2-816/1

2-816/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2000-2001

29 JUIN 2001


Proposition de loi modifiant les articles 36 et 38 de la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres en ce qui concerne l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence

(Déposée par M. Jean-Pierre Malmendier)


DÉVELOPPEMENTS


Des événements criminels dramatiques ont secoué notre pays au cours de ces dernières années (tueries du Brabant, enlèvements et assassinats d'enfants ...). Ces circonstances douloureuses ont mis en évidence que, dans notre système judiciaire pénal, la situation des victimes était, de manière générale, assez désavantagée. Leur place dans le procès pénal était relativement négligée.

Les réflexions qui se sont organisées autour de ce constat ont conduit à diverses réformes de la procédure pénale destinées à resituer les victimes d'actes de violence au centre du débat judiciaire, au même titre que les auteurs des actes incriminés. Victimes et auteurs de délits sont désormais traités de manière plus égale dans le cadre du procès pénal.

Ces réformes en matière de procédure pénale (nous pensons à la « loi Franchimont ») ou en matière d'accueil des personnes lésées ont jeté les prémices d'un statut de la victime.

Il faut poursuivre et amplifier le mécanisme ainsi enclenché pour en arriver à l'élaboration d'un véritable droit de la victime.

La présente proposition entend oeuvrer en ce sens. Sa préoccupation va au-delà des aspects procéduraux rencontrés jusqu'à présent et vise à faire en sorte qu'une première indemnisation puisse être accordée aux victimes d'actes de violence de manière aussi rapide que possible.

La loi du 1er août 1985, qui a créé la commission pour l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence, s'efforce d'accorder à celles-ci la réparation de leur préjudice lorsqu'elles se trouvent en présence d'auteurs de délits insolvables. De la sorte, les pertes de revenus, le dommage moral, le prix de la souffrance physique ou psychique pourront être indemnisés en tout état de cause, mais à la fin du procès pénal et après constatation de l'insolvabilité du débiteur.

Toutefois, s'il est important de veiller à indemniser les pertes de revenus éventuels, il nous semble plus urgent et plus essentiel encore de faire en sorte que la victime, avant même de pouvoir récupérer la moindre indemnisation, n'ait pas en outre à débourser des frais importants nécessités par l'acte de violence. C'est pourtant ce qui se passe en pratique puisque la victime doit faire face aux dépenses engendrées par les soins nécessités par les sévices subis (corporels ou psychiques).

Pour obvier à cette situation, nous proposons de modifier les dispositions de la loi du 1er août 1985 relatives à l'aide d'urgence.

Le système proposé repose sur trois principes :

1º il faut faire en sorte que le remboursement des frais d'hospitalisation soit assuré de manière urgente et par priorité. Dans le système actuel de l'article 36 de la loi, le caractère d'urgence de l'aide demandée dépend de l'appréciation portée par la commission sur le fait que « tout retard dans l'octroi de l'aide pourrait causer au requérant un préjudice important ». Le texte en projet organise dès lors une présomption d'urgence lorsqu'il s'agit des frais médicaux et d'hospitalisation, tels qu'ils sont visés à l'article 32, § 1er, 4º, de la loi;

2º il s'indique également de veiller à ce que la prise en charge des frais médicaux et d'hospitalisation par la commission pour l'aide aux victimes d'actes intentionnels de violence soit automatique et complète. Le caractère d'automaticité est assuré par la proposition en supprimant le pouvoir d'appréciation reconnu à la commission par l'article 33 de la loi selon lequel l'aide est fixée « en équité », en tenant compte notamment de la situation financière du requérant ou son comportement lors de la survenance du dommage. Le but de la proposition est, rappelons-le, d'initier un véritable « droit de la victime ». Au même titre qu'il existe un véritable droit de l'enfant à bénéficier d'allocations familiales, un véritable droit du travailleur à bénéficier d'allocations de chômage sans que l'on prenne en considération l'état de fortune des parents ou du travailleur sans emploi, il doit exister un véritable droit de la victime, à voir pris en charge par le pouvoir public le coût des soins médicaux engendrés par l'acte de violence.

En outre, cette prise en charge ne doit pas être limitée à la somme de 300 000 francs constituant actuellement la limite de l'aide d'urgence qui peut être accordée, mais s'étendre au coût réel des prestations médicales et d'hospitalisation. Bien entendu, il s'agit d'une prise en charge des seuls frais portés en compte à la victime elle-même au-delà des interventions ordinaires de la sécurité sociale; à cet égard, il n'est nullement dérogé au principe énoncé par l'article 31, § 1er, 1;

3º enfin, dans la mesure où la prise en charge par la commission des frais médicaux et d'hospitalisation est rendue automatique, et que le pouvoir d'appréciation de la commission sur le comportement de la victime est écarté, il s'indique d'accorder une garantie en faveur de l'État. La proposition autorise dès lors l'État à exiger le remboursement total ou partiel de l'aide d'urgence accordée relativement aux frais médicaux et d'hospitalisation s'il était établi, par une décision de justice coulée en force de chose jugée, que la victime elle-même porte une part de responsabilités dans la survenance de son dommage. Il n'est, en effet, pas question d'accorder à la victime un avantage allant au-delà de ce qu'elle serait en droit d'obtenir dans le cadre de la procédure judiciaire menée contre l'auteur de l'acte de violence.

Nous espérons et nous pensons que cette proposition sera de nature à mieux prendre en compte, à l'avenir, la situation matérielle toujours difficile et parfois catastrophique dont la vie entière, sur le plan social ou affectif, reste de toute façon toujours irrémédiablement compromise par le seul fait du malheureux hasard qui a fait croiser leurs destinées avec celles de voyoux ou de malfrats sans scrupule.

Jean-Pierre MALMENDIER.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

À l'article 36 de la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres sont apportées les modifications suivantes :

1º les 4 premiers alinéas qui formeront le § 1er, sont complétés par un § 2, libellé comme suit :

« § 2. Lorsqu'il s'agit des frais visés à l'article 32, 4º, l'urgence est toujours présumée. L'article 33 n'est pas d'application lorsque la commission se prononce sur la demande de prise en charge des frais visés à l'alinéa précédent. Le montant réel des frais est pris en compte par la commission, sans application de la limite prévue au dernier alinéa du § 1er. »

2º le dernier alinéa devient le § 3.

Art. 3

L'article 38 de la même loi est complété par un § 4, libellé comme suit :

« § 4. L'État peut également exiger le remboursement total ou partiel de l'aide d'urgence visée à l'article 36, § 2, dans la même mesure où une décision de justice coulée en force de chose jugée met tout ou partie de la responsabilité à charge de la vicitime. »

Jean-Pierre MALMENDIER.