Questions et Réponses

Sénat de Belgique


Bulletin 2-40

SESSION DE 2000-2001

Questions auxquelles il n'a pas été répondu dans le délai réglementaire
(Art. 66 du règlement du Sénat)

(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais


Ministre de la Justice

Question nº 1418 de M. Van Quickenborne du 10 juillet 2001 (N.) :
Opérations de blanchiment lors de l'introduction de l'euro. ­ Cellule de traitement des informations financières. ­ Application de la tactique HARM aux Pays-Bas. ­ Stratégie belge.

La loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux, également appelée loi de prévention, a pour objectif d'imposer à l'ensemble du secteur financier, d'une part, une obligation de déclaration et, d'autre part, une obligation de contrôle.

Lorsque les banques et autres institutions financières savent ou soupçonnent qu'une opération est liée au blanchiment de capitaux provenant d'activités de la grande criminalité, elles doivent en informer la Cellule de traitement des informations financières avant d'exécuter l'opération en question. Cette cellule examine ensuite les informations reçues. Dès que cet examen fait apparaître un indice sérieux de blanchiment de capitaux, ces informations sont transmises à la justice.

D'après le gouvernement, cette législation « sera aussi applicable dans le cadre du change des billets et pièces de monnaie libellés en francs belges contre des billets et pièces de monnaie libellés en euros ».

De plus, le gouvernement affirme que la réglementation est suffisante pour éviter les manoeuvres de blanchiment lors de l'introduction de l'euro. M. Evert-Jan Lammers, directeur de KPMG Forensic Services, attire toutefois l'attention sur les énormes volumes de transactions auxquels les banques et les institutions financières seront confrontées demain.

Le procureur général néerlandais D. Steenhuis s'attend lui aussi à ce que des criminels profitent de cet afflux qu'enregistreront les banques au cours des quatre premières semaines de l'introduction de l'euro.

Les Pays-Bas ont une législation contre le blanchiment d'argent qui est assez identique à celle que nous connaissons en Belgique. Dans le cadre de l'obligation de déclaration, les services néerlandais du BLOM, une unité de pointe destinée à soutenir les officiers de justice et du Bureau de signalement des transactions inhabituelles (MOT), ont développé une tactique de recherche particulière axée sur l'examen des flux financiers. Cette tactique correspond à ce que les Anglais appellent « Hit And Run Moneylaundering » ou encore tactique HARM.

Cette tactique commence lorsque l'institution financière fournit une information à propos d'une transaction projetée aux montants substantiels (transaction de change, transfert scriptural) mais sans disposer d'indication de provenance légale. Cette information entraîne l'ouverture d'une enquête sommaire dont l'objectif premier est de fournir des preuves d'un recel d'argent (blanchiment) et/ou d'infractions fiscales réprimées au pénal ou encore d'une fraude considérable aux subventions. Son objectif secondaire est de perturber les organisations criminelles. L'enquête HARM commence par la collecte d'informations dans les registres de police, sources publiques et autres registres. Son objectif est d'étayer les soupçons. Une équipe d'observation sera mise en place le plus rapidement possible après réception de l'information et, si les présomptions sont suffisantes, le téléphone du suspect sera mis sur écoute. L'enquête se concentre sur l'arrestation du transporteur des fonds et des éventuels accompagnateurs/donneurs d'ordre au moment ou peu après la transaction.

Dans des conditions idéales, l'enquête HARM permet de fournir un PV complet dans les 15 jours. Il est essentiel d'opérer rapidement dans un délai de 48 heures afin d'obtenir des résultats satisfaisants. Une affaire HARM est donc l'outil idéal pour asséner un bon « coup de gourdin » à des réseaux criminels et/ou à des criminels.

Cette tactique efficace a pour conséquence que l'on a constitué depuis peu des équipes HARM régionales (celle d'Amsterdam est en voie de création tandis que celle de Rotterdam est déjà opérationnelle).

Mais les choses n'en sont toutefois pas resté là. Compte tenu de l'important succès remporté par cette tactique, le BLOM et le Landelijk Parket ont pris l'initiative de créer un dispositif HARM national. En concertation avec les départements concernés et le conseil des commissaires en chef, il a été décidé de créer une équipe HARM nationale temporaire dans le cadre de l'approche globale du blanchiment lors de l'instauration de l'introduction de l'euro.

Le premier objectif de cette équipe centrale est de fournir un appui aux corps régionaux ainsi qu'aux autres services de recherche dans les enquêtes où peut être appliquée la tactique HARM. Cet appui en première instance fournira des informations permettant d'ouvrir une enquête, mais pourra aussi consister en une mise à disposition de ressources d'observation ou d'enquêteurs possédant une certaine expérience de la tactique HARM. Le deuxième objectif est d'effectuer de manière autonome des enquêtes HARM lorsque le régime ne dispose pas de personnel en suffisance ou que ces enquêtes dépassent les limites d'une région.

Il est essentiel de mettre en place une équipe le plus rapidement possible dès réception de l'information et, si possible, de mettre les conversations téléphoniques des suspects sur écoute. Dans la pratique il s'est par exemple avéré que les transactions de change sont déjà annoncées alors que les transactions de drogue qui les précèdent doivent encore avoir lieu. C'est pourquoi l'équipe HARM nationale dispose de son propre pilier opérationnel y compris au niveau du potentiel d'observation et que l'équipe HARM a son propre officier de justice qui peut donner l'autorisation d'effectuer les devoirs d'enquête précités. L'équipe HARM nationale dispose de collaborateurs expérimentés, qui ont accès à tous les registres de police, registres fiscaux et sources publiques du pays et qui sont en liaison avec les info-desks régionaux.

1. L'honorable ministre partage-t-il les préoccupations exprimées par le procureur général D. Steenhuis, par l'organisation « Groupe d'action financière sur le blanchiment de capital » (GAFI) et par M. Evert-Jan Lammers, directeur de KPMG Forensic Services, qui craignent que des criminels ne profitent de l'affluence dans les banques au cours des quatre première semaines de l'introduction de l'euro ?

2. L'honorable ministre a-t-il vérifié, au vu du rôle essentiel des institutions financières en tant que premier relais de l'information, si les banques et autres institutions financières ont pris des mesures au niveau de leur personnel et de l'adaptation de leurs systèmes de contrôle afin que le contrôle sur le blanchiment qui doit avoir lieu dans chaque institution puisse être exécuté correctement malgré l'augmentation attendue de transactions au cours des quatre premières semaines de l'introduction de l'euro ? Dans l'affirmative, l'honorable ministre peut-il donner quelques exemples d'adaptation des systèmes de contrôle et dire approximativement combien de personnes supplémentaires dans ces institutions ont été affectées à cette tâche ?

3. D'après la Nederlandse Bank NV quelque 14 milliards de florins échappent aux flux financiers réguliers. Il est admis qu'une large part de ce montant concerne des patrimoines liés à des activités criminelles. De plus la Nederlandse Bank NV admet que les criminels néerlandais placent aussi des fonds dans d'autres devises européennes qui devront demain être converties elles aussi en euros. À combien l'honorable ministre estime-t-il ces fonds en Belgique ?

4. Y a-t-il, dans le cadre d'une approche intégrale du blanchiment lors de l'introduction de l'euro, une concertation entre les différents parquets concernés, la Cellule de traitement des informations financières, la police fédérale et les unités de recherche concernées ? Dans l'affirmative, quand ont-elles eu lieu, quels en ont été les résultats et quel est le suivi prévu ?

5. A-t-on également créé, dans le cadre de cette approche globale du blanchiment lors de l'introduction de l'euro, une instance nationale (comparable à l'équipe HARM nationale temporaire aux Pays-Bas) qui s'occupe exhaustivement de cette problématique et qui assure la coordination nécessaire à cet égard (à titre de précision : je ne parle pas ici de la Cellule de traitement des informations financières étant donné qu'elle est comparable en termes de mission et de compétences à son pendant néerlandais, le MOT, qui n'est associé que de manière subsidiaire à l'équipe HARM) ? Cette instance dispose-t-elle d'antennes régionales comme aux Pays-Bas ?

6. Dans l'affirmative quels sont ses objectifs et quels sont les instruments dont elle dispose ? Compte tenu du fait qu'il s'est avéré dans la pratique que les transactions en matière de change par exemple sont déjà annoncées alors que les transactions de drogue qui les précèdent doivent encore avoir lieu, cette instance nationale dispose-t-elle de son propre pilier opérationnel qui serait constitué d'une équipe d'observation propre, de ses propres enquêteurs ayant une expérience dans ce domaine particulier et d'un magistrat national comme aux Pays-Bas ? Quel est le budget total affecté à cette instance ?

7. Dans la négative, l'honorable ministre peut-il expliquer pourquoi ?

8. Compte tenu du rôle essentiel du volet information à la justice de la Cellule de traitement des informations financières et compte tenu de l'afflux énorme d'informations émanant des instances financières auquel on peut s'attendre, certainement au cours des premières semaines de la mise en circulation de l'euro, l'honorable ministre a-t-il prévu une extension du personnel de la Cellule de traitement des informations financières ? Dans l'affirmative, de combien de personnes s'agit-il et quelle est leur expérience utile en la matière ? Dans la négative, l'honorable ministre peut-il expliquer pourquoi ?

9. Quel est le délai entre l'annonce d'une transaction présumée et la clôture d'un PV ?

10. Que pense l'honorable ministre de la tactique HARM appliquée aux Pays-Bas ? Va-t-on également utiliser cette tactique d'enquête en Belgique ?