète dont l'identification des personnes a lieu, notamment dans ces centres.